Nuit des Longs Couteaux (Québec)

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La nuit des Longs Couteaux, est le nom que les nationalistes du Québec utilisent en référence à la nuit du 4 novembre 1981, au moment où l'acte constitutionnel de 1982 a été accepté par Pierre Elliott Trudeau, alors premier ministre du Canada, et par l'ensemble des premiers ministres provinciaux. Le premier ministre du Québec, René Lévesque, n'était pas présent pendant l'entente; ses homologues se sont rencontrés à son insu[1],[2].

Sommaire

[modifier] Origine de l'expression

La phrase fait référence à la nuit des Longs Couteaux allemande survenue en 1934 durant laquelle des personnes menaçant le statut politique d'Adolf Hitler ont été écartées des hautes sphères du parti nazi et pour la plupart supprimées. Les observateurs des négociations constitutionnelles canadiennes de 1981 avaient rapidement utilisé cette expression au lendemain de l'entente, qui avait été conclue au cours de la nuit par dix des onze gouvernements canadiens et sans la participation du gouvernement québécois.

Au Canada anglais le même événement est décrit simplement comme le Kitchen Accord (entente de la Cuisine) parce que les négociations ont eu lieu dans une cuisine de l'hôtel où restaient les premiers ministres impliqués.

[modifier] Le problème constitutionnel

En 1981, le Canada conservait certains liens constitutionnels avec le Royaume-Uni. Pierre Elliott Trudeau souhaitait mettre fin à cette tutelle en rapatriant la Constitution canadienne depuis le Royaume-Uni. Ce rapatriement était au centre d'une importante dispute opposant les premiers ministres provinciaux et Trudeau.

Un groupe appelé le « Groupe des huit » ((en) Gang of Eight), composé des premiers ministres provinciaux sauf Bill Davis (Ontario) et Richard Hatfield (Nouveau-Brunswick), soumit un plan de Constitution sans charte (pour les droits des personnes), et avec un droit de veto sur les amendements constitutionnels. Trudeau menaça de recourir directement au parlement du Royaume-Uni, sans passer par le système judiciaire canadien.

Le groupe fit aussitôt appel à la Cour suprême du Canada qui prononça le verdict que le gouvernement fédéral était légalement autorisé à procéder à un rapatriement unilatéral de la Constitution, mais qu'il devait préférablement essayer de s'entendre avec un nombre « substantiel » de provinces. Le nombre fut volontairement laissé indéfini, mais Trudeau le situa arbitrairement entre cinq et neuf, ce qui mena à une rencontre entre Trudeau et tous les premiers ministres provinciaux à Ottawa, en novembre 1981.

[modifier] Les négociations

Après deux jours de discussions, Trudeau proposa de rapatrier la Constitution selon sa proposition initiale, mais que celle-ci soit modifiée selon les résultats d'un référendum national pour certains points controversés. René Lévesque, se sentant menacé et souhaitant agir de façon démocratique, accepte la proposition de Trudeau. Curieusement, leurs mémoires respectives présentent des versions relativement différentes de cette conversation.

Les sept autres premiers ministres firent deux constatations majeures :

  • Les Canadiens étaient majoritairement en accord avec le premier ministre canadien sur le problème, y compris l'Ouest canadien (un fait rare pendant le règne de Trudeau) ;
  • Un référendum donnerait au premier ministre canadien tout ce qu'il souhaite, c'est-à-dire une importante diminution des pouvoirs des provinces.

À la fin de cette période de négociations, René Lévesque partit dormir à Hull, ville située à proximité des lieux de négociations, en demandant aux autres premiers ministres (qui logeaient tous au même hôtel d'Ottawa) de l'appeler si quelque chose se passait[réf. nécessaire].

[modifier] La trahison

Cette nuit-là, le procureur général Jean Chrétien négocia avec ses pairs de la Saskatchewan (Roy Romanow) et de l'Ontario (Roy McMurty). Les premiers ministres provinciaux acceptèrent d'éliminer la clause dérogatoire, alors que Chrétien, avec réserve, leur offrit une clause nonobstante (ou de dérogation). René Lévesque ne fut jamais averti de ces tractations.

Hatfield et Davis acceptèrent le compromis et dirent à Trudeau qu'il devrait conclure l'entente. Trudeau accepta. Cet accord est connu comme l'« Accord de la cuisine », parce qu'il est né d'une discussion ayant débuté dans une cuisine et par hasard.

Le matin suivant, René Lévesque entra dans l'hôtel pour le déjeuner des premiers ministres et fut informé qu'une entente était survenue durant la nuit. Lévesque refusa catégoriquement de la signer et quitta immédiatement la salle. Le Québec annonça le 25 novembre 1981 qu'il utiliserait son droit de veto sur l'entente, mais la Cour suprême du Canada statua le 6 décembre que le Québec n'avait jamais possédé ce droit.

[modifier] Les répercussions

Les événements ont créé une forte division au sein du Canada. Plusieurs Québécois ont perçu l'accord comme un coup de poignard de la part des premiers ministres des autres provinces. Jean Chrétien, de par son rôle dans les négociations, s'est mis à dos l'ensemble des souverainistes québécois. L'accord a fait chuter radicalement la popularité traditionnelle des libéraux au Québec et a favorisé la victoire de Brian Mulroney et du parti progressiste-conservateur.

En 2008, le Québec n'a toujours pas signé la Constitution, même après plusieurs tentatives d'amendement, tels l'accord du lac Meech et l'accord de Charlottetown pendant l'ère Mulroney.

Trudeau s'est farouchement opposé aux deux accords et s'appliqua à augmenter l'antipathie du public face à eux.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

[modifier] Notes

[modifier] Liens externes

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