André Suarès

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André Suarès, poète et écrivain français né à Marseille en 1868 et mort à Saint-Maur-des-Fossés (Seine) en 1948.

Gabriel Bounoure l'a défini comme « le grand témoin de la grande crise de sa génération, quand on ne pouvait même pas croire à la vie, sauf sous cette forme sublime qu'on appelle art. »

Sommaire

[modifier] Jeunesse

Né à Marseille, d'un père juif et d'une mère catholique, Suarès perd sa mère à sept ans avant de voir son père sombrer dans une longue agonie. Lycéen aux qualités précoces, il obtient, à seize ans, le premier prix du Concours général de français ; il est alors remarqué par Anatole France, qui lui consacre une chronique dans son feuilleton du Temps.

Reçu troisième à l'École normale supérieure, il devient, rue d'Ulm, le compagnon de thurne de Romain Rolland. Il échoue trois ans plus tard à l'agrégation d'histoire. Ruiné, sans ressources après la mort de son père, il vit en reclus à Marseille jusqu'en 1895.

Il surmonte ce naufrage grâce à la sollicitude de son frère Jean, officier de marine, qui meurt accidentellement en 1903, de sa soeur Esther, de ses oncles maternels, les Cohen, et de Maurice Pottecher, fondateur du Théâtre du Peuple. Il entre alors dans une intense période de création et ne cesse de publier, en tout genre, parfois grâce à l'appui de mécènes fidèles, dont la comtesse Thérèse Murat, l'industriel Edouard Latil et le patron de la Samaritaine, Gabriel Cognacq.

[modifier] Voyage du Condottière

En 1893, André Suarès fait à pied un voyage en Italie, dont il tire la matière du Voyage du condottière, contenant entre autres, les descriptions de Venise, de Florence, de Sienne, mais aussi de Gênes ou de Sansepolcro, mais encore d'artistes comme Giotto, Dante, Piero della Francesca, Fra Angelico, Leonard de Vinci, Luca Signorelli, Botticelli, Michel-Ange, Véronèse, Monteverdi ou Titien. De ce maître livre, Jean d'Ormesson a pu écrire : « Pour le voyageur qui veut connaître de l'Italie, de son art, de son âme, autre chose que l'apparence la plus superficielle, le Voyage du condottière sera un guide incomparable. De Bâle et Milan, à Venise à Florence, à Sienne, en passant par toutes les petites villes de l'Italie du Nord, pleines de chefs-d'œuvre, de souvenirs et de couleurs, Suarès nous entraîne avec un bonheur un peu rude où la profondeur se mêle au brillant et à la subtilité. De tous, des artistes comme des villes, il parle avec violence et parfois avec injustice, toujours sans fadeur et sans le moindre lieu commun. »

[modifier] Un des fondateurs de la NRF

Il est, à partir de 1912, l’un des quatre animateurs de La Nouvelle Revue française (NRF), avec André Gide, Paul Claudel et Paul Valéry. Dans son Journal, en décembre 1944, André Gide écrit : « Valéry, Claudel, Suarès et moi, tous quatre piliers de La Nouvelle Revue française ; tous quatre peu férus de « succès », ayant en grande horreur battage et réclame et chacun soucieux de ne devoir qu'à sa propre valeur les lauriers. »

Il collabore à La Nouvelle Revue française à deux reprises : de 1912 à 1914, puis de 1926 à 1940. Jean Paulhan fut l'artisan de son retour au sein de la revue, d'où il avait été « banni » par Jacques Rivière, avec lequel il entretenait des rapports difficiles. (Celui-ci l'avait pourtant défini comme étant l'un des cinq plus grands écrivains du début du XXe siècle, avec André Gide, Paul Claudel, Charles Péguy et Charles-Louis Philippe.)

Dans les années 1920, il devient, avant André Breton et Louis Aragon, un des conseillers de Jacques Doucet qu’il assiste dans la confection de sa bibliothèque.

Esprit libre qui débat de philosophie, religion, science, politique, peinture - nourri de culture grecque, découvreur de talents et résolument tourné vers l'avenir -, en 1935, André Suarès reçoit le grand prix de la Société des gens de lettres, puis obtient le grand prix de littérature de l'Académie française.

Poursuivi par la gestapo et la milice, caché par Pierre de Massot, il ne réapparaît qu'en 1945.

[modifier] Perpsectives

Quatre-vingts livres édités de son vivant et une trentaine d’œuvres posthumes : son œuvre est une énorme nébuleuse d’où émergent des recueils de poèmes - Airs, Bouclier du Zodiaque, Rêves de l'ombre - , des biographies ou des études consacrées à Tolstoï, Dostoievski, Villon, Ibsen, Pascal, Molière, Mallarmé, Péguy, Stendhal, Baudelaire, Rimbaud, Cervantès, Shakespeare, Goethe ou Napoléon, des récits de voyages, tels Voyage du Condottière, des portraits de villes, tels Marsiho ou Cité, nef de Paris, des études sur les grands musiciens, tels Bach, Beethoven, Wagner ou Debussy, des tragédies inspirées de l’antique, La Tragédie d'Elektre ou Hélène chez Archimède, des pensées et des aphorismes comme Voici l'Homme, Sur la vie, Remarques,Variables,Valeurs, des pamphlets où il prend la défense du capitaine Alfred Dreyfus, combat l’impérialisme prussien et dénonce, dès 1933, les dangers mortels du nazisme dans Vues sur l'Europe.

À sa mort, André Suarès laisse 20 000 pages inédites et un manuscrit inachevé dans lequel se dessine l’unité de son œuvre, Le Paraclet.

Poète en tous écrits, prophète par vocation, André Suarès n'a cessé de chercher la réalisation intérieure. Écartelé entre le désir d'accomplir son moi et le souci d'intervenir dans les affaires du monde, il a mené une quête fervente de la grandeur. Condottière de la beauté, il a aimé l'Europe dans la diversité de ses génies. Son écriture, brûlant d'un feu souterrain, manifeste une exubérance maîtrisée. Dans ses derniers livres, il pratique une esthétique du discontinu d'une étonnante modernité.

Gaétan Picon écrit de lui : « Parmi les plus belles pages de ce demi-siècle, il faut compter celles que sa ferveur dédie aux plages et à la mer bretonnes, aux villes d'Italie traversées par le condottière, au ciel changeant d'Île-de-France, et à tous les génies fraternels. »

[modifier] Réception

Roger Nimier a dit de lui dans L'élève d'Aristote, (Gallimard 1981, page 220) : « Suarès mourut misérable et oublié, après avoir écrit sur Retz, sur Tolstoï, sur Napoléon, d'une manière incomparable, qui prouve une respiration égale à celle du génie. »

Pourfendeur de toutes les dictatures, visionnaire, insurgé, André Suarès est l'un des écrivains les plus secrets de la littérature française. Henri Bergson, Charles Péguy, Jacques Copeau, Paul Léautaud, Marcel Jouhandeau, Stefan Zweig ou Miguel de Unamuno le considéraient comme un de leurs pairs.

Il eut également des liens profonds avec certains des artistes majeurs de son temps comme Antoine Bourdelle, Georges Rouault, Gabriel Fauré, Henri Matisse, Paul Dukas, Louis Jouvet, Erik Satie et Pablo Picasso.

Il eut enfin une ascendance reconnue sur des écrivains plus jeunes comme Alain-Fournier, André Malraux, Henry de Montherlant, Maurice Blanchot, Gabriel Bounoure, Jean de Bosschère, Gilbert Lely, Louis-René des Forêts, voire Yves Bonnefoy, Jude Stefan, Marc-Edouard Nabe ou Pierre Michon.

[modifier] Œuvres

[modifier] Littérature

  • Lettres d’un solitaire sur les maux du Temps
  • Wagner (1899)
  • Images de la grandeur (1901)
  • Sur la mort de mon frère (1904)
  • Trois Hommes : Pascal, Ibsen, Dostoïevski (1913)
  • Poète tragique (1921)
  • Goethe le grand Européen (1932)
  • Le Voyage du Condottiere (1932)
  • Trois Grands Vivants, Cervantès, Tolstoï, Baudelaire (1937).
  • Le Paraclet, posthume
  • Vues sur Napoléon
  • Marsiho
  • Cité, nef de Paris

[modifier] Poésie

  • Éloge d’Homère par Ronsard (1886)
  • Airs (1900)
  • Bouclier du zodiaque
  • Rêves de l’ombre (1937)
  • Antiennes du Paraclet (1946).

[modifier] Théâtre

  • Les Pèlerins d’Emmaüs 1893
  • La Tragédie d’Électre et Oreste (1905)
  • Cressida (1913)
  • Hélène chez Archimède

[modifier] Essais

  • Voici l’homme, 1906
  • Sur la vie
  • Idées et Visions (1897-1923)
  • Variables, 1929
  • Vues sur l’Europe (1933)
  • Valeurs, 1936
  • Remarques

[modifier] Correspondance

  • Correspondance avec Paul Claudel (1951)
  • Correspondance avec Romain Rolland (1954)
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