André Comte-Sponville

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André Comte-Sponville, né en 1952, est un philosophe français et membre du Comité consultatif national d'éthique depuis mars 2008.

Sommaire

[modifier] Biographie

Philosophe matérialiste, rationaliste et humaniste. Ancien élève de l'École normale supérieure de la rue d'Ulm (où il fut l'élève et l'ami de Louis Althusser), André Comte-Sponville fut longtemps maître de conférences à la Sorbonne (Université Paris I), dont il démissionna en 1998 pour se consacrer exclusivement à l'écriture et aux conférences qu'il donne en dehors de l'Université. Ses philosophes de prédilection sont Epicure, les stoïciens, Montaigne et Spinoza. Parmi les contemporains, il se sent proche surtout de Claude Lévi-Strauss, Marcel Conche et Clément Rosset, en Occident, Swami Prajnanpad et Krishnamurti en Orient.

Il est nommé le 4 mars 2008, par le président Nicolas Sarkozy, membre du Comité consultatif national d'éthique.

[modifier] Philosophie

Il veut renouer avec l'idéal ancien de sagesse, tout en assumant les défis de la modernité (tels qu'on les voit apparaître chez Nietzsche, Marx et Freud) : tel est l'objet principal de son « Traité du désespoir et de la béatitude ».

« Philosopher, écrit Comte-Sponville, c'est penser sa vie et vivre sa pensée »[1]. Il propose une métaphysique matérialiste, une éthique humaniste et une spiritualité sans Dieu, le tout constituant « une sagesse pour notre temps »[2].

Qu'est-ce que la sagesse, selon lui ? « Le maximum de bonheur, dans le maximum de lucidité »[3]. Le bonheur se trouve « de l'autre côté du désespoir » : là où plus rien n'est à croire (puisque tout est à connaître), ni à espérer (puisque tout est à faire, pour ce qui dépend de nous, ou à aimer, pour ce qui n'en dépend pas)[4]. C'est ce que Comte-Sponville appelle « le gai désespoir », qui n'est pas sans évoquer certaines sagesses orientales, mais qui doit sans doute davantage aux Grecs (surtout Epicure et les stoicisme) et à Spinoza. Certains le disent proche du bouddhisme[5]. D'autres, comme Michel Onfray, voient en lui « un chrétien athée »[6]. Lui se définit comme « athée fidèle »[7]. « La fidélité, c'est ce qui reste de la foi quand on l'a perdue. »[8]. Il reste de cette foi, chez lui, une morale gréco-judéo-chrétienne et une spiritualité laïque, qui débouche sur une mystique de l'immanence : « Nous sommes déjà dans le Royaume ; l'éternité, c'est maintenant »[9].

Ni optimisme, ni pessimisme chez Comte-Sponville : il s'agit de voir les choses comme elles sont, plutôt que s'illusionner à leur sujet. Fidèle à la tradition matérialiste, il dénonce les illusions ou espérances spontanées de l'homme, qui selon lui nous éloignent de la sagesse. La connaissance et l'action doivent nous guider sur le chemin de ce que les anciens nommaient ataraxie ou béatitude. Il s'agit de connaître et de vouloir, sans prendre la connaissance pour une volonté ni la volonté pour une connaissance : « comprendre la réalité de nos désirs, plutôt que prendre nos désirs pour la réalité.»[10]

D'un point de vue épistémologique, Comte-Sponville est proche du rationalisme critique de Karl Popper. Il sépare radicalement ce qu'il appelle l'ordre pratique (les valeurs) et l'ordre théorique (la connaissance). C'est ce qu'il appelle le cynisme, qui doit à Diogène (cynisme moral) autant qu'à Machiavel (cynisme politique), et à Montaigne autant qu'à Pascal. Cela débouche sur ce qu'il appelle la « distinction des ordres » : le vrai n'est pas le bien ; le bien n'est pas le vrai. Il convient d'être fidèle aux deux, mais sans les confondre[11].

Politiquement, Comte-Sponville se définit comme social-démocrate ou libéral de gauche[12]. Il ne compte pas sur l'État pour créer de la richesse, ni sur le marché pour créer de la justice[13]. Il ne se définit pas comme « intellectuel engagé » (qui soumettrait sa pensée à une cause déjà constituée par ailleurs), mais comme « philosophe citoyen» (qui participe, dans la mesure de ses compétences, au débat public)[réf. nécessaire].

Il a beaucoup écrit dans la presse grand-public (Le Monde, Libération, Le Nouvel Observateur, L'Evénement du Jeudi, L'Express, Psychologies...), mais aussi dirigé trois numéros de la Revue Internationale de Philosophie, consacrés respectivement à Montaigne (n° 181, 1992), à Pascal (n° 199, 1997) et à Alain (n° 215, 2001).

[modifier] Quatre ordres

Dans Le capitalisme est-il moral ?, qui est en fait la transcription d'une conférence, il tente de démontrer l'amoralité du capitalisme (ni moral ni immoral) en ce qu'en tant que technique (comme la météorologie, la physique...), l'économie est extérieure à toute préoccupation morale. Comte-Sponville en vient alors à définir quatre ordres, au sens pascalien du terme :

  1. l'ordre technico-[économico]-scientifique,
  2. l'ordre politico-juridique,
  3. l'ordre de la morale,
  4. l'ordre de l'éthique, de l'amour.

Il évoque la possible existence d'un cinquième ordre, celui du divin, mais n'y souscrit pas et déclare même en athée que l'on peut très bien s'en passer. Chaque ordre aurait sa cohérence propre sans pour autant fonctionner en autarcie. Il faudrait alors les distinguer tout en comprenant leur nécessité absolue de complémentarité. Ainsi le capitalisme, l'économie de marché, appartenant à l'ordre n° 1, ne saurait se préoccuper de morale, l'ordre n° 3. Toutefois, chaque ordre est directement limité par l'ordre supérieur : le droit du commerce (limitation de l'économie par le « juridico-politique »), la déontologie politique (limitation du politique par la morale) etc. Il souligne deux dangers : la barbarie,qui veut soumettre les ordres supérieurs aux ordres inférieurs, et l'angélisme, qui prétend annuler les ordres inférieurs au nom des ordres supérieurs. Cela débouche sur un appel à la responsabilité individuelle : ne comptons pas sur le marché pour être moral à notre place, ni sur la morale pour tenir lieu de politique !

[modifier] Télévision

André Comte-Sponville a souvent été invité sur les plateaux télévisés, notamment chez Michel Polac, Bernard Pivot, Guillaume Durand, Frédéric Ferney, Christine Ockrent, Patrick Poivre d'Arvor et Serge Moati.

[modifier] Bibliographie

Principaux ouvrages publiés :

  • Traité du désespoir et de la béatitude, PUF, 2 vol.(le mythe d'Icare / Vivre), rééd. en poche en un volume, coll. Quadrige ;
  • Une éducation philosophique, PUF ;
  • Pourquoi nous ne sommes pas nietzschéens (en collaboration), Grasset, rééd. Le Livre de poche ;
  • L'Amour la solitude, Albin Michel ; rééd. Le Livre de Poche
  • Valeur et vérité, PUF ;
  • Camus de l'absurde à l'amour (en collaboration avec Laurent Bove et Patrick Renou), éd. Paroles d'Aube, réed. La Renaissance du Livre ;
  • Petit Traité des grandes vertus, PUF ;
  • Impromptus, PUF ;
  • La Sagesse des modernes (avec Luc Ferry), Robert Laffont ;
  • L'Être-temps, PUF ;
  • Le Gai Désespoir, éd. Alice (Lièges) ;
  • Lucrèce, poète et philosophe, éd. La Renaissance du livre ;
  • Dictionnaire philosophique, PUF ;
  • Le capitalisme est-il moral ? Albin Michel ;
  • La Philosophie, PUF. coll « Que sais-je ? » ;
  • La Vie humaine (avec des dessins de Sylvie Thybert), éd. Hermann ;
  • Le Bonheur, désespérément, Pleins Feux, rééd. Librio, texte intégral ;
  • Présentations de la philosophie, Albin Michel ;
  • L'Esprit de l'athéisme, Albin Michel, 2006, (ISBN 9782226172730) ;
  • Le Miel et l'Absinthe, Éditions Hermann, 2008.

[modifier] Références

  1. L'amour la solitude, Albin Michel, p. 18
  2. Traité du désespoir et de la béatitude, PUF, Avant-Propos
  3. voir « Le bonheur, désespérément », éd. Pleins Feux ou Librio
  4. Le Bonheur, désespérément, Pleins Feux, rééd. Librio
  5. voir par exemple Luc Ferry, dans le livre qu'ils ont écrit ensemble, « La sagesse des Modernes »
  6. Traité d'athéologie, Grasset, 2005, p. 84
  7. L'esprit de l'athéisme", chap. 1
  8. (ibid.)
  9. « L'esprit de l'athéisme », Albin Michel, 2006, p. 217
  10. Valeur et vérité, passim
  11. voir « Valeur et vérité », PUF, 1994
  12. « Le capitalisme est-il moral ?», p. 154 à 159
  13. voir « Le capitalisme est-il moral ? », Albin Michel, 2004, rééd. Le Livre de Poche

[modifier] Liens externes

http://perso.Dromadaire.com/gauthiervanhouwe/photos.html

Conférence Toutes les cultures se valent-elles, La Sorbonne 10 Novembre 2007 (mindmap)

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