Massacre de Srebrenica

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Potočari 11. juillet 2007
Potočari 11. juillet 2007
Enterrement de 465 victimes
Enterrement de 465 victimes
La pierre tombale du treize
La pierre tombale du treize

Le massacre de Srebrenica, ou Génocide de Srebrenica a eu lieu entre le 11 et le 16 juillet 1995 en Bosnie et Herzégovine. Il s'agit des massacres de grande ampleur perpétrés par l'armée Serbe de Bosnie, du général Ratko Mladic, sur les habitants bosniaques de la ville de Srebrenica[1]. Ils sont souvent qualifiés de pire massacre commis en Europe depuis la fin de la Seconde guerre mondiale. On estime généralement à environ 8 000 le nombre de disparus, un peu plus de 2 000 corps ayant été finalement exhumés. Ces massacres ont été qualifié de génocide par le TPIY lors du procès de Radislav Krstić[2], et par la Cour internationale de justice[3].

Sommaire

[modifier] Chronologie des faits

[modifier] Contexte

Après la dissolution de la République fédérale socialiste de Yougoslavie et la guerre consécutive, les Serbes de Bosnie-Herzégovine prirent le contrôle de la majeure partie de la Bosnie orientale, conduisant une campagne de nettoyage ethnique contre les Bosniaques de la région, rapportée par des milliers de témoins oculaires et d'organismes internationaux. La ville de Srebrenica faisait partie de la poignée d'enclaves bosniaques officiellement démilitarisées restantes dans ce secteur.

Beaucoup de Serbes des régions périphériques et de la ville ont rejoint l'armée serbe au début du conflit, aidés par la population serbe de la région qui leur a fourni des armes et des munitions telles que des obus de mortier, participant même parfois aux attaques pour piller et détruire les maisons bosniaques.

Les forces bosniaques de l'ABiH, commandées par Naser Orić, conservaient, malgré la démilitarisation officielle, certaines de leurs armes et plusieurs tranchées derrière la zone sûre, perpetrant des crimes de guerre. Ainsi, le général français Morillon, qui commandait les forces de l’ONU sur place, accuse : « Dans la nuit du Noël orthodoxe, nuit sacrée de janvier 1993, Naser Oric a mené des raids sur des villages serbes... Il y a eu des têtes coupées, des massacres abominables commis par les forces de Naser Oric dans tous les villages avoisinants ».[4] Naser Orić a été condamné par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY).

Par ailleurs, un rapport de l’ONU, rédigé un an et demi plus tôt par Kofi Annan, déclarait « Izetbegovic avait appris qu’une intervention de l’OTAN en Bosnie-Herzégovine était possible. Mais elle n’aurait lieu que si les Serbes s’introduisaient de force à Srebrenica et y massacraient au moins 5.000 personnes. »[5]. Le général Morillon a estimé par ailleurs que « ce sont les autorités d’Izetbegovic qui se sont opposées à ce qu’on évacue tous ceux qui le demandaient, et ils étaient nombreux ».

[modifier] Siège de la ville

En 1995, les forces serbes lancèrent une offensive massive contre la ville, forçant les défenseurs à donner leur accord au plan surveillé de démilitarisation de l'ONU, faisant de Srebrenica une zone sûre. À peu près six cent casques bleus néerlandais de la FORPRONU ont été déployés pour protéger les citadins mais furent impliqués dans des escarmouches.

Fin mai 1995, 400 casques bleus sont pris en otage par les forces bosno-serbes suite à un raid aérien de l'OTAN contre un dépôt de munitions.

Le 4 juin 1995, le commandant français des forces militaires de l'ONU en ancienne Yougoslavie, le général Bernard Janvier, rencontre secrètement le général Ratko Mladić pour obtenir la libération des otages, dont plus de la moitié étaient français. Mladić a exigé de Janvier qu'il n'y ait plus de frappe aérienne. Cinq jours plus tard le représentant dans la région de l'ONU, Takashi Akashi, a déclaré que l'ONU « se conformerait strictement au principe de maintien de la paix ».

Le 7 juillet 1995, les forces serbes de bosnie menées par le général Ratko Mladić prirent d'assaut la ville. Les Néerlandais de la FORPRONU demandèrent en vain une aide aérienne avant d'être pris en otages par les forces serbes. Orić avait quitté Srebrenica, laissant le commandement à ses lieutenants et incitant les médias à accuser les forces bosniaques de ne pas mettre en œuvre une défense adéquate. La plupart des civils partirent immédiatement pour la ville de Potoćari où se trouvait la base militaire principale de l'ONU. D'autres civils prirent des autobus pour des territoires bosniaques.

[modifier] Massacre des fuyards

La plupart des hommes — des soldats mais aussi des vieillards et des adolescents — formèrent une colonne pour éviter les mines et tenter de rejoindre la ville bosniaque de Tuzla, située à cinquante kilomètres. Cette colonne — on estime à environ 12.500 le nombre de personnes — fut rapidement encerclée par les forces serbes, qui ouvrirent le feu à l'aide de canons antiaériens et de mitrailleuses lourdes. Cette embuscade fit plusieurs centaines de tués, ainsi que de nombreux blessés. Ceux qui choisirent de se rendre furent emmenés puis exécutés[réf. nécessaire], tandis que les forces serbes continuèrent à poursuivre le reste du groupe, faisant des victimes jusqu'au territoire bosniaque. Les survivants accusèrent les Serbes d'avoir utilisé des armes chimiques ou biologiques, apparemment il s'agissait d'un gaz incapacitant composé de Benzilate, qui désoriente les victimes et leur donne des hallucinations[réf. nécessaire].

[modifier] Bilan

[modifier] Responsabilités

Le général serbe Ratko Mladić ainsi que le chef politique des Serbes de Bosnie Radovan Karadžić ont été accusés[6] par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) de génocide, crimes contre l'humanité et violations des lois et coutumes de guerre. Ils sont à l'heure actuelle toujours en fuite.

Le 2 août 2001, Radislav Krstić, un général serbe de Bosnie qui avait mené l'assaut sur Srebrenica au côté de Ratko Mladić, a été condamné par le TPIY à 46 ans de prison pour génocide et autres crimes. L'accusation de génocide a été rejetée en appel, mais le tribunal a cependant retenu une charge de complicité de génocide envers Krstić, sa peine étant réduite de 11 ans.[7]

En 2004, le président de la République serbe de Bosnie (région autonome à forte majorité serbe de Bosnie-Herzégovine) Dragan Čavić, a reconnu à la télévision que les forces serbes ont tué plusieurs milliers de civils en violant le droit international, et a déclaré que Srebrenica était un chapitre sombre dans l'histoire des Serbes. Le 10 novembre 2004, le gouvernement de la République serbe de Bosnie a présenté ses excuses pour le massacre de Srebrenica et s'est engagé à traduire en justice les coupables.

En mai 2007, L’ex-général Zdravko Tolimir, proche du général Ratko Mladić, a été arrêté près de la frontière entre la Serbie et la Republika Sprska. Le TPIY avait inculpé Zdravko Tolimir en février 2005 de crimes contre l'humanité et de crime de guerre pour "le meurtre, l'expulsion et les traitements cruels" commis contre les populations musulmanes de Bosnie des enclaves de Srebrenica et de Zepa.[8]

En Juin 2007, une plainte a été déposée par le cabinet d'avocats Van Diepen & Van der Kroef, au nom des survivants et parents des victimes de Srebrenica, contre les Pays-Bas et les Nations Unies pour non-respect d'obligations contractuelles, «échec à prévenir un génocide» et «non-déclaration de crimes de guerre». Il est reproché aux 450 casques bleus néerlandais positionnés à proximité de l'enclave et censés la protéger de n'être pas intervenus face aux attaquants serbes (environ un millier), cela bien que la population ait cherché refuge auprès de leur base.[9]

[modifier] Controverse sur le nombre de victimes

Le nombre et l'identité des personnes tuées lors de la prise de la ville ont beaucoup varié au cours du temps[10]. L'estimation la plus haute est sans doute celle du ministre allemand de la Défense, Scharping, qui parla le premier de génocide à ce sujet le 28 mars 1999, quatre jours après le début des bombardements de l'OTAN, affirmant que les Casques Bleus des Nations Unies « assistèrent à l'assassinat de 30 000 hommes à Srebrenica ». Par contre, le debriefing des 460 Casques Bleus hollandais alors présent à Srebrenica (les Dutchbatters) révèle que les soldats auraient plutôt vu des centaines, voire jusqu'à un millier, de victimes.[11]

Une liste de 8 106 personnes disparues a été établie par la commission fédérale des personnes disparues, dont plus de 2 000 auraient été tuées par les soldats Serbes autour de Srebrenica.[12]

Le dernier chiffre donné par la croix-rouge est de 7 333 personnes portées disparues. Un porte-parole, Pierre Gaultier, a cependant précisé qu'il était « fort possible qu'il y ait, parmi ces noms, un grand nombre de noms comptés deux fois », certains disparus ayant pu se frayer un chemin à travers les lignes ennemies puis réintégrer l'armée bosno-musulmane.

Dragan Kalinic, président du Parlement de la République Srpska, a transmis à l'OSCE une liste de 3 010 noms de portés disparus qui seraient réapparus sur la liste électorale de l'OSCE deux ans plus tard, en 1997[11]. Les travaux du démographe Helge Brunborg, présentés devant le TPIY, tenant compte des nombreuses homonymies et des données partielles contredirent par la suite ce chiffre, avançant qu'une partie « insignifiante » des disparus censés se trouver sur ces listes électorales correspondraient à des mêmes personnes physiques[13]

Les recherches de corps auxquelles le TPIY a procédé jusqu'à la fin 2001 ont permis d'identifier 2 361 cadavres dans les environs de Srebrenica. Une partie des cadavres avait des bandeaux sur les yeux ou des empreintes de ligotements sur les poignets, même si, selon le tribunal lui-même, on ne peut exclure la possibilité qu'un certain pourcentage dans les tombes examinées étaient des hommes tombés au combat.

[modifier] Controverses sur la qualification génocidaire

Le massacre de Srebrenica est très souvent qualifié de pire massacre commis en Europe depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, au moins dans les médias français.

Le TPIY a considéré que le massacre de Srebrenica était un des actes constitutifs d'un génocide. Le 26 février 2007, la Cour internationale de justice (CIJ), organe de l'Organisation des Nations unies, qualifie indistinctement le massacre « d'actes de génocide » ou de « génocide de Srebrenica ». La CIJ considère en outre que la Serbie n'a rien fait pour empêcher ce massacre mais qu'elle n'en est pas responsable.[14] La Serbie « n'a pas commis de génocide par le biais de ses organes ou de personnes » à Srebrenica, selon l'arrêt de la CIJ, lu par sa présidente Rosalyn Higgins. Il n'est donc pas question d'indemnisations, comme en réclamait Sarajevo.

[modifier] Notes

  1. Le Figaro – Actualité en direct et informations en continu
  2. Le procureur contre R. Krstić sur un.org. « la Chambre de première instance a conclu à bon droit qu’un génocide avait été commis à Srebrenica en juillet 1995 »
  3. (en) Court Declares Bosnia Killings Were Genocide, 26 février 2007, The New York Times, le jugement est disponible sur le site de la CIJ : Jugement de la cour sur icj-cij.org
  4. Documents d’information de l’Assemblée nationale, Srebrenica, t 2, pp. 140-154
  5. Rapport ONU 28-29 novembre 1993
  6. Acte d'accusation contre Mladic, Acte d'accusation contre Karadzic.
  7. http://www.un.org/icty/glance/krstic.htm
  8. Un Ancien bourreau serbe arrêté, Le Figaro, 31 mai 2007
  9. Srebrenica: les Pays-Bas et l'ONU mis en cause
  10. Rapport du Srebrenica Research Group : Srebrenica Numbers
  11. ab La RFA dans la guerre au Kosovo. Chronique d'une manipulation de Jürgen Elsässer, Chapitre La Rampe de Srebrenica.
  12. [http://www.domovina.net/srebrenica/page_006/Preliminarni_spisak_Srebrenica_1995.pdf Federal Commission for Missing Persons; "Preliminary List of Missing and Killed in Srebrenica"; 2005] la liste est discutée ici et le processus d'identification ici
  13. Transcription de l'audience du TPIY du 01/06/2000, en particulier pages 4059--4065, accessible ici .
  14. Communiqué de presse 2007/8

[modifier] Liens externes