Salle de garde

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En France, une salle de garde est un lieu situé dans un centre hospitalier et où se réunissent des personnes assurant le service de garde, d'où leur nom. Cependant, ce sont surtout les internes et leurs invités qui fréquentent ces salles dédiées aux repas, au repos et à la détente.

Sommaire

[modifier] L'internat

l'internat est l'endroit où vivent les internes de l'hôpital. Actuellement, les internes habitent moins souvent sur le site de l'hôpital, mais un bâtiment est réservé à cet usage (le terme interne désigne théoriquement un « médecin/pharmacien qui vit à l'hôpital »). En France, les internes sont recrutés depuis 1802 par concours national (l'internat de médecine, aujourd'hui remplacé par l'examen national classant (ECN) ou de pharmacie) et sont affectés selon leur classement à un CHU.

Les internes ont un statut hybride : ils sont de fait salariés de l'hôpital, mais restent considérés comme des étudiants : cela permet de les faire travailler sans contrainte horaire, jusqu'à 70 voir 90 heures par semaine. Le principe d'un droit au repos pour les internes après une garde (repos de sécurité ou repos compensatoire) avait été négocié en 2000 pour répondre à une directive européenne visant à améliorer la sécurité des patients. Bernard Kouchner, alors ministre de la Santé l'avait supprimé, déclenchant une grève de six semaines où les organisations syndicales des internes s'étaient épuisées pour faire reconnaître ce droit en 2001. Cependant, la situation a permis au ministère de la Santé de ne pas faire bénéficier les internes de la loi sur les 35 heures en leur attribuant le statut d'étudiants. Les syndicats d'étudiants hospitaliers ont alors fait remarquer que Bernard Kouchner n'avait jamais été interne du fait de son échec au concours, et il lui est souvent reproché de ne pas l'avoir assumé.

La Salle de garde est l'endroit où se restaurent les internes et leurs invités, fossiles (chefs de clinique et praticiens hospitaliers), dinosaures (chefs de services et praticiens hospitaliers-professeurs des universités) ou externes.

Cette salle est généralement très animée, et décorée de fresques souvent (mais pas nécessairement) grivoises caricaturant les membres de la salle de garde et/ou leurs chefs de service.

La salle de garde est gérée par l'équipe économale constituée par un économe secondé par un ou des sous-économes et économinettes, élus en début de semestre (les internes changent tous les 6 mois de service et d'hôpital). Cette équipe peut être renversée à n'importe quel moment par les convives.

Si l'internat date de 1802, certaines traditions carabines remontent à la création de la faculté de Montpellier au XIe siècle. Les salles de garde sont un patrimoine culturel aujourd'hui menacé.

[modifier] Les règles de salle de garde

d'arrivée en « quinconce » (les tables sont disposées en U en partant de la table économale). Aucune place ne doit être laissée vacante. Ceci permet d'éviter que les convives ne se placent par service ou affinités, ce qui permet à tous de se connaître au sein de l'hôpital bien que les internes changent d'affectation tous les 6 mois (les salles de garde améliorent considérablement le fonctionnement inter-service des hôpitaux passé une certaine taille).

Les nouveaux arrivants saluent tous les convives par une tape sur le dos avant de s'intaller. Ils rendent hommage de manière déférente à l'économe et à son ou ses économinette(s).

Il est interdit de se lever sans l'autorisation de l'économe.

Il est interdit de fumer avant que le café soit sur la table.

Les termes médicaux, ainsi que les conversations religieuses et politiques sont proscrits, et donc taxables. Si un convive surprend un mot interdit, il est vivement encouragé à le dénoncer à l'économe (délation). Il le fera en faisant mine de ne pas le comprendre. Si doute il y a sur le caractère scientifique ou médical du mot, l'économe fait venir le cuisinier et lui demande s'il en connaît la signification. S'il la connaît, il s'agira d'une fausse délation qui est taxable.

Seule l'équipe économale peut s'adresser directement aux cuisines.

L'usage du tire-bouchon est interdit en salle de garde : toutes les bouteilles sont sabrées avec un couteau de table.

De même, il n'y a pas de serviette (on s'essuie dans la nappe).

Les applaudissements sont prohibés : un bon mot, un acte de panache sont récompensés par une battue (voir plus loin).

Les effet de ce règlement et les pouvoirs de l'économe cessent quand le café arrive sur la table. C'est à ce moment que nombre de demandes d'examens ou d'avis spécialisés sont négociées, accélérant souvent les rendez-vous de plusieurs jours et améliorant le fonctionnement de l'hôpital.

Les externes et invités ne sont pas taxables (c'est l'interne qui les couvre qui est taxé à leur place le cas échéant).

[modifier] Les battues

Un bon mot, un acte de panache sont célébrés en battant un rythme sur la table. Les plus anciennes sont la Royale, la Centrale (qui ne se bat qu'à l'Hôtel-Dieu) et la Périphérique. En 1802, il n'y avait qu'un interne de garde sur Paris et il se rendait au domicile des patients appelé par un rythme battu par un tambour. Le rythme permettait de connaître la distance : la Centrale pour l'Île de la Cité, la Royale (car à la même distance que la Place Royale) pour Paris intra muros, la Périphérique pour les faubourgs.

Les battues classiques sont : la Vaginale, l'Anale, la Zob (toutes trois sur le rythme de la Périphérique), la Boléro (crescendo sur le rythme du Boléro de Ravel, la Religieuse, la Merdique (en laissant tomber le couteau dans son assiette).

Toute battue originale et inventée sur l'instant pour s'adapter aux circonstances et à l'acte célébré est bienvenue.

On citera par exemple: la Mongolienne, l'Anarchique, la Ronaldo (qui ne se bat qu'à la Pitié-Salpêtrière avec le genou sur la table sur l'air de 1 et 2 et 3-0), la Khroutchévienne (qui se bat chaussure à la main et qui se termine par un jet généralisé de chaussures).

[modifier] L'esprit de salle de garde

Les salles de garde sont un des derniers espaces de liberté et de créativité qui échappent encore à la vague de normalisation du début du XXIe siècle. Hormis les infractions au règlement tout y est permis. Les internes peuvent s'y moquer de leur chef de service en toute impunité. Les joutes verbales y sont proverbiales. Les chansons paillardes y prolifèrent. Rien de ce qui se passe en salle de garde ne doit en sortir. Tout concourt à ce que chacun y expose ses talents artistiques individuels les plus variés et les plus originaux en s'affranchissant de sa timidité et des nombreux carcans que le regard des autres impose.

[modifier] Un patrimoine menacé

La présence d'un espace non contrôlé n'est pas forcément bien vue par les directions des hôpitaux qui n'en comprennent pas l'aspect culturel (l'aspect patrimonial est pourtant reconnu par L'Assistance Publique qui y a consacré une exposition lors du bicentenaire de l'internat en 2002), qui ne voient pas l'intérêt que les salles de garde permettent aux internes (qui sont la cheville ouvrière de l'hôpital) de se connaître alors qu'ils changent d'affectation tous les 6 mois, qui ne réalisent pas qu'elles améliorent considérablement le fonctionnement des grandes structures. Sans doute aussi les administrations hospitalières craignent-elles que ces lieux de convivialité et de complicité deviennent le ferment des revendications et des révoltes. Il est en effet bien plus difficile de se fédérer quand on ne se connaît pas et qu'on n'a pas l'occasion de se retrouver, de se concerter.

Il semble donc que la tendance soit de manœuvrer pour les faire mourir à petit feu. On n'entretient pas les cuisines pour qu'elles ne soient plus aux normes. On ferme ensuite ces cuisines pour transférer leur activité en cuisine centrale (Kremlin-Bicêtre, Pitié-Salpêtrière, Evry...). On fournit alors à la salle de garde une alimentation peu ragoûtante, peu propice à libérer les esprits, ce qui tue l'ambiance. Peu à peu, les internes sont obligés de manger au self commun pour trouver une nourriture correcte. Et on profite du changement de semestre pour fermer insidieusement la salle de garde... (un soudain besoin d'espace pour étendre des services administratifs donne lieu à des travaux réalisés en un temps record).[réf. nécessaire]

Progressivement, les administrations des hôpitaux détruisent un patrimoine qui a plus de 200 ans d'âge (voire mille ans pour certaines traditions).

[modifier] Lien externe