Antimatière

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L'antimatière est l'ensemble des particules identiques aux particules constituant la matière, mais de charge opposée.

Le préfixe « anti- » signifie que l'antimatière est l'opposée de la matière.

A l'origine, la matière et l'antimatière jouant des rôles tout à fait symétriques dans l'Univers, que l'une soit appelée matière et l'autre antimatière n'est qu'une question d'anthropomorphisme: nous appellons matière les particules qui nous constituent, antimatière celles qui ont les charges opposées.

L'antimatière n'a été imaginée que quand[1] Paul Dirac a écrit l'équation portant son nom. Mais on sait que lors des premiers instants de l'Univers, à l'époque du Big Bang, la matière et l'antimatière étaient présentes en quantités égales, s'annihilant et se reformant en permanence.

L'univers dans lequel nous vivons est formé presque exclusivement de matière. Les antiparticules ne sont présentes que de manière infinitésimale dans les rayons cosmiques (dont l'observation a permis de vérifier les prédictions de Dirac[2]). Des quantités tout aussi infinitésimales d'antimatière ont été créées dans des laboratoires.

Sommaire

[modifier] La réaction matière-antimatière

Le préfixe prend un autre sens si on tient compte du fait que la matière et l'antimatière s'annihilent mutuellement (quoique ce pouvoir d'annihilation ne concerne pas beaucoup de matière en comparaison du pouvoir de destruction, comme nous allons le voir). En effet, si une particule de matière entre en contact avec la particule d'antimatière correspondante (son antiparticule) les deux particules sont annihilées, ou si l'on préfère converties en énergie (suivant la formule E=mc²). De même, il est possible de former une antiparticule en même temps que la particule équivalente en fournissant la même quantité d'énergie. Il s'agit de la seule réaction qui transforme l'intégralité de la masse en énergie. L'antimatière pourrait en théorie être employée comme moyen de stockage d'énergie, mais pour l'instant l'énergie à employer pour créer un antiproton est égale à 108 fois l'énergie récupérée[réf. nécessaire].
Mais en aucun cas on ne pourrait s'en servir comme source d'énergie, car il n'y a pas de gisements d'antimatière, contrairement au pétrole et à l'uranium, pas plus qu'elle n'est disponible comme une énergie renouvelable.

Cet aspect de l'antimatière a été particulièrement médiatisé, par exemple en soulignant que quelques grammes d'antimatière pourraient remplacer une arme nucléaire de forte puissance, ou comme moyen de propulsion pour des vaisseaux spatiaux. Ces deux aspects ont été bien plus médiatisés par la science-fiction que par la vulgarisation scientifique (en particulier Star Trek et Anges et démons). Du point de vue de la physique, l'utilisation est correcte, mais imaginer qu'on pourrait avec les technologies actuelles en fabriquer est tout à fait farfelu[3].

Beaucoup de technologies de science-fiction transforment l'antimatière à un coût énergétique moindre que celui produit par la réaction Antimatière/Matière résultante. En plus de violer la première loi de la Thermodynamique, ces technologies ouvrent la possibilité de créer le mouvement perpétuel, une machine qui produirait littéralement de l'énergie à partir de rien (même si ces conséquences sont rarement voulues par l'auteur de science fiction en question).

[modifier] La symétrie CPT

Une hypothèse avancée par les scientifiques est l’existence d’une asymétrie entre la matière et l’antimatière. Cette asymétrie serait à l’origine de l’absence d’antimatière dans l’univers. En effet, supposons que la matière et l’antimatière soient parfaitement symétriques, étant en quantités égales après le Big-bang, toute la matière et l’antimatière se seraient annihilées. Or notre existence montre qu’il existe encore de la matière, il n’y a donc pas de symétrie complète. Cette asymétrie est révélée par une légère différence entre les interactions d’une particule de matière et d’une antiparticule. Cette dissymétrie est expliquée par la « brisure de symétrie CP » découverte en 1967 par Andreï Sakharov.

Andreï Sakharov a déterminé trois conditions suffisantes pour expliquer le passage d'un univers constitué à égalité de matière et d'antimatière à un univers constitué exclusivement de matière :

  • qu'il y ait des différences entre les lois régissant l'évolution de la matière et celles de l'antimatière.
  • qu'il existe un processus violant la conservation du nombre baryonique.
  • qu'il y ait rupture de l'équilibre thermique.

La première condition est remplie par la violation de la symétrie CP.

[modifier] « Victoire » de la matière par violation de CP

Les kaons neutres sont des particules qui se transforment spontanément en leurs propres antiparticules, et ceci dans les deux sens. Mais il existe une asymétrie dans cette transformation, y compris vis-à-vis de la symétrie CP : la transformation d'un kaon en antikaon est légèrement plus lente que l'inverse. Le nombre de kaons présents tend donc à être supérieur à celui d'antikaons à un instant donné.

Cette asymétrie peut expliquer que l'antimatière se soit retrouvée en infime minorité face à la matière (un milliard et un contre un milliard), et l'annihilation mutuelle conduit alors à ne laisser que de la matière, en quantité infime par rapport à la quantité présente avant annihilation.

[modifier] L'antimatière serait au-delà de notre champ de vision

Icône de détail Article détaillé : Horizon cosmologique.

Nous ne voyons en effet qu'une toute petite partie de l'Univers parce que les plus grands télescopes possèdent une limite et que l'antimatière peut très bien se trouver au delà de notre champ de vision.

De surcroît, plus on regarde loin, plus on voit dans le passé.

Or, l'Univers ayant environ 13,7 milliards d'années. Par conséquent il ne nous est possible de voir que les objets dont la lumière aura voyagé pendant moins de 13,7 milliards d'années (ce qui situe la limite de l'univers observable à une distace spatiale, non pas de 13,7 milliards d'années-lumière, mais de 43 milliards d'années-lumière, à cause de l'expansion).[réf. nécessaire]

L'antimatière peut se trouver au-delà de cet "horizon" visible.

Par ailleurs, on observe actuellement aux frontières de l'univers observable des éléments de la taille d'une galaxie, mais illuminant l'espace avec l'intensité de milliards de galaxies.

Selon certaines hypothèses, ces objets célestes pourraient être des régions où matière et antimatière se rencontreraient et se concentreraient, sous l'attraction gravitationnelle, en une sorte de galaxie mixte où les rencontres entre matière et antimatière seraient très nombreuses, d'où leur incroyable luminosité.

[modifier] Un anti-univers

L'antimatière pourrait aussi avoir été projetée, lors de la création de l'Univers, dans un univers parallèle, composé alors uniquement d'antimatière. Cet univers parallèle serait alors appelé "anti-univers".[4]

[modifier] L'antimatière en pratique

[modifier] État de la recherche

La recherche sur la production et le stockage de l'antimatière s'améliore rapidement au cours du temps, ainsi aujourd'hui on est capable de créer de l'antimatière, en utilisant notamment les accélérateurs de particules. Les accélérateurs de particules, en projetant des particules l'une contre l'autre, entrainent la formation d'antiprotons et de positrons. Il est désormais possible de les isoler des autres particules via une méthode complexe, puis de les piéger dans un champ magnétique sous vide. Des chercheurs ont déjà stocké ainsi des millions d'antiparticules dans des réservoirs pendant une semaine. La difficulté du stockage semble a priori réglée, le temps de stockage s'améliorant de plus en plus ainsi que la capacité.

[modifier] Perspectives

Avec une « usine à antimatière » utilisant les technologies actuelles, construite exclusivement afin d'en produire (contrairement aux accélérateurs de particules, dont ce n'est pas le but premier), la quantité d'antimatière produite pourrait augmenter considérablement. Seulement les quantités resteraient encore dérisoires, et vu le coût énergétique de la production, il est impensable de voir prochainement l'antimatière comme un moyen de stockage industriel de l'énergie. Cependant les quantités produites, accumulées pendant plusieurs mois ou années permettraient de disposer de suffisamment d'antimatière pour faire des voyages spatiaux. En effet le poids du carburant est déterminant dans le domaine spatial car il alourdit le vaisseau. Les recherches de la NASA prédisent qu'il serait possible de disposer de 10 µg d'antimatière, suffisant pour un voyage Terre-Mars, pour 250 millions de dollars « seulement » [réf. nécessaire].

Dans le domaine médical, l'antimatière permettrait d'irradier quatre fois plus de cellules cancéreuses avec moins de séquelles sur les tissus sains, parfois abîmés actuellement par les rayonnements utilisés. Le PET-Scan (Positron Electron Tomography) utilise d'ores et déjà les propriétés d'interaction positron-électron dans un but diagnostique.

Dans le domaine militaire, la quantité d'antimatière ne permettrait pas, une fois encore, de faire des bombes, mais elle pourrait servir de détonateur à une réaction de fusion thermonucléaire. Cela permettrait de se débarrasser du détonateur de la bombe H, qui est une bombe A (réaction de fission de matériaux lourds de type uranium).

Ainsi les 5 kg de plutonium nécessaires à une réaction en chaine de fission ne seraient plus indispensables et seraient remplacés par quelques µg d'antimatière. La taille des bombes serait ainsi facilement réduite, ce qui permettrait leur utilisation dans les guerres conventionnelles. De plus, les retombées radioactives sans la bombe A, seraient insignifiantes.

[modifier] Historique

[modifier] Bibliographie

  • Maurice Duquesne -"Matière et l'Antimatière", 1960 (PUF)
  • Robert L Forward & Joel Davis -"Les mystères de l'antimatière", 1982, (Editions du Rocher)
  • Gabriel Chardin - "L'Antimatière : La matière qui remonte le temps", 2006 (Editions le Pommier)

[modifier] Notes et références de l'article

  1. L'antimatière a été prédite en 1931 par Paul Dirac
  2. Présentation de l'institut de recherche en rayons cosmiques de Tokyo ((ja)+(en)Welcome to the Institute for Cosmic Ray Research (これからの宇宙線研究を考える上での2 つの大きな柱))
  3. Microsoft PowerPoint - nepal-antimatiere-ct.ppt
  4. Microsoft PowerPoint - 040921 Antimatière SAF
  5. Histoire de l'Astronomie de Charles-Albert Reichen, 1964 (Le cercle du Bibliophile et ENI) coll. Erik Nitsche
  6. (en) Massam, T., et al., « Experimental observation of antideuteron production », dans Il Nuovo Cimento, 1965, 39, p. 10–14
  7. (en) Dorfan, D. E., et al., « Observation of Antideuterons », dans Phys. Rev. Lett., juin 1965, 14 (24), p. 1003-1006 [texte intégral]

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

[modifier] Liens et documents externes

  • Pour la Science, Dossier Les symétries de la nature, N°20, Juillet 1998 : Traite de l'asymétrie cosmique entre la matière et l'antimatière, Site de Pour la Science