Alexandre Soljenitsyne

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Alexandre Issaïevitch Soljenitsyne
Naissance 11 décembre 1918
Activité Romancier
Nationalité Russie Russe
Œuvres principales L'Archipel du Goulag, La Roue rouge
Récompenses Prix Nobel de littérature (1970)

Alexandre Issaïevitch Soljenitsyne (en russe : Александр Исаевич Солженицын), né le 11 décembre 1918 à Kislovodsk (Russie), est un romancier et dissident russe, auteur de L'Archipel du Goulag.

Sommaire

[modifier] Biographie

Élève à l'école et à l'université des sciences de Rostov-sur-le-Don, il étudia la littérature et la doctrine communiste qu'il connaissait bien. Il fut lui-même condamné en 1945 à 8 ans de prison dans les camps de travail pour activité contre-révolutionnaire, après avoir entretenu une correspondance critique à l'égard des politiques staliniennes[1]. Selon Soljenitsyne, la guerre avec l’Allemagne nazie au cours de la Seconde Guerre mondiale aurait pu être évitée si le gouvernement soviétique avait trouvé un compromis avec Hitler. Soljenitsyne accusa le gouvernement soviétique et Joseph Staline d’avoir été plus responsable qu’Hitler des terribles conséquences de la guerre sur le peuple soviétique. Il fut condamné à l’époque comme traître. À sa sortie du camp en 1953, il est envoyé en exil perpétuel au Kazakhstan. Il est réhabilité en 1956 et s'installe à Riazan où il enseigne les sciences physiques.

[modifier] Auteur en URSS

C'est son ouvrage Une journée d'Ivan Denissovitch, publié en 1962 dans la revue soviétique Novi Mir, grâce à l'autorisation de Nikita Khrouchtchev en personne, qui lui acquiert une renommée internationale. Cependant, trois ans après, il lui est impossible de publier quoi que ce soit en Union des républiques socialistes soviétiques et ses romans Le Premier Cercle et Le Pavillon des Cancéreux, ainsi que le premier tome de son épopée historique La Roue rouge, paraissent en Occident où il reçoit le Prix Nobel de littérature en 1970, récompense qu'il ne pourra percevoir que quatre ans plus tard après avoir été expulsé d'URSS. Il n'a en effet pas pu se rendre à Stockholm de peur d'être déchu de sa nationalité soviétique, le gouvernement suédois ayant refusé de lui transmettre le prix à son ambassade de Moscou. Sa vie devient une conspiration permanente pour voler le droit d’écrire en dépit de la surveillance de plus en plus assidue du KGB. Une partie de ses archives est saisie chez un de ses amis en septembre 1965, et il manque d'être assassiné en août 1971 (par un « parapluie bulgare »). Une de ses plus proches collaboratrices a échappé de justesse à un étranglement et un accident de voiture. En décembre 1973, paraît à Paris (en version russe) L'Archipel du Goulag où il expose le système concentrationnaire soviétique du Goulag, qu'il a vécu de l'intérieur, et la nature totalitaire du régime staliniste. Écrit entre 1958 et 1967 sur de minuscules feuilles de papier enterrées une à une dans des jardins amis, une copie avait été envoyée en Occident pour échapper à la censure. Il décida sa publication après qu'une de ses aides fut retrouvée pendue : elle avait avoué au KGB la cachette où se trouvait un exemplaire de l’œuvre. Cette publication lui vaut d'être déchu de sa citoyenneté et d'être expulsé d’Union Soviétique en février 1974.

[modifier] Auteur en exil

Il s'installe d'abord en Suisse, puis émigre aux États-Unis. Après une période agitée d'interviews et de discours (comme le fameux discours de Harvard prononcé en 1978), aux États-Unis, Soljenitsyne fut souvent invité à d’importantes conférences. Il fut, par exemple, un intervenant au congrès du syndicat de l’AFL-CIO en 1975[réf. nécessaire]. Le 15 juillet 1975, il fut même invité à donner une conférence sur la situation mondiale au Sénat américain.

Il se retire avec sa famille dans le Vermont pour écrire l'œuvre dont il rêvait depuis sa jeunesse : La Roue rouge. Épopée historique qui retrace l'embourbement de la Russie dans la folie révolutionnaire, elle compte plusieurs milliers de pages.

[modifier] Retour en Russie

Après la chute de l'URSS, sa nationalité russe lui est restituée et l'Archipel du Goulag, publié. Via la France (inauguration du mémorial des Lucs-sur-Boulogne (Vendée) le 25 septembre 1993), il rentre alors en Russie le vendredi 27 mai 1994 où il réside depuis. Jusqu'en 1998, il conserve une activité sociale intense, a sa propre émission de télévision, voyage à travers la Russie, rencontre une multitude de personnes. La maladie a interrompu cette activité.

Aujourd'hui, Soljenitsyne vit retiré près de Moscou, au milieu de sa famille. Le Fonds Soljenitsyne aide les anciens zeks et leurs familles démunies en leur versant des pensions, en payant des médicaments. Après avoir cru qu'il jouerait un rôle décisif dans la Russie post-communiste, puis, déçus, après l'avoir déjà plus ou moins "enterré, les Russes semblent ces derniers temps s'intéresser de nouveau à sa figure et redécouvrir la valeur de ses écrits politico-sociaux. Un colloque international sur son œuvre lui a été consacré en décembre 2003 à Moscou.

Soljenitsyne prenant le train à Vladivostok (Photo de Mikhail Evstafiev)
Soljenitsyne prenant le train à Vladivostok (Photo de Mikhail Evstafiev)

Le 12 juin 2007, le président Vladimir Poutine rend hommage à Soljenitsyne en lui décernant le prestigieux Prix d'État[2].

Ami de Philippe de Villiers[3], président du conseil général de la Vendée, celui-ci a baptisé un collège d'Aizenay Collège Alexandre Soljenitsyne, inauguré par le fils de l'écrivain.

[modifier] Un intellectuel engagé

Ses conférences, tenues pendant son séjour en occident, soutenaient les positions les plus anti-communistes. Ainsi, il mena campagne pour que les États-Unis interviennent au Vietnam[réf. nécessaire]. Après 40 ans du régime de António de Oliveira Salazar puis de Marcelo Caetano au Portugal, lorsque des officiers de gauche au sein de l’armée prirent le pouvoir en 1974 et que la Révolution des œillets eut lieu, Soljenitsyne commença à mener campagne pour une intervention militaire américaine au Portugal car, pour lui, ce pays risquait de rejoindre le Pacte de Varsovie.[réf. nécessaire] Soljenitsyne regrettait aussi que l’indépendance ait été accordée aux colonies africaines du Portugal (Mozambique, Angola ...) après une guerre meurtrière entretenue en sous-main par l'Union soviétique[réf. nécessaire].

Le principal aspect des discours de Soljenitsyne fut sa guerre sans relâche contre le socialisme : insistant sur les millions de personnes exécutées en Union soviétique, notamment pendant les Grandes purges staliniennes, mais aussi sur les Américains emprisonnés et réduits en esclavage au Nord-Vietnam.[réf. nécessaire]

Les journalistes américains qui écrivaient en faveur de la paix entre les États-Unis et l’Union soviétique étaient aussitôt accusés par Soljenitsyne de traîtres potentiels[réf. nécessaire]. Soljenitsyne soutint aussi, sous Ronald Reagan, la course aux armements contre l’Union soviétique[réf. nécessaire] qui était, selon lui, plus puissante « en tanks et avions de 5 à 7 fois supérieure par rapport aux États-Unis [réf. nécessaire]». Il prétendait aussi que les armes atomiques étaient deux à trois ou même cinq fois plus nombreuses en Union soviétique qu’aux États-Unis.[réf. nécessaire]

Longtemps symbole de la résistance intellectuelle à l'oppression soviétique, Alexandre Soljenitsyne est régulièrement attaqué. Les opérations de déstabilisation à son encontre n'ont pratiquement jamais cessé depuis les années 1960. Un zek (détenu), manipulé par le KGB, l'a accusé d'être un informateur des autorités communistes, et a pour cela écrit une fausse dénonciation. Le KGB a fait écrire quelques livres contre lui par d'anciens amis, comme son ancien éditeur, Alec Flagon[4], et même par sa première femme. Durant sa carrière littéraire, aucune accusation ne lui a été épargnée : successivement ou en même temps accusé d'être nationaliste, tsariste, ultra-orthodoxe, antisémite ou favorable à Israël, traître, complice objectif de la Gestapo, de la CIA, des francs-maçons, des services secrets français et même du KGB. Soljénitsyne a répondu à ces accusations en les juxtaposant pour qu'elles s'annulent entre elles, dans son autobiographie littéraire, Le grain tombé entre les meules, et encore récemment dans un article de la Litératournaïa Gazeta, Les barbouilleurs ne cherchent pas la lumière.

En fait, ses opinions politiques, forgées tout au long de sa vie par un destin hors du commun, sont trop complexes pour être ainsi étiquetées. Il prône une Russie forte et indépendante, tout en s'opposant à plusieurs reprises à la guerre en Tchétchénie[réf. nécessaire]. Il ne croit pas que le pays puisse passer, du jour au lendemain, d'un régime totalitaire à une régime de type démocratie occidentale. S'il est favorable à un pouvoir présidentiel fort, il est surtout partisan de la démocratie locale, assez proche des idées de Alexis de Tocqueville : pour Soljenitsyne, la vraie démocratie n'est pas constituée par le système électoral mais par un tissu d'associations locales gérant les affaires indépendamment du pouvoir central qui, lui, ne devrait s'occuper que des affaires nationales (armée, politique étrangère, etc.). Il est un fervent patriote, mais pas un nationaliste : il s'est par exemple toujours opposé à la guerre en Tchétchénie. Il a eu un commentaire favorable au président Poutine lors de son arrivée au pouvoir, espérant de lui des changements significatifs, puis a pris ses distances rapidement. Alexandre Soljenitsyne n'a jamais démenti les accusations de royalisme portées contre lui par le pouvoir soviétique. Ses convictions religieuses orthodoxes suscitent également de la méfiance dans les milieux progressistes.

Selon Moshe Lewin, qui relaie ces critiques, « aussi longtemps qu'il [Alexandre Soljenitsyne] a mené sa bataille de l'intérieur, les observateurs étrangers ont supposé qu'il luttait pour une démocratisation du système [...]. Mais, une fois Soljenitsyne exilé en Occident, ils ont vite compris que l'anticommunisme n'était pas automatiquement porteur de démocratie. Le combat de Soljenitsyne était en fait au service d'une idéologie profondément antidémocratique, qui mêlait des éléments de « national-étatisme » à des traits archaïques de la religion orthodoxe, mais au concept même de Démocratie. Bref il y avait chez Soljenitsyne un attachement profond à un autoritarisme de son cru, qui, s'il n'était pas formulé lors de ses premières apparitions sur la scène publique, s'est développé au cours de son combat »[5].

L'historien américain Richard Pipes, dont les travaux sur l'histoire de la Russie soviétique avaient été qualifiés par Soljenitsyne de « version polonaise de l'histoire russe » (Pipes est d'origine polonaise), a répondu à celui-ci en le taxant d'antisémitisme et d'ultra-nationalisme. En 1985, Pipes a ainsi développé son propos dans sa critique d'une nouvelle de Soljenitsyne, Août 1914 : « Chaque culture a une forme propre d'antisémitisme. Dans le cas de Soljenitsyne, celui-ci n'est pas racial. Cela n'a rien à voir avec le sang. Il [Soljenitsyne] n'est pas raciste, la question est fondamentalement religieuse et culturelle. Il présente de nombreuses ressemblances avec Dostoïevski, qui était un chrétien fervent, un patriote et un antisémite farouche. Soljenitsyne se place incontestablement dans la vision de la Révolution défendue par l'extrême-droite russe, comme une création des Juifs. »[6]

Il a ainsi fait l'objet durant tout son parcours littéraire d'accusations d'antisémitisme en raison de la publication du nom des responsables administratifs du Goulag, de ses travaux historiques sur la révolution bolchevique et, plus récemment, en raison de son opposition aux oligarques russes et de la publication de son ouvrage historique Deux siècles ensemble sur les relations entre Juifs et Russes de 1795 à 1995: l'écrivain et ancien dissident soviétique Vladimir Voinovich a ainsi essayé de démontrer le caractère antisémite de ce livre dans une étude polémique[7]. En France, l'historien trotskiste Jean-Jacques Marie a consacré un article à chaque tome de Deux siècles ensemble, qu'il qualifie de « Bible antisémite ». Selon Jean-Jacques Marie, « Soljenitsyne expose, dans Deux siècles ensemble, une conception de l'histoire des Juifs en Russie digne de figurer dans un manuel de falsification historique » en rétablissant une histoire des pogroms « telle qu'elle a été vue par la police tsariste »[8]. L'historien britannique Robert Service a cependant défendu le livre de Soljenitsyne, arguant qu'une étude de la place des juifs dans le parti bolchevique était pleinement justifiée et que Trotsky lui-même avait critiqué leurs surreprésentation dans les instances dirigeantes du parti[9].

[modifier] Œuvres

La datation des œuvres d'Alexandre Soljenitsyne est difficile à établir avec précision, car la plupart d'entre elles ont connu une gestation très longue et plusieurs versions (y compris parfois une réécriture quasi complète). En ce sens, l'exergue placé au début du Premier Cercle est significatif : Écrit de 1955 à 1958. Défiguré en 1964. Réécrit en 1968.

[modifier] Ouvrages

  • Une journée d'Ivan Denissovitch (1962)
  • Le Pavillon des cancéreux (1968)
  • Les Droits de l'écrivain (1969)
  • Le Premier cercle (commencé en 1955, version finale en 1968) ISBN 2-213-01157-5
  • Août 14, premier nœud (série de livres (nœuds) en plusieurs volumes (tomes) réédités en 1983 sous le titre commun La Roue rouge) (1972)
  • L'Archipel du Goulag (tomes I et II) (1974)
  • Le chêne et le veau (1975)
  • Discours américains (1975)
  • Des voix sous les décombres (1975)
  • Lénine à Zurich (1975)
  • L'Archipel du Goulag (tome III) (1976)
  • Flamme au vent (1977)
  • Le Déclin du courage (1978)
  • Message d'exil (1979)
  • L'erreur de l'Occident (1980)
  • Les tanks connaissent la vérité (1982)
  • Les Pluralistes (1983)
  • La Roue rouge, tome 2 : Deuxième nœud - Novembre 16 (1985)
  • Comment réaménager notre Russie ? (1990)
  • Les Invisibles (1992)
  • La Roue rouge, tome 3 : Troisième nœud - Mars 17 (4 tomes) (1993-1998)
  • Le « Problème russe » à la fin du XXe siècle (1994)
  • Ego (1995)
  • Nos jeunes (1997)
  • Le Grain tombé entre les meules (1998), éd. Fayard, 500 pages.
  • La Russie sous l'avalanche (1998)
  • Deux récits de guerre (2000)
  • Deux siècles ensemble, 1795-1995, tome 1 : Juifs et Russes avant la révolution (2002)
  • Deux siècles ensemble, 1917-1972, tome 2 : Juifs et Russes pendant la période soviétique (2003)
  • Esquisses d'exil – Le grain tombé entre les meules, tome 2, 1979-1994, traduit du russe par Françoise Lesourd, (2005)
  • Aime la révolution ; Les yeux dessillés, (2007)
  • Réflexions sur la révolution de février, (2007)
  • Une minute par jour, (2007)
  • La Roue rouge : Quatrième nœud : Avril 17 (à paraître)

Alexandre Soljenitsyne a également écrit au cours des années 60 des nouvelles publiées dans la revue Novi Mir. Certaines ont été publiées en France dans les recueils :

  • La maison de Matriona (1963) qui contient aussi "L'Inconnu De Krétchétovka" Et "Pour Le Bien Et La Cause"
  • Zacharie l'escarcelle (1971)

[modifier] Notes et références

  1. « Nous étions deux qui échangions nos pensées en secret : c’est-à-dire un embryon d’organisation, c’est-à-dire une organisation! » (Alexandre Soljénitsyne, L’Archipel du Goulag, Paris, Éd. du Seuil, 1974, p. 56.)
  2. Le Figaro, 13 juin 2007
  3. Archives INA
  4. Vladimir Volkoff, Petite histoire de la désinformation, Rocher, 1999, p. 122-123.
  5. Moshe Lewin, Le siècle soviétique, p.249-250, ed. Fayard
  6. Richard Pipes, New York Times, 13 novembre 1985
  7. Vladimir Voinovich, A Portrait Against the Background of a Myth, 2002
  8. Jean-Jacques Marie, L'antisémitisme complaisant de Soljenitsyne, dans les Cahier du mouvement ouvrier (publication du CERMTRI) n°17, p.146-147. Voir aussi l'article consacré au tome II de Deux siècles ensemble, dans le Cahier n°22, p.81-85
  9. D'après un article du Guardian Solzhenitsyn breaks last taboo of the revolution(en), 25 juin 2003

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

[modifier] Bibliographie

  • Georges Nivat, Soljénitsyne, collection "Écrivains de toujours" aux éditions du Seuil, 1983.

[modifier] Liens externes


Précédé de :
Samuel Beckett
Prix Nobel de littérature
1970
Suivi de :
Pablo Neruda