Pantoum

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Le pantoum (ou pantoun) est un poème de forme fixe dérivé du pantun malais, semblable à la villanelle.

Sommaire

[modifier] Définition

Le pantoum consiste en une suite de quatrains (d'octosyllabes ou de décasyllabes) où s'appliquent deux systèmes de reprises :

  • le deuxième et le quatrième vers de chaque strophe sont repris respectivement comme premier et troisième vers de la strophe suivante,
  • et le tout dernier vers du poème doit coïncider avec le premier.

Ces systèmes de reprises impliquent que le poème ne comprenne que deux rimes. Cette forme permet de donner au poème une musicalité particulière très typée. Le pantoum français dérive du « pantun berkait » malais.

[modifier] Histoire du pantoum en France

« Dans une des notes de ses Orientales, Victor Hugo, en 1828, avait cité, traduite en prose, une poésie malaise de cette forme, d'où se dégageait une séduction singulière, due non seulement à la répétition des vers selon un certain ordre, mais au parallélisme de deux idées se poursuivant de strophe en strophe, sans jamais se confondre, ni pourtant se séparer non plus, en vertu d'affinité mystérieuses.
Un poète érudit, Charles Asselineau, essaya de constituer un poème français sur ce modèle, et y parvint. Théodore de Banville marcha sur ses traces ; Leconte de Lisle écrivit à son tour quelques pantoums, sur un sujet qui ramenait le poème à son pays d'origine, car il les intitula : Pantoums Malais. C'était, en cinq courtes pièces, une histoire d'amour, terminée par les lamentations de l'amant, meurtrier de la femme infidèle. » (Auguste Dorchain)

[modifier] Exemples

La deuxième occurrence des vers répétités est mise en évidence en gras.

[modifier] Pantoum malais, de Victor Hugo.

(Le poème qui suit, traduction en prose par Victor Hugo d'un poème malais qui figure dans la note XI des Orientales, est le premier exemple de pantoum apparu en France - voir la section Histoire du pantoum.)

« ....Nous terminons ces extraits par un pantoum ou chant malais[1], d'une délicieuse originalité :

Les papillons jouent à l'entour sur leurs ailes ;
Ils volent vers la mer, près de la chaîne des rochers.
Mon cœur s'est senti malade dans ma poitrine,
Depuis mes premiers jours jusqu'à l'heure présente.


Ils volent vers la mer, près de la chaîne de rochers...
Le vautour dirige son essor vers Bandam.;
Depuis mes premiers jours jusqu'à l'heure présente,
J'ai admiré bien des jeunes gens ;


Le vautour dirige son essor vers Bandam,...
Et laisse tomber de ses plumes à Patani.
J'ai admiré bien des jeunes gens ;
Mais nul n'est à comparer à l'objet de mon choix.


Il laisse tomber de ses plumes à Patani.
Voici deux jeunes pigeons !
Aucun jeune homme ne peut se comparer à celui de mon choix,
Habile comme il l'est à toucher le cœur.


Nous n'avons point cherché à mettre d'ordre dans ces citations. C'est une poignée de pierres précieuses que nous prenons au hasard et à la hâte dans la grande mine d'Orient. » (V.H.)

[modifier] Pantouns malais, de Leconte de Lisle

(Le poème qui suit est le dernier des cinq Pantouns malais qui figurent dans le recueil Poèmes tragiques, disponible sur Wikisource. Voici comment Auguste Dorchain le présente : « ...[Ce pantoum], dont le mécanisme rythmique apparaîtra par le soulignement des vers répétés, et où vous trouverez à chaque quatrain, le parallélisme nécessaire de deux sens : dans les deux premiers vers, la plainte du meurtrier ; dans les deux derniers, le paysage en merveilleuse harmonie avec la plainte. L'obsession qui se dégage de ce petit poème est vraiment extraordinaire. »)

Ô mornes yeux ! Lèvre pâlie !
J’ai dans l’âme un chagrin amer.
Le vent bombe la voile emplie,
L’écume argente au loin la mer.


J’ai dans l’âme un chagrin amer :
Voici sa belle tête morte !
L’écume argente au loin la mer,
Le praho[2] rapide m’emporte.


Voici sa belle tête morte !
Je l’ai coupée avec mon kriss.
Le praho rapide m’emporte
En bondissant comme l’axis.


Je l’ai coupée avec mon kriss[3] ;
Elle saigne au mât qui la berce.
En bondissant comme l’axis[4]
Le praho plonge ou se renverse.


Elle saigne au mât qui la berce ;
Son dernier râle me poursuit.
Le praho plonge ou se renverse,
La mer blême asperge la nuit.


Son dernier râle me poursuit.
Est-ce bien toi que j’ai tuée ?
La mer blême asperge la nuit,
L’éclair fend la noire nuée.


Est-ce bien toi que j’ai tuée ?
C’était le destin, je t’aimais !
L’éclair fend la noire nuée,
L’abîme s’ouvre pour jamais.


C’était le destin, je t’aimais !
Que je meure afin que j’oublie !
L’abîme s’ouvre pour jamais.
Ô mornes yeux ! Lèvre pâlie !



[modifier] Harmonie du soir, de Baudelaire

(Harmonie du soir de Baudelaire est un exemple connu, mais irrégulier car dérogeant aux règles sur deux points : il est en alexandrins, et son dernier vers diffère du premier.)

Voici venir les temps où vibrant sur sa tige
Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir ;
Les sons et les parfums tournent dans l'air du soir ;
Valse mélancolique et langoureux vertige !


Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir ;
Le violon frémit comme un cœur qu'on afflige ;
Valse mélancolique et langoureux vertige !
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir.


Le violon frémit comme un cœur qu'on afflige,
Un cœur tendre, qui hait le néant vaste et noir !
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir ;
Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige.


Un cœur tendre, qui hait le néant vaste et noir,
Du passé lumineux recueille tout vestige !
Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige
Ton souvenir en moi luit comme un ostensoir !



[modifier] Pantoum, de Louisa Pène-Siefert

Louisa Pène-Siefert (1845-1877) a écrit le Pantoum suivant :

Au clair soleil de la jeunesse,
Pauvre enfant d'été, moi, j'ai cru.
- Est-il sûr qu'un jour tout renaisse,
Après que tout a disparu ?


Pauvre enfant d'été, moi, j'ai cru !
Et tout manque où ma main s'appuie.
- Après que tout a disparu
Je regarde tomber la pluie.


Et tout manque où ma main s'appuie.
Hélas ! les beaux jours ne sont plus.
- Je regarde tomber la pluie...
Vraiment, j'ai vingt ans révolus.


[modifier] Sources

  • Visiter le blog Lalanne Pantoums et vous trouverez une mine d'or d'infos sur le pantoum, le pantoun et même un nouveau dictionnaire du Pantoum... Ce site vous propose de découvrir le deuxième livre entièrement consacré à l'écriture de Pantoum, le premier datant du dix neuvième siècle !
  • Pour en savoir plus :
    • sur le pantun malais : La lune et les étoiles de François-René Daillie, Editions des Belles Lettres, coll. Architecture du verbe.
    • sur le pantoum occidental : Échelle et papillons, de l'oulipien Jacques Jouet, aux mêmes éditions.
  • Auguste Dorchain, L'Art des vers, Garnier, 1919.

[modifier] Notes

  1. Victor Hugo écrit « malai » ; voir édition 1834.
  2. Praho : barque des pirates malais.
  3. Kriss : glaive à lame ondulée.
  4. Axis : gazelle.
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