Royal de Luxe

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La Petite Géante, en 2006,à St-James park (Londres).
La Petite Géante, en 2006,à St-James park (Londres).

Royal de Luxe est une compagnie de théâtre de rue française.

Sommaire

[modifier] Parcours d'une compagnie iconoclaste et emblématique

L’histoire de Royal de Luxe se place dans la droite lignée de Mai-68 et du refus des traditions aboutissant à une autre conception de la création. A la fin des années 70, alors que surgissent des « villes nouvelles » du côté de Saint-Quentin-en-Yvelines ou Marne-la-Vallée, s’élabore une réflexion originale sur l’espace urbain et sa reconquête menée, entre autres, par Michel Crespin. Comme toute une génération de « cogne trottoirs » et de saltimbanques qui vont donner naissance à Délices Dada ou Ilotopie, Royal de Luxe participe à ce mouvement jusqu’à en devenir emblématique.

[modifier] D'Aix-en-Provence à Nantes : montée en puissance des bricoleurs de génie

Royal de Luxe est constitué en 1979 à Aix-en-Provence, mais s'installe rapidement au hameau de La Taule, entre St Jean du Gard et L'Estréchure, petite commune cévenole, autour de Jean-Luc Courcoult, étudiant en rupture avec le système d’enseignement académique. Les débuts de l’équipée sont presque banals pour une compagnie de rue : pas de chauffage, pas d’argent, pas de brillants antécédents. Mais les contraintes engendrées par le manque de moyens stimulent l’imaginaire des membres de la compagnie qui possèdent un certain goût pour le travail collectif, la récupération et le détournement des objets du quotidien. Baignoires, aspirateurs, lits s’animent et deviennent les protagonistes d’un monde extra-ordinaire. Déjà Royal de Luxe commence à se distinguer par ses perturbations de l’espace urbain et la remise en question des conventions qu’il occasionne. C’est l’époque des Mystères du grand congélateur (1980), du Bidet cardiaque (1981), Publicité Urbaine et La demi-finale de Waterclash(1982).

La troupe quitte St Jean du Gard fin 1984, pour squatter un château près de Toulouse. La municipalité tolère l’occupation des lieux mais n’accorde aucune aide financière. Le Royal continue son exploration de différentes formes de théâtre de rue : spectacles de 15 minutes (La demi-finale de Waterclash), spectacles déambulants (La péniche sur les boulevards de Toulouse), occupations-spectacles d’un lieu (La maison dans les arbres) et surtout travail sur la rencontre avec le public, tous les jours à la même heure, au même endroit, sans communication préalable (Desgarones, rituel sur les mises à mort de voitures). La troupe commence à se construire un réseau de diffusion à l’étranger, notamment grâce au succès de Parfum d’amnésium (créé en 1987 et mieux connu sous le nom de Roman-photos).

[modifier] Au-delà des frontières françaises

La même année, l’Agence Française d’Action Artistique du ministère des Affaires étrangères lui confie une mission d’ambassade artistique au Maroc qui s’avèrera décisive pour l’ascension institutionnelle de Royal de Luxe.

En 1989, la mairie de Toulouse lui refusant encore et toujours son soutien financier, Royal de luxe lance un appel dans la presse nationale, certain de pouvoir recevoir ailleurs un meilleur accueil. C’est le maire de Nantes qui s’empresse d’y répondre et lui met à disposition un hangar de 10 000 m².

Là, commence la création d’un spectacle qui marque un tournant pour la compagnie : La véritable histoire de France. Ce spectacle est présenté pour la première fois à Avignon sur la place du Palais des Papes en juillet 1990, avant de tourner dans dix villes coproductrices, puis en Europe en 1991.

1992 est une année faste, puisque l’équipe traverse l’océan Atlantique à destination de l'Amérique du sud, à bord d’un cargo en compagnie du groupe la Mano Negra, du chorégraphe Philippe Decouflé et du marionnettiste Philippe Genty. Tous sont représentatifs de la même vague artistique anticonformiste, et boulimique d’univers merveilleux. C’est l’opération Cargo 92, anniversaire anti-conventionnel de la découverte des Amériques. Cette épopée est elle aussi cofinancée par la ville de Nantes. Une de ses rues est reproduite à l’identique à bord du bateau par les soins de Royal de Luxe. La véritable histoire de France est jouée sept fois dans des ports de la façade atlantique de l’Amérique latine.

[modifier] L'accés à un statut unique pour une compagnie de rue

Cette même année, le Royal se voit attribuer le statut de compagnie « hors commission ». Cela lui garantit l’attribution de subventions directement négociées avec l’État, en sautant l’étape tant redoutée par les compagnies : l’avis annuel de la commission des experts.

De retour d’Amérique latine, la compagnie s’enferme quatre mois pour créer un spectacle très particulier, Les embouteillages, où une vingtaine de véhicules parcourent la ville dans les embouteillages entre 7h30 et 9h, baladant des images insolites. Ce spectacle est organisé sans aucun rendez-vous avec le public, sans plan de communication préalable, ce qui deviendra l’une des grandes particularités de Royal de Luxe. C'est aussi le cas pour Le Géant tombé du ciel, une création qui prend possession de la ville du Havre en 1993. Pour la première fois, raconter une histoire à une cité entière devient une réalité, jusqu’à ce que la population ne perçoive plus cela comme un spectacle avec un début et une fin, mais comme une autre réalité qui s’impose simplement à elle. Le géant voyage durant toute l’année 1994 : à Calais pour l’ouverture du tunnel sous la Manche, à Nîmes, à Nantes et à Bayonne. Sa visite, aussi bien impromptue qu’émouvante, se soldant systématiquement par un triomphe, le Royal s’engage dans d’autres aventures dans cette lignée.

Après voir créé et présenté une quarantaine de fois à partir de 1995, Le Peplum, (peplum pharaonique théâtral et parodique), la compagnie s’engage en octobre 1997 dans une aventure théâtrale au Cameroun. Royal de Luxe et le Géant reviennent de ce voyage en 1998, accompagnés d’un enfant noir de six mètres de haut. Les visites du Géant et de son jeune ami s’inscrivent dans la continuité narrative de leurs péripéties respectives, en France et au Cameroun. Royal de Luxe ne s’enfermant pas dans la surenchère du gigantisme, il revient en 1999 avec le spectacle plus léger Petits contes nègres, titre provisoire.

Mais en août 2000, la compagnie reprend ses pérégrinations dans l’infiniment grand en lâchant des girafes d’une dizaine de mètres de hauteur dans les villes du nord de la France.

[modifier] Positionnement économique et liberté de création

Enfant du système D, la troupe a acquis au fil de ses créations un statut qui la rapproche des compagnies de théâtre subventionnées, fait rarissime dans le monde du spectacle de rue.

Malgré cette institutionnalisation, l’énergie intacte de Royal de Luxe et son propos, restent fortement ceux d’une compagnie de rue. La rue apparaît pour ses membres comme l’espace le plus pertinent pour développer un univers qui n’appartient qu’à eux. Objectif : transfigurer le banal, redessiner l’espace urbain et les rapports sociaux le temps d’un spectacle.

Si la position institutionnelle de Royal de Luxe se démarque nettement de celles des autres compagnies de rue, elle est en revanche assez normale au regard des compagnies de théâtre subventionnées. Les aides publiques représentent environ un tiers du budget global et les collectivités, essentiellement la ville de Nantes, 18% (soit un tiers du budget total que Nantes alloue à la culture). La subvention versée par la ville s'est élevée à 285 000 euros en 2007 ; il s'y ajoute des aides pour les spectacles, le montant versé par la ville de Nantes pour "La révolte des mannequins" s'élevant par exemple à 300 000 euros (conseil municipal du 5 octobre 2007). Le reste doit être trouvé par la vente des spectacles et les apports en coproduction. Cette répartition illustre parfaitement le moment de transition qui caractérise l’évolution des troupes des arts de la rue : d’une économie essentiellement fondée sur la vente et sur la débrouillardise typique des années « saltimbanques » jusqu’aux temps présents où les subventions deviennent des enjeux déterminants de la progression des compagnies.

Le parcours de Royal de Luxe est aussi significatif de l’évolution possible des rapports entre l’offre et la demande. Les conditions de précarité économique obligent la très grande majorité des compagnies à s’adapter aux conditions proposées par les acheteurs. Royal de Luxe a réussi à inverser ce rapport. En prenant appui sur sa notoriété médiatique et sur la reconnaissance des tutelles, qui lui apportent des moyens financiers dégagés des aléas de la vente, il a réussi à changer le marché de monopsone à monopole. Contrairement à la plupart des compagnies qui poursuivent une logique de vente basées sur du « beaucoup et pas cher », Royal de luxe a désormais opté pour le « rare et précieux ». Aucun spectacle n’est maintenu au répertoire. Chaque création est financée en amont par un groupe restreint de coproducteurs qui investissent dans la production et accueillant ensuite les représentations. Le cycle de vie économique des spectacles est ainsi bouclé en amont, ce qui permet à la troupe d’externaliser les risques de production et de prévoir à moyen terme (un an et demi environ) le volume d’activité. Cette évolution s’est accomplie au fur et à mesure des succès de la troupe. Si Parfum d’amnésium n’a coûté que 50000 francs (approximativement 7500 €) et a été joué 270 fois, Peplum a coûté presque 5 millions de francs (750000 €) et a été joué une quarantaine de fois.

De manière cohérente avec la notion d’extraordinaire (au-delà de l’ordinaire) qui caractérise la démarche artistique de la troupe, cette radicalisation de la notion de la création accentue l’effet de rareté qui est l’une des clefs de la réussite de Royal de Luxe. La compagnie aurait pu souffrir de cette image. Après avoir imposé pendant quelques années des formats de spectacle grandioses et coûteux (l’apothéose étant la saga des Géants), la troupe semblait être prise dans une spirale de l’excellence et de la démesure aussi bien dans le rendu du spectacle que dans les moyens à mobiliser (vingt cinq personnes pour la manipulation du Géant). Après Les petits contes nègres, titre provisoire, Royal de Luxe a montré qu’il pouvait revenir à des spectacles presque intimistes, avec jauge de public. Le récit ne s’adresse plus à des foules anonymes mais à des individus spectateurs. En passant par cette étape puis en revenant à son univers du gigantisme, le Royal semble indiquer qu’une évolution est toujours possible dans les arts de la rue, où les spécificités qui ont servi à identifier le secteur seraient définitivement dépassées.

[modifier] Liste des spectacles

  • 1979 : Le Cap Horn. La première création de l'histoire de Royal de Luxe
  • 1982 : Publicité Urbaine. Parodie de la publicité, remporte un grand succès sur les places de France et d' Europe jusqu'en 1985. La même année, création de La demi-finale de Waterclash, un combat tonitruant de chevaliers sur fond de musique rock, de machines à laver défoncées et de vaisselle cassée. Michel Augier devient le compositeur de la compagnie.
  • 1984 : Participation à divers festivals dont celui de Santarcangelo en Italie.
  • 1985 : L'Incroyable histoire d'amour d'une péniche et d'un scaphandrier, à Toulouse. Une péniche met au monde une petite péniche après un périple de plusieurs jours à travers la ville. Les tournées en Europe se multiplient. Création du premier Roman photo : tournage dans le cadre d'un concours organisé par la SNCF, Le théâtre entre en gare présidé par José Artur. La compagnie gagne le concours, ce qui lui permet de jouer dans les gares des principales villes de France.
  • 1987 : Roman photo : tournage. Reprise et amélioration du précédent roman photo, toujours un tournage de roman photo loufoque sur la place publique. Deux cent quarante représentations auront lieu, que ce soit en France, en Europe, en Afrique ou en Amérique du Sud. Devant ce succès, la troupe repart en tournée avec ce spectacle en 1991 en Asie (Japon, Corée, Philippines) et en Océanie (Australie et Nouvelle-Zélande).
  • 1990 : La véritable histoire de France. Avec cette création, Royal de Luxe offre sa vision de l'Histoire de France. Après une présentation au Festival d'Avignon, une tournée débute en France et en Europe.
En 1992 La véritable histoire de France embarquait à bord du Cargo 92 pour une tournée en Amérique du Sud avec la Mano Negra et les compagnies Philippe Decouflé et Philippe Genty.
  • 1993 : Le Géant tombé du ciel. C'est en septembre, au Havre, que le public découvre pour la première fois le Géant. Le spectacle part ensuite à Calais, Nîmes, Nantes et Bayonne.
  • 1994 : Le Géant tombé du ciel : dernier voyage. Un an après, nouveau rendez-vous au Havre avec le Géant.
  • 1994 : Le péplum. Ce grand péplum théâtral part en tournée pendant plus de deux ans et demi à travers le monde : de Nantes à Perth en passant par Berlin, Zurich, Le HavreFrance, Pologne, Autriche, Allemagne, Suisse, Australie
  • 1997 : En octobre, la troupe part six mois au Cameroun.
  • 1998 : Retour d'Afrique. Pour marquer son retour d'Afrique, Royal de Luxe revient avec son Géant et son Petit Géant. Après un retour au Havre, les deux Géants passeront à Nantes, Calais et Anvers.
  • 1999 : Petits contes nègres titre provisoire. Retour à un spectacle plus traditionnel pour Royal de Luxe, après la première à Nantes, la troupe part pour une tournée française, sud-américaine et européenne.
  • 2000 : Les chasseurs de girafes. Le Petit Géant fait son retour, accompagné pour l'occasion de deux girafes géantes (la maman et son petit), après une première à Nantes le Petit Géant et ses girafes partent au Havre, à Lille, à Calais…
  • 2004 : Le tréteau des ménestrels : Soldes! deux spectacles pour le prix d'un. Une version revisitée du théâtre classique.
  • 2005 : La visite du sultan des Indes sur son éléphant à voyager dans le temps. À l'occasion de l'année Jules Verne, les deux villes verniennes ont commandé à Royal de Luxe une nouvelle création. C'est chose faite avec cet éléphant géant accompagné d'une Petite Géante qui ont fait leur apparition en mai à Nantes et en juin à Amiens.
  • 2006 : L'éléphant et la Petite Géante arrivent en mai à Londres, en juillet à Anvers, en septembre à Calais et en octobre (du 26 au 29 octobre 2006) à Le Havre.
  • 2006 : Reprise de Roman photo par la jeune compagnie chilienne Compañía Gran Reyneta : Royal de Luxe fait école.
  • 2006 : A nouveau le tréteau des ménestrels au bord du Gardon dans le cadre somptueux du pont du Gard.
  • 2006 : L'éléphant et la Petite Géante dans le cadre de Jours de fête à Calais (27 au 1er octobre). Cette manifestation est organisée par « le Channel » (scène nationale).
  • 2006 : C'est au tour du Havre de voir la Petite Géante et son éléphant ! Cette manifestation s'est déroulée du 26 au 29 octobre.
  • 2007 : Le spectacle de la Petite Géante se déroule à Santiago du Chili du 25 au 28 janvier.
  • 2007 : Le spectacle de la Petite Géante se déroule à Reykjavík en Islande du 9 au 12 mai.
  • 2007 : La compagnie chilienne Compañía Gran Reyneta réitère Roman photo aux Tombées de la Nuit à Rennes du 4 au 7 juillet.
  • 2007 : La Révolte des mannequins est présentée à Charleville-Mézières du 26 octobre au 3 novembre.
  • 2008 : Le Royal de Luxe présente La Révolte des mannequins à Nantes du 1e au 10 février, puis à Maastricht en mars, à
  • 2008 : le royal de luxe presente "le géant enterré vivant de Santa Maria" Dans le cadre du festival international du theatre de rue du 15 au 17 mai 2008 à Santa Maria da Feira au Portugal
Amiens en juin, à Anvers en juillet et à Calais en septembre.

[modifier] Galerie

  • Gigantisme de la mise en scène
Information Cliquez sur une vignette pour l’agrandir.
  • Inventivité et technicité
commons:Accueil

Wikimedia Commons propose des documents multimédia libres sur la compagnie Royal de Luxe.

[modifier] Voir également

[modifier] Bibliographie

  • Le royal de luxe: Photographies de Jordi Bover, Art Books Intl Ltd (1994), Relié, 176 pages, ISBN 2841100030
  • Royal de Luxe, 1993-2001 (Collectif), Actes Sud (11 septembre 2001), Broché, 209 pages, 23 x 29 cm, ISBN 2742734295
  • Le Grand Répertoire : Machines de spectacle de François Delarozière, Actes Sud (12 septembre 2003) Broché, 188 pages, 22 x 28 cm, ISBN 2742744932
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