André Pichot

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André Pichot est chercheur au CNRS en épistémologie et histoire des sciences.

Il est surtout connu, à la fin des années 1990, pour ses écrits critiques en rapport avec la génétique, en particulier l'influence que la biologie moderne a eu sur des idéologies favorisant l'eugénisme.

Sommaire

[modifier] Histoire des sciences

En histoire des sciences, Pichot, dans son Histoire de la notion de vie, passe en revue les théories sur la vie qui se sont succédé depuis l'Antiquité jusqu'à l'aube de la biologie moderne. À l'aide de nombreuses citations, il essaye de restituer la signification de ces théories dans le contexte des connaissances et des idées ayant cours à l'époque de leur formulation.

Pour la période moderne, il analyse plus particulièrement les théories de Lamarck, Claude Bernard, Darwin et des fondateurs du darwinisme (que, selon lui, il faudrait appeler weismannisme, du nom de celui qu'il considère être comme son principal théoricien August Weismann). Pichot s'emploie à réévaluer les rôles de Lamarck et de Charles Darwin. Ainsi, selon lui, c'est Darwin et non Lamarck qui a élaboré une théorie de la transmission des caractères acquis et c'est Lamarck et non Darwin qui a construit une véritable théorie de l'évolution, Darwin cherchant en fait à établir seulement le mécanisme par lequel les espèces se différencient, d'où selon Pichot le titre de l'ouvrage de Darwin De l'origine des espèces par les moyens de la sélection naturelle, ou la préservation des espèces favorisées dans le combat pour la vie. [1]

Pichot se montre très critique vis-à-vis de l'histoire de la biologie, mais aussi et surtout dela manière dont elle est encore enseignée et transmise au grand public aujourd'hui. Il dénonce, dans ses ouvrages, ce qu'il considère être comme les omissions, les erreurs, voire les falsifications des biologistes et des historiens actuels, comme les prises de positions « ambiguës » de certains scientifiques sur le racisme, l'eugénisme ou encore les manipulations génétiques [2].

Selon lui la biologie moderne est dans une impasse théorique qu'elle masque à l'aide d'opérations médiatiques et de débauche technologique [3] (Téléthon, annonces fracassantes de thérapies miracles, séquençage du génome humain, etc.)

La domination du néo-darwinisme et de la biologie moléculaire (deux "dogmes" selon certains biologistes, et notamment Francis Crick) aurait, selon Pichot, stérilisé presque toute tentative de penser le vivant autrement que comme une machine. L'analogie mécaniste remonte au XVIIe siècle et n'était alors qu'une métaphore commode, faite faute de mieux ; aujourd'hui selon lui la machine serai devenue le modèle exclusif par lequel les scientifiques tentent d'appréhender le vivant[réf. nécessaire]. Or une telle conception du vivant fait l'objet de vives critiques[4]. Selon Pichot il ne sortira rien de la biologie moderne [5].

André Pichot a défendu ses positions dans le journal Le Monde ou la revue Esprit (cf. Bibliographie ci-dessous), et s'est présenté comme témoin en faveur de René Riesel à Montpellier en 2001 lors du procès intenté par le CIRAD contre les personnes ayant saccagé un laboratoire de recherche public travaillant sur un riz transgénique.

[modifier] "Le rôle peu reluisant de la biologie" selon André Pichot

Dans son livre La société Pure, de Darwin à Hitler, il considère que l'eugénisme et le "darwinisme social" étaient partagés par l'ensemble des biologistes avant la Seconde Guerre mondiale, et ont poussé certains pays occidentaux à adopter des législations eugéniques (notamment les États-Unis et en Scandinavie)[réf. nécessaire].

Comme l'application de théories eugéniste impliqua l'euthanasie de centaines de milliers de personnes pendant le IIIe Reich, ces scientifiques, selon André Pichot, se seraient surtout employé après la guerre à faire oublier leur contribution à ces évènements. En effet Pichot considère que sous l'impulsion du darwinisme, l'eugénisme et le racisme ont fait l'objet de théories scientifiques à la fin du XIXe (par exemple Ernst Haeckel) et dans la première moitié du XXe siècle.

[modifier] Bibliographie

[modifier] Livres

  • Éléments pour une théorie de la biologie, éd. Maloine, 1980.
  • La Naissance de la science, Tome I. Mésopotamie, Égypte, Tome II. Grèce présocratique, éd. Gallimard, coll. Folio/Essai n°154 et 155, 1991.
  • Petite Phénoménologie de la connaissance, éd. Aubier, 1991.
  • Histoire de la notion de vie, éd. Gallimard, coll. TEL, 1993.
  • L’Eugénisme, ou les généticiens saisis par la philanthropie, éd. Hatier, coll. Optiques, 1995.
  • Histoire de la notion de gène, éd. Flammarion, coll. Champs, 1999.
  • La Société pure : de Darwin à Hitler, éd. Flammarion, 2000 (coll. Champ, 2001).

[modifier] Articles scientifiques

  • L'Âme et la forme, article des Actes du colloque "Logos et Théorie de catastrophes" de Cerisy-la-Salle, 1982 ; éd. Patino, Genève, 1989.
  • Explication biochimique et explication biologique, 1983 (article dans L’Explication dans les sciences de la vie, CNRS éditions).
  • Ptolémée, Copernic et la biologie théorique, article du Bulletin de la Société Francophone de Biologie Théorique n°5, juillet 1984.
  • Biologie du fonctionnement et biologie de l'Évolution, physico-chimie et Histoire, article du Bulletin de la Société Francophone de Biologie Théorique n°9 (juillet 1986).
  • The strange object of biology, article de la revue Fundamenta Scientae, vol.8, n°1, 1987.
  • L'Explication historique en biologie, article des Actes du VIe séminaire de Biologie Théorique de Solignac, éd. CNRS, 1988.
  • L'Être vivant et son milieu extérieur, errance et lieu naturel, Actes du VIIIe séminaire de Biologie Théorique de Solignac, éd. CNRS, 1988.
  • Physico-chimie, biologie, information et connaissance, Actes du IXe séminaire de Biologie Théorique de Solignac, éd. CNRS, 1989.
  • Délimitation d'un système : le cas de l'être vivant, article des Actes du Congrès Européen de Systémique de Lausanne, éd. AFCET, Paris 1989.
  • De la "natura medicatrix" à l’organisme en panne, article de la revue La Recherche n°281, supp. "La santé et ses métamorphoses", novembre 1995.
  • Pichot, A. et Testart, J. Les métamorphoses de l’eugénisme. « Universalia » Encyclopedia Universalis, 1999, 99-105.
  • Sur la notion de programme génétique, article de la revue Philosophia Scientae, vol.6, n°1, 2002).

[modifier] Articles de presse

  • Hérédité et évolution (l’inné et l’acquis en biologie), article de la revue Esprit juin 1996.
  • Racisme et biologie, article du journal Le Monde du 4 octobre 1996.
  • Des biologistes et des races, article de la revue La Recherche n° 295, février 1997.
  • Dolly la clonesse, ou les dangers de l'insignifiance, article du journal Le Monde du 5 mars 1997.
  • Darwinisme, altruisme et radotage, article du journal Le Monde du 3 juillet 1998.
  • Petites devinettes pour Fukuyama, article du journal Le Monde du 22 juin 1999.
  • La génétique est une science sans objet, article de la revue Esprit, mai 2001.
  • Clonage : Frankenstein ou Pieds-Nickelés ?, article du journal Le Monde du 30 novembre 2001.
  • Qui se souvient de M. J. ?, article du journal Le Monde du 28 décembre 2002.
  • Mémoire pour rectifier les jugements du public sur la révolution biologique, article de la revue Esprit, août-septembre 2003.

[modifier] Citations

  • « Bien qu’elle nous touche de très près, la notion de vie n’a jamais été clairement définie, ni dans l’histoire des sciences ni dans celle de la philosophie. Sans doute parce qu’elle est difficile à saisir. D’elle on pourrait dire ce que saint Augustin disait du temps : "Qu’est-ce donc que la vie ? Si personne ne me le demande, je le sais ; mais si on me le demande et que je veuille l’expliquer, je ne le sais plus." »[6]
  • « Ce n’est pas à la biologie de dire le droit, ce n’est pas à elle de décider de l’ordre politico-social, que ce soit en matière de races ou de "correction génétique".
    Comme on l’a précisé, les usages sociaux de la biologie sont de deux natures différentes. Les uns, comme le pastorisme, sont essentiellement techniques, et ils sont parfaitement admissibles et même souhaitables. Les autres, comme ceux qui ont été fait de la génétique et du darwinisme, prétendent intervenir dans l’ordre politico-social lui-même, le modifier pour le faire correspondre à un prétendu ordre naturel (qui est plutôt celui de la rentabilité). Ceux-ci sont totalement inadmissibles.
    En ces matières de société et de politique, les généticiens n’ont rien à dire, c’est aux philosophes de la politique et du droit que reviennent les commentaires et les recommandations. Comme ils gardent le silence et abandonnent le terrain aux biologistes (ce qu’il ne faut surtout pas faire), je tenterai, tant bien que mal, de me substituer à eux, en avançant que, si les qualités objectives (physiques et intellectuelles) des hommes peuvent être différentes , de manière héréditaires ou de manière acquise, cela n’atteint pas les hommes dans leur être même, parce que les-dits hommes ne se réduisent pas à un ensemble de qualités objectives ; ce ne sont pas des objets, des "ressources humaines" dont on évalue la rentabilité ou la contribution au progrès. En cela, ils ne sont ni égaux ni différents, ils sont incomparables. Et c’est parce qu’ils sont incomparables qu’ils sont égaux, mais d’une égalité qui ne se fonde ni sur la mesure ni sur la comparaison, l’égalité en dignité et en droits. Les critères biologiques n’ont ici aucun intérêt. »[7]

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

[modifier] Liens et documents externes

[modifier] Notes

  1. A. Pichot, Histoire de la notion de vie
  2. Voir Des biologistes et des races ou Clonage : Frankenstein ou Pieds-Nickelés ?
  3. Voir Mémoire pour rectifier les jugements du public sur la révolution biologique
  4. voir par exemple Gérard Nissim Amzallag dans La raison malmenée, critique des idées reçues en biologie moderne (ouvrage préfacé par Pichot et qui prolonge l'analyse historique et critique de celui-ci pour la période contemporaine)
  5. (Voir Mémoire pour rectifier les jugements du public sur la révolution biologique
  6. Histoire de la notion de vie, Introduction (p.5).
  7. La Société pure, de Darwin à Hitler, (paragraphes de conclusion)
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