Étalement urbain

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L'étalement urbain est une expression désignant le phénomène de développement des surfaces urbanisées en périphérie des villes.

Exemple d'étalement pavillonnaire dans la banlieue parisienne
Exemple d'étalement pavillonnaire dans la banlieue parisienne
Image:WykagylHomes.jpg
Exemple d'étalement urbain pavillonnaire, avec un contexte apparemment très "vert", mais de naturalité moyenne et trèsfragmenté par l'infrastructure routière

Vitesse de déplacement et étalement urbain sont donc intimement liés : Depuis un demi-siècle, l’explosion des mobilités a engendré une dilatation croissante des espaces urbains et des territoires. Cet étalement, qui est lié au développement démographique des agglomérations, se fait avec une densité du bâti d'autant plus faible que l'on s'éloigne du cœur des villes. La faible densité est due au caractère pavillonnaire de cette urbanisation, la surface occupée par un foyer (maison + jardin privatif) étant plus importante que celle d'un appartement en immeuble, ainsi qu'à l'importance des espaces naturels conservés dans les communes concernées. Mais l’étalement urbain n’est pas le seul fait de l’habitat pavillonnaire : plus de la moitié des mètres carrés construits chaque année sont consacrés aux activités économiques (source : Etudes Foncières). Au final, les sols artificialisés ne cessent de croître et la consommation énergétique liée aux transports est l’une des principales sources de l’aggravation de l’effet de serre.

Sommaire

[modifier] Historique

Déjà au XIXe siècle, les théories hygiénistes préconisent, à une époque où la ville s'industrialise (avec toutes les conséquences que cela entraîne), une faible densité afin de « faire circuler l'air ». Ce mouvement s'accompagne des premières formes de transports en commun, qui accroissent la mobilité des populations : le chemin de fer. C'est aussi pour pallier les inconvénients de la ville qu'Ebenezer Howard (urbaniste anglais) imagine le concept des cités-jardins, entraînant une urbanisation à faible densité.

Le développement de l'automobile et sa démocratisation permettent un fort accroissement de l'étalement urbain, car les déplacements se sont affranchis de la dépendance liée aux transports en commun et ont ainsi permis la multiplication de ces urbanisations de très faible densité, essentiellement desservies par le réseau routier. L'accroissement de l'étalement urbain est de ce fait chronologiquement lié à cette démocratisation de l'automobile. Il se développe massivement dès le milieu du XXe siècle aux États-Unis et dans le dernier quart du XXe siècle en Europe Occidentale.

[modifier] Le concept

Les déterminants économiques de l'étalement urbain: Les spécialistes des Etudes Foncières, comme Joseph Comby et Olivier Piron, urbanistes, ont montré que « beaucoup des ménages s’installent dans le périurbain pour se rapprocher de leur travail, à savoir les nouveaux pôles d'activités économiques de périphérie. Prendre en compte le coût de leurs déplacements vers le centre-ville n’a aucun sens ».(Piron, 2007)

La principale motivation des personnes choisissant ce mode d'habitat est d'échapper au coût élevé, parfois prohibitif, du logement urbain, en raison essentiellement de la forte demande pour les quartiers centraux. Choisir les zones périurbaines permet souvent, pour le prix d'un appartement en ville, l'achat d'une maison plus vaste avec jardin. Le principal inconvénient est l'éloignement du lieu de travail (le télétravail n'ayant pas encore permis de remplacer significativement et efficacement la concentration physique des individus dans des locaux afin de produire une activité économique collective) qui provoque les migrations pendulaires et les embouteillages, sans compter l'impact écologique d'un tel développement. De plus, le bénéfice induit par le coût plus faible du logement est réduit par les coûts entrainés par l'éloignement. 2 voitures par foyer sont quasiment indispensables dans les zones pavillonaires, elles représentent à long terme une part très importante du budget familial.

Une autre motivation importante est le choix d'un cadre de vie plus agréable car plus proche de la campagne, plus calme, et qui permet d'échapper à l'«entassement urbain», qui serait source de stress et d'agressivité. La ville a souffert de son image négative et en souffre encore, malgré les nettes améliorations du cadre de vie en ville.

L'étalement urbain peut être mis en parallèle avec le développement du parc automobile et des infrastructures routières, de zones d'activités commerciales et industrielles, qui nécessitent des surfaces importantes et qui sont rejetées des centres-villes à la fois à cause du coût de l'immobilier et du fait du rejet de certaines nuisances liées à ces activités.

S'agit-il en fait d'un concept ou plutôt d'un constat lié à plusieurs phénomènes, tant individuels que collectifs ? Il n'y a pas eu rationalisation, mais plutôt tendance naturelle, que les discours sur la maîtrise n'ont pas enrayé :

  • à titre individuel, la volonté de bénéficier des services de la grande ville sans en supporter les contraintes, la difficulté de choisir un logement proche de son travail alors que l'on travaille à deux ou plus et que les mobilités professionnelles rendent vite caduc le premier choix, suivant l'âge des enfants, le souhait de leur offrir des espaces de calme et de verdure ;
  • à titre collectif, l'attraction des métropoles et donc les besoins d'expansion, le souhait des communes de la périphérie de bénéficier aussi de l'apport de population qui permet de maintenir écoles et services de base, enfin l'absence claire de politique cohérente et de limites fermes à l'extension de la ville (absence largement liée à la faible densité réelle ou supposée du territoire).

[modifier] Limites et critiques

[modifier] Un impact sur la ruralité

Cela occasionne, pour les gestionnaires de services d'intéret général, une hausse des dépenses nécessaires à la construction et l'entretien des réseaux (eau, gaz, électricité, lignes téléphoniques, transport de personnes, que ce soit des transports collectifs ou des routes, etc). Ces dépenses ne sont pas à négliger, car elles ne sont pas liées à l'augmentation de la population, en croissance faible dans les pays occidentaux : l'essentiel des nouveaux réseaux sont établis pour desservir une population dispersée et peu dense, ce qui rend problématique à terme l'amortissement des dépenses, qui sont supérieures pour l'ensemble de la collectivité.Symétriquement, dans les territoires déja urbanisés, la sous utilisation croissante des équipements publics dégrade les conditions financières de leur gestion courante, de leur maintenance et de coûteuses mises aux normes.

Elle entraîne la constitution de « villes dortoirs » et de fortes migrations pendulaires, ce qui demande de plus grands investissements en infrastructures routières, et de plus grandes dépenses énergétiques[1], ainsi qu’une plus grand pollution au gaz carbonique[2]. De plus, l’augmentation des surfaces artificielles augmente la gravité et la rapidité des inondations.

Au-delà de ces aspects techniques, l'étalement urbain peut occasionner une perte de la ruralité, à la fois comme élément paysager et comme mode de vie.

[modifier] Une entrave au développement durable

D'après l'IFEN, 60 000 hectares de terres naturelles ou agricoles disparaissent chaque année en France sous l'effet de l'urbanisation[3]. Les surfaces artificielles (routes, bâtiments, parkings, etc.) augmentent trois fois plus vite que la population (en France, la population a augmenté de 8 % de 1982 à 1999, les surfaces artificielles de 42 %[4]). Dans certaines régions, les surfaces artificielles ont même doublé durant la même période (cas du Pas-de-Calais[5]. En artificialisant de plus en plus de sols (routes, habitations individuelles plus vastes...), ce sont sans cesse plus d'espaces agricoles, forestiers, pastoraux ou des espaces naturels qui disparaissent, et avec eux leur faune et leur flore. En jargon biologiste, le biotope disparaissant, la biocénose associée disparait, et en conséquence, l'écosystème n'existe plus. Outre la faune et la flore, les sols artificialisés nuisent à l'infiltration des eaux de pluie et favorisent le ruissellement, facteur d'érosion sur les terres — cultivées ou non — mitoyennes. L'étalement urbain peut ainsi entraîner la raréfaction — voire la disparition — de certaines espèces animales (comme la tortue d'Hermann ou certaines grenouilles) ou végétales. Le morcellement de l'habitat naturel, qui peut constituer une barrière aux flux de gènes entre les différentes populations d'une même espèce, peut ainsi être à l'origine d'une réduction de la diversité génétique.

Enfin, le coût énergétique de ce type de développement est élevé, du fait de l'accroissement des déplacements qu'il induit et de la plus grande difficulté à chauffer et isoler thermiquement les constructions de faible densité qui accompagnent l'étalement urbain.

[modifier] Des ghettos?

On peut aussi s'interroger sur le phénomène de ségrégation de ce mode de développement et sur l'absence de mixité sociale. Les lotissements pavillonaires sont en effet construits en très peu de temps et peuplés par des foyers très similaires: jeune couple avec des enfants en bas age ou projetant d'en avoir. (peu de célibataires, de personnes agées, de couples sans enfant) De plus, la construction ou l'agrandissement d'un village traditionnel avec des rues et des constructions du type R+1 ou R+2 créait une proximité entre voisins et une vie sociale groupée qui disparaît avec la zone pavillonnaire. Chaque maison est cachée derrière une haie et une clôture, avec une façade de 30 ou 50m sur la voie publique. Tout déplacement à pied devient long et inutile. Long car la façade sur rue de chaque habitation n'est plus de 8 ou 15 mètres mais de 30 à 50 mètres, et inutile car il n'est plus question de faire des courses autrement qu'en sortant la voiture. De plus, la circulation à pied dans ces rues désertes crée pour le promeneur une ambiance inquiétante. Chacun est retranché dans un terrain grillagé, à l'écart de la voie, souvent défendu par un chien menaçant qui accompagne le passant derrière la clôture.

[modifier] L'évolution de la législation

En France, le législateur tente aujourd'hui de limiter le processus d'étalement urbain, surtout depuis la loi SRU (Solidarité et renouvellement urbain) du 31 décembre 2000. Les objectifs premiers de cette loi sont de limiter l'étalement urbain et, en parallèle, de redensifier les villes centres en favorisant notamment le Renouvellement urbain. Cependant, la France compte encore de très nombreux projets d'urbanisation par étalement, au détriment des zones naturelles.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens internes

[modifier] Liens externes

[modifier] Sources

[modifier] Notes

  1. Direction régionale de l’environnement - Centre. Territoire, population et développement urbain. [pdf], disponible en ligne [1], consulté le 27 octobre 2006. p 2
  2. Laurent Hiver et François Lecouvey. Incidence de l’étalement urbain sur les émissions de CO2 dans la région Ile-de-France et l’arrondissement de Lille . Document au format MS Word. En ligne : [2]. Consulté le 27 octobre 2006
  3. Alexandra Schwartzbrod, « La France plutôt moyenne en environnement », dans Libération du 17/10/2006, [lire en ligne]
  4. Direction régionale de l’environnement - Centre. Territoire, population et développement urbain. [pdf], disponible en ligne [3], consulté le 27 octobre 2006. p 5
  5. Direction régionale de l’environnement - Nord-Pas-de-Calais. Démographie et dynamique urbaine. [pdf], disponible en ligne [4], consulté le 27 octobre 2006. p 4, avec une augmentation de 95 % des surfaces artificielles pour une croissance de quelques points de la population

Bibliographie: PIRON Olivier, « Les déterminants économiques de l’étalement urbain », in Etudes foncières, N° 129, septembre-octobre 2007