Révolution française de 1848

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Série Histoire de France
Monarchie de Juillet
Campagne des banquets
Révolution de 1848
Gouvernement provisoire
Seconde République

La Révolution française de 1848 est la seconde révolution française du XIXe siècle ; elle se déroule à Paris les 23, 24 et 25 février 1848. Sous l'impulsion des libéraux et républicains et suite à une fusillade malheureuse, Paris se soulève à nouveau et parvient à prendre le contrôle de la capitale. Louis-Philippe, refusant de lancer l’assaut sur les Parisiens, est donc contraint d'abdiquer en faveur de son petit-fils le 24 février. Mais les révolutionnaires imposent un gouvernement provisoire républicain, tuant la Monarchie de Juillet et créant la Deuxième République le 25 février 1848.

la Barricade de la rue Soufflot, Paris, février 1848, peinture d'Horace Vernet.
la Barricade de la rue Soufflot, Paris, février 1848, peinture d'Horace Vernet.

Sommaire

[modifier] Origines

La Révolution de 1848, évènement politique majeur, est née d'une conjonction de plusieurs crises.

[modifier] Une crise économique

Les émeutes sont les résultats de plusieurs années d'une crise économique sans précédent, puisqu'il s'agit à la fois d'une crise classique d'Ancien Régime et d'une crise du capitalisme moderne. Depuis 1846, la France subit une crise agricole. À la suite de conditions météorologiques défavorables (deux hivers très durs et une sécheresse estivale, ainsi que des grêles et des orages sur les semences à germination précoce) la récolte de 1846 est particulièrement médiocre, en particulier dans le Nord et l'Ouest. En conséquence pendant l'hiver 1846-47, le prix du blé s'envole (jusqu'à 38 francs l'hectolitre à la période traditionnelle de la "soudure" en mai 1847) suivi par celui du pain qui culmine à 70 centimes le kilogramme (un ouvrier gagne environ 1,50 franc par jour). Or le pain compte pour environ 40% dans le budget des foyers ouvriers. Comble de malchance, la pomme de terre, nourriture de substitution, connaît une réduction de la production à cause d'une maladie qui de l'Irlande s'est introduite en France. Les petits paysans comme les ouvriers connaissent alors de graves difficultés d'alimentation et la mendicité se développe. Le gouvernement est contraint d'acheter du blé en Russie, aggravant de ce fait le déficit budgétaire et diminuant l'encaisse or de la Banque de France. La récolte de 1847 qui est très bonne permet une baisse du prix du blé (22 francs l'hectolitre en septembre 1847). Mais cette abondance n'arrange pas les affaires des gros producteurs qui doivent écouler à bas prix une partie de leur production empêchant ainsi les petits producteurs de pouvoir vendre la leur. Or le monde agricole est très endetté. L'achat de terres a été important pendant la Monarchie de Juillet et les acquéreurs ont eu recours massivement au crédit. Si les bourgeois ont pu obtenir un crédit à 5%, les petits paysans ont dû recourir au crédit usuraire (de près de 20%). Ils ont donc de grosses difficultés à faire face à leur échéances vis-à-vis du prêteur.

L'inauguration de la ligne de chemin de fer Rouen - Le Havre en 1844
L'inauguration de la ligne de chemin de fer Rouen - Le Havre en 1844

À la crise agricole (type Ancien régime) se superpose une crise du crédit. La France ne dispose pas d'un système de crédit développé. Le système bancaire est dominé par la Haute Banque qui gère, le plus souvent à court terme, des capitaux d'origine familiale. Elle aide ponctuellement quelques "capitaines d'industrie" (ainsi les Rothschild soutiennent Péreire et Seillière finance Schneider au Creusot). Mais il manque des banques de dépôt drainant des capitaux plus importants provenant de l'épargne publique. Malgré les différentes tentatives de Jacques Laffitte, qui crée la "Caisse générale du Commerce et de l'Industrie", les capacités de financement du développement économique par des banques sont insuffisantes. Or sous la Monarchie de Juillet, le développement économique est important. Depuis 1842, la France connaît une "Railwaymania". Le gouvernement organise la construction du réseau de chemin de fer en coopération avec l'initiative privée. Les capitaux gigantesques qui sont nécessaires sont alors bloqués sur le long terme. La spéculation aidant, on a abouti à un surinvestissement. L'argent frais manque alors pour financer l'escompte très pratiqué par le commerce et l'industrie et pour continuer de financer le chemin de fer dont les besoins ont été souvent sousestimés. Les moyens de crédit sont d'autant plus rares que le gouvernement et les particuliers ont ponctionné les capitaux pour faire face à la crise agricole de 1846-47. En janvier 1847, la Banque de France doit remonter le taux de l'escompte de 4 à 5%. Les compagnies de chemin de fer en difficulté entraînent dans leur déconfiture leurs fournisseurs qui doivent réduire leur personnel et les salaires et leurs actionnaires qui perdent une partie de leurs fonds.

La baisse de la consommation des ruraux (plus de 75% des 35 400 000 habitants) et des classes aisées atteint les activités productrices comme l'artisanat et l'industrie textile. Les ruraux sont aussi touchés puisqu'une partie d'entre eux complètent leurs revenus agricoles par du travail artisanal sous-traité par la grande industrie. Pour faire face à leurs difficultés, certains migrent vers les villes et y aggravent le chômage et l'indigence. L'artisanat des villes (beaucoup de petits patrons employant quelques ouvriers ou bien des « ouvriers en chambre » travaillant à façon) subit la baisse de la consommation de la population urbaine. La crise des chemins de fer handicape la métallurgie et les mines. Les chantiers de voies ferrées sont fermés, le textile et la métallurgie renvoient un tiers du personnel, les mines 20%. La situation économique semble cependant s'améliorer à la fin de 1847, mais les dégâts occasionnés sont difficiles à oublier par la population rurale et urbaine qui vit dans la précarité permanente.

La crise économique provoque des troubles sociaux. Dans les campagnes les paysans attaquent les accapareurs et les convois de blé. Ainsi à Buzançais en janvier 1847, le gouvernement doit envoyer l'armée pour réprimer très durement. Des actes de destruction de machines (luddisme) sont signalées dans l'industrie textile à Reims, à Armentières. Les classes populaires urbaines deviennent plus réceptrices à la propagande des socialistes de diverses obédiences (Charles Fourier, Étienne Cabet…). Pire pour le régime, une partie de ses soutiens (la bourgeoisie) effrayée par la contestation sociale commence à douter de la capacité du gouvernement à juguler celle-ci. Ces notables reprochent également aux dirigeants du pays de ne pouvoir garantir la prospérité des affaires pour laquelle ils les ont soutenus jusqu'ici.

[modifier] Une crise morale

Différents scandales ont secoué l'opinion publique peu avant 1848. Le 12 mars 1847, le ministre de la Justice Nicolas Martin du Nord, meurt. La rumeur évoque un suicide à la suite de la connaissance des résultats d'une enquête sur des malversations impliquant des pairs, des députés et des fonctionnaires. En avril-mai 1847, éclate le scandale Teste-Cubières, dans lequel le ministre des Travaux publics Jean-Baptiste Teste est convaincu de corruption, puis en août 1847, le scandale Choiseul-Praslin. Le duc de Choiseul-Praslin, mari soupçonné d'adultère, assassine sa femme, fille unique du maréchal Sébastiani (ancien ministre de Louis-Philippe Ier). En décembre, escroquerie politico-financière où est impliqué le ministre de la Justice Michel Hébert. Ces affaires qui mettent en cause les ministres déçoivent les soutiens du régime (bourgeois bien-pensants) et donnent matière à de dures polémiques avec l'opposition.

[modifier] Une crise politique

Depuis 1845, il règne en France une effervescence intellectuelle. De très nombreux auteurs publient des livres sur la Révolution de 1789, parmi lesquels Edgar Quinet, Michelet et Louis Blanc. Alphonse de Lamartine publie L'Histoire des Girondins, véritable succès vendu à 100 000 exemplaires avant 1848. La presse se développe, cependant ses tirages modestes et le fait que de nombreux Français soient analphabètes réduit son influence à quelques cercles restreints. Le plus gros tirage de l'époque (34 000 exemplaires) La Presse d'Émile de Girardin soutient le régime. Le Siècle(30 000 abonnés) et Le Constitutionnel dont Thiers est le directeur sont les porte-parole de la gauche dynastique (orléanistes qui souhaitent un régime plus parlementaire et un abaissement du cens électoral). Avec ses 4 000 exemplaires Le National est l'organe de l'opinion républicaine modérée qui accepte l'alliance avec la gauche dynastique. Plus radical est La Réforme qui avec moins de 2 000 exemplaires développe des idées républicaines et sociales sous la plume d' Alexandre Ledru-Rollin, d' Étienne Arago, de Louis Blanc, de Victor Schoelcher ou de Félix Pyat.

François Guizot, champion de l'immobilisme politique
François Guizot, champion de l'immobilisme politique

Cependant le gouvernement semble confiant. Les élections législatives de 1846 sont un succès pour le régime. Les partisans de la Monarchie de Juillet disposent d'une large majorité. Sur les 434 députés il y a 185 fonctionnaires qui ne doivent leur élection qu'a la proximité des cercles gouvernementaux ce qui leur permet de faire des promesses pour les habitants de leur circonscription. Les 142 propriétaires et rentiers qui siègent à la Chambre soutiennent également le régime et si une partie d'entre eux sont d'opinion légitimiste ils sont compensés par les 34 banquiers et industriels devenus députés. Mais ce pays légal est loin de correspondre au pays réel. Sur plus de 9 millions d'hommes majeurs il n'y a que 241 000 électeurs. Le roi et Guizot, son principal ministre, refusent d'élargir les conditions d'accès au droit de vote comme leur recommandent des orléanistes, plus conscients du mécontentement des exclus du suffrage censitaire. Les différentes réformes envisagées, celle de Duvergier de Hauranne qui préconise un abaissement du cens de 200 à 100 francs (soit 200 000 électeurs de plus), comme celle de Rémusat qui veut interdire le cumul d'un mandat et d'un poste de fonctionnaire, sont repoussées.

[modifier] Le banquet

Icône de détail Article détaillé : Campagne des banquets.

Après la tentative d'assassinat de Fieschi sur Louis-Philippe, le 28 juillet 1835, les rassemblements publics sont interdits. Pour contourner l'interdiction l’opposition organise donc des « Banquets », des repas assez frugaux où un grand nombre de partisans se réunissent, mangent et discutent autour de grands orateurs libéraux et républicains. La seconde Campagne des Banquets débute en juillet 1847 à Paris. Soixante-dix banquets se tiennent en France jusqu'à la fin de l'année. La gauche dynastique qui en est l'organisateur originel accepte assez vite la présence de républicains modérés (les hommes du journal Le National). L'un des banquets doit se tenir dans le douzième arrondissement de Paris, le 22 février 1848. Le gouvernement décide de l'interdire, ce qui provoque la colère des journaux et des manifestations de protestation qui contraignent le roi à se séparer de son principal ministre Guizot. Mais le 23 février une manifestation anti-Guizot est réprimée par l'armée et fait une vingtaine de victimes. C'est le début de la Révolution.

[modifier] Le ferment parisien

Si le régime de la Monarchie de Juillet est usé, la crise politique et économique aggravée, le « terreau » social et urbain de la capitale est favorable à l’expression d’un mécontentement resté latent.

le boulevard du Temple, photographié par Louis Daguerre en 1838 ou 1839
le boulevard du Temple, photographié par Louis Daguerre en 1838 ou 1839
  • Avec plus d'un million d'habitants, le Paris de 1848 est encore le Paris de l'Ancien régime avec ses maisons anciennes et ses rues étroites. La ville est close par le mur des Fermiers généraux et ses 52 barrières d'octroi. Une sorte de frontière sépare l'Ouest et l'Est, elle sera tragiquement retracée lors des Journées de Juin 1848, par la ligne de bataille qui, du boulevard Rochechouart à l'actuel boulevard de Port-Royal, suivra le boulevard Poissonnière, la rue Saint-Denis, traversera l'Île de la Cité et remontera la rue Saint-Jacques. Si cette frontière n’est nullement rigide (les quartiers populaires s'étendant vers l'Est, débordant vers le "Quartier Latin de Paris", l'Hôtel de Ville, le Louvre ou les Tuileries), la différenciation est très nette entre les classes "privilégiées" (ou supérieures) et le "peuple parisien". Le monde de la boutique est très important dans la capitale. S'il fournit une grande partie de la Garde nationale, il est écarté du droit de vote censitaire. À Paris en 1848, les conditions d'existence (durée et dureté du travail, misère, conditions d’hygiène et de santé, voire environnement redoutable de la criminalité) sont telles que la mortalité chez les classes populaires dépasse souvent 30 pour 1000. La grande industrie a été rejetée sur les villages périphériques, La Vilette, les Batignolles. L'essentiel des travailleurs sont occupés dans des ateliers œuvrant pour le luxe (la moitié des 64 000 ateliers sont tenus par un patron seul ou avec un ouvrier). Les spécialités sont très diversifiées (plus de 325 métiers recensés) où dominent le vêtement (90 000 travailleurs) et le bâtiment (41 000).
  • Même après les avancées de 1830 obtenant une monarchie constitutionnelle, les antagonismes s'exaspèrent (en ces temps d'épidémie, de choléra, de disette, de crise financière, de rivalités politiques ou de querelle à propos des écoles religieuses) plus régulièrement dans la capitale qu'en province et peuvent alors faire resurgir les barricades.
- Le saccage de l'église Saint-Germain-l'Auxerrois et de l'archevêché en protestation contre la célébration d'une messe légitimiste, puis le début d'insurrection suite au verdict prononcé contre 19 officiers de la Garde nationale (1831), l'émeute à l'occasion de l'enterrement du général Lamarque se soldant par 800 morts (1832), les batailles de rues (lourdement réprimées par Bugeaud) provoquées par l'arrestation de 150 militants de la Société des Droits de l'Homme et la promulgation de la loi sur les associations (1834), l'attentat contre le roi (1835), les incidents pour repousser les assaillants de l'Hôtel de Ville et de la préfecture de police (1839) y sont significatifs de la première décennie.
- Les vigoureuses prises de position à la Chambre contre le suffrage universel de Thiers (1840) et de Guizot (1842) refusant de prendre en compte les aspirations démocratiques répondent par une fin de non recevoir à la pétition soutenant les Gardes nationaux manifestant pour obtenir le droit de vote et au lancement de la toute première campagne de « banquets » en faveur de la réforme électorale (1840). Si les manifestations et grèves des ouvriers du textile, du bâtiment et des ébénistes tournent à l'émeute Faubourg Saint-Antoine (1840), si des manifestants défilent avec le « drapeau rouge » en scandant « Vive la République ! » (1841), les années suivantes sont caractérisées par les contrecoups économiques et financiers du pays mal préparé à une évolution aussi rapide. La crise de 1846-47 provoque un chômage important : en 1848, près des deux tiers des ouvriers en ameublement et du bâtiment sont au chômage.

[modifier] Révolution

Le gouvernement Guizot décide finalement d’interdire ces faux banquets et vraies réunions politiques.

  • Le 14 février, le préfet de police interdit un banquet projeté à Paris pour le 19. À l'appel d'Armand Marrast, dans Le National, les Parisiens sont invités à manifester le 22, date à laquelle le banquet a été reporté. Le rassemblement doit s'effectuer place de la Madeleine. La veille, pourtant, les principaux chefs de l'opposition reculent devant l'épreuve de force et donnent le contrordre d'annuler le banquet et la manifestation. Le gouvernement semble devoir l'emporter ; confiant, il décide de ne pas mettre en application les dispositifs militaires prévus en cas d'incidents graves.

En fait, gouvernement et opposition vont être débordés par la situation se développant au fil des heures en "révolution".

  • Le 22 février au matin, des centaines d'étudiants (dont certains s'étaient déjà mobilisés dès le 3 janvier pour dénoncer la suppression des cours de Jules Michelet) se rassemblent place du Panthéon, puis se rendent à la Madeleine où ils se mêlent aux ouvriers. Les manifestants (3 000 personnes) se dirigent ensuite vers la Chambre des Députés, Place de la Concorde, aux cris de "Vive la Réforme ! A bas Guizot !". Mais dans l'ensemble, les forces de l'ordre contrôlent la situation. L'occupation militaire de Paris a été décrétée vers 16 heures. Le roi peut compter sur 30 000 soldats, l'appoint de l'artillerie, la sécurité des forts qui encerclent la capitale. Il y a, enfin, la Garde Nationale, 40 000 hommes environ.

Après quelques incidents (un mort), les troubles se déplacent vers l'église Saint-Roch, la manifestation s'organise, la situation s’envenime puisque la crise ne peut être dénouée, la Chambre ayant rejeté quelques heures plus tôt la demande de mise en accusation du gouvernement Guizot déposée par Odilon Barrot.

  • Le matin du 23 février, alors que l'insurrection se développe, les gardes nationaux de la deuxième Légion, boulevard Montmartre, crient "Vive la Réforme !". Dans d'autres quartiers, différents bataillons de la Garde nationale protègent les ouvriers contre les gardes municipaux et même contre la troupe de Ligne. La Garde nationale se pose ainsi en arbitre entre l'armée et le peuple. Cette défection sonne le glas du pouvoir de Guizot.

Louis-Philippe se rend subitement compte de l'impopularité de son ministre et se résout, dans l'après-midi, à le remplacer par le comte Molé, ce qui équivaut à accepter la réforme. Le roi renvoie certes tardivement son ministre Guizot, mais la protestation se calme : le pire semble évité même si le climat reste tendu.

En soirée, la foule déambule sous des lampions pour manifester sa joie et envisage de se rendre sous les fenêtres de Guizot pour le huer. Le mécontentement avait été si profond depuis des mois et la tension des dernières heures si vive que le moindre incident pouvait encore mettre en péril ce règlement "légaliste" et improvisé de la crise et raviver les ardeurs révolutionnaires. Dans le quartier des Capucines, une rue est barrée par le 14ème de Ligne et la provocation d'un manifestant porteur d'une torche envers un officier a des conséquences tragiques. Se croyant menacée, la garde ouvre le feu, laissant sur le pavé plus de 50 tués qui "justifient" le rebondissement et l'amplification du mouvement protestataire, alors que l'apaisement semblait en bonne voie. Cette fusillade du boulevard des Capucines, la promenade des cadavres, la nuit, à la lueur des torches, sur une charrette dans les rues de Paris, l'appel du tocsin annonçant le massacre, entre 23 heures et minuit, de Saint-Merri à Saint-Sulpice, relancent l'insurrection. Puisqu'il y a 52 martyrs, on dévalise les armuriers et on édifie des barricades. Il y en a bientôt 1 500 dans toute la ville. Le monde ouvrier y coudoie la jeunesse estudiantine et la petite bourgeoisie.

Pendant que Paris se soulève, le roi, aux Tuileries, n'a plus de gouvernement. Le maréchal Bugeaud, nommé commandant supérieur de l'armée et de la Garde nationale de Paris, est convaincu qu'il peut vaincre l'émeute, mais le souverain refuse la solution de force. Beaucoup trop de sang a déjà coulé.

  • Le 24 février, Louis-Philippe ne parvient pas à reprendre en main la situation.

Lorsque le palais commence à être attaqué par la foule, vers midi, le roi abdique en faveur de son petit-fils de 9 ans, le comte de Paris, confie la régence à la duchesse d'Orléans, puis se résout à prendre le chemin de l'exil. Au début de l'après-midi, la duchesse d'Orléans se rend au Palais-Bourbon pour y faire investir son fils et y faire proclamer officiellement la régence, dans l'espoir de sauver la dynastie. Les députés, dans leur majorité, semblent favorables à une régence. Mais les républicains ont appris de leur échec de 1830 et tandis que la bourgeoisie s’organise un nouveau gouvernement simplement plus libéral, ils forcent la main : pendant la séance, le Palais-Bourbon est envahi par les révolutionnaires qui, d'accord avec les élus de l'extrême gauche, repoussent toute solution monarchique et font proclamer un gouvernement provisoire.

On estime que les trois journées de février ont fait 350 morts et au moins 500 blessés

[modifier] Sources

  • Georges Duveau, 1848, Gallimard, Collection Idées
  • Inès Murat, La Deuxième République, Fayard, 1987 (importante bibliographie)
  • Philippe Vigier, La Monarchie de Juillet, PUF, collection Que Sais-Je?

[modifier] Récits et analyses

  • Karl Marx analyse les événements dans Les luttes de classes en France (1) :

« Le 25 février, vers midi, la République n'était pas encore proclamée, mais, par contre, tous les ministères étaient déjà répartis entre les éléments bourgeois du Gouvernement provisoire et entre les généraux, banquiers et avocats du National. Mais, cette fois, les ouvriers étaient résolus à ne plus tolérer un escamotage semblable à celui de juillet 1830. Ils étaient prêts à engager à nouveau le combat et à imposer la République par la force des armes. C'est avec cette mission que Raspail se rendit à l’Hôtel de ville. Au nom du prolétariat parisien, il ordonna au Gouvernement provisoire de proclamer la République, déclarant que si cet ordre du peuple n’était pas exécuté dans les deux heures, il reviendrait à la tête de 200 000 hommes. Les cadavres des combattants étaient encore à peine refroidis, les barricades n'étaient pas enlevées, les ouvriers n'étaient pas désarmés et la seule force qu'on pût leur opposer était la Garde Nationale. Dans ces circonstances, les considérations politiques et les scrupules juridiques du Gouvernement provisoire s'évanouirent brusquement. Le délai de deux heures n’était pas encore écoulé que déjà sur tous les murs de Paris s'étalaient en caractères gigantesques :

République française ! Liberté, Égalité, Fraternité ! »

« La veille au soir, le spectacle du chariot contenant cinq cadavres recueillis parmi ceux du boulevard des Capucines avait changé les dispositions du peuple ; et, pendant qu'aux Tuileries les aides de camp se succédaient, et que M. Molé, en train de faire un cabinet nouveau, ne revenait pas, et que M. Thiers tâchait d'en composer un autre, et que le Roi chicanait, hésitait, puis donnait à Bugeaud le commandement général pour l'empêcher de s’en servir, l’insurrection, comme dirigée par un seul bras, s’organisait formidablement. Des hommes d'une éloquence frénétique haranguaient la foule au coin des rues ; d'autres dans les églises sonnaient le tocsin à pleine volée ; on coulait du plomb, on roulait des cartouches ; les arbres des boulevards, les vespasiennes, les bancs, les grilles, les becs de gaz, tout fut arraché, renversé ; Paris, le matin, était couvert de barricades. La résistance ne dura pas ; partout la garde nationale s’interposait ; — si bien qu’à huit heures, le peuple, de bon gré ou de force, possédait cinq casernes, presque toutes les mairies, les points stratégiques les plus sûrs. D’elle-même, sans secousses, la monarchie se fondait dans une dissolution rapide ; et on attaquait maintenant le poste du Château-d'Eau, pour délivrer cinquante prisonniers, qui n'y étaient pas »

  • Victor Hugo évoque longuement cette Révolution dans ses Choses vues.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

[modifier] Liens externes