Phénix

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Semis de roses et phénix (mosaïque)
Semis de roses et phénix (mosaïque)

Le phénix, ou phœnix (du grec ancien φοῖνιξ / phoinix), est un oiseau fabuleux, doué de longévité et caractérisé par son pouvoir de renaître après s'être consumé sous l'effet de sa propre chaleur. Il symbolise ainsi les cycles de mort et de résurrection.

Georges Cuvier (1769-1832) voyait en lui le faisan doré (Chrysolophus pictus). Il a également été identifié à l'oiseau de paradis.

Des oiseaux fabuleux également appelés phénix se trouvent dans les mythologies chinoise (fenghuang) et persane (simurgh).

Sommaire

[modifier] Mythe

[modifier] Le phénix arabe

Le phénix arabe, d'origine persane, est appelé simurgh. Il était peint sur des bouteilles en verre pour éloigner les poisons. De cette façon, les Arabes pensaient être préservés de tout empoisonnement.

[modifier] Le phénix grec

La première mention du phénix se trouve dans un fragment énigmatique d'Hésiode :

« La corneille babillarde vit neuf générations d'hommes florissants de jeunesse ; le cerf vit quatre fois plus que la corneille ; le corbeau vieillit pendant trois âges de cerf ; le phénix vit neuf âges du corbeau et nous vivons dix âges de phénix, nous, Nymphes aux beaux cheveux, filles de Zeus armé de l'égide[1]. »

Hérodote est le premier à fournir une version détaillée du mythe :

« On range aussi dans la même classe un autre oiseau qu'on appelle phénix. Je ne l'ai vu qu'en peinture ; on le voit rarement ; et, si l'on en croit les Héliopolitains, il ne se montre dans leur pays que tous les cinq cents ans, lorsque son père vient à mourir. S'il ressemble à son portrait, ses ailes sont en partie dorées et en partie rouges, et il est entièrement conforme à l'aigle quant à la figure et à la description détaillée. On en rapporte une particularité qui me paraît incroyable. Il part, disent les Égyptiens, de l'Arabie, se rend au temple du Soleil avec le corps de son père, qu'il porte enveloppé dans de la myrrhe, et lui donne la sépulture dans ce temple. Voici de quelle manière : il fait avec de la myrrhe une masse en forme d'œuf, du poids qu'il se croit capable de porter, la soulève, et essaye si elle n'est pas trop pesante ; ensuite, lorsqu'il a fini ces essais, il creuse cet œuf, y introduit son père, puis il bouche l'ouverture avec de la myrrhe : cet œuf est alors de même poids que lorsque la masse était entière. Lorsqu'il l'a, dis-je, renfermé, il le porte en Égypte dans le temple du Soleil[2]. »

Hérodote, qui tire probablement ses informations d'Hécatée de Milet, considère donc le phénix comme un oiseau réel, qu'il rapproche du bénou, un oiseau sacré égyptien. Vivant sur la benben ou sur le saule sacré d'Héliopolis, le bénou est une manifestation du dieu et du dieu Osiris ; il est associé au cycle sothiaque. Cependant, certains détails cités par Hérodote ne cadrent pas avec les conceptions égyptiennes : ainsi de l'apparition tous les 500 ans et de l'ensevelissement du père[3]. On a suggéré une mauvaise compréhension par Hérodote du symbole égyptien[4] : il aurait interprété comme une filiation physique la relation entre le bénou et les divinités dont il est le (manifestation temporaire)[5]. Selon d'autres, le phénix que décrit Hérodote n'aurait en réalité pas de rapport avec le bénou, mais serait la variante grecque du mythe oriental de l'oiseau du soleil ; ce phénix aurait symbolisé très tôt la « grande année », c'est-à-dire la durée nécessaire à un cycle équinoxial complet, et son association au cycle sothiaque serait postérieure[6].

[modifier] Le phénix romain

« Alors que chez Ovide, Pline et Tacite, le vieux phénix se décompose pour engendrer le nouveau, c’est chez Martial et Stace qu’apparaît le thème du bûcher, par analogie avec les pratiques funéraires romaines.  »
    — Françoise Lecocq, L’empereur romain et le Phénix, p. 28

Sous l'empereur romain Claude (cinquième empereur) apparaissent simultanément une éclipse de lune, un raz-de-marée et un cyclone qui ont raison du dernier nouveau-né qui retournait à Héliopolis. Son vol se termine sur l'île de Théra (Santorin) [réf. nécessaire].

L'empereur empaille l'oiseau et le place dans un temple à Rome. L'effigie du phénix figure sur les monnaies de Trajan et de Constantin Ier. L'animal siège également dans la main gauche des statues de Mercure [réf. nécessaire].

[modifier] Le phénix chrétien

Phénix renaissant de ses cendres
Phénix renaissant de ses cendres

L'oiseau mythique évoque donc également le feu créateur et destructeur. Comme le Soleil, le Feu symbolise l'action fécondante[réf. nécessaire]. En consumant, il purifie et permet la régénération. Lucifer, le « porteur de lumière », précipité dans les flammes de l'enfer, incarne le feu qui ne consume pas et exclut de la régénération[réf. nécessaire]. Au contraire, le phénix rejoint le symbolisme du feu des rites initiatiques de mort et de renaissance.

Dans certaines crémations rituelles, le feu est aussi considéré comme véhicule ou messager du monde des vivants vers celui des morts. De même, le phénix porte souvent une étoile qui indique sa nature céleste et la vie dans l'autre monde. Tout le Moyen Âge a vu en lui le symbole de la résurrection du Christ[réf. nécessaire].

Le griffon était également une représentation du Christ, venant du fait que c'est un animal terrestre (corps de lion) et aérien (ailes d'oiseau). La partie terrestre représentant le corps du Christ et sa présence sur Terre parmi les Hommes et la partie aérienne représentant « Dieu », sa partie spirituelle[réf. nécessaire].

[modifier] Héraldique

Phénix en héraldique
Phénix en héraldique

Le phénix (ou phœnix), figure héraldique imaginaire, est un oiseau sur un bûcher en flammes. Cet oiseau ressemble beaucoup à l'aigle héraldique et il est même parfois défini comme une de ses variantes. Il est représenté de face, tête de profil, ailes étendues, sur son bûcher, appelé « immortalité ».

Ci-contre les armes des Malet de Lussart : d'azur à un phénix sur son immortalité, regardant le soleil, le tout d'or, qui illustre bien la parentée avec l'aigle, réputé seul capable de regarder le soleil en face.

[modifier] Le phénix et la littérature

Dans l'Antiquité, Tacite en parle dans ses Annales (6, 28) et Solin le mentionne (38,1). Le Carmen de ave phœnice, attribué à Lactance est l'un des textes antiques les plus riches sur cet oiseau fabuleux. À la Renaissance, Rabelais le mentionne dans le Le Cinquième Livre (V, 29, Comment nous visitasmes le pays de Satin) :

« J’y vy quatorze Phœnix. J’avois leu en divers autheurs qui n’en estoit qu’un en tout le monde, pour un aage ; mais, selon mon petit jugement, ceux qui en ont escrit n’en veirent onques ailleurs qu’au pays de tapisserie, voire fut-ce Lactance Firmian. »

Du Bartas lui consacre un long développement dans le Cinquième Jour de La Sepmaine ou la Création du monde (v. 551-598) :

« Le celeste Phœnix commença son ouvrage
Par le Phœnix terrestre, ornant d'un tel plumage
Ses membres revivans que l'annuel flambeau
De Cairan jusqu'en Fez ne void rien de plus beau. »

Au XVIIIe siècle, le phénix alimente l'imaginaire de plusieurs auteurs de récits fantastiques ou merveilleux. On le trouve par exemple dans le conte philosophique de Voltaire, La Princesse de Babylone.

De nos jours, l'une des représentations les plus connues est celle de J.K. Rowling dans son best-seller Harry Potter, où l'on trouve Fumseck, le phénix de Dumbledore, dont deux plumes ont servi à la fabrication des baguettes de Harry et Voldemort, son rival qui rêve de le tuer. Il apparaît aussi dans les livres illustrés par Jane Ray, Terre, Feu, Eau, Air et Contes Mythologiques.

[modifier] Étymologie

Le terme grec φοῖνιξ / phoinix renvoie à plusieurs sens : l'oiseau lui-même, mais aussi la couleur rouge, le toponyme et l'ethnonyme « phénicien », le palmier-dattier[7]. Son étymologie reste encore mystérieuse : on a suggéré une origine égyptienne — le nom de l'oiseau bnu, prononcé *boin-, aurait été adapté en phoinix en grec — ou une origine sémitique, et plus particulièrement phénicienne.

[modifier] Références

  1. Fragment 304 West = Plutarque, Sur la disparition des oracles (XI). Traduction citée par Paul-Augustin Deproost.
  2. Hérodote, Enquête [détail des éditions] [lire en ligne] (II, 72). Extrait de la traduction de Philippe Larcher, 1850.
  3. Arpád Miklós Nagy, « Le Phénix et l'oiseau-benu », actes du colloque international de Caen, p. 68 et suivantes. Cité par Gosserez, p. 96.
  4. Marialouise Walla, Der Vogel Phoenix in der antiken Literatur und der Dichtung des Laktanz, Vienne, 1969, p. 81-82. Cité par Gosserez, p. 97.
  5. Nagy, op. cit., p. 169. Cité par Gosserez, p. 97.
  6. Van den Broek, p. 119.
  7. Pierre Chantraine, Dictionnaire étymologique de la langue grecque, Klincksieck, Paris, 1999 (édition mise à jour) (ISBN 2-252-03277-4) à l'article φοῖνιξ, p. 1217-1219.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

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[modifier] Bibliographie

  • Louis Charbonneau-Lassay, Le Bestiaire du Christ, Milano, Arche, 1940.
  • Paul-Augustin Deproost, « Les métamorphoses du phénix dans le christianisme ancien », dans Folia Electronica Classica no 8 (juillet-décembre 2004) [lire en ligne]
  • Marcel Detienne, Les Jardins d'Adonis. La mythologie des aromates en Grèce, Gallimard, Paris, 1989 (1re édition 1972), p. 57-68.
  • Silvia Fabrizio-Costa (éd.), Phénix : mythe(s) et signe(s), actes du colloque international de Caen (12-14 octobre 2000), Frankfurt, Peter Lang, 2001.
  • Laurence Gosserez, « Le phénix coloré (d'Hérodote à Ambroise de Milan) », Bulletin de l'association Guillaume Budé vol. 1 (1995), p. 94-117.
  • Jean Hubaux et Maxime Leroy, Le mythe du phénix dans les littératures grecque et latine, Liège et Paris, 1939.
  • Thomas P. Harrison, « Bird of Paradise: Phoenix Redivivus », dans Isis, vol. 51, no 2 (juin 1960), p. 173-180.
  • Françoise Lecocq, « L’empereur romain et le phénix », Phénix : mythe(s) et signe(s) (colloque de Caen, 12-14.10.2000), éd. S. Fabrizio-Costa, Peter Lang, Berne, 2001, p. 27-56.
  • Françoise Lecocq, « Le renouveau du symbolisme du phénix au XXe s. », Présence de l’Antiquité grecque et romaine au XXe s. (colloque de Tours, 30.11-02.12.2000), éd. R. Poignault, coll. Caesarodunum n° XXXIV-XXXV bis, 2001, p. 25-59.
  • Françoise Lecocq, « Les sources égyptiennes du mythe du phénix », L’Egypte à Rome (colloque de Caen, 28-30.11.2002), éd. F. Lecocq, Cahiers de la MRSH-Caen n° 41, 2005, 2° éd. rev. et corr. 2008, p. 211-266.
  • Françoise Lecocq, « L’iconographie du phénix à Rome », Les animaux dans l’Antiquité, I. (colloque de Caen, 23-24.2003, dir. C. Février), à paraître aux Presses univ. de Caen (28 p.).
  • Françoise Lecocq, « Les parfums du phénix », Les animaux dans l’Antiquité, II. (Caen, 09.05.2006, dir. C. Février), à paraître aux Presses univ. de Caen (20 p.).
  • Françoise Lecocq, « Le roman indien du phénix ou les variations romanesques du mythe du phénix », Présence du roman grec et latin (colloque de Clermont-Ferrand, 23-25.11.2006, dir. R. Poignault), à paraître dans la coll. Caesarodunum n° XL-XLI bis (15 p.).
  • R. Van den Broek, The Myth of the Phoenix according to Classical and Early Christian Tradition, Études préliminaires aux religions orientales dans l'Empire romain, vol. 24, Leyde, 1972.