Alexandre Yersin

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Pour les articles homonymes, voir Yersin.

Alexandre Émile Jean Yersin est un bactériologiste franco-suisse, né à Aubonne dans le Canton de Vaud le 22 septembre 1863 et mort à Nha Trang, en Indochine française le 28 février 1943. On lui doit notamment la découverte du bacille de la peste (Yersinia pestis).

Sommaire

[modifier] Sa vie

[modifier] Ses débuts

Alexandre Yersin naît le 22 septembre 1863, à Aubonne, d’une famille française des Cévennes chassée par la Révocation de l’Edit de Nantes. Son père qui se nommait également "Alexandre Yersin", intendant des poudres de la Suisse française mais également professeur de sciences naturelles aux collèges d’Aubonne et de Morges, décède malheureusement peu avant la naissance de son dernier enfant d’une hémorragie cérébrale. Sa mère élève donc ses trois enfants (Emilie, Franck et Alexandre) seule et s’installe à Morges où elle ouvre une institution pour jeunes filles. En 1882, Alexandre Yersin obtient son baccalauréat ès-lettre au Gymnase de Morges et débute des études de médecines, en 1883, à l’ancienne Académie de Lausanne qui portait les couleurs de l'organisation d'étudiants Stella et poursuit son apprentissage à Marbourg en Allemagne. Puis, en 1885, Yersin arrive en France où il continue ses études à l’Hôtel-Dieu de Paris. Là,il fait une des rencontres les plus importantes de sa vie en la personne d’Emile Roux qui va l’intégrer à l’Institut Pasteur où il participera aux séances de vaccination contre la rage et avec lequel il découvrira en 1886 la toxine diphtérique. En 1888 il passe son doctorat avec une thèse sur la tuberculose expérimentale et suit à Berlin le cours de bactériologie de Robert Koch. En 1889 Yersin devient le premier préparateur du cours de microbiologie de l’Institut Pasteur ; ce cours qui deviendra un facteur déterminant dans la recherche française à l’étranger. Par ailleurs, après de nombreuses démarches administratives, il obtient finalement la nationalité française cette même année.

[modifier] Les expéditions d’Indochine

Mais, dès 1890, Yersin éprouve le besoin de changer d’air après des mois de travail acharné sur la tuberculose et la diphtérie à l’Institut Pasteur. Il décide, pour cela, de partir dans les colonies françaises et rejoint, en septembre, l’Indochine française où il devient médecin des Messageries maritimes. En 1891, il réussit à obtenir la permission des Messageries maritimes d’explorer l’Indochine. De là, prendront naissance trois expéditions à travers la jungle d’Indochine qui était, alors, une des terres les plus sauvages et dangereuses du monde. Durant l’année 1891, Alexandre Yersin va pouvoir, à travers fleuves et forêts tropicales, apprendre tout ce qu’il désire sur la navigation et découvrir un lieu qui lui deviendra cher par la suite : Nha Trang. Cette première expédition à peine achevée, il repart, en 1892, en mission mais cette fois-ci officielle puisqu’il est mandaté pour explorer une région de l’Annam sur la côte du Mékong à la hauteur de Nha Trang. Alexandre Yersin se révèle être un excellent explorateur, par la réalisation de cartes d’une grande précision et par de nombreuses observations (populations locales, ressources économiques, etc.). A la fin de cette mission, Yersin rentre en France pour faire part de ses découvertes mais repart rapidement et prend, le 24 décembre, la bateau de Marseille à Saïgon. Là-bas, une mission scientifique lui a été confiée par l’Instruction Publique afin d’explorer la jungle et les rivières de Cochinchine; ces explorations dangereuses lui vaudront les compliments de Pasteur lui-même ,ce qui constitue, bien évidemment, un énorme honneur. Après sept mois de voyage à travers les populations indigènes, Yersin rentre à Saïgon avec un goût amer puisque cette expédition se révèle n'être que partiellement réussie. En effet, il n’a pu explorer qu’une petite partie du territoire qui lui avait été assigné. Malgré cela, il est clair qu' Yersin a apporté une grande aide à la connaissance de la topographie du pays mais également à l’anthropologie puisque, comme mentionné plus haut, il a pris l’habitude de décrire très précisément les peuplades rencontrées. En voici un court exemple : « Quoique formant pour ainsi dire une seule et même famille, les Moïs n’ont aucune espèce d’unité politique. Non seulement il n’y a pas de chef de tribu, mais on peut même dire qu’il n’y a pas de chef de village. » Bien que la rigueur avec laquelle Alexandre Yersin a exploré ces terres inconnues n’étonne personne puisqu'il appréciait la rigueur des laboratoires, tout le monde s' étonne, par contre, de sa surprenante condition physique conservée dans des climats aussi difficiles. En 1894, Yersin met fin définitivement sa carrière d’explorateur. On retiendra principalement de ses explorations la fondation de la ville de Dalat.

[modifier] La découverte du bacille de la peste

Quand une épidémie de peste originaire de Mongolie atteint en 1894 la côte sud de la Chine et notamment Hong-Kong, le Gouvernement français ainsi que l’Institut Pasteur mandatent Yersin pour y étudier les raisons de l’épidémie. Simultanément et dans le même but un groupe de chercheurs japonais s'y est rendu, dirigé par Shibasaburo Kitasato. Entre le 12 et le 15 juin, Yersin voyage à Hong-Kong et emmène avec lui un matériel très précaire qu’il a emprunté auparavant au laboratoire de Microbiologie de l’Hôpital de Saïgon. A son arrivée, il apprend qu’une équipe de savants japonais est également présente pour étudier la nature de cette maladie. Du 17 au 19 juin, Yersin réalise plusieurs autopsies sur des cadavres de pestiférés qui s’avèreront malheureusement infructueuses. Ces autopsies nécessitent des droits délivrés par l’Etat anglais et Yersin réalise bien vite que les japonais en bénéficient plus fréquemment, mais il apprendra par la suite que les japonais achetaient ces fameux droits. Il décide, alors, de se faire construire une annexe à l’Hôpital de Hong Kong pour pouvoir y travailler plus librement. Le 20 juin, Yersin isole un microbe inconnu sur des cadavres de soldats anglais alors en garnison à Hong Kong, lequel microbe s’avère être le bacille de la peste bubonique. Peu après, il parvient à communiquer la maladie à des souris et à des cochons d'Inde. Le fait que le groupe ne disposât pas d'un incubateur, à la différence de Kitasato, et qu'il eut à faire ses cultures bactériennes à la température de l'air ambiant, dans une cabane de bambou, fut en réalité une circonstance favorable car, dans des conditions de laboratoire, Yersinia pestis se développe mieux à des températures plus basses que celle du corps humain. Le 3 août, Alexandre Yersin quitte Hong Kong pour l’Indochine satisfait d’avoir pu isoler le microbe de la peste et de l’avoir envoyé en France. Il annonce alors au monde entier la découverte en collaboration avec le savant japonais Kitasato du « bacille Kitasato - Yersin » responsable de la peste. Mais, on remarque, par la suite, que Kitasato n’a, en fait, découvert qu’un streptocoque et que le microbe que Yersin a isolé le 20 juin est le réel agent de la peste. En 1899, Kitasato, en personne, avoue que c’est effectivement le « bacille de Yersin » qui cause la peste et que l’honneur de cette découverte doit revenir au seul Yersin, ce qui sera chose faite en 1970. Pour appuyer cette thèse, il faut souligner que seul le « bacille de Yersin » sera utilisé pour la confection du vaccin contre la peste. Mais bien qu’ayant réussi à isoler ce microbe responsable de millions de morts durant l’histoire, Yersin ne parviendra jamais à résoudre le problème de la transmission de la maladie du rat à l’homme. Il faudra, en effet, attendre 1898 pour voir Paul-Louis Simond établir avec certitude à Karachi que c’est la puce qui transmet le bacille par sa piqûre.

[modifier] La découverte mitigée du sérum antipesteux

En octobre 1894, Yersin entre dans une période d’activité relativement fébrile et réfléchit sérieusement à la possibilité de créer un vaccin pour prévenir la peste et un sérum pour la guérir. Les chances de réussite paraissent particulièrement bonnes car Yersin a réussi, auparavant, à immuniser des lapins ainsi que de nombreux autres animaux. Il repart, donc, pour l’Indochine et s’installe à Nha Trang en Annam, endroit qu’il avait déjà visité durant ses expéditions. Cet endroit est intéressant pour plusieurs raisons. Il offre la possibilité d’être isolé tout en restant proche de Saïgon et donc en communication avec la Chine et l’Inde, deux grands lieux de la peste. En 1895, il crée l'Institut Pasteur à Nha Trang et met en place un laboratoire et tous les équipements nécessaires à la préparation du vaccin contre la peste. L’année 1896 voit, malheureusement, une nouvelle grande épidémie de peste se déclarer en Chine, à Canton. Yersin décide alors de s'y rendre pour avoir la possibilité de faire tester son sérum antipesteux, fraîchement préparé par l’Institut Pasteur de Paris, sur des humains infectés par le microbe. Cela fait, il retourne, en août, à Nha Trang puis à Paris pour bénéficier des conseils d’Emile Roux. Par la suite, de juin 1897 à juin 1898, Alexandre Yersin sillonne l’Inde en suivant les différentes épidémies de peste afin de perfectionner son sérum qui s’avère trop peu efficace et met, de ce fait,de nombreuses vies humaines en danger. Yersin n’y parvient que partiellement et P.L. Simond vient le relayer pour tenter de faire mieux. Car, comme l'a souligné Jean-Jacques Dreifuss, dans le 24 Heures du jeudi 27 octobre 1994, « Identifier le bacille ne signifie hélas pas encore trouver le traitement de la maladie[1]».

[modifier] Nha Trang, ses élevages animaliers et ses cultures

Son laboratoire de Nha Trang s’oriente donc vers les maladies infectieuses chez les animaux, et Yersin étudie activement une autre sorte de peste, la peste bovine, pour laquelle il obtient, beaucoup plus de succès. Sans réussir, pour autant, à isoler l’agent de cette seconde peste, il réussit à préparer de grandes quantités de sérum antipestique, à ne pas confondre avec le sérum antipesteux qui soigne la peste « humaine » dite bubonique. Pour la création de ce sérum, un élevage étant nécessaire, Alexandre Yersin fait venir des vaches suisses ainsi que des poules européennes pour améliorer par de simples croisements le cheptel local. Mais tout ceci a un prix et Yersin se lance également dans la culture pour tenter de le financer. Ainsi, dès 1898, Yersin s’intéresse à la culture d’Hevea brasiliensis, autrement dit arbre à caoutchouc. Il réussit, après plusieurs essais, en 1899, à l’introduire en Indochine et cette tentative est plutôt réussie puisque ses récoltes de latex sont achetées, dès 1894, par M. Michelin en personne et que cette plante est encore à l’heure actuelle une des principales ressources du Vietnam. Yersin essaye d’autres cultures comme celle du cacao, du manioc, du palmier à huile, du cocotier ainsi que de plusieurs espèces tropicales aux vertus thérapeutiques mais ces différents essais rencontrent peu de succès et Yersin se tourne, en 1915, vers la plantation des Cinchonas pour produire la quinine qui permet de traiter le paludisme. Ces plantations lui permettent donc de subvenir à ses besoins en bétail et matériel pour développer l’agriculture indochinoise.

[modifier] Les nombreuses nominations et récompenses

Parallèlement à ses activités agricoles, Yersin reste présent dans le monde scientifique indochinois. En 1902, le Gouverneur général de l’Indochine française appelle Yersin à Hanoï afin d’y étudier le projet de création de l’Ecole de Médecine et d’en prendre la direction. Après deux ans en tant que directeur de cette institution, Yersin parvient à y être remplacé et retourne à Nha Trang où il désire poursuivre ses activités de recherche. Mais, peu après, en 1904, son laboratoire reçoit le nom d’ « Institut Pasteur de Nha Trang » et l’Institut Pasteur de Paris lui donne la responsabilité de l'Institut Pasteur de Nha Trang ainsi que de Saïgon fondé en 1890 par Albert Calmette. Yersin accepte cette responsabilité mais délègue P. Brau pour l’institut de Saïgon. A cela, on peut ajouter le fait qu’il est élu correspondant pour la section médecine et de chirurgie de l’Académie des sciences. Il exercera la charge de directeur des Instituts Pasteur d’Indochine jusqu’en 1924, année où il devient, à titre honorifique, inspecteur général des établissements de l’Institut Pasteur d’Indochine. A la suite du décès d' A. Calmette, fondateur de l’Institut Pasteur de Saïgon, et de E. Roux, fidèle pasteurien et « maître » de Yersin, le conseil d’administration de l’Institut Pasteur crée le Conseil scientifique de l’Institut Pasteur et prend pour membre, entre autre, Alexandre Yersin. Par ailleurs, il est nommé, dans les mêmes temps, directeur honoraire de l’Institut Pasteur de Paris où il doit venir chaque année pour en présider l’assemblée générale.

[modifier] Un homme vénéré

Alexandre Yersin décède le 28 février 1943 dans sa maison de Nha Trang. Le cercueil est suivi par une foule immense qui tient à rendre hommage à cet homme qui respectait les personnes âgées, soignait gratuitement les plus démunis et adorait les enfants. Il avait, en effet, toujours une friandise pour eux ou les aidait volontiers à construire des cerfs-volants. Son corps est inhumé sur une petite colline de laquelle il pouvait contempler la montagne où il avait réussi à faire pousser l’arbre à quinine. En 1943-1944 la poste de l'Indochine a émis un timbre à son effigie. Actuellement encore , il est reconnu comme le principal acteur du gigantesque développement qu’a connu l’Indochine. Mais bien qu'ayant, à son nom, une rue à Aubonne (avec plaque sur sa maison) et à Morges, une place à Paris dans le 13è arrondissement, un auditoire au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) à Lausanne et une plaque sur le Gymnase de la Cité à Lausanne, Alexandre Yersin reste "méconnu" en Suisse et en France, son pays d’adoption. En revanche, le Vietnam lui voue, de nos jours encore, une admiration sans borne. En effet, comme le prouve ce témoignage de M. Dang Anh Trai, dernier survivant à avoir travaillé avec le docteur Yersin, dans le 24 Heures du Samedi et Dimanche 7-8 juillet 1996 : « On le considérait comme un Bouddha vivant[2]». On peut également remarquer que ce pays, à l’histoire pour le moins mouvementée, possède encore deux rues aux noms d’étrangers : celles de Pasteur et de Yersin. De plus, Alexandre Yersin possède, à côté de sa tombe, un petit pagodon toujours orné de fleurs et d’encens, ce qui représente un honneur sans précédent pour un étranger.

Alexandre Yersin a donné son nom au lycée français de Đà Lạt et de Hanoi. Le Consulat Général de France à Hong Kong a également baptisé sa bourse d'excellence Alexandre Yersin .

Au Vietnam, il est surnommé Ong Nam ou Monsieur Nam.

[modifier] Un personnage d’exception

Alexandre Yersin chercha, donc, durant toute sa vie à faire avancer les choses que ce soit par l’exploration de terres inconnues, par la recherche médicale ou par la volonté de développer les techniques de l’agriculture locale. Il reste dans les mémoires comme un personnage mystérieux mais comblé et d’une extrême gentillesse. En effet qui de nous, voyant arriver un typhon, aurait accueilli les pêcheurs dans sa maison évitant ainsi de nombreuses victimes ?

[modifier] Citation

« Tu me demandes si je prends goût à la pratique médicale. Oui et non. J'ai beaucoup de plaisir à soigner ceux qui viennent me demander conseil, mais je ne voudrais pas faire de la médecine un métier, c'est-à-dire que je ne pourrais jamais demander à un malade de me payer pour des soins que j'aurais pu lui donner. Je considère la médecine comme un sacerdoce, ainsi que le pastorat. Demander de l'argent pour soigner un malade, c'est un peu lui dire la bourse ou la vie »

[modifier] Notes

  1. Francine BRUNSCHWIG, « Petite plaque pour un extraordinaire destin », in 24 Heures, Lausanne, Edipresse, 27 octobre 1994, 1 p.
  2. Marie AMSTEL, « Parcours d’un humaniste vaudois », Journal 24 Heures, Lausanne, Edipresse, 6-7 juillet 1996, 1 p.

[modifier] Bibliographie

  • Noël Bernard, Yersin : pionnier, savant, explorateur, La Colombe, 1955, 180 p
  • Bertil Galland, L’Histoire Vaudoise, 24 Heure édition, 1973, 236 p.
  • Eugène Olivier, Pestes dans les pays de Vaud, F. Rouge & Cie, 1944, 47 p.
  • Guy Saudan, La médecine à Lausanne du XVIe au XXe siècle, Le Verseau, 1991, 273 p.
  • Emile C. Bonard, « La peste et Alexandre Yersin (1863-1943) », in Revue Médicale de la Suisse romande, 1994, p. 389-391
  • Alexandre Yersin, « La peste bubonique à Hong Kong », in Revue Médicale de la Suisse romande, 1994, p. 393-395
  • Vera Koebling-Waldis, « La peste en Suisse », in Revue Médicale de la Suisse romande, 1994, p. 397-403
  • Bernardino Fantini, « Un jeune pastorien chez Koch : Yersin, 1888 », in Revue Médicale de la Suisse romande, 1994, p. 429-437
  • Jacqueline Brossolet, « Autour des lettres d’Alexandre Yersin à sa famille », in Revue Médicale de la Suisse romande, 1994, p. 445-450

[modifier] Liens externes