Étrusque

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La langue étrusque fut parlée par les Étrusques sur le territoire de l'ancienne Étrurie, en Italie centrale, correspondant grosso modo à l'actuelle Toscane (qui lui doit son nom), à partir du VIIIe siècle av. J.-C., jusqu'à son extinction en tant que langue vivante aux alentours du IIe siècle} de l'ère chrétienne.

Il existe un corpus, soit un ensemble d'inscriptions en langue étrusque conservées jusqu'à ce jour, dûment répertoriées et provenant pour la plupart d'entre elles de Campanie, du Latium, de Falerii et Faliscus, Véies, Caere, Tarquinia et alentours, mais aussi d'endroits plus éloignés, hors de l'Étrurie, et avec lesquels celle-ci entretenait d'étroits rapports diplomatiques ou commerciaux : ce qui deviendra à l'époque romaine la Gallia Narbonensis (la Narbonnaise), mais aussi la Corse, la Sardaigne et l'Afrique du NordCarthage était souveraine.

Le seul langage attesté avec lequel on ait trouvé une parenté avec l'étrusque est celui qui fut parlé dans l'île de Lemnos, avant l'invasion athénienne (VIe siècle av. J.-C.), où des stèles ont été trouvées, comportant des inscriptions rédigées avec des caractères proches de ceux utilisés par les Étrusques.

Peinture étrusque - Tombe des léopards - Nécropole de Monterozzi
Peinture étrusque - Tombe des léopards - Nécropole de Monterozzi

Sommaire

[modifier] Les textes

Outre les abécédaires et les inscriptions épigraphiques (voir alphabet étrusque) que l'on trouve sur quantité d'objets comme les poteries ou les miroirs de bronze, sur les parois des tombes ou des sarcophages, inscriptions généralement brèves et limitées aux nom et filiation des personnes auxquelles appartenaient ces objets ou ces sépultures, les textes les plus longs et les plus importants sont les suivants :

[modifier] La tuile de Capoue

Un texte de dix paragraphes divisés chacun par une ligne horizontale et comportant soixante-deux lignes où trois cents mots lisibles se sont conservés. Il s'agit d'un texte de nature religieuse relatant un rituel contenant des prescriptions relatives à des rites funèbres. Découverte en 1899.

[modifier] La « stèle » de Pérouse

Quarante-six lignes et une centaine de mots, relatifs à un contrat passé entre deux familles à propos des limites des domaines respectifs (il s'agit davantage d'une borne que d'une stèle). Découvert en 1822.

[modifier] Quatre inscriptions sur tablettes de plomb

Celles-ci ont été trouvées :

  • la première aux alentours de Rome à Sta. Marinella, onze lignes et environ ?? mots lisibles, réponse oraculaire ou formule de nature rituelle ;
  • la seconde à Magliano, dans la Maremme, incisée en spirale et faisant allusion aux offrandes en l'honneur de plusieurs divinités ;
  • la troisième à Volterra comportant treize lignes et environ soixante mots, de nature vraisemblablement magico-rituelle ;
  • la quatrième à Campiglia Marittima dans le nord de la Maremme, comportant dix lignes et une cinquantaine de mots, correspondant à une malédiction lancée par une affranchie à l'encontre de plusieurs personnes.

[modifier] Les tablettes de Pyrgi

Incisions sur plaquettes d'or retrouvées dans le sanctuaire dédié à Astarté, deux inscriptions intéressantes en ce qu'elles ont été retrouvées avec une troisième rédigée en langue punique (phénicien), inscription bilingue donc. La première contient la dédicace, de la part d'un certain Thefarie Velianas, « magistrat » ou « seigneur » de Caere à la déesse assimilée ici à Uni (Héra-Junon), ainsi qu'une formule augurale. La seconde fait allusion aux cérémonies qui doivent être accomplies en son honneur. Découvertes en 1964.

[modifier] La momie de Zagreb

Le texte le plus important qui ait été retrouvé, de par la longueur et par conséquent le contenu, vu la rareté et la brièveté des textes qui sont parvenus jusqu'à nous et qu'il est convenu d'appeler le Liber linteus. Il s'agit d'un « livre », manuscrit sur toile de lin, servant de bandelettes enveloppant une momie trouvée en Égypte et conservée au Musée National de Zagreb, d'où son nom. Datant du Ier siècle environ et au plus tard, il s'agit d'un texte calligraphié en rouge et noir en une douzaine de colonnes verticales et, sur les 230 lignes contenant environ 1 200 mots lisibles, plus une centaine qu'il est possible de déduire du contexte, cinq cents mots originaux émergent compte tenu des répétitions typiques des formules et invocations rituelles. On pourrait définir ce livre une sorte de calendrier religieux évoquant certaines divinités et les cérémonies à accomplir aux lieux et dates indiqués. Découvert en 1868 (acheté en Égypte en 1848-49).

[modifier] Le livre d'or

Appelons ainsi les six plaquettes reliées par des anneaux, récemment retrouvées en Bulgarie et conservées au Musée National de Sofia, depuis qu'elles ont ressurgi de manière assez rocambolesque. Elles avaient, paraît-il, été découvertes vers 1940 dans une tombe lors de l'excavation d'un canal dans le sud-ouest de ce pays, puis conservées secrètement, et anonymement léguées, en ces premières années deux mille, par son possesseur âgé de 87 ans et vivant en Macédoine.

Il s'agit de plaquettes comportant les bas-reliefs d'un cavalier, d'une sirène, une harpe, et un texte (ces feuilles d'or se présentent de la même manière que celles de Pyrgi et ont la même apparence). Il existe ainsi une trentaine de feuilles d'or, selon la responsable du département d'archéologie du musée de Sofia. Le texte étant en cours d'étude à Londres, les experts n'ont pas encore publié le compte-rendu de leurs recherches.

[modifier] Classification linguistique

Il n'y a pas consensus, actuellement, sur le lien éventuel de la langue étrusque avec la famille des langues indo-européennes, qui ont la particularité d'être flexionnelles (voir langue flexionnelle), alors que l'étrusque est une langue agglutinante, comme l'élamite, sa contemporaine, qui n'a jamais pu être liée aux langues sémitiques voisines, ni aux langues indo-européennes. Le basque et le finnois sont d'autres langues agglutinantes non indo-européennes.

Certains linguistes avancent des arguments en faveur d'un lien entre étrusque et langues indo-européennes. Ce sont tout d'abord des correspondances dans certains traits grammaticaux : formation du génitif en -s, voire d'autres cas de la flexion nominale, ordre des mots, certaines prépositions (hintha : en-dessous) ou particules (-c : et ; cf. indo-européen *-kwe dont est issu le latin -que). Mais ce sont aussi des correspondances dans le lexique : Θezi, hece, tece : poser, faire, radical i.-e. dhē-; clan (fils), souvent cité comme preuve du caractère indiscutablement non-indo-européen de l'étrusque, se rapproche de formes celtes et tokhariennes, dont l'éloignement géographique garantit l'origine indo-européenne (par exemple irlandais clann : enfants, famille ; tokharien B kliye : femme) ; tin, jour, de dei-n, din, le pronom personnel première personne mi, etc.

Certains chercheurs précisent le point de rattachement de l'étrusque à l'indo-européen : pour Adrados et Faucounau, l'étrusque est apparenté au lycien, langue indo-européenne du groupe anatolien, groupe considéré comme le plus archaïque (c'est-à-dire le plus anciennement détaché du tronc commun). Cet apparentement consisterait à penser que l'étrusque s'est détaché du tronc commun indo-européen encore plus tôt que l'anatolien (pour Faucounau, et contrairement au consensus général, c'est également le cas du lycien). Pour d'autres, la proximité de l'étrusque au groupe anatolien serait plus nette si l'on prend en compte, à la suite d'Hérodote, le lydien (et non le lycien), langue parlée dans la région de la Lydie. Mais l'idée est la même: l'étrusque serait une langue issue du rameau indo-européen avant même le groupe anatolien.

Selon certains linguistes britanniques, elle appartiendrait à une « super-famille » que ceux-ci nomment « nostratique » ou eurasienne. Une telle origine supposerait en effet remonter en des temps beaucoup plus reculés qu'il est généralement habituel de le faire quand on a jusqu'à présent cherché celle-ci. Aussi s'agirait-il davantage non pas tant d'une langue indo-européenne, que pré-indo-européenne, proto-indo-européenne en son stade le plus avancé. Ceci expliquerait les nombreuses ressemblances qu'on a pu trouver à la langue étrusque avec soit certaines langues du pourtour de la Mer Noire par exemple, soit avec des langues définies comme non indo-européennes telles que les langues finno-ougriennes (finnois) ou le basque (cette dernière étant sans doute la plus ancienne parlée sur le continent européen). Pour certaines, il s'agirait alors davantage de langues pré-indo-européennes que non indo-européennes, parlées de l'Atlantique à l'Indus, cristallisées à ce stade, et connaissant par la suite une évolution autonome.

La vaste majorité du lexique étrusque n'a effectivement pas de point commun identifiable avec les racines indo-européennes reconstruites. C'est par exemple la position de Bader, Sergent, et d'autres. Il s'appuient sur la numération étrusque (ðu 1 ; zal 2 ; ci 3 ; sa 4 ; maχ 5 ; huð 6 ; sar 10) ainsi que quelques mots relatifs à la famille (ruva, frère ; seχ, sœur ; clan, fils, lupu, mourir, tiu, lune, mois) à leurs équivalents latins (unus, duo, tres, quattuor, quinque, sex, decem, frater, soror, filius, morire, luna) et indo-européens *(oinos, duwo, treyes, kwetwores, penkwe, s(w)eks, dekmt, bhrater, dhugeter, sunus, mer-, mans-), mais aussi spur cité ou encore al-, donner, etc. Sachant que la numération et les noms ayant trait à la famille comptent parmi ceux qui sont le moins susceptibles d'être empruntés à des substrats primitifs en raison de leur importance et de leur emploi quotidien, on ne peut qu'examiner avec la plus grande prudence un emprunt des numéraux à une langue aborigène non-indo-européenne. De plus, aucune langue indo-européenne connue, présente ou passée, n'a été classée comme agglutinante ; à l'inverse, l'existence du basque, langue non-indo-européenne agglutinante, probablement plus ancienne que l'étrusque, renforce l'opinion que des idiomes agglutinants préexistaient à l'arrivée des indo-européens dans le sud de l'Europe. Il existe en outre une somme assez importante de vestiges néolithiques dans le voisinage de l'Étrurie, ainsi que des traces de langues non indo-européennes en toponymie (Ligure).

Il faut noter qu'un certain nombre de mots, nettement minoritaires, n'appartiennent pas directement à la langue étrusque ; il s'agit d'emprunts, « étrusquisés », faits aux langues des divers autres peuples que côtoyaient les Étrusques.

Actuellement, selon Mallory, l'hypothèse la plus économique consiste à voir dans les Étrusques un peuple indigène, de langue non-indo-européenne, ayant sans doute entretenu des liens commerciaux avec l'est du bassin méditerranéen. Mais les faits sont têtus et les dernières recherches effectuées par les généticiens semblent prouver que les Étrusques sont bien venus d'Asie Mineure comme l'avait écrit Hérodote. Le comparatiste Michel Morvan (spécialiste du basque et étymologiste) propose de rapprocher le nombre trois étrusque (ci) de celui du hourrite (ki).

Le débat est parfois faussé par le fait que de nombreuses polémiques ont agité les linguistes au sujet de cette langue en vertu de la connotation idéologique qu'a pu prendre pour certains le terme « indo-européen ». Ceci est bien regrettable parce que d'une part, cela a contribué à jeter une ombre sur une civilisation qui, en soi, n'est jamais qu'une civilisation du monde antique parmi les autres, et d'autre part parce que, au-delà du fait de savoir si on doit la classer ou non parmi les langues indo-européennes, il serait plus intéressant de savoir ce que nous disent les textes. Or cette langue qu'est l'étrusque est suffisamment connue pour qu'on puisse proposer des traductions (pas toujours consensuelles) des textes parvenus jusqu'à nous ; dans l'ensemble, on sait de quoi parle un texte donné.

[modifier] L'étrusque, langue des Tyrréniens

Les Tyrréniens étant une composante, la troisième et dernière, du peuple étrusque, recherchés par l'auteur d'une thèse, controversée quant à la méthode de recherche dite « citophonétique », à travers les racines de leur langue. Selon son auteur, A. Di Mario, partis d'Asie Mineure, corroborant la légende de l'Énéide selon laquelle ceux-ci venaient de Troie à la suite d'Énée, et plus précisément de Datassa/Darhutassa, « Dardanelles », ils auraient émigré, sillonant la mer Égée, laissant trace de leur passage et permanence à Lemnos, en Crète et à travers l'Hellade, en Sardaigne et en Corse avant de débarquer dans le Latium pout y fonder Rome, non loin de la ville des Sabins autochtones, portant avec eux leur langue, que l'auteur définit anatolique et pré-grecque.

Appelés « Tyrsenoi », Tyrréniens, par leurs voisins Grecs, ils se nommaient eux-mêmes Rasna (un terme démontré par des inscriptions étrusques comme meχl rasnal, « du peuple Tyrrhénien »).

[modifier] Quelques mots connus de la langue étrusque

[modifier] Quelques prénoms révélés par l'épigraphie

  • féminins : Ram(a)tha ; Tanachilla ; Velia ; Larthia ;
  • masculins : Larth ; Seth(re) (Setrius) ; Aruns ; Vel.

[modifier] La numération

Les dix premiers chiffres, inscrits sur les dés :

  1. θu
  2. zal
  3. ci
  4. huθ
  5. maχ
  6. śa
  7. semφ
  8. cesp
  9. nurφ
  10. śar

[modifier] Les noms des dieux

Ils proviennent du Panthéon Hourrite et pré-grec. Teshub par exemple, le Tarhui Hatti devenu Tarhund/Tarchun chez les Hittites devient Tarchonte (Archonte)/Tagete (Tagès) chez les Étrusques. Il en va de même des autres dieux : Turan « déesse du ciel » (Vénus) ; Laran « dieu de la tempête » (Mars) ; Fufluns « dieu soleil » ; Thesan « déesse de la lumière » (Aurore).

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens internes

[modifier] Liens externes

[modifier] Bibliographie

  • Il « mistero » della lingua etrusca, Romolo A. Staccioli (on trouvera à la fin de cet ouvrage un glossaire des mots étrusques actuellement déchiffrés avec certitude.) Newton Compton editori, Roma, 1977. 2° édition, 1987.
  • Gli Etruschi: una nuova immagine, Mauro Cristofani, Giunti , Firenze, 1984.
  • Rivista di epigrafia etrusca, Mauro Cristofani (in Revue Studi Etruschi, publiée par l'Istituto di Studi Etruschi e Italici, Firenze)