Pontiques

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La région du Pont
La région du Pont

Les Grecs pontiques ou Pontiques, sont les descendants des populations hellénophones (grecques ou hellénisées) du pourtour de la mer Noire, le Pont-Euxin de l'Antiquité.

Sommaire

[modifier] Les Pontiques anatoliens dans l'Empire ottoman

Au début du XXe siècle, il reste encore plusieurs centaines de milliers de Pontiques dans les provinces ottomanes, mais la quasi-totalité est soit massacrée pendant et à l'issue de la Première Guerre mondiale (certains en Grèce parlent de « génocide pontique » à l'instar du génocide arménien — la moitié des 500 000 Pontiques résidents de 1919 auraient été massacrés ou auraient succombé au cours de leur déportation entre 1919 et 1923), soit expulsée vers la Grèce suite au traité de Lausanne de 1923.

L'ensemble des « Grecs » d'Anatolie est qualifié en Grèce de Micrasiates. Ce nom vient de Μικρά Ασία, Asie mineure. Cette catégorie inclut d'ailleurs aussi des chrétiens orthodoxes non-héllénophones, locuteurs du "roum" ou "rum" (qui se différencie du laze dans les recensements de l'État turc) ou d'autres langues anatoliennes. L'Empire ottoman finissant, sous la direction de Mustafa Kemal, expulse aussi ces populations, jouant sur la confusion entre « nation grecque » et « millet grec » (rum milleti), ce dernier n'étant en fait qu'une catégorie religieuse (chrétienne orthodoxe) et non nationale.

Parmi les Micrasiates, les Pontiques sont ceux dont le territoire d'origine est le "Pont" (Royaume du Pont) dont une partie descend des Ioniens (fondateurs de la plupart des villes le long le côte de la mer Noire) tandis que d'autres sont issus de populations autochtones hellénisées depuis l'Antiquité ou christianisées sous l'Empire romain d'orient. Le Royaume du Pont tire son nom du "Pontos Euxinos" (Pont-Euxin, "mer acueillante" en grec), ancien nom de la Mer Noire ("Karadeniz" en turc: "mer ombreuse" c'est-à-dire "mer au nord" symboliquement, la Méditerranée étant pour les turcs "Akdeniz": la "mer lumineuse" soit la "mer au sud" symboliquement). Entre 1204 et 1461, la majorité des pontiques ont vécu au sein de l'empire grec de Trébizonde, successeur de l'Empire byzantin autour de la Mer Noire.

[modifier] Les Pontiques ex-anatoliens en Grèce

Depuis les années 1923, la plupart des Pontiques vivent donc en Grèce, où beaucoup ont maintenu leur langue, à l'origine un dialecte grec, tandis que le pontique (ou "roum" ou "rum" en turc comme mentionné dans les registres de population de l'Etat Turc), a évolué vers une langue distincte, peu compréhensible par les locuteurs du grec moderne, tout comme le cappadocien récemment (juin 2005) redécouvert en Chalcidique. Les Pontiques font souvent l'objet de plaisanteries à caractère raciste de la part des autres Grecs, le personnage du Pontique dans les blagues grecques, comme celui du Valaque (Aroumain), est toujours un peu ridicule, pas dégourdi. D'une manière générale, les Micrasiates, dont les Pontiques, ont été utilisés par l'État grec pour peupler les régions vidées de leurs populations slavo-macédoniennes, aroumaines, albanaises, turques ou grecques islamisées ("Turcs hellénophones"). Il ne s'agit pas d'épuration ethnique mais d'"échanges de populations" institués (et rendus obligatoires) par le Traité de Lausanne: 400.000 personnes ont du quitter la Grèce, tandis que 1.500.000 Micrasiates (et aussi Grecs de Thrace, de Bulgarie et d'URSS dans les années suivantes) ont été contraints de quitter leurs foyers pour venir en Grèce.

[modifier] Les Pontiques anatoliens en Turquie

Alors que la présence pontique en Anatolie était considérée comme faisant partie d'une histoire révolue, la publication en 1996 à Istanbul de l'ouvrage La culture du Pont (titre en turc Pontos Kültürü, publié en 1999 en grec à Thessalonique, Ο Πολιτισμός του Πόντου), de l'écrivain Ömer Asan (né en 1961) révéla l'existence de nombreux locuteurs musulmans du pontique, peut-être 300 000, notamment dans une soixantaine de villages aux alentours de Trébizonde. Une campagne nationaliste fut lancée en décembre 2001, dans la foulée de la réédition de son livre, par un professeur de théologie, Zekeriya Beyaz, qui accusa Ömer Asan d'être un « ami de la Grèce », de vouloir réintroduire la chrétienté orthodoxe dans une région musulmane, puis, relayé par la presse et le parti fasciste MHP (Loups gris), de trahison et d'insulte à la mémoire d'Atatürk. Le tribunal de sûreté de l'État ordonna la saisie de tous les exemplaires de son ouvrage et convoqua Asan et son éditeur pour une audience le 25 janvier suivant sous le chef d'accusation de « propagande séparatiste ». L'affaire fut ensuite confiée aux juridictions civiles. En mars 2002, Ömer Asan fut poursuivi pour avoir produit des « écrits visant à briser l'unité nationale », un crime passible de quatorze mois à quatre ans de prison. Il fut finalement acquitté en septembre 2003, grâce à l'abrogation (sous pression de l'Union européenne) de l'article 8 de la loi antiterroriste. Toutefois, depuis cette affaire, les Pontiques convertis à l'islâm évitent d'utiliser leur langue et passent massivement au turc.

[modifier] Les Pontiques de Russie et d'ex-Union soviétique

D'autres Pontiques ont continué à vivre dans les villes portuaires comme Odessa, en Ukraine, ou Soukhoumi, en Abkhazie (république autonome de la côte nord de la Géorgie). Ils étaient également présents en Crimée, à Eupatorija, Sébastopol, Soudak et Feodosija. Staline en fit déporter 36 000 ou 37 000 vers l'Ouzbékistan et le Kazakhstan en 1949. En novembre 1955, Khrouchtchev supprima les discriminations héritées de l'ère stalinienne pour 5 000 Grecs pontiques de Géorgie. Ils représentaient encore 3 % de la population de l'Abkhazie en 1989. Les Pontiques tatarophones de Crimée et les Pontiques turcophones de la Géorgie sont connus sous le nom d’urums qui vient du turc rum.

[modifier] Les Pontiques ex-soviétiques en Grèce

La loi grecque prévoit des facilités pour le "retour" des Grecs de la diaspora vers la "mère-patrie" sur le modèle des "lois du retour" israélienne et allemande, et de nombreux (60 000 entre 1988 et 1994) Pontiques (y compris des couples mixtes) de l'ex-Union soviétique (du Kazakhstan e.a.), souvent qualifiés de "Russo-Pontiques" (Ρωσσοπόντιοι en grec) parce que ne parlant plus que le russe, ont ainsi atterri dans les banlieues déshéritées d'Athènes et dans le Nord de la Grèce où beaucoup les considèrent en réalité plus comme des immigrés russes que comme des "compatriotes" grecs. Cette situation est notamment décrite dans le film Les Garçons d'Athènes (titre anglais From the edge of the city, dialogues en grec et en russe) du réalisateur Constantinos Giannaris, sorti en 1998 et comparé par certains critiques au film américain My Own Private Idaho.

[modifier] Les Pontiques de Roumanie et Bulgarie

Les Pontiques de Dobrogée (Dobrogea en roumain, Dobroudja en bulgare) et de la Thrace bulgare, au nombre de 120.000 en 1938 selon les recensements roumain et bulgare de l'époque, étaient pour partie autochtones (issus de colons ioniens et de thraces héllénisés) et pour partie venus de Constantinople, Sinope et Trébizonde lors du développement économique du XIXème siècle, avec la construction des voies ferrées Roussé-Varna et Axiopolis (Cernavoda)-Tomis (Constanţa) pour écouler les grains des principautés danubiennes. Ils parlaient un dialecte grec local mêlé de roumain, de bulgare et de turc, évoqué par Panaït Istrati. Ils ne furent pas inquiétés jusqu'en 1945, mais par la suite, lorsque leurs commerces furent nationalisés, beaucoup d'entre eux quittèrent ces pays, profitant de la "Loi du retour" grecque. La Roumanie compte aujourd'hui 35.000 grecs sur son territoire, mais tous ne sont pas des Pontiques, car il y a aussi des "koukoués": communistes réfugiés dans les pays du pacte de Varsovie à l'issue de la guerre civile grecque. En Bulgarie, ils seraient encore 2.500 et des villes grecques entières telles que Nesebar (Messembria), Pomorje (Anchialos), Ahtebol (Agathoupolis) ou Tsarevo ex-Mitchourine (Vassiliko) ont été presqu'entièrement abandonnées et repeuplées de Bulgares.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens internes

[modifier] Liens externes

[modifier] Bibliographie

  • AGTSIDIS V., Asie centrale et Sibérie territoires de la déportation.
  • BRUNEAU M., Diaspora grecque pontique et Grecs de l'ex-URSS.
  • BRUNEAU M., Les monastères pontiques en Macédoine, marqueurs territoriaux de la diaspora.
  • BRUNEAU M. Conclusion, entre Europe et Asie.
  • CHARATSIDIS E., Les Grecs d'Arménie et de Kars aux xixƒ et xxƒ siècle.
  • COUNILLON P., Les Grecs du Pont dans le royaume de Mithridate.
  • DRETTAS G., La langue pontique comme objet identitaire: questions de représentations.
  • ELOEVA F., Les Grecs turcophones de Géorgie. Territoires et tradition orale à Tsalka et Tetriskaro.
  • FOTIADIS k., Les Grecs de l'ex-URSS, genèse d'une diaspora
  • GALKINA T., Les Grecs de la province de Stavropol. Origine historique et processus actuels de peuplement.
  • KOLOSSOV V, GALKINA T., KRINDATCH A., Les Grecs du sud de la Russie et du Caucase. Peuplement, répartition territorialité.
  • LAFAZANI P., MYRIDIS M, L'installation des Grecs du Pont en Macédoine. Le cas du département de Kilkis.
  • NOTARAS G., État et société hellenique face au problème pontique.
  • PRÉVÉLAKIS G., Pourquoi les Grecs pontiques.
  • TSATSANIDIS P., Les communautés grecques et leurs territoires en Géorgie (XIXƒ et XXƒ siècle).
  • VERGETI M., L'identité pontique en Grèce. Le lien des générations avec leur territoire de référence.
  • XANTHOPOULOU-KYRIAKOU A., Émigration d'émigrants. Du Caucase russe à la Macédoine.

[modifier] Filmographie

Le film de Yesim Ustaoğlu: "En attendant les nuages" (2005) avec Ismail Baysan, Ruşan Kaliskur, Ridvan Yağçi, raconte comment, dans les années 1970, une Pontique rescapée, restée sur place après avoir été adoptée enfant par une famille turque, retrouve ses racines suite à la rencontre fortuite d'un Pontique émigré en visite, désireux de revoir sa terre natale. Elle découvre qu'elle a un frère émigré à Salonique et court l'y retrouver, alors qu'elle a quasiment oublié le grec. Tout en nuances, le film dépasse les clichés manichéens et lève un coin de voile sur un passé aussi complexe que tragique, instrumentalisé par le nationalisme grec et nié violemment par le nationalisme turc (le film n'a pas été distribué dans les cinémas turcs et les médias se sont déchaînés contre l'auteur, accusé de trahison comme avant lui Ömer Asan qui avait soulevé le même "lièvre").