Révolution belge

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Épisode des journées de septembre 1830, Gustave Wappers (1834), Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique
Épisode des journées de septembre 1830, Gustave Wappers (1834), Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique

La révolution belge de 1830 est la révolte des provinces du sud du Royaume Uni des Pays-Bas contre le roi Guillaume Ier. Elle mena à l'indépendance de la Belgique.

Sommaire

[modifier] Contexte

[modifier] Le traité de Vienne

Au Congrès de Vienne (1815), le Royaume-Uni, soucieux d'assurer sa propre sécurité par un équilibre européen, avait convaincu les autres puissances (l'Autriche, la Prusse et la Russie) de réunir les Pays-Bas méridionaux et les Provinces-Unies dans un même royaume (royaume des Pays-Bas), qui serait confié à la maison d'Orange-Nassau. Cet État tampon devrait faire obstacle à toute nouvelle tentative hégémonique de la France. L'Autriche, qui cherchait à échanger ces provinces trop éloignées, souscrivit immédiatement à cette proposition et reçut la Vénétie en compensation. Sur le plan des principes, la Belgique se voit donc détachée de la France et réunie aux Pays-Bas, sans tenir compte de l'avis de la population[1], en compensation de la perte de la colonie du cap de Bonne-Espérance et de comptoirs indien au profit du Royaume-Uni. De même, il reçut le grand-duché de Luxembourg en compensation de la perte de domaines familiaux en Allemagne.

[modifier] La Loi fondamentale

Guillaume Ier était pénétré par les conceptions politiques allemandes, telles qu'elles s'exprimaient dans la plupart des États de la Confédération germanique et en particulier en Prusse. Sa mère, Wilhelmine, était la sœur du roi de Prusse Frédéric Guillaume II et eut jusqu'à sa mort une grande influence sur lui. D'autre part, il fut en grande partie éduqué par un militaire prussien, le baron De Stamford et eut ses premières expériences politiques en tant que prince de Fulda (1802-1806) et en tant que propriétaire terrien en Prusse-Orientale. Logiquement, Guillaume Ier entendait se comporter en tant que roi comme un despote éclairé.

La Loi fondamentale qu'il proposa en 1815 aux provinces du Sud fut rejetée par un collège de mille six cent trois notables belges, mais le roi appliqua au résultat du scrutin l'« arithmétique hollandaise » : il supposa que les abstentionnistes soutenaient le projet et exclut du décompte ceux qui avaient voté contre pour des raisons religieuses.[2] La Loi fondamentale fut donc imposée au Sud. C'était une des constitutions les plus libérales de l'époque, bien qu'elle nous paraisse aujourd'hui très conservatrice.

  • Le principe de la séparation des pouvoirs n'était pas reconnu : le roi et ses ministres détenaient le pouvoir législatif comme le pouvoir exécutif.
  • Les ministres n'étaient pas responsables devant les états généraux et n'étaient que les instruments du souverain.
  • Le roi avait des pouvoirs très étendus. Il se réservait notamment le droit de décider seul des politiques étrangère et monétaire.
  • Les états généraux n'avaient pas de pouvoir législatif et n'avaient même pas la compétence de voter le budget.
  • Les membres des états généraux étaient désignés de manière très conservatrice. La première chambre, sur le modèle de la chambre des Lords était composée de nobles nommés par le roi. La seconde chambre étaient élue par les États provinciaux, eux-même élus par un suffrage censitaire très complexe.

[modifier] Les griefs des provinces du Sud

Les griefs des provinces du Sud portaient sur plusieurs points.

  • Bien que le Sud comptait 3,5 millions (62 %) d'habitants et le Nord seulement 2 millions, les Belges ne représentaient que 50 % des sièges aux états généraux. Notons cependant que le Nord, surtout la Hollande, payait plus d'impôts.
  • La dette publique des anciens États avait été rassemblée et étaient maintenant supportée par l'ensemble du royaume. Or elle était au départ de 1,25 milliard de florins pour les Provinces-Unies et de seulement 100 millions pour le Sud.
  • La plupart des institutions avaient leur siège dans le Nord et les charges publiques étaient réparties inéquitablement. Seul un ministre sur quatre était belge. Cela était néanmoins en partie dû à l'opposition des catholiques à la Loi fondamentale. Maurice de Broglie, évêque de Gand d'origine française, menaça même d'excommunication ceux qui y prêtaient serment.
  • Le contingent imposé à la Belgique par le recrutement de miliciens était proportionnellement élevé, alors que la proportion de Belges parmi les officiers était faible : seul un officier sur six était originaire du Sud et encore étaient-ils surtout représentés dans les grades les plus bas, notamment dans la cavalerie et l'infanterie. Dans l'artillerie et le génie, où une formation spécialisée était nécessaire, le nombre de Belges était vraiment réduit. La plupart des soldats belges étaient donc commandés par des officiers du Nord. De plus, la langue néerlandaise devient l'unique langue de l'armée batave en 1823[3], ce qui constitue un grief supplémentaire de la part des francophones.
  • L'application insatisfaisante de la liberté de la presse et de la liberté de réunion étaient considérée par les intellectuels belges comme un moyen de contrôle du Sud par le Nord.
  • En 1823, une réforme linguistique consacra le néerlandais comme langue officielle dans les provinces flamandes, y compris le Brabant méridional (sauf Nivelles). Cette législation souleva l'opposition des classes francophones. Le 4 juin 1830, la liberté linguistique fut rétablie.
  • Les conservateurs des Pays-Bas du Nord faisaient pression pour que seuls les fidèles de l'ancienne Église d'État (protestante) puissent être nommés au gouvernement, alors que les conservateurs belges voulaient rétablir le catholicisme comme religion d'État en Belgique. La coexistence de deux religions d'État sur l'ensemble du royaume était inacceptable par les deux camps. Jusqu'en 1821 le gouvernement se servit de l'opposition des catholiques à la Loi fondamentale pour conserver le caractère protestant de l'appareil d'État par le biais des nominations de fonctionnaires. Guillaume Ier lui-même était un partisan de la tradition luthérienne allemande, selon laquelle le souverain est le chef de l'Église. Il tenta ainsi de contrer l'autorité du pape sur l'Église catholique de son royaume en nommant lui-même des évêques. Il abolit également en 1825 l'enseignement secondaire catholique. Cependant, conscient du fait que son nouveau royaume était majoritairement catholique (3,8 millions de catholiques pour 1,2 million de protestants), il prit des dispositions pour qu'il soit possible qu'un roi catholique accède au trône. Pour contrôler les futurs prêtres et leur donner une formation appropriée, il obligea les séminaristes à suivre d'abord deux ans de cours au Collège philosophique de Louvain, que ses fonctionnaires créèrent dans les bâtiments qui avaient abrité le séminaire central de Joseph II.
  • Les commerçants et les industriels belges se plaignaient de la politique de libre-échange menée à partir de 1827. La séparation de la France avait fait perdre à l'industrie du Sud une grande partie de son chiffre d'affaires. D'autre part, la colonie des Indes orientales connaissait une longue période de révolte et les produits britanniques concurrençaient la production belge. Avec la fin du blocus continental, le continent était envahi par des produits britanniques bon marché, appréciés par le Nord, encore surtout agricole, mais qui excluaient les productions du Sud.

[modifier] L’union des oppositions

Icône de détail Article détaillé : Unionisme (Belgique).

Les libéraux étaient initialement anticléricaux. À partir de la fin des années 1820, un groupe de jeunes libéraux commença à accorder plus d'importance aux libertés politiques qu'à l'anticléricalisme. On les appela les libéraux radicaux (par opposition aux libéraux voltairiens). Ces jeunes n'avaient pas connu la position privilégiée de l'Église d'avant la Révolution française. Ils étaient également sous l'influence des libéraux français, qui luttaient aux côtés de l'Église contre le régime absolutiste de Charles X. Dans le cadre de la liberté de pensée, la liberté de foi et donc même la foi catholique devenaient acceptables. Ces jeunes libéraux, tels que le Brugeois Louis De Potter, les Liégeois Charles Rogier et Joseph Lebeau et le Luxembourgeois Jean-Baptiste Nothomb, étaient influencés par le philosophe franco-suisse Benjamin Constant.

Les catholiques, mécontents de la politique scolaire, étaient à la même époque influencés par le prêtre français Félicité de Lamennais, qui introduisit le concept de catholicisme libéral. Il prônait un État libéral et une stricte séparation de l'Église et de l'État. Selon lui, la liberté ne pouvait qu'être bénéfique à l'Église, comme à l'économie.

En décembre 1825, le Liégeois Étienne de Gerlache lança un appel à la Seconde Chambre des États généraux pour une union des oppositions. Il liait la liberté d'enseignement, que l'Église réclamait, aux libertés de religion et de la presse garanties par la Loi fondamentale. Il appela les libéraux à défendre la liberté sur tous les terrains.

En 1828, catholiques et libéraux publièrent une liste commune de griefs contre le régime de Guillaume Ier. Par la suite, ils développèrent leurs critiques ensemble dans la presse.

Parallèlement, le régime devenait de plus en plus autoritaire. Le roi déclara que sa souveraineté était antérieure à la Loi fondamentale et que cette dernière ne pouvait donc la limiter. En mai 1829, en pleine crise politique, il nomma son fils, le prince d'Orange, président du Conseil des ministres et vice-président du Conseil d'État, signe clair que la responsabilité des ministres devant le Parlement ne serait jamais accordée. Ainsi, les critiques contre la gouvernance de l'État ou contre le gouvernement devenaient également des critiques contre la dynastie. En décembre 1829, le message royal fut à la fois une apologie de l'œuvre accomplie par le régime et un avertissement pour l'opposition. Début 1830, quatre éminents journalistes des provinces du Sud furent condamnés à l'exil.

La radicalisation de l'opposition belge causa aussi l'affaiblissement de l'opposition libérale des provinces du Nord et renforça le réflexe antidémocratique. La souveraineté populaire dans un royaume des Pays-Bas unitaire aurait en effet inévitablement causé une prédominance des Belges (qui représentaient 62 % de la population) et des catholiques sur le Nord protestant. La surreprésentation des Néerlandais dans l'administration, l'armée et la diplomatie aurait aussi pris fin. Ceci explique pourquoi les élus des provinces du Nord formaient un bloc derrière le gouvernement et la dynastie des Nassau (après l'indépendance de la Belgique, le pouvoir du roi restera intact jusqu'à la Loi fondamentale de 1848).

La pression de l'opposition poussa néanmoins le roi Guillaume à faire des concessions. Au début de 1830, il fit voter une nouvelle loi sur la presse, beaucoup moins répressive, retira un projet de loi sur l'instruction, abrogea les arrêtés de 1825 sur l'enseignement secondaire, rétablit la liberté linguistique, reconnut le principe de l'inamovibilité des magistrats et supprima le Collège philosophique. Ces mesures firent en grande partie taire les critiques de l'opposition.

Notons au passage, qu'en Hollande, surtout dans le port d'Amsterdam, il existait depuis un certain temps un mouvement prônant le retour aux Provinces-Unies.

[modifier] La révolte d’août 1830

[modifier] Les causes immédiates

La révolution de Juillet qui éclata en France le 27 juillet 1830 contre Charles X, porta en trois jours le roi-bourgeois Louis-Philippe au pouvoir, dans le cadre d'une monarchie constitutionnelle. Le roi devint le « roi des Français par la volonté nationale ». Cette révolution libérale, échauffa les esprits en Belgique. Notons aussi que les autres révolutions qui éclatèrent en Europe entre 1829 et 1831, étaient plutôt des révolutions nationalistes, inspirées par les idéaux du romantisme, qui voulaient que chaque peuple avait droit à une nation et à l'autonomie (principe d'autodétermination des peuples).

Pourtant, selon l'écrivain Patrick Roegiers, les Belges ne se considéraient pas comme belges[4], ils ignoraient le nom même de « Belgique » que l'on donnait à leurs territoires[5]. Toujours selon Patrick Roegiers la Belgique n'avait, pour eux, ni identité ni viabilité et est destinée à être réunie ou divisée tôt ou tard entre la France et les Pays-Bas[6].

D'autre part, les facteurs économiques favorisaient les troubles. Le chômage parmi les travailleurs manuels causé par les débuts de la mécanisation et la hausse des prix des denrées alimentaires causée par la mauvaise récolte de 1829 seront un terrain fertile pour les soulèvements populaires.

[modifier] La Muette de Portici

Le 25 août 1830 (jour du cinquante-neuvième anniversaire du roi), on autorise à Bruxelles la représentation de l'opéra romantique d'Auber, la Muette de Portici au théâtre de la Monnaie. À la fin de la représentation, certains spectateurs continuent de crier « Vive la liberté ! ». À la sortie du spectacle, une foule se forme sur la place de la Monnaie. Bientôt, elle se dirige vers la demeure du publiciste Georges Libri-Bagnano, qui est pillée. Plus tard, c'est l'hôtel du ministre de la Justice Cornelis Van Maanen (au Petit Sablon) qui est incendiée. Les tirs des services d'ordre feront des victimes parmi les émeutiers. Ceux-ci étaient principalement des prolétaires, souvent des chômeurs.

Le lendemain, la bourgeoisie, réalisant que les autorités légales étaient dépassées et se sentant menacée, créa une garde bourgeoise, afin de rétablir l'ordre. Le 26 août peu de troubles eurent en effet lieu au centre de Bruxelles, mais les émeutiers se déplacèrent vers la périphérie, où ils attaquèrent des fabriques et y détruisirent des machines (accusées d'être la cause du chômage). La bourgeoisie, qui assurait à présent le maintien de l'ordre dans Bruxelles, désirait que le roi fît quelques concessions aux provinces du Sud afin de calmer les esprits. Le 28 août, elle envoya donc une délégation auprès du roi, avec pour mission de lui demander la démission de Cornelis Van Maanen et la convocation immédiate des États généraux afin d'aborder la question du redressement des griefs.

Apprenant les événements de Bruxelles, le peuple gronda un peu partout dans le pays, dans les villes comme dans les campagnes. Souvent, une garde bourgeoise (à Liège, Verviers, Namur, Dinant, Mons, Tournai, Charleroi, Bruges, Courtrai, Gand, Grammont, Anvers, Geel, Tongres, Hasselt, Saint-Trond, Louvain) ou une commission de sûreté (à Liège, Verviers, Huy et Namur) fut créée, parfois avant même que n'éclatent les troubles. Parfois, des volontaires décidèrent de partir pour Bruxelles pour contrer une éventuelle attaque hollandaise. Les Liégeois s'organisèrent ainsi et c'est derrière un drapeau brandi par Charles Rogier que, le 4 septembre 1830, les volontaires quittèrent Liège pour Bruxelles.

[modifier] Apparition du drapeau belge

Icône de détail Article détaillé : Drapeau de la Belgique.
Le drapeau originel de la Belgique, que Lucien Jottrand et Édouard Ducpétiaux conçurent pour remplacer le drapeau français
Le drapeau originel de la Belgique, que Lucien Jottrand et Édouard Ducpétiaux conçurent pour remplacer le drapeau français

La garde communale arbora aussi un drapeau aux couleurs brabançonnes. Ce drapeau avait été conçu le 26 août par l'avocat Lucien Jottrand, rédacteur du Courrier des Pays-Bas, et le journaliste Édouard Ducpétiaux. Le but de ce drapeau pour la garde bourgeoise était, selon les déclarations d'Emmanuel d'Hooghvorst au prince d'Orange le 31 août, de contrer l'apparition çà et là du drapeau français et d'éloigner toute idée de rattachement à la France. Édouard Ducpétiaux raconte :

« En 1830, dès le premier jour des troubles et lorsque les troupes néerlandaises étaient refoulées vers le haut de la ville, on arbora, à Bruxelles, sur plusieurs points, le drapeau tricolore français. Mais cette manifestation, due aux agents français qui essayaient alors d'entraîner la population, fut répudiée par un cri unanime de réprobation.[7] »

Une commerçante, Marie Abts, en confectionna quelques exemplaires, comme le rappelle une plaque commémorative au coin des rues de la Colline et du Marché aux herbes. Le premier fut placé par Jottrand et Ducpétiaux à l'hôtel de ville de Bruxelles, alors que les suivants furent promenés dans les rues par Theodore Van Hulst, un employé du ministère de la Guerre.

Pour se distinguer clairement du drapeau néerlandais, les bandes furent placées verticalement sur les exemplaires suivants, avec le rouge du côté de la hampe. En effet, les couleurs des lignes horizontales des drapeaux belges et hollandais pouvaient se confondre. En conflit avec les hollandais, il n'était pas question sur un champ de bataille enfumé de se tromper de couleurs. C'est donc pour des raisons militaires qu'on inversa le drapeau belge. Plus tard, le 23 janvier 1831, il fut décidé de reconnaître officiellement ce drapeau comme celui de la Belgique indépendante dans la Constitution. L'article 125 (aujourd'hui article 193) apparut le 7 février. Dès le 12 février le drapeau fut inversé : la bande noire fut placée à la hampe.

[modifier] Les journées de septembre

Les actions hésitantes et maladroites de Guillaume Ier et de ses fils menèrent en septembre 1830 à une rupture définitive. Le roi envoya le prince héritier Guillaume à Bruxelles. Son autre fils, le prince Frédéric, qui était le commandant en chef de l'armée, fut envoyé avec une troupe de six mille hommes aux alentours de Vilvorde.

Après des négociations avec les leaders de la garde bourgeoise de Bruxelles, le prince Guillaume accepta de laisser ses troupes à Vilvorde et d'entrer dans Bruxelles sous la protection de la garde. Le prince constata l'hostilité du peuple de Bruxelles à la dynastie et se laissa convaincre par la garde bourgeoise de plaider auprès de son père la cause de la séparation administrative de la Belgique et des Provinces Unies. Il retourna donc aux Pays-Bas. Guillaume Ier ne réagit pas pendant plusieurs semaines.

Tandis que les membres belges des États Généraux se rendirent le 13 septembre 1830 à La Haye, les incidents de Bruxelles reprirent un caractère violent, surtout après l'arrivée de renforts armés venus de Liège. Spontanément apparurent des corps francs, dirigés par des chefs élus ou autoproclamés. Le 23 septembre, l'armée du gouvernement, forte de douze mille hommes (dont deux tiers étaient originaires des Pays-Bas du Sud) et commandée par le prince Frédéric, entra dans Bruxelles. La plupart des leaders de la garde bourgeoise fuirent Bruxelles, croyant que tout était perdu et craignant d'être sévèrement punis pour leur infidélité à la dynastie. L'armée hollandaise se heurta cependant à une vive résistance des corps francs formés par le peuple de Bruxelles et par les volontaires venus de province. Elle ne put aller au-delà du parc de Bruxelles, où elle devint la cible des patriotes. Des volontaires étrangers participèrent également aux opérations, ainsi la Légion belge parisienne (financée notamment par Félix et Frédéric de Mérode), qui fournit deux bataillons de quatre cents hommes. Le 24 septembre, les principaux leaders politiques revinrent à Bruxelles et une commission administrative s'installa à l'hôtel de ville. Ce noyau de pouvoir comprendra Emmanuel van der Linden d'Hooghvorst, André Jolly et Charles Rogier. Il nommera don Juan Van Halen commandant en chef des patriotes. Elle deviendra ensuite le gouvernement provisoire. Dans la nuit du 26 au 27 septembre, l'armée gouvernementale se retira hors de la ville.

[modifier] Qui étaient ces révolutionnaires belges ?

Selon une enquête quantitative de John W. Rooney Jr. de l’Université de Marquette, le révolutionnaire belge est un travailleur manuel journalier, d’origine flamande et résidant de fraîche date à Bruxelles, ayant une trentaine d’années, célibataire ou marié sans enfant, parlant flamand et dépourvu de toute conscience politique[8] .

[modifier] Octobre : la révolution prend le contrôle du territoire

De par leur contact constant avec la population locale, les soldats gouvernementaux, généralement stationnés dans les régions dont ils étaient originaires, se montrèrent très sensibles aux idées révolutionnaires. Les troupes se mutinèrent, refusèrent d'obéir aux ordres et désertèrent massivement. Dans certaines garnisons, les officiers hollandais furent emprisonnés par leurs soldats. À partir du 16 octobre, la déliquescence de l'armée s'accéléra encore quand le prince Guillaume, en imitation du Gouvernement provisoire, proclama l'indépendance des provinces méridionnales (en-deçà du Rhin) et déclara son intention de scinder l'armée en divisions nordistes et sudistes.

Malgré leur composition et leur encadrement hétéroclite (on comptait parmi ses dirigeants l'aventurier espagnol don Juan Van Halen et des officiers français), les brigades volontaires belges réussirent à prendre presque partout la place des troupes régulières. Ainsi, celles-ci furent refoulés sur la Nèthe (bataille de Waelhem), puis sur Anvers (batailles de Berchem et de Borgerhout). Fin octobre, tout le territoire était libéré des troupes du Nord, même les actuels Limbourg néerlandais et grand-duché de Luxembourg, puisqu'il n'existe alors qu'un seul Limbourg et un seul Luxembourg (ces provinces seront coupées en 2 en 1839). Seules les citadelles d'Anvers, de Maastricht et de Luxembourg (cette dernière étant occupée par une garnison prussienne) restaient aux mains du gouvernement de Guillaume Ier.

[modifier] Cessez-le-feu et Congrès national en novembre

À partir de novembre, les positions militaires se consolident et on tente de parvenir à un cessez-le-feu. Le 3 novembre se tiennent déjà des élections pour le Congrès national. Celui-ci siègera pour la première fois le 10 novembre et confimera la déclaration d'indépendance « à l'exception des relations du Luxembourg avec la Confédération germanique ». Le 22 novembre, le Congrès opte pour la monarchie comme forme de gouvernement et discute de l'opportunité de choisir ou non un Nassau comme souverain. Après le bombardement de la ville d'Anvers depuis la citadelle par le général hollandais David Chassé, les députés décident de l'exclusion des membres de la maison d'Orange-Nassau au trône de Belgique. Les suffrages vont alors en majorité au duc de Nemours. Le roi des Français Louis-Philippe refuse la couronne pour son fils, face à la pression du Royaume-Uni. On offrit alors le trône au prince allemand Léopold de Saxe-Coubourg-Gotha, qui vivait en Angleterre. Léopold accepta et le 21 juillet 1831, il devint le premier roi des Belges en prêtant serment à la Place Royale.

[modifier] Réactions internationales

Lorsque la Belgique déclare son indépendance en 1830, Guillaume Ier des Pays-Bas fait appel aux puissances coalisées pour maintenir ses prérogatives sur les territoires rebelles. D’une part, les grandes puissances conservatrices (Prusse, Autriche, Russie) sont favorables au maintien, par la force s’il le faut, de la Belgique à l’intérieur du Royaume des Pays-Bas. D’autre part, de nombreux révolutionnaires belges (tels que Charles de Brouckère ou Charles Rogier) semblent favorables à l'union avec la France. Dès lors, la position du Royaume-Uni penche en faveur de l’indépendance de la Belgique, car sa sécurité nécessite d’éviter à tout prix que la Belgique ne redevienne française.[réf. nécessaire] En effet, les Britanniques se rappelaient douloureusement du blocus continental imposé par Napoléon Ier.

La politique du gouvernement britannique, menée par Lord Palmerston, passe donc par le maintien de la Belgique comme État tampon et se base sur un équilibre des forces sur le continent : si les grandes puissances interviennent militairement contre l’indépendance de la Belgique, la France et le Royaume-Uni s’allieront pour rétablir l’indépendance de la Belgique. Si les provinces belges se laissent annexer par la France, les autres puissances européennes se coaliseront contre cet État. Finalement la politique britannique a prévalu[réf. nécessaire] et la Belgique fut établie comme État tampon et la paix fut maintenue pendant quelque temps.

Lorsque le Congrès national belge choisit le 13 février 1831 par une faible majorité[9] Louis d'Orléans, un des fils du roi des Français, pour devenir roi des Belges, son père Louis-Philippe refuse devant l'opposition du Royaume-Uni qui craint une annexion déguisée de la Belgique.[réf. nécessaire] Le choix des Belges se porte alors sur le candidat que l'Angleterre avait réussi a imposer [10] : un prince anglo-allemand[11] qu'ils choisissent à la majorité[12] : son nom est Léopold de Saxe-Cobourg-Gotha et n'ayant pas pu obtenir la couronne d'Angleterre ni celle de Grèce[13], il deviendra Léopold Ier de Belgique[14] malgré sa méconnaissance de la langue nationale[15] et sa religion protestante[16].

[modifier] Interprétations

De nombreuses interprétations ont été faites de la révolution belge et en particulier des journées de septembre.

[modifier] Interprétation marxiste

Si l’on se base sur les données fournies par les différentes listes, on constate que les bourgeois ne représentaient que 5 % des révolutionnaires alors que 95 % des participants à la Révolution étaient prolétariens et vivaient dans une misère extrême dans les quartiers pauvres de Bruxelles[17]. Dans ces quartiers, l'hygiène était inconnue, les familles bruxelloises vivaient généralement dans une seule pièce piètrement chauffée où régnait la puanteur et que l’on n’osait pas aérer par peur des vols et des agressions[18].

Les révolutionnaires étaient pour la plupart des ouvriers journaliers, des personnes sans qualification précise, des manœuvres, des travailleurs qui offraient leurs services pour un jour de salaire[19]. S'il n'avait pas de travail, l'ouvrier était en proie à de sérieuses difficultés financières, or on sait qu'en 1830 Bruxelles était en période de récession économique, que le chômage augmentait dangereusement ainsi que le risque de pillage[20]. Ces constats tendraient à accréditer l'analyse marxiste des causes de la révolution, surtout lorsqu’on étudie les chiffres, on se rend compte que le niveau le plus élevé de mortalité se trouve chez les hommes mariés et pères de famille, ce que l’on peut interpréter comme une plus grande combativité et une plus grande révolte de la part de ces hommes incapables de subvenir au besoin de leur famille[21] .

Cependant, les combattants bruxellois semblent dénués de toute conscience politique, aucune affiche à caractère contestataire ne fut trouvée à Bruxelles[22].

[modifier] Interprétation nationaliste

L’interprétation romantico-nationaliste qui voit dans ces émeutes un soulèvement national où un peuple tout entier, guidé par une conscience commune, se porte au secours d’une capitale révoltée par un air d’opéra (La Muette de Portici) fut, longtemps, portée par les historiographes de la Belgique. En premier lieu, par Henri Pirenne qui voyait là une insurrection d’envergure nationale.

Or il ressort de l’analyse quantitative qu’une écrasante majorité de révolutionnaires étaient domiciliés à Bruxelles ou dans la proche banlieue et que l’aide venue du dehors fut minime. Par exemple, pour la journée du 23 septembre, 88 % des morts et des blessés recensés[23] habitaient Bruxelles et si on ajoute ceux domiciliés dans le Brabant, on atteint 95 %[24]. Il est vrai que si l’on examine le lieu de naissance des révolutionnaires donné par les recensements, le nombre de Bruxellois retombe à moins de 60 %, ce qui pourrait laisser entendre qu’il y eut une aide « nationale » (des différentes provinces belges), ou extérieure à la ville, de plus de 40 %.

Mais il n’en est rien, nous savons qu'entre 1800 et 1830 la population de la capitale s'accrut de 75.000 à 103.000, cette croissance importante est due à la désignation en 1815 de Bruxelles comme deuxième capitale du Royaume des Pays-Bas et à l’exode rural qui accompagna la Révolution industrielle. Il est donc normal qu’une large partie de la population bruxelloise soit originaire des provinces. Ces migrants provenaient essentiellement de la Flandre qui fut durement touché par la crise du textile de 1826-1830[25] .

Cette interprétation nationaliste va également à l’encontre des déclarations des témoins de l’époque : Charles Rogier affirme qu’il n’y avait en 1830 ni nation ni sentiment national belge au sein de la population[26]. Le révolutionnaire Jean-Baptiste Nothomb assure que « le sentiment de l’unité nationale est né de nos jours »[27]. Quant à Joseph Lebeau, il déclare que « le patriotisme belge est le fils de la révolution de 1830. »[28]. Ce n’est que dans les années suivantes que les révolutionnaires bourgeois se mettront à « légitimer idéologiquement le pouvoir de l’État »[29] .

[modifier] Interprétation politico-économique

Ces révoltés bruxellois n'ont exposé qu’en de rares occasions leurs motivations, mais les témoignages sans concessions de quelques observateurs, notamment ceux de Valazé, ambassadeur de France, et d'Augustus Beaumont, permettent de se faire une idée de ces émeutiers. Ces deux témoins décrivent les révolutionnaires comme des combattants de rue, souvent affamés, sans formation militaire et ne reconnaissant d’ailleurs aucune autorité, partageant leur temps entre les barricades et les estaminets, se battant sans but précis, détestant les Hollandais mais ne se livrant pas au pillage…[30] L’analyse quantitative nous montre que les révolutionnaires étaient en réalité peu nombreux, John W. Rooney Jr. estime à 1.700 le nombre de révoltés pour une ville de, à l’époque, 103.000 habitants soit 1,6 % de la population bruxelloise[31].

D’autres phénomènes mis en exergue par cette enquête montrent que la majorité des révolutionnaires étaient probablement touchés par la crise économique et menacés par le chômage ; souvent de migration récente et donc potentiellement déracinés et non stabilisés ; à cela s’ajoute un troisième facteur qui fut la présence d’une armée attaquant la ville ce qui provoqua une réaction spontané de résistance envers cette armée d'envahisseurs[32].


[modifier] Chronologie

  • 22 août : L'exercice de la garde communale de Bruxelles est annulé. Les autorités craignent que les gardes refusent de rendre les armes.
  • 23 août : Parution dans les journaux d'opposition d'une lettre de Louis De Potter. Annulation du feu d'artifice prévu pour l'anniversaire du roi officiellement pour cause de mauvais temps.
  • 24 août : Annulation de l'illumination du parc de Bruxelles prévu pour l'anniversaire du roi officiellement pour cause de mauvais temps. Le soir, divers incidents mineurs dans les rues de Bruxelles.
  • 25 août : Le soir, la Muette de Portici déclenche l'émeute. Sac de l'imprimerie du journal gouvernemental le National et de la demeure de divers agents gouvernementaux.
  • 26 août : À Bruxelles, les émeutiers attaquent des fabriques et détruisent des machines. Constitution d'une garde bourgeoise pour rétablir l'ordre.
  • 27 août : Destruction mineures dans le parc de Bruxelles. Le bourgmestre de Wellens revient à Bruxelles. Emmanuel d'Hooghvorst est nommé à la tête de la garde bourgeoise, qui rétablit l'ordre. À Liège, création d'une garde bourgeoise et d'une commission de sûreté, qui rédige une adresse au roi.
  • 28 août : Le conseil de la garde bourgeoise de Bruxelles envoie une adresse au roi pour exprimer ses griefs. Émeutes à Verviers. Création d'une garde bourgeoise et d'une commission de sûreté à Namur. Création d'une garde bourgeoise à Dinant. Guillaume Ier réunit son conseil des ministres.
  • 30 août : Création d'une garde bourgeoise et d'une commission de sûreté à Huy.
  • 31 août : Guillaume Ier reçoit les délégations liégeoise puis bruxelloise.
  • 3 septembre : La commission de sûreté de Namur envoie une adresse au roi.

[modifier] Notes

  1. Patrick Roegiers, La Spectaculaire Histoire des rois des Belges, Perrin, Paris, 2007, p.23
  2. Lode Wils (trad. Chantal Kesteloot), Histoire des nations belges (Garant uitgevers), Labor, Bruxelles, 2005, p. 136
  3. Patrick Roegiers, La Spectaculaire Histoire des rois des Belges, Perrin, Paris, 2007, p.23.
  4. Patrick Roegiers, La Spectaculaire Histoire des rois des Belges, Perrin, Paris, 2007, p.24.
  5. Patrick Roegiers, La spectaculaire histoire des rois des Belges, Perrin, Paris, 2007, p.24.</
  6. Patrick Roegiers, La Spectaculaire Histoire des rois des Belges, Perrin, Paris, 2007, pp.34-35.
  7. Jo Gérard, Oui! La Belgique existe, je l'ai rencontrée., Éd. J.-M. Collet, Bruxelles, 1988, p. 229.
  8. Selon une analyse de John W. Rooney Jr. Profil du combattant de 1830. Cette enquête quantitative est basée sur quatre listes distinctes des participants aux journées de septembre détaillant des données spécifiques concernant leur âge, leur lieu de naissance, leur domicile, leur occupation, leur état civil, leur nombre d'enfants, les blessures encourues, l'hôpital où ils furent soignés, et leur indemnisation : une liste établie par le révolutionnaire belge A. de Wargny, la liste des combattants décorés de la croix de fer, la liste des blessés soignés dans les hôpitaux Saint-Jean et Saint-Pierre et une liste établie par les autorités bruxelloises en 1862. Voir [1]
  9. 89 votes au premier tour et 97 votes au second sur 191 voix.
  10. Anne Morelli, les grands mythes de l'histoire de Belgique, de Flandre et de Wallonie, Evo-histoire, Bruxelles, 1995, p.184.
  11. Il avait obtenu la nationalité anglaise en 1816 : Patrick Roegiers, La spectaculaire histoire des rois des Belges, Perrin, Paris, 2007, pp.19-20.
  12. élu avec 152 votes sur 196
  13. Patrick Roegiers, La spectaculaire histoire des rois des Belges, Perrin, Paris, 2007, pp.26-27.
  14. Patrick Roegiers, La spectaculaire histoire des rois des Belges, Perrin, Paris, 2007, pp.25-26.
  15. Patrick Roegiers, La spectaculaire histoire des rois des Belges, Perrin, Paris, 2007, p.15.
  16. Patrick Roegiers, La spectaculaire histoire des rois des Belges, Perrin, Paris, 2007, p.30.
  17. John W. Rooney jr. PROFIL DU COMBATTANT DE 1830.
  18. E. DUCPETIAUX, Budget économique des classes ouvrières de Belgique, p. 27.
  19. John W. Rooney jr. PROFIL DU COMBATTANT DE 1830.
  20. DE WARGNY, Esquisses historiques, p. 48 et Courrier des Pays-Bas, 31.8.1830
  21. John W. Rooney jr. PROFIL DU COMBATTANT DE 1830.
  22. John W. Rooney jr. PROFIL DU COMBATTANT DE 1830.
  23. On suppose que les révolutionnaires, quelques soient leurs origines, ont une chance égale d’être atteint par les balles hollandaises.
  24. John W. Rooney jr. PROFIL DU COMBATTANT DE 1830.
  25. John W. Rooney jr. PROFIL DU COMBATTANT DE 1830.
  26. Els Witte, Jean Pierre Nadrin, Eliane Gubin et Gita Deneckere, La nouvelle histoire de Belgique, Editions Complexe, 2005, p.101.
  27. Els Witte, Jean Pierre Nadrin, Eliane Gubin et Gita Deneckere, La nouvelle histoire de Belgique, Editions Complexe, 2005, p.101.
  28. Els Witte, Jean Pierre Nadrin, Eliane Gubin et Gita Deneckere, La nouvelle histoire de Belgique, Editions Complexe, 2005, p.101.
  29. Els Witte, Jean Pierre Nadrin, Eliane Gubin et Gita Deneckere, La nouvelle histoire de Belgique, Editions Complexe, 2005, p.100.
  30. A. BEAUMONT, Adventures, p. 5. et P.A.E., Correspondance Politique, Belgique I, Valazé à Mole, 26 septembre 1830.
  31. L'estimation du nombre total des participants varie très largement : selon le chef d’état-major hollandais toute la ville était entrée en rébellion ; le général Valazé n’estimait pas à plus de 500 le nombres des insurgés. J.W. Rooney s’est donc basé sur les registres censés avoir consigné le nom de tous les révoltés morts, blessés ou décorés.
  32. John W. Rooney jr. PROFIL DU COMBATTANT DE 1830.

[modifier] Bibliographie

  • Jacques Logie, De la régionalisation à l'indépendance, 1830, Duculot, 1980, Paris-Gembloux.
  • Jean Bartelous, Nos Premiers Ministres, de Léopold Ier à Albert Ier, 1983, Bruxelles, éd. J.M. Collet.

[modifier] Voir aussi

Insurrection prolétarienne de 1830 en Belgique