Simultanéité

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En physique, la simultanéité de deux évènements est le fait qu'ils se produisent au même moment.

Dans la physique d'Isaac Newton, le temps est absolu et où les informations peuvent se transmettre à vitesse infinie : la force gravitationnelle, par exemple, est supposée se propager instantanément. Et la notion de simultanéité rejoint l'évidence de l'expérience quotidienne : si deux événements se sont produits à la même heure pour un observateur, il en est de même pour tout autre observateur.

Dans l'univers de la relativité restreinte proposée en 1905 par Albert Einstein, la notion de temps perd son caractère absolu et forme avec celle d'espace une entité unique, appelée espace-temps, structurée par l'existence d'une vitesse limite : celle de la lumière identique pour tous les référentiels galiléens.

L'une de ces conséquences est l'altération de la conception classique de la simultanéité des événements : deux événements se produisant au même moment pour un observateur donné pourront se produire à des instants différents pour un autre observateur.

Sommaire

[modifier] Perception immédiate de la simultanéité

Un « évènement » est un fait se produisant à un endroit donné et à un instant donné.

De façon immédiate deux événements sont considérés comme simultanés s'ils sont perçus au même instant. Mais une analyse correcte demande que l'on fasse la distinction entre l'émission d'un signal et sa réception par un observateur. Il s'agit en fait de deux événements et non d'un seul.

En physique newtonienne, l'information est supposée se transmettre instantanément, autrement dit à vitesse infinie. Ainsi, dès qu'un évènement a lieu, l'ensemble de l'univers en est immédiatement informé. Donc, si une personne observe deux évènements comme étant simultanés, toute personne les observera aussi comme simultanés. Il en est de même dans le cas de deux évènements observés comme non-simultanés.

Illustration de la relativité de la simultanéité
Illustration de la relativité de la simultanéité

En théorie de la relativité, il en va autrement :

Dans un exemple inspiré par celui décrit par Einstein [1], relatif à un train, supposons qu'au moment précis où le milieu O' d'un train passe devant le point O situé sur la voie les deux observateurs situés en O' (dans le train) et O (sur la voie) reçoivent deux signaux qui ont été émis aux deux extrémités A et B du train. À quels moments ont été émis les deux éclairs reçus au même moment au même point?

Les réponses diffèrent selon l'observateur considéré. L'observateur O' situé au centre du train, au repos par rapport aux points A et B et à la même distance de ces points, pourra affirmer que les éclairs ont parcouru la même distance et ont donc été émis au même instant. En revanche l'observateur situé sur la voie affirmera que l'un des éclairs a été émis avant l'autre en faisant le raisonnement suivant : « Les éclairs ont été émis avant que je les reçoive (!) et donc avant que le milieu du train soit passé en face de moi. Par conséquent à l'émission l'avant du train était plus proche de moi que l'arrière et l'éclair qui en est issu a parcouru un trajet plus petit. Comme je reçois l'éclair A en même temps que l'éclair B c'est que le premier a été émis après le second. En résumé, pour moi, l'émission de l'éclair A est postérieure à celle de B. »

Conclusion : la simultanéité des deux événements que constituent les émissions de signaux lumineux par A et B est relative à chaque observateur.

Il est possible de dater les évènements (objets) astronomiques par rapport au temps zéro du big bang. Des événements astronomiques ayant une même date ainsi définie, c'est-à-dire de « même âge », ont en commun un vieillissement semblable de certaines caractéristiques et de celles de l'espace temps, dans l'hypothèse où le Big Bang a été spatialement quasi-symétrique. De ce point de vue, tous les objets de notre Univers ont en cet instant universel t le même âge (en fait celui de notre Univers). Cependant il est clair que nous ne voyons pas les différentes galaxies dans le même état d'évolution. Puisqu'il faut des millions ou des milliards d'années pour que leur lumière nous parvienne, nous voyons ces galaxies telles qu'elles étaient il y a des millions ou des milliards d'années. Comme on le dit fort justement : plus nous voyons loin dans l'espace plus nous remontons dans le temps. Bien que toutes les galaxies soient contemporaines, nous ne les voyons pas comme telles. La simultanéité universelle ne se traduit pas par une simultanéité locale.

[modifier] Les évènements en relativité restreinte

En relativité restreinte un événement est un fait se produisant à tel endroit, à tel instant. Un événement est identifiable par lui-même (par exemple le départ de la mission Apollo 12), par sa description ou par un nom, et acquiert de ce fait une sorte de caractère universel.

Cependant la description de l'évènement ne prend un sens opérationnel qu'à travers la détermination de sa position spatiale et temporelle dans un repère que la mécanique classique ou la relativité restreinte prend comme galiléen. L'événement est alors décrit en pratique dans ce référentiel par quatre composantes (x,y,z,t) : trois d'espace et une de temps.

La détermination des coordonnées cartésiennes spatiales (x,y,z) se fait par mesure des distances entre un point origine et le point où se produit l'événement. Comme elle est identique dans tous les référentiels galiléens, la vitesse de la lumière peut être utilisée dans ce but[2] : on mesure le temps pour faire un aller-retour entre le point choisi et l'origine et on en déduit la distance qui les sépare. En pratique, il suffira d'effectuer ce calibrage une fois pour toutes et d'attacher à chaque point du référentiel (« à chaque observateur ») l'indication de ses propres coordonnées.

Pour déterminer la coordonnée temporelle t d'un événement dans un repère donné, on place une horloge auprès de chaque observateur de ce repère. La synchronisation des horloges repose sur l'invariance de la vitesse de la lumière, sur la mesure des distances entre les horloges et sur l'isotropie de l'espace-temps. Elle est assurée de la façon suivante. Un administrateur central, gardien du temps, émet un top horaire de référence, disons à midi. Alors lorsqu'un observateur situé à la distance r de l'administrateur central reçoit ce top, il tient compte du temps r /c mis par le signal pour lui parvenir et met son horloge à l'heure (midi + r /c).

À l'issue de cette synchronisation on peut dire que toutes les horloges du référentiel indiquent la même heure. Cette façon de parler n'est peut-être pas tout à fait correcte, puisque personne ne peut voir simultanément toutes les horloges du référentiel considéré, mais elle résume bien le fait que, comme peut le constater n'importe quel observateur recevant les signaux horaires de n'importe quel autre observateur du même repère, une horloge recevra toujours avec le même retard (r / c) le signal en provenance d'une autre horloge située à la distance r et que toutes les horloges battent au même rythme,.

Au bout du compte, un référentiel galiléen est un ensemble d'horloges synchronisées fixes les unes par rapport aux autres et situées en des points portant l'indication de leur position spatiale dans le groupe[3].

La synchronisation décrite est réservée à un référentiel donné. Le processus indiqué ne permet pas de relier les marches des horloges (même de construction identique) d'un référentiel à l'autre. La comparaison des rythmes des horloges de deux référentiels en mouvement relatif nécessite l'appel aux formules de Lorentz de la relativité restreinte.

[modifier] Notion de simultanéité

Deux événements E1 et E2 décrits par leurs coordonnées spatio-temporelles respectives (x_1,\, y_1,\, z_1,\, t_1) et (x_2,\, y_2,\, z_2,\, t_2) dans un même référentiel galiléen dont les horloges ont été synchronisées sont dits simultanés si les instants t1 et t2 sont les mêmes.

Si les positions de ces événements différent par la valeur d'une au moins de leurs coordonnées spatiales, ils ne peuvent pas être liés par une relation de cause à effet par suite de l'existence d'une vitesse limite pour toutes les interactions. Ils sont dits ailleurs l'un de l'autre. Cette absence de lien de cause à effet entre les deux événements pourrait mener à penser que la notion de simultanéité est superflue en relativité restreinte. Pourtant cette notion est implicitement contenue dans l'opération de synchronisation des horloges puisque ces dernières marquent en quelque sorte simultanément la même heure. Cette synchronisation permet de définir une chronologie dans ce référentiel et donc la description de l'histoire d'une vie, de l'évolution d'une étoile ou d'une particule.

[modifier] Relativité de la notion de simultanéité

En mécanique classique, la possibilité de la simultanéité de deux événements « ailleurs » l'un de l'autre était admise de façon naturelle (les seuls problèmes persistants pour établir des chronologies comparées étant le choix d'un calendrier ou le découpage temporel de la journée). Cependant d'un point de vue physique cette notion de simultanéité entre deux événements ailleurs l'un de l'autre prend un aspect nouveau en relativité restreinte sachant que les impératifs concernant la chronologie entre deux événements donnés est l'éventuel lien de cause à effet qui pourrait exister entre eux.

Étant ailleurs l'un par rapport à l'autre, ils sont sans lien de cause à effet et de plus la caractéristique d'être simultanés n'est pas conservée lors d'un changement de référentiel. Les transformations de Lorentz révèlent qu'il existe toujours un référentiel dans lequel deux tels événements apparaissent simultanés tandis que dans un autre référentiel ils peuvent apparaître l'un après l'autre ou « l'autre après l'un », selon la vitesse relative de ce référentiel, mais cela n'a pas de conséquence physique. C'est ce qui est illustré par le paradoxe du train.

On notera toutefois que ces deux événements peuvent être le début d'une chaîne d'événements successifs permettant un lien à postériori entre eux. Bien sûr les chronologies permettant ce lien doivent se retrouver, d'une façon ou d'une autre, dans tous les référentiels (par exemple, les deux événements consistant dans le départ de sondes l'une vers l'autre, à partir d'endroits différents).

Une autre implication importante de la relativité de la simultanéité apparaît lorsque l'on traite de systèmes de particules en interaction. L'exemple d'un solide est instructeur. En mécanique classique, le solide est caractérisé par le fait que les positions relatives des différents points du solide se conservent quel que soit le mouvement, quel que soit le référentiel que l'on utilise. En relativité restreinte la considération des positions (spatiales) des points du solide doit s'effectuer à un même instant (événements simultanés, donc) dans un référentiel donné. Il s'ensuit que les transformations de Lorentz de ces coordonnées spatio-temporelles vers un autre référentiel galiléen ne correspondront pas aux mêmes instants pour les différents points du solide : la notion de solide n'existe pas en relativité restreinte. En pratique, d'ailleurs, l'on ne peut donner à tous les points d'un solide une même accélération à un instant donné, puisque les interactions - et en particulier l'interaction électromagnétique (associée au principe de Pauli) servant à la constitution de ce solide - ne peuvent dépasser la vitesse de la lumière.

Ce problème se retrouve plus généralement pour la description des systèmes de particules et la définition de leurs quadrivecteurs énergie-impulsion.

[modifier] Coïncidence

La simultanéité intervient de façon plus particulière dans l'introduction de la notion de coïncidence. Deux événements sont dits coïncidants si leurs coordonnées spatio-temporelles exprimées dans le même repère sont identiques.

Cette simultanéité là est universelle. En effet deux événements coïncidants peuvent être sans discussion cause-effet l'un de l'autre, et ce, dans les deux sens. Or les physiciens admettent que ces liens se conservent lors des changements de référentiels.

C'est ce qui permettra de dire qu'un choc entre deux particules examiné dans un référentiel donné est aussi un choc dans un autre référentiel galiléen. C'est aussi ce qui permet de préciser les quatre coordonnées d'espace-temps d'un événement dans un référentiel : il y a coïncidence entre l'événement et la borne-horloge dont on lira les indications.

[modifier] Exemple : simultanéité et diagramme d'espace-temps

Diagramme d'espace-temps de la relativité de la simultanéité. Deux événements, simultanés dans le repère (Ox,ct), ne le sont plus dans le référentiel (O'x',ct') se déplaçant avec une vitesse v, selon Ox. Les unités de temps des repères Terre et fusée sont respectivement en jaune et marron.
Diagramme d'espace-temps de la relativité de la simultanéité. Deux événements, simultanés dans le repère (Ox,ct), ne le sont plus dans le référentiel (O'x',ct') se déplaçant avec une vitesse v, selon Ox. Les unités de temps des repères Terre et fusée sont respectivement en jaune et marron.

Le diagramme ci-contre éclaire la relativité de la simultanéité en relativité restreinte. Les repères galiléens (Ox,ct) et (O'x',ct') sont reliés par une transformation spéciale de Lorentz, le second repère se déplaçant à la vitesse v.

Géométriquement, choisissant (Ox,ct) comme repère de référence, (O'x',ct') se présente de telle sorte que les axes O'x' et O'ct' sont symétriques par rapport au cône de la lumière, chacun s'étant rapproché de l'angle ζ par rapport aux directions correspondantes Ox et Oct donné par :

\tan \zeta=\;v/c\;.

Les deux événements E1 et E2 sont simultanés dans le repère (Ox,ct). Les axes de temps égaux dans chacun des repères sont les lignes parallèles aux axes Ox et O'x', respectivement. Manifestement dans le cas du schéma, l'événement E2 a lieu avant E1, vus du repère (O'x',ct').

Un tracé géométrique adéquat des unités permet de vérifier graphiquement l'écart temporel, donné par les transformations de Lorentz :

t'_2-t'_1=-\;\gamma_v\;\frac{v}{c^2}\;(x_2-x_1)\;.


Cet exemple prend un relief particulièrement saisissant si un des deux événements ci-dessus, E1, consiste en une mesure de la polarisation d'un photon appartenant à une paire corrélée d'une expérience menée pour mettre en évidence le paradoxe d'Einstein, Podolski et Rosen.

Dans le référentiel (Ox,ct), si on considère que l'opération de mesure effectuée au point x1 sur le photon 1 modifie instantanément la caractéristique correspondante du photon 2 en x2, alors, dans le référentiel (O'x',ct'), pour que cette interprétation reste valable, il faut admettre que l'influence venue du photon 1 a rebroussé le temps vers le photon 2 (car dans ce référentiel, E1 est plus tardif que E2). Et réciproquement, si on considère que c'est la mesure sur le photon 2 qui influence le photon 1, un autre changement de référentiel inverserait la situation entre les deux évènements et amènerait la remarque symétrique entre E1 et E2.
Cette description dans différents référentiels galiléens, contradictoire avec la causalité, suggère que l'intrication quantique est un phénomène acausal par rapport à l'acte de mesure (et ne peut être, à ce titre, utilisé pour propager de l'information), et est non locale, aussi bien spatialement que temporellement. Elle souligne, de manière générale, la difficile cohabitation des principes de la physique quantique et de ceux de la physique relativiste, au moins tels qu'ils sont compris habituellement.

[modifier] Notes et références

  1. * Albert Einstein La théorie de la relativité restreinte et générale, Dunod (2005) ISBN 2100487167. La version anglaise se trouve sur le projet Gutenberg
  2. On peut encore plus simplement mesurer directement les distances en secondes, ou d'ailleurs les temps en mètres.
  3. On pourra par exemple imaginer un escadron de fusées au repos les unes par rapport aux autres, volant de conserve dans un espace vide de masse gravitante, ayant coupé leurs moteurs et contenant une horloge.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Bibliographie

  • Théorie de la Relativité Restreinte, V. Ougarov, Deuxième Edition, Editions Mir, Moscou, Traduction française Editions Mir, 1979.
  • Relativité restreinte et structure atomique de la matière, Ch. Grossetête, Ellipses, 1985. ISBN 2-7298-8554-4