Moustérien

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Moustérien

Nucléus et éclat Levallois en silex de Haute-Saône
Site ou région éponyme Le Moustier
(vallée de la Vézère)
Auteur Gabriel de Mortillet (en 1872)
Répartition géographique Eurasie
Période Paléolithique moyen
Chronologie environ - 300 000 à - 30 000 avant le présent
Subdivisions Selon proportion outillage :
  • Moustérien typique;
  • Moustérien à denticulés;
  • Moustériens charentiens de type Quina et Ferrassie;
  • Moustérien de Tradition Acheuléenne.
Object(s) typique(s) racloirs, pointes, grattoirs, denticulés, encoches, débitage d'éclats Levallois
Type humain associé Homme de Néandertal
Tendance climatique alternance de périodes tempérées et froides (glaciations)
Signe particulier sépultures vers -100 000 ans
indices de préoccupations esthétiques

Abri supérieur du Moustier, site éponyme du Moustérien
Cultures archéologiques - Tableau synoptique |  v · d · m 

Le Moustérien est la principale manifestation culturelle du Paléolithique moyen en Eurasie (environ - 300 000 à - 30 000 avant le présent). Il est principalement l’œuvre de l’Homme de Néandertal. Il a été défini en 1872 par G. de Mortillet à partir de l’industrie lithique de l’abri supérieur du Moustier, situé dans la vallée de la Vézère en Dordogne. Il succède à l’Acheuléen et précède le Châtelperronien.

Sommaire

[modifier] Faciès du Moustérien

D’abord empiriquement puis de manière statistique (notamment par F. Bordes à partir des années 1950), les proportions des différents types d’outils présents dans un site ont permis de définir plusieurs variantes du Moustérien :

  • Moustérien typique ;
  • Moustérien à denticulés ;
  • Moustériens charentiens de type Quina et de type Ferrassie ;
  • Moustérien de Tradition Acheuléenne.

Ces faciès ont été considérés par certains comme l’expression de cultures différentes ou successives [1],[2],[3], et par d’autres comme le reflet d’activités particulières [4] ou d'une évolution diachronique [5] ; il est probable que chacune de ces explications comporte une part de vérité…

[modifier] Caractéristiques de l'industrie

Racloir moustérien en silex
Racloir moustérien en silex

Les industries moustériennes comportent le plus souvent des gammes très diversifiées d’outils sur éclats, dominées par différentes formes de racloirs (racloirs simples, doubles, convergents, déjetés…), des pointes, des grattoirs, des denticulés, des encoches. Les éclats nécessaires sont produits par des méthodes de débitage complexes, dont la méthode Levallois [6]. Ces outils sur éclats sont parfois associés à de petits bifaces, souvent minces et réguliers.

La répartition des traces d’usure [7] (ainsi que quelques découvertes exceptionnelles de pièces portant des vestiges de matières adhésives naturelles [8]) ont montré que ces outils pouvaient être emmanchés. Ces mêmes traces d’utilisation, observées sur les tranchants à l’aide de puissants microscopes, nous ont appris que les hommes de cette période ne travaillaient pas seulement la pierre mais aussi le bois, les peaux animales fraîches et sèches en vue de leur conservation, et qu’ils employaient parfois leurs outils pour couper des végétaux [9],[10].

[modifier] Comportements complexes

À l’outillage diversifié et aux méthodes de taille complexes déjà évoquées, il faut ajouter un certain nombre de comportements évolués, tels que la chasse de grands herbivores (bisons, aurochs, chevaux) avec rabattage de troupeaux vers des pièges naturels [11],[12], la sélection et le transport des silex de très bonne qualité sur des distances pouvant aller jusqu’à une centaine de kilomètres [13] ou encore l’aménagement de l’habitat, dont témoignent des restes de cabanes ou des foyers construits, autant en plein air que sous abri (même si dans ce dernier cas les vestiges sont plus fréquemment et mieux conservés) [14].

L’Homme de Néandertal semble aussi être le premier, il y a environ 100 000 ans, à avoir eu des préoccupations d’ordre spirituel : en effet, plusieurs squelettes de Néandertaliens ont été découverts dans des sépultures particulièrement soignées, parfois accompagnées de dépôts sans doute rituels d’outils ou de cornes animales [15]. À ces sépultures s’ajoutent d’autres témoignages de préoccupations d’ordre esthétique, telles que la collecte d’ocre, de fossiles insolites ou de minéraux rares [16] et la réalisation de gravures ou d’incisions non figuratives [17].

Les chasseurs-cueilleurs nomades néandertaliens étaient donc parfaitement adaptés à leur environnement et suffisamment évolués pour survivre durant plusieurs dizaines de milliers d’années, parfois dans des conditions climatiques extrêmes (périodes glaciaires). Leur disparition progressive il y a environ 30 000 ans, lors de l’arrivée des humains anatomiquement modernes venus du Proche-Orient, reste en partie inexpliquée.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Notes

  1. Bordes, F. (1953) - « Essai de classification des industries "moustériennes" », Bulletin de la Société Préhistorique Française, t. L, pp. 457-466.
  2. Bordes, F. et Bourgon, M. (1951) - « Le complexe moustérien : Moustériens, Levalloisien et Tayacien », L'Anthropologie, t. 55, pp. 1-23.
  3. Bordes, F. (1984) - Leçons sur le Paléolithique - 2. Le Paléolithique en Europe, Cahiers du Quaternaire n° 7, Ed. du CNRS, 3 t.
  4. Binford, L. R. (1973) - « Interassemblage variability - the Mousterian and the "functional" argument », in: The explanation of culture change : models in prehistory, Renfrew, C., (Éd.), London, Duckworth, pp. 227-254.
  5. Mellars, P. (1970) - « Some comments on the notion of "functionnal variability" in stone-tool assemblages », World Archaeology, vol. 2, pp. 74-89.
  6. Boëda, E. (1994) - Le concept Levallois : variabilité des méthodes, Paris, CNRS, monographie du CRA n° 9, 280 p.
  7. Anderson-Gerfaud, P. et Helmer, D. (1987) - « L'emmanchement au Moustérien », in: La main et l'outil : manches et emmanchement préhistoriques, Stordeur, D., (Éd.), Travaux de la Maison de l'Orient, vol. 15, pp. 37-54.
  8. Boëda, E., Connan, J., Dessort, D., Muhesen, S., Mercier, N., Valladas, H. et Tisnerat, N. (1996) - « Bitumen as a hafting material on Middle Palaeolithic artefacts », Nature, vol. 380, pp. 336-338.
  9. Claud, É. (2004) - La contribution des études tracéologiques à l'interprétation des industries datées du Paléolithique moyen : apports, limites et perspectives. Bilan critique des études menées sur l'ensemble des sites français et quelques sites européens, Université de Bordeaux I, Mémoire de Master IIème année, 70 p.
  10. Lemorini, C. (2000) - Reconnaître des tactiques d'exploitation du milieu au Paléolithique moyen. La contribution de l'analyse fonctionnelle ; étude fonctionnelle des industries lithiques de la Grotta Breuil (Latium, Italie) et de la Combette (Bonnieux, Vaucluse, France), BAR international Séries 858, 142 p.
  11. Jaubert, J., Lorblanchet, M., Laville, H., Slott-Moller, R., Turq, A. et Brugal, J.-Ph. (1990) - Les chasseurs d'Aurochs de La Borde - un site du Paléolithique moyen (Livernon, Lot), Paris, MSH, Documents d'Archéologie Française n° 27, 157 p.
  12. Farizy, C., David, F. et Jaubert, J. (1994) - Hommes et bisons du Paléolithique moyen à Mauran (Haute-Garonne), Paris, CNRS, XXXème supplément à Gallia Préhistoire, 267 p.
  13. Féblot-Augustins, J. (1997) - La circulation des matières premières au Paléolithique, Liège, ERAUL 75, 275.
  14. Desbrosse, R. et Koslowski, J. (2001) - Les habitats préhistoriques - des Australopithèques aux premiers agriculteurs, Paris, CTHS.
  15. Maureille, B. (2004) - Les premières sépultures, Paris, Le Pommier, Cité des sciences et de l'industrie, 123 p.
  16. Leroi-Gourhan, A. (1983) - Les religions de la préhistoire, PUF.
  17. Lorblanchet, M. (1999) - La naissance de l'Art. Genèse de l'art préhistorique, Paris, Éd. Errance, 304 p.

[modifier] Bibliographie

  • J. Jaubert : Chasseurs et artisans du Moustérien, La Maison des Roches (1999) ISBN 2-912691-05-2