Anaglyphe

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Un anaglyphe (en grec ancien : « ciselure en relief », « bas-relief », « ouvrage sculpté », composé d’ana, « du bas vers le haut » et de glyphe, « ciselure ») est une image imprimée pour être vue en relief, à l’aide de deux filtres de couleurs différentes (lunettes 3D) disposés devant chacun des yeux de l’observateur. Ce principe est fondé sur la notion de stéréoscopie qui permet à notre cerveau d’utiliser le décalage entre nos deux yeux pour percevoir le relief.

Vue anaglyphique, présentant un relief bien perceptible (Lunettes bicolores nécessaires : le rouge à gauche !).
Vue anaglyphique, présentant un relief bien perceptible (Lunettes bicolores nécessaires : le rouge à gauche !).

Sommaire

[modifier] Historique

Le principe est décrit en 1853 par Rollman. Charles d’Almeida fait connaître ce mode de restitution du relief à l’académie des sciences de Paris. Louis Ducos Du Hauron le perfectionne, finit de le mettre au point en 1891 (il lui donne aussi ce nom). Les anaglyphes sont alors l’objet d’une importante production destinée au tourisme, à l’enseignement, aux loisirs, à la publicité… Louis Lumière adapte le procédé au cinéma en 1936, mais le procédé y reste marginal.

[modifier] Constitution d'un anaglyphe

Un anaglyphe est constitué de deux images superposées (appelées homologues) de couleurs complémentaires représentant la même scène mais vue de points légèrement décalés : le plus souvent la vue gauche en rouge et la vue droite en cyan. Ces images homologues ne sont donc pas identiques : le décalage (appelé parallaxe ou disparité) n’est pas le même pour tous les éléments de l’image ; il est d'autant plus grand, dans un sens ou dans l'autre, que les éléments sont situés loin du plan de l'image physique, par exemple imprimée, projetée sur un écran ou affichée sur l'écran d'un ordinateur ou d'un téléviseur.

[modifier] Principe de restitution du relief

La restitution du relief est donnée en plaçant un filtre de l’une de ces deux couleurs complémentaires sur un œil et un filtre de l’autre couleur sur l’autre œil : ainsi, chaque œil ne perçoit que les éléments de l'image visibles à travers le filtre correspondant.

Si deux éléments d'image gauche et droite sont vus suffisamment proches, avec un décalage seulement horizontal, le cerveau les interprètera comme représentant le même objet. Cet objet sera vu plus ou moins loin devant ou derrière le plan sur lequel l'image est physiquement formée, selon la valeur et le sens du décalage, appelé parallaxe, entre les éléments gauche et droit.

Ainsi, si le décalage est différent pour divers éléments de l’image, celui qui regarde l’image à travers des filtres aura l’impression de voir une image dont les points sont situés dans tout l'espace. On voit alors cette image en relief.

[modifier] Couleurs des images homologues

Plusieurs combinaisons de couleurs complémentaires ont été essayées : autrefois surtout magenta et vert, plus récemment rouge et cyan ou jaune et bleu, actuellement les plus répandus.

Les filtres rouge et cyan sont bien adaptés à la représentation des couleurs jaunes, ocres, vertes si c'est assez pâle (le gazon vert est assez bien rendu), mauves, pourpres, bleues, toutes les nuances de gris et de brun. Un sous-bois en automne est parfaitement rendu. Il arrive que l'image soit globalement plus claire à travers l'un des filtres, dans ce cas il vaut mieux corriger l'image, ce qui est facile avec les principaux logiciels d'images.

Des anaglyphes constitués de dessins sur fond blanc ou clair donnent des résultats inverses des mêmes dessins sur fond sombre : il faut alors retourner les lunettes pour bien les voir.

Un perfectionnement remarquable de la technique des anaglyphes est le procédé Infitec, basé sur des filtres interférentiels : chacun des filtres laisse passer trois bandes de longueurs d'onde, le filtre gauche et le filtre droit laissant passer des couleurs toutes différentes. On peut alors montrer des « anaglyphes » comportant toutes les couleurs, sans images fantômes.

[modifier] Principe de fabrication

Un anaglyphe est réalisé à partir de deux vues respectivement droite et gauche. Le principe de base est d'extraire -dans le cas d'anaglyphe rouge-cyan- la composante rouge de l'image gauche et les composantes verte et bleu (cyan = vert + bleu) de l'image droite puis de recombiner ces trois composantes en une image unique.

La plupart des logiciels de traitement d'images permettent de séparer, puis de recombiner les composantes de couleur des images : en combinant les composantes rouge de la vue de gauche, et verte et bleue de la vue de droite, on obtient un anaglyphe convenable, dans lequel les couleurs jaunes, ocres, brunes, mauves, bleues, vertes pâles sont bien restituées par des filtres rouge et cyan. Il s'agit ici du procédé de base, il existe de nombreux autres procédés plus élaborés et qui permettent de corriger les problèmes inhérents aux anaglyphes (voir le paragraphe Limites) et donc d'obtenir des meilleurs anaglyphes.

Fabrication des lunettes pour voir les anaglyphes : du carton,des ciseaux, de la colle et surtout les filtres :

Kodak Wratten N° 26 ou 29 pour le rouge et Kodak Wratten N° 44 pour le cyan.

On trouve facilement dans le commerce par Internet des lunettes pour anaglyphes à bas prix, surtout en grandes quantités, et de qualité très convenable.

Pour obtenir un seul lorgnon anaglyphique, suffisant pour bien voir en relief les galeries d'images diffusées sur Internet, on peut s'adresser au Stéréo-Club Français.

[modifier] Limites

Les points de couleurs qui doivent être visualisés comme un seul point au final ne doivent pas être trop éloignés (si possible pas plus d'un dixième de la largeur de la figure), pour empêcher que le cerveau ne sépare les images, ceci limite donc l’effet de relief que l’on peut donner à une image.

Cependant, une image anaglyphe peut être projetée sur un mur blanc : à partir d'une largeur d'image de 1,20 m, on peut restituer un espace image de deux mètres à l'infini, ce qui n'est pas possible sur l'écran d'un ordinateur.

De plus, la distance entre l’observateur et le plan de l’image anaglyphe est un paramètre qui joue de manière importante sur l’impression de relief.

[modifier] Rivalité rétinienne

Un problème peut être constaté si un élément dans la scène originale a une couleur qui se rapproche de celle d'un des filtres : cet élément sera vu comme très clair par l'oeil portant ce filtre et très sombre par l'autre oeil. Les cas les plus fréquents sont par exemple : un ciel bien bleu, une voiture rouge vif. Cela provoquera un déséquilibre entre les deux yeux qui rendra l'observation de l'anaglyphe désagréable (l'élément en question semble clignoter). Ce problème est souvent appelé « rivalité rétinienne » et peut être résolu ou atténué par un filtrage des couleurs (la dé-saturation des couleurs est l'opération la plus commune et on parlera alors d'anaglyphes en « demi-couleurs »). La solution peut être aussi d'utiliser d'autres couleurs pour les verres des lunettes : les lunettes jaunes-bleue permettront de reproduire plus fidèlement les teintes rouge et chair mais ces lunettes sont moins répandues que les classiques lunettes rouge-cyan.

Les anaglyphes donnent de bons résultats avec des images noir et blanc (avec niveaux de gris), mais ne sont pas adaptés aux images couleur. Il suffit d'ailleurs de regarder des objets aux couleurs vives à travers des lunettes anaglyphiques pour constater une forte dégradation de leur aspect.

[modifier] Fantômes

Autre problème qui découle lui de « l'universalité » du système : les anaglyphes peuvent être projetés, imprimés ou visualisés sur un écran d'ordinateur ou de télévision. Or tous ces dispositifs ne restituent pas les couleurs de la même façon et, de leur côté, les lunettes ne sont pas toutes identiques -certaines vont être plus ou moins sombres- et ne sont pas « parfaites ». La conséquence est que le filtrage n'est pas parfait, la séparation des deux images n'est pas totale et chaque oeil va voir un peu de l'image destinée à l'autre oeil. On voit alors apparaître des images parasites dites « images fantômes » qui vont diminuer le confort de vision et donc l'impact de l'image. S'il est difficile d'obtenir que tout le monde ait un écran bien réglé et des lunettes parfaites il vaut mieux éviter dans les anaglyphes des contrastes trop importants qui vont provoquer des fantômes. Un traitement des images sur ordinateur (diminution du contraste) peut là aussi atténuer les problème.

[modifier] Compression des images

Les algorithmes de compression des images numériques les plus répandus comme le JPEG ont été conçus pour compresser des photographies standard et ne donnent pas toujours satisfaction pour traiter des images anaglyphes.

Pour augmenter le taux de compression, ces algorithmes traitent séparément l'information « luminosité » et l'information « couleur » (ou chrominance) de l'image à compresser. Pour simplifier, on peut dire que la compression de l'information « couleur » s'effectue non pas pixel par pixel mais par bloc de 2 ou 4 pixels qui sont alors considérés comme ayant la même couleur. On parle de « sous-échantillonnage de la chrominance ». Or les anaglyphes reposent sur un codage précis des couleurs pour bien restituer le relief de la scène représenté. Le sous-échantillonnage de la chrominance va faire que les deux images gauche et droite vont baver l'une sur l'autre provoquant des désagréables images fantômes ayant la forme de filets argentés.

Heureusement de nombreux logiciels permettent d'enregistrer des images JPEG en désactivant le sous-échantillonnage de la chrominance, la qualité de l'image stéréo s'en trouve grandement améliorée (au prix d'une taille de fichier légèrement supérieure).

[modifier] Solutions alternatives pour un bon rendu des couleurs

Si les anaglyphes n'étant pas adapté à la restitution d'images stéréoscopiques en couleur, d'autres procédés ont été mis au point pour que chaque oeil puisse disposer d'une image couleur non altérée :

  • Les lunettes polarisantes : on utilise les propriétés de polarisation de la lumière. Deux images sont projetées sur un écran métallisé, chacun émise à travers un filtre polarisant. Les 2 axes de polarisation de la lumière font un angle de 90° l'un par rapport à l'autre. L'observateur est équipé de lunettes avec des filtres polarisants orientés de la même façon que les filtres du projecteur. Ainsi chaque oeil reçoit l'image qui lui est destinée. La lumère destinée à l'autre oeil ne traverse pas le filtre polarisant des lunettes car son orintation ne la laisse pas passer.
  • Les lunettes à cristaux liquides. Le projecteur ou le téléviseur émet alternativement à une cadence rapide, l'image destinée à l'oeil droit, puis celle destinée à l'oeil gauche. Un système électronique installé sur les lunettes et synchronisé avec l'émetteur de l'image rend opaque les lunettes alternativement du coté droit et du coté gauche, de manière à ce que chaque oeil recoive l'image qui lui est destinée.
  • les systèmes de prismes : la surface d'une photo ou de l'écran d'un téléviseur est formée par des bandes en forme de dents de scie (voire une forme plus complexe). L'image en relief est découpée en bandes destinées alternativement à l'oeil droit et à l'oeil gauche. Le système de prisme constitué par les dents de scies renvoie chaque image dans une direction différente. Ce procédé permet d'envoyer à chaque oeil l'image qui lui est destinée sans recourrir à des lunettes, mais est plus contraignant que les autres procédés au niveau du point d'observation. Il n'est pas adapté à la projection sur grand écran avec des observateurs à plusieus mètres de distance.

[modifier] Applications

Les anaglyphes ont été utilisés, dès le XIXe siècle, pour projeter des images en relief, en attribuant à chaque spectateur des lunettes à filtres colorés et en plaçant devant chacun des projecteurs le filtre correspondant. Ces projections portaient au début sur des images fixes, puis sur du cinéma dès le début du XXe siècle.

Plus tard, les anaglyphes ont été utilisés en télévision, avec peu de succès à cause des interférences entre les signaux de luminosité et ceux de couleur, dues aux normes de transmission de la télévision.

Les anaglyphes sont souvent utilisés dans la presse, notamment dans des publications scientifiques pour présenter des figures, par exemple d'anatomie, en relief. Des lunettes bicolores sont alors jointes à la publication.

Les anaglyphes sont actuellement très en vogue sur les galeries de photos en relief sur Internet, car c'est le seul moyen pratique de montrer en plein écran des images en relief sur ordinateur, sans installation spéciale.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

[modifier] Liens externes