Lois constitutionnelles de 1875

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Constitutions
Textes
Régime politique
Constitution de 1791 texte Monarchie constitutionnelle
Constitution de l'an I - 1793 texte Ire République
Constitution de l'an III - 1795 texte Directoire
Constitution de l'an VIII - 1799 texte Consulat
Constitution de l'an X - 1802 texte Consulat à vie
Constitution de l'an XII - 1804 texte Ier Empire
Charte de 1814 texte Restauration
Acte additionnel de 1815 texte Cent-Jours
Charte de 1830 texte Monarchie de Juillet
Constitution de 1848 texte IIe République
Constitution de 1852 texte, IInd Empire
Lois constitutionnelles de 1875 texte IIIe République
Loi constitutionnelle de 1940 texte État français
Loi constitutionnelle de 1945 texte GPRF
Constitution de 1946 texte IVe République
Constitution de 1958 texte Ve République
voir aussi: Site source et Constitution
« Les lois constitutionnelles de 1875 sont une œuvre modeste, issue de concessions mutuelles.
L'expérience a montré qu'elles étaient plus viables que d'autres constitutions plus ambitieuses. »
Nouveau Larousse Illustré, 1898-1907, article « France », paragraphe « Constitutions ».

Les Lois constitutionnelles de 1875 sont les lois votées en France par l'Assemblée nationale entre février et juillet 1875 qui instaurent définitivement la IIIe République (auparavant elle n'avait été qu'ébauchée par des lois qui répondaient à des problèmes ponctuels — loi Rivet, ou encore Loi du 20 novembre 1873 par exemple).

Trois lois constitutionnelles viennent organiser le régime républicain :

  • la loi du 24 février 1875, sur l'organisation du Sénat ;
  • la loi du 25 février 1875, sur l'organisation des pouvoirs publics ;
  • la loi du 16 juillet 1875, sur les rapports entre les pouvoirs publics.

Ces trois lois seront légèrement modifiées par la suite. C'est la première et la dernière fois qu'une république en France n'est pas définie et organisée par une véritable constitution.

Elles ne furent juridiquement abrogées que lors de la promulgation de la Constitution du 27 octobre 1946. Toutefois leur application fut suspendue de facto entre le 10 juillet 1940 — date du vote des pleins pouvoirs à Pétain qui devait mettre d'ailleurs en place, selon les termes de la loi constitutionnelle du 10 juillet 1940 une nouvelle constitution qui ne vit toutefois jamais le jour — et la promulgation de la Constitution de la IVe République. La loi constitutionnelle du 2 novembre 1945 établit en effet un gouvernement provisoire, maintenant les Lois constitutionnelles de 1875 dans leur non-application.

Sommaire

[modifier] Contexte historique du vote des lois

En 1875 la France vit dans un régime provisoire depuis 1870 et la chute du Second Empire.


[modifier] Un régime provisoire en attendant mieux

Adolphe Thiers, personnage controversé, l'un des fondateurs de la IIIe République.
Adolphe Thiers, personnage controversé, l'un des fondateurs de la IIIe République.

L'Assemblée nationale élue en 1871, seule assemblée législative et constituante, est composée à majorité de monarchistes (sur 675 sièges pourvus en 1871 il y avait environ 400 monarchistes), c'est pourquoi l'on parle de « République des ducs ». Ces monarchistes, pour la plupart favorables à la paix avec la Prusse, veulent le retour de la royauté mais restent divisés sur le prétendant à porter sur le trône. Il y a en effet 180 légitimistes favorables à Henri d'Artois et 220 orléanistes favorables à Philippe d'Orléans. La question du régime reste en suspens car aucune des solutions — république, monarchie orléaniste favorable à une alliance de la royauté et du libéralisme, monarchie légitimiste espérant le retour à l'Ancien Régime — n'atteint la majorité. La qualification de « république » est donc un terme provisoire ; d'où la célèbre anecdote qui dit qu'à chaque fois que le mot « république » était prononcé à cette époque quelqu'un répondait « provisoire ! ».

Le vide juridique laissé par la chute de l'Empire n'a pas été comblé. Thiers a été nommé « chef du pouvoir exécutif de la République française » puis « Président de la République », mais le régime n'a rien d'une république, sauf au sens antique du terme : res publica, littéralement "la chose publique", c'est-à-dire la chose commune qui lie un peuple. Le décret du 17 février 1871 le montre bien :

« L'Assemblée nationale, dépositaire de l'autorité souveraine,
Considérant qu'il importe, en attendant qu'il soit statué sur les institutions de la France, de pourvoir immédiatement aux nécessités du gouvernement et à la conduite des négociations,
Décrète :
M. Thiers est nommé chef du pouvoir exécutif de la République française »

« En attendant » dit le décret. La question de la nature du futur régime est laissé en suspens. Il faudra quatre années pour la résoudre.

[modifier] La république conservatrice

La nouvelle République française n'a rien de révolutionnaire. Elle est « conservatrice, sage », comme l'a dit Thiers. La répression de la Commune de Paris a montré que la République pouvait défendre l'ordre. L'élection partielle d'avril 1871 donne 99 sièges aux Républicains sur les 114 qui étaient à pourvoir : la République a su montrer qu'elle était conservatrice et c'est pourquoi la France, conservatrice en majorité, a élu non pas des monarchistes mais des républicains.

[modifier] La république conservatrice et parlementaire

Les lois Rivet (août 1871), de Broglie (mars 1873) et dite du septennat (novembre 1873) modifient le visage du régime qui devient peu à peu parlementaire, en supprimant la responsabilité présidentielle au profit de la responsabilité ministérielle.

Thiers, un ancien orléaniste qui a servi sous Louis-Philippe Ier, se rallie à la république balbutiante, ce qui provoque la colère des monarchistes, qui finissent par le renverser. Il prononça notamment un discours célèbre, en novembre 1872 :

Mac-Mahon, monarchiste et Président de la République.
Mac-Mahon, monarchiste et Président de la République.
« La République existe, elle sera le gouvernement légal du pays, vouloir autre chose serait une nouvelle révolution et la plus redoutable de toutes. Ne perdons pas notre temps à la proclamer, mais employons-le à lui imprimer ses caractères désirables et nécessaires. Une commission nommée par vous il y a quelques mois lui donnait le titre de République conservatrice. Emparons-nous de ce titre et tâchons surtout qu'il soit mérité. Tout gouvernement doit être conservateur, et nulle société ne pourrait vivre sous un gouvernement qui ne le serait point. La République sera conservatrice ou ne sera pas. La France ne peut pas vivre dans de continuelles alarmes. »

En effet Thiers, mis en minorité en mai 1873 par l'Assemblée nationale, démissionne. L'Assemblée élit à sa place Mac-Mahon, un monarchiste. La restauration de la royauté semblait toute proche mais la fermeté d'Henri d'Artois dans l'affaire du Drapeau blanc ruine les espoirs. On vote alors la loi du septennat qui tout en prolongeant la durée de vie de la République provisoire jusqu'en 1880 (durée du mandat de Mac-Mahon), supprime la responsabilité du président devant la chambre — aucun moyen de révoquer Mac-Mahon n'a été prévu, contrairement à Thiers qui travaillait "sous l'autorité de l'Assemblée nationale". Mac-Mahon n'était pas Thiers, il n'avait rien d'un orateur, et il n'utilisa pas d'ailleurs son droit de communiquer avec l'Assemblée, laissant à ses vice-présidents du Conseil le gouvernement et la discussion devant la chambre. Albert de Broglie résume la place que les Monarchistes espéraient faire jouer au maréchal Mac-Mahon :

« Le trône restait vacant et j'avais réussi à y faire asseoir, sous le nom de président, un véritable lieutenant général du royaume, prêt à céder la place, le jour où le roi aurait été en mesure de la prendre. »

La restauration n'était que repoussée, dans l'esprit de ceux qui l'appelaient de leurs vœux : elle pourrait advenir sans difficulté pendant les sept années du mandat de Mac-Mahon (voir ci-dessous).

[modifier] La question du régime est enfin posée et résolue

[modifier] La commission de préparation

L’Assemblée, à travers la loi de Broglie, avait décidé (article 5) :

L’Assemblée nationale ne se séparera pas avant d’avoir statué :

  1. sur l’organisation et le mode de transmission des pouvoirs législatif et exécutif ;
  2. sur la création et les attributions d’une seconde chambre ne devant entrer en fonctions qu’après la séparation de l’Assemblée actuelle ;
  3. sur la loi électorale.
Le gouvernement soumettra à l’Assemblée des projets de loi sur les objets ci-dessus énumérés.

À cet effet une commission de trente membres, connue sous le nom de Commission des Trente, a été désignée pour préparer les nouvelles institutions, en novembre 1873, par l'Assemblée nationale. Cette Commission prend son temps, en espérant que la restauration de la monarchie interviendrait. Elle finit toutefois par rendre son rapport au début de l'année 1875.

[modifier] La fondation de la République : 30 janvier 1875

Henri Wallon, le « père de la République ».
Henri Wallon, le « père de la République ».

Le 21 janvier 1875 s'engage la discussion sur le projet de la commission, lequel est très neutre, souhaitant non pas graver dans le marbre une constitution mais organiser temporairement le régime, dans la lignée des lois déjà votées auparavant par l'Assemblée nationale. Le mot « république » n'y apparaît pas, on l'a soigneusement éludé. C'est précisément sur ce point, fonder la République, que les discussions et les luttes s'engagent. Laboulaye propose un amendement au 1er article du projet spécifiant : « Le gouvernement de la République se compose de deux chambres et d'un Président ». La proposition est rejetée par 359 voix contre 336. C'est à Henri Wallon qu'il appartient de trouver la formulation qui fera basculer l'Assemblée nationale. Wallon explique sa proposition ainsi : « Si la monarchie est possible, si vous pouvez montrer qu'elle est acceptable, proposez-la… Si au contraire, elle ne paraît pas possible, eh bien, je ne vous dis pas : proclamez la République. Mais je vous dis : constituez le gouvernement qui se trouve maintenant établi. Je ne vous demande pas de le déclarer définitif ; qu'est-ce qui est définitif ? Mais ne le déclarez pas non plus provisoire. Faites un gouvernement qui ait en lui les moyens de vivre. »

L'amendement Wallon consistait en cette phrase :

« le Président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages par le Sénat et par la Chambre des Députés réunis en Assemblée nationale. Il est élu pour sept ans. Il est rééligible. »

C'est la première phrase de cette proposition qui fonde la République, et fait de Henri Wallon le « père » de cette République. L'amendement est voté le 30 janvier 1875 par 353 voix contre 352. L'on a beaucoup glosé sur cette toute petite voix qui fait la différence, mais le plus important n'était pas tant le vote de cet amendement que celui de la loi entière, adoptée du reste largement. Toutefois, l'amendement Wallon permet une chose : la République est constitutionnellement fondée par la représentation nationale grâce à lui.

Les trois lois sont ensuite votées :

  • la loi du 24 février 1875 (organisation du Sénat) par 435 voix contre 234 :
  • la loi du 25 février 1875 (organisation des pouvoirs publics) par 425 voix contre 254 — ce fut la première promulguée ;
  • la loi du 16 juillet 1875 (rapports entre les pouvoirs publics) par 520 voix contre 84.

[modifier] L'importance historique de ce jour

L'Assemblée nationale se sépare ensuite le 8 mars 1876, son travail ayant été effectué : elle a fondé provisoirement une république qui dure soixante-cinq ans, qui survit à la Première Guerre mondiale mais s'effondre en 1940, après avoir toutefois amené plusieurs réformes capitales (séparation de l'Église et de l'État, droit d'association, enseignement public, etc.). Il revient également à la Troisième République d'avoir légitimé le régime républicain en le débarrassant de ses excès révolutionnaires, en faisant de lui un régime capable de durer. L'école républicaine contribue enfin à enraciner le régime républicain dans le peuple au point que, quand l'État français est mis à bas par la libération de la France, la question du régime ne se pose pas (ne demande-t-on pas à de Gaulle, lors de la libération de Paris en 1944 de « Proclamer la République » ?) Il n'y a aucune tergiversation sur le régime à adopter comme il y avait pu en avoir au lendemain de la défaite de Sedan, c'est finalement cette légitimation du régime républicain qui est la grande réussite de la Troisième République.

En 1884, les Républicains au pouvoir font ajouter à la loi du 25 juillet 1875 que « La forme républicaine du gouvernement ne peut faire l'objet d'une proposition de révision. ». Ainsi prennent fin quatre-vingts ans de tâtonnements constitutionnels qui ont amené la Convention, l'Empire, la Restauration, etc.

[modifier] L'originalité de cette constitution

Cette constitution est originale à la fois par sa forme et par son fond.

[modifier] La forme

Albert de Broglie, l'un des pères involontaires de la plus longue république française.
Albert de Broglie, l'un des pères involontaires de la plus longue république française.

La constitution est d'abord originale par sa forme : elle est courte (34 articles au total), sans préambule ni déclaration de principe ou de droits, sans référence philosophique non plus. C'est donc une constitution procédurale de compromis, qui est en plus mal « rangée » : les articles se suivent sans trop de logique — on les votait dès qu'un compromis était trouvé — et il a fallu trois lois pour mettre en place totalement le régime — on s'aperçut peu après le vote des deux premières lois qu'il y avait des lacunes, d'où la loi de juillet

Le style est sec, fonctionnel, n'apporte aucun rêve et laisse poindre la résignation des monarchistes à cette république conservatrice inévitable, ou celle des républicains concédant le Sénat, la chambre haute, quand ils souhaitaient un parlement monocaméral. Chaque parti a fait des concessions en espérant bien les reprendre quand il aurait le pouvoir. La procédure de révision (voir plus bas) est d'ailleurs fort simple. Personne ne cherche à sacraliser la constitution, elle n'est qu'un compromis.

C'est un compromis des Républicains qui acceptent un président fort, mais irresponsable, c’est-à-dire un roi caché. La constitution n'attend que l'héritier du trône de France pour se muer en troisième charte. Albert de Broglie l'a lui-même dit :

« [Le président est] un chef revêtu de tous les attributs de la royauté, un chef-roi sans le nom et sans la durée ».

En théorie le président règne et gouverne. Or, avec l'orientation parlementaire du régime le président devient un symbole inactif sans pouvoir. Les Républicains se sont également inclinés devant la majorité monarchiste en concédant une deuxième chambre qui doit être un bastion conservateur, monarchique, selon la théorie des lois constitutionnelles, voire un arbitre dans certains cas (celui de la dissolution par exemple).

La Constitution est aussi un compromis de la part des Monarchistes qui concèdent la « République » certes débarrassée de ses attributs révolutionnaires, mais une république reste un régime sans roi.

C'est enfin un compromis des républicains les plus vigoureux qui concèdent une république sage et conservatrice loin de leurs idéaux hérités de 1789.

[modifier] Le fond

Le roi Louis-Philippe Ier, premier véritable monarque parlementaire français.
Le roi Louis-Philippe Ier, premier véritable monarque parlementaire français.

La constitution de la IIIe République est originale par son contenu. C'est en effet la première à mêler forme républicaine de gouvernement et mécanismes de la monarchie parlementaire, mêlant ainsi les héritages de la Révolution et de la Monarchie de Juillet.

On se retrouve ainsi avec un texte fortement orléaniste, c'est-à-dire très inspiré par la Charte de Louis-Philippe Ier qui utilise les mécanismes mis en place lors de la Monarchie de Juillet, comme le principe de la responsabilité du ministère hors de la responsabilité du roi, ou le principe de l'interpellation du ministère par les chambres. Le nom Chambre des Députés adopté pour la chambre basse a lui-même été créé dès la Restauration, et repris par la Monarchie de Juillet. Le fait que les textes soient courts laisse à la coutume le soin de régler les problèmes qui se poseront, mais il permet aussi de renvoyer à la pratique des Chartes.

Fruit des tractations, appelée à ne pas durer, la constitution ne dura pas en effet, sans pour autant être supprimée. Telle qu'elle est écrite, elle devrait organiser un régime parlementaire dualiste[1]pouvoir exécutif et pouvoir législatif seraient équilibrés. Or, au fur et à mesure que les Républicains s'emparent des organes institutionnels (le Parlement puis la présidence de la République) ils modèlent le fonctionnement du régime selon leurs idées sans pour autant changer le contenu des lois : l'affaiblissement du président, puis du Gouvernement, au profit d'une assemblée toute puissante est un résultat de la pratique des institutions et non de la lettre de la constitution.

[modifier] Le contenu des lois : théorie et pratique

Note : on trouvera à la fin de cet article détaillé une synthèse des pouvoirs et prérogatives de chaque organe institutionnel pour ceux qui souhaitent aller à l'essentiel.

[modifier] Le pouvoir exécutif : dualité et inégalité

Sous la IIIe République le pouvoir exécutif est détenu par deux éléments : le Président et le Gouvernement, au terme des lois constitutionnelles.

Organigramme de la Troisième République (cliquez pour l'agrandir)
Organigramme de la Troisième République (cliquez pour l'agrandir)

[modifier] Le Président de la République

[modifier] La théorie de la loi : un « monarque »

Élu pour 7 ans, rééligible immédiatement et à l'infini par le Parlement réuni en Assemblée nationale, il dispose de pouvoirs étendus, comme le montre l'article 3 de la loi du 25 février 1875 :

« Le Président de la République a l'initiative des lois, concurremment avec les membres des deux chambres. Il promulgue les lois lorsqu'elles ont été votées par les deux chambres ; il en surveille et en assure l'exécution.
Il a le droit de faire grâce ; les amnisties ne peuvent être accordées que par une loi.
Il dispose de la force armée.
Il nomme à tous les emplois civils et militaires.
Il préside aux solennités nationales ; les envoyés et les ambassadeurs des puissances étrangères sont accrédités auprès de lui.
Chacun des actes du Président de la République doit être contresigné par un ministre. »

Il n'a donc aucun poids populaire réel (on redoutait depuis les plébiscites de Napoléon III l'opinion publique), et on assure également par là une certaine stabilité de la fonction puisque le peuple ne peut pas prétendre vouloir la démission d'un homme qu'il n'a pas élu. De par sa possibilité de dissoudre la Chambre des Députés, le président dispose d'un pouvoir très important, qui fait contrepoids à l'article 6 de la loi du 25 février qui établit la responsabilité ministérielle et donc la possibilité pour le Parlement de renverser le Gouvernement. Il peut proposer des lois aux chambres, et peut également (article 8) proposer une révision de la constitution.

Chef de l'État, le Président est donc également le chef de l'exécutif puisqu'il peut protéger le gouvernement du Parlement. Deux autres articles viennent renforcer cela. L'article 2 de la loi du 16 juillet 1875 précise :

« Le Président de la République prononce la clôture de la session. Il a le droit de convoquer extraordinairement les chambres. Il devra les convoquer si la demande en est faite, dans l'intervalle des sessions, par la majorité absolue des membres composant chaque chambre.
Le Président peut ajourner les chambres. Toutefois, l'ajournement ne peut excéder le terme d'un mois ni avoir lieu plus de deux fois dans la même session. »

Le président peut donc convoquer les chambres, ou les ajourner un mois avant la fin légale de la session. L'article 7 de cette même loi dispose :

« Le Président de la République promulgue les lois dans le mois qui suit la transmission au Gouvernement de la loi définitivement adoptée. Il doit promulguer dans les trois jours les lois dont la promulgation, par un vote exprès de l'une et l'autre chambres, aura été déclarée urgente.
Dans le délai fixé par la promulgation, le Président de la République peut, par un message motivé, demander aux deux chambres une nouvelle délibération qui ne peut être refusée. »

Il a donc la possibilité de refuser la promulgation d'une loi, sauf dans le cas d'une loi urgente, et de renvoyer les chambres au travail, ce qui constitue un exemple de veto provisoire.

Un rôle important lui est également dévolu en politique étrangère par l'article 8 de la loi du 16 juillet :

« Le Président de la République négocie et ratifie les traités. Il en donne connaissance aux chambres aussitôt que l'intérêt et la sûreté de l'État le permettent.
Les traités de paix, de commerce, les traités qui engagent les finances de l'État, ceux qui sont relatifs à l'état des personnes et au droit de propriété des Français à l'étranger, ne sont définitifs qu'après avoir été votés par les deux chambres. Nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire ne peut avoir lieu qu'en vertu d'une loi. »

Il mène donc la négociation des traités, et peut même ratifier certains sans que les chambres ne l'aient approuvé. La majorité des traités doivent toutefois être votés par les deux chambres.

Politiquement, le Président de la République est irresponsable (tout comme un roi le serait) (« Le Président de la République n'est responsable que dans le cas de haute trahison. », article 6, loi du 25 février), et ses actes doivent tous être contresignés par un ministre qui en prend la responsabilité. C'est donc un magistrat disposant de prérogatives étendues qu'il peut en théorie utiliser librement (sauf conditions particulières déjà expliquées), pouvant ainsi provoquer la dissolution de la représentation nationale, une nouvelle délibération d'une loi, ou un ajournement avancé de la session parlementaire. L'étendue de ses pouvoirs face à l'absence de contrepoids sur sa personne lui donnent les apparences d'un vrai monarque républicain. Les lois constitutionnelles de la IIIe République ressemblent par certains côtés à la Charte de 1830, c'est-à-dire à une charte royale.

Le président, un mois avant la fin de ses fonctions, doit appeler les chambre à élire son successeur afin de ne pas avoir d'interrègne. S'il ne le fait pas, l'Assemblée nationale se réunit de plein droit quinze jours avant. En cas de vacances anormales (décès, démission, etc.) les deux chambres se réunissent le plus vite possible de plein droit.

[modifier] La pratique des institutions : l'effacement total
Jules Grévy : il a refondé la IIIe République.
Jules Grévy : il a refondé la IIIe République.
« La Présidence de la République est dépourvue de moyens d'action et de contrôle. Je ne me résigne pas à comparer le poids des responsabilités morales qui pèsent sur moi et l'impuissance à laquelle je suis condamné. »
Jean Casimir-Perier, discours de démission de la présidence (1895)

De prime abord, le président sous la IIIe République semble disposer de pouvoirs étendus : initiative des lois, droit de dissolution, nomination du cabinet, ce qui faisait donc de lui un véritable monarque républicain — d'autant plus qu'il ne peut pas être renversé par les Chambres. Le droit de dissolution, tout particulièrement, était vu comme un contrepoids à la responsabilité ministérielle.

Cependant, dans la pratique des institutions, le président « inaugure les chrysanthèmes », selon la formule consacrée : son rôle se réduit au symbole, à une certaine influence en politique étrangère et dans la nomination du président du Conseil — bien que l'opinion le pousse parfois à choisir un homme précis, comme Clemenceau fut imposé à Poincaré en 1917, et bien qu'il soit presque obligé de choisir un parlementaire —, et au poids moral qu'il peut avoir de par sa personnalité propre. Ce qui fera dire à Clemenceau avec son sens habituel du bon mot : « La vie m'a appris qu'il y a deux choses dont on peut très bien se passer : la présidence de la République et la prostate. »

C'est le comportement de Mac-Mahon qui explique pour une bonne part cet état de fait : soutenu par le Sénat, il avait cherché à dissoudre la Chambre des Députés (Crise du 16 mai 1877), en usant d'une de ses prérogatives. Cela fut fait, mais les élections portèrent au pouvoir une nouvelle majorité républicaine, hostile à un exécutif fort (dans la tradition révolutionnaire). En 1879, Jules Grévy est élu par l'Assemblée nationale ; il instaure ce que l'on appelle la constitution Grévy, c'est-à-dire une pratique de président-symbole plutôt que de président-acteur dans la politique sans pour autant que la loi ne soit modifiée. Dans ses remerciements à la Chambre pour son élection, Grévy dit :

« Soumis avec sincérité à la grande loi du régime parlementaire, je n'entrerai jamais en lutte contre la volonté nationale exprimée par ses organes constitutionnels »

Il marque par là son hostilité aux principes de 1848, à un exécutif fort (ou même autoritaire — Second Empire), au profit d'un régime parlementaire absolu où les gouvernements sont sans défense en cas d'hostilités du Parlement. C'est le triomphe des idéaux de 1789, c'est-à-dire d'un exécutif faible contrôlé par un pouvoir législatif puissant, ce qui peut sembler normal puisque la Chambre procède de la volonté du Peuple. Ses successeurs ne tenteront plus de dissoudre la Chambre (opération devenue de toute façon difficile car le Sénat bascula vite dans le camp des républicains, hostile à la dissolution), et seront pour la plupart effacés, incarnant plus que dirigeant la République — quelques exceptions, comme Casimir-Perier ou Alexandre Millerand toutefois, mais cela ne dura jamais longtemps.

[modifier] Le Gouvernement

[modifier] Le président du Conseil : le grand absent de la loi

Le terme, ou la fonction de président du Conseil (des ministres étant sous entendu) n'est mentionné dans aucune des lois constitutionnelles : jusqu'au 9 mars 1876, les chefs du gouvernement (Jules Dufaure, Albert de Broglie, Ernest Courtot de Cissey, Louis Buffet) portent le titre officiel de vice-président du Conseil, en référence au fait que le Conseil des ministres est présidé par le Président de la République.

Cependant, le titre de président du Conseil est institué par un décret, le 9 mars 1876. À cette occasion il est revêtu par Dufaure pour la première fois depuis 1849, date à laquelle la fonction avait été abolie. Si les lois constitutionnelles ne mentionnent pas de chef de gouvernement propre, autre que le président, elles le sous-entendent parce que, du fait de l'irresponsabilité du chef de l'état, il doit nécessairement y avoir un « responsable » pour le représenter devant l'opinion et les Chambres (précisons que le président ne peut pas entrer dans l'hémicycle ; l'article 6 de la loi du 16 juillet 1875 précise comment il peut communiquer avec le Parlement : « Le Président de la République communique avec les chambres par des messages qui sont lus à la tribune par un ministre. ».)

Le président du Conseil, tout comme le gouvernement, est théoriquement nommé et révoqué par le président, en vertu de l'article 3 de la loi du 25 février : « Il nomme à tous les emplois civils et militaires ». Les textes n'accordent au président du Conseil aucun pouvoir spécifique puisqu'il n'est même pas mentionné.

[modifier] La réalité : le président du Conseil conduit la politique de la nation

Devant l'effacement du président, suite à la constitution Grévy, c'est au président du Conseil qu'échut la direction des affaires de la France. Nommé certes par le Président de la République, il procède en réalité du Parlement, et plus encore de la Chambre des Députés. Il choisit ses ministres en consultant parfois le Président de la République, et mène ensuite sa politique sous le seul contrôle du Parlement.

Dans la IIIe République le président du Conseil est la clé des institutions puisqu'il est le seul à assumer la réalité du pouvoir exécutif, alors qu'il n'est pas mentionné dans les lois constitutionnelles et qu'il n'a aucun service propre (rappelons qu'il a un autre portefeuille afin d'avoir une existence légale et des moyens administratifs). Mais, cette situation va petit à petit disparaître : durant la Première Guerre mondiale un secrétariat général est créé par Painlevé pour fournir de la documentation au président du Conseil. Clemenceau place à sa tête un sous-secrétaire d'État. C'est la première fois que le président du Conseil se voit doté en propre d'un service attaché. Après la guerre il fut tantôt maintenu et tantôt supprimé. La loi de finances de 1934 autorise dans son article 23 qu'une somme soit allouée au président du Conseil pour qu'il puisse s'entourer de collaborateurs. Un décret du 31 janvier 1935 précise la composition de la présidence du Conseil, qui est installée à l'Hôtel Matignon (chef de bureau, dactylos, commis, huissiers).

Icône de détail Article détaillé : Décret du 31 janvier 1935.

Il dispose en outre de pouvoirs constitutionnellement dévolus au Président de la République mais que l'usage lui a dévolus en propre. Il peut ainsi proposer des lois, il a le pouvoir réglementaire, et nomme aux emplois civils et militaires.

Selon l'article 7 de la loi du 25 février 1875,

« Dans l'intervalle [la vacance de la présidence de la République], le conseil des ministres est investi du pouvoir exécutif. »

C'est donc le président du Conseil — qui dirige le Conseil des Ministres — qui assure l'intérim de la présidence de la République jusqu'à l'élection d'un nouveau titulaire.

[modifier] Le Gouvernement lui-même

Le Conseil des Ministres est lui mentionné quatre fois dans les lois constitutionnelles, contrairement au président du Conseil. Le terme Conseil des Ministres signifie l'ensemble des ministres réunis en un seul lieu sous la présidence du Président de la République. C'est du moins la théorie, puisque, une fois encore, il arrive fréquemment que se tiennent des Conseils de Cabinet où le président n'est pas présent. Il n'y a pas de limitation du nombre de membres du Gouvernement (le président Doumergue en 1934 proposa de les limiter à vingt mais son texte ne fut jamais voté).

L'article 6 de la loi du 16 juillet 1875 précise :

« Les ministres ont leur entrée dans les deux chambres et doivent être entendus quand ils le demandent. Ils peuvent se faire assister par des commissaires désignés, pour la discussion d'un projet de loi déterminé, par décret du Président de la République. »

Cet article fait du Gouvernement l'organe de liaison entre l'exécutif théoriquement détenu par le Président de la République (qui ne peut entrer dans les chambres) et le législatif.

Le Gouvernement est responsable collectivement devant les chambres (article 6, loi du 25 février 1875) :

« Les ministres sont solidairement responsables devant les chambres de la politique générale du gouvernement, et individuellement de leurs actes personnels. »

C'est la première fois qu'un texte constitutionnel français mentionne explicitement le principe de la responsabilité ministérielle (l'usage avait été introduit sous la Monarchie de Juillet mais la Charte de 1830 ne le mentionnait pas).

Ce principe de solidarité ministérielle a plusieurs conséquences. Tout d'abord, elle pose que le Gouvernement doit être uni par un programme politique commun, et elle suppose ensuite un Gouvernement homogène et non pas simplement une réunion de ministres qui agiraient selon leur bon vouloir. Les décisions prises par chacun des ministres doivent être débattues en Conseil des Ministres afin que la solidarité ministérielle puisse jouer.

L'autre conséquence fondamentale de cet article 6 c'est l'égalité des chambres : « sont responsables devant les chambres ». Par un pluriel dans un article, il est affirmé que la Chambre des Députés mais aussi le Sénat peuvent contrôler et donc renverser le Gouvernement — bien qu'au début il y ait eu un débat pour savoir si le Sénat pouvait réellement renverser un gouvernement, débat tranché en 1896 par l'affirmative.

Les méthodes pour renverser un Gouvernement ne sont pas mentionnées par les textes. Les constituants ont laissé la coutume en décider, mais ils avaient probablement à l'esprit la pratique de la Charte de 1830, et du premier véritable régime parlementaire français, la Monarchie de Juillet. Mais le fait que le Gouvernement n'ait strictement aucun moyen de dissuader l'une ou l'autre des chambres de le faire tomber — puisque les présidents de la République successifs ont renoncé au droit de dissolution — fait de la IIIe République un régime d'assemblée[2], c'est-à-dire un régime parlementaire où l'équilibre entre exécutif et législatif n'est pas assuré, au profit du pouvoir législatif.

[modifier] Le pouvoir législatif : bicaméralisme égalitaire

Le pouvoir législatif est détenu par un Parlement, bicaméral et composé donc de la Chambre des Députés et du Sénat (article premier de la loi du 25 février 1875) :

« Le pouvoir législatif s'exerce par deux assemblées : la Chambre des députés et le Sénat. »

[modifier] La Chambre des Députés

Le palais Bourbon, depuis 1879 le siège de la chambre basse française.
Le palais Bourbon, depuis 1879 le siège de la chambre basse française.

De tous les organes constitutionnellement institués, la Chambre des Députés est celui qui est le moins mentionné. Alors que le Sénat est régi par une loi entière, la chambre basse n'est traitée qu'incidemment dans les lois constitutionnelles. Il faut y voir une conséquence du compromis monarchistes/républicains, et de l'héritage de la constitution de 1848. La théorie de la constitution de 1875 est de neutraliser plus ou moins totalement la Chambre des Députés, ce que la pratique renverse en en faisant le centre de la République.

[modifier] Mode de recrutement
Icône de détail Article détaillé : Loi organique du 30 novembre 1875.
« La Chambre des députés est nommée par le suffrage universel, dans les conditions déterminées par la loi électorale. »
Article premier de la loi du 25 février 1875.

Pour ce qui est du recrutement de la chambre basse, il faut donc se reporter à la « loi électorale » (loi organique du 30 novembre 1875) qui fixe les modalités de l'élection des députés. Ils sont ainsi élus pour quatre ans au suffrage universel direct masculin, par un scrutin uninominal majoritaire à deux tours, la circonscription étant l'arrondissement. L'âge d'éligibilité est fixé à 25 ans.

Le nombre de députés varie tout au long de la IIIe République en fonction des lois qui le fixaient : 533 en 1876, 554 en 1881, 584 en 1885, 597 en 1910, 612 en 1928, 615 en 1932 puis 617 en 1936.

[modifier] Pouvoirs spécifiques

La Chambre des Députés, de par la loi du 24 février 1875 vote la première les lois de finance (article 8) :

« Toutefois, les lois de finances doivent être, en premier lieu, déposées à la Chambre des députés et votées par elle. ».

Elle a également le pouvoir de mettre en accusation le Président de la République pour haute trahison, ou les ministres pour des crimes commis dans l'exercice de leur fonction (article 12 de la loi du 16 juillet) :

« Le Président de la République ne peut être mis en accusation que par la Chambre des députés […]. Les ministres peuvent être mis en accusation par la Chambre des députés pour crimes commis dans l'exercice de leurs fonctions »

Cependant, nulle part il n'est mentionné ce qu'était la haute trahison ou comment devait se faire cette mise en accusation.

Les pouvoirs spécifiques de la chambre basse sont très réduits. Dans la lettre de la constitution, elle est, bien que procédant du suffrage universel, bien plus faible que le Sénat.

[modifier] Le Sénat

Victor Hugo, sénateur de la IIIe République.
Victor Hugo, sénateur de la IIIe République.

Deuxième chambre du Parlement, le Sénat est une concession des Républicains aux Monarchistes, lesquels souhaitaient une chambre haute qui serait comme l'a dit Albert de Broglie « une chambre de résistance contre le torrent des innovations téméraires », c'est-à-dire un rempart contre la Chambre des Députés. Dans la lettre de la constitution, le Sénat est un organe clé ; son importance est bien plus grande dans le jeu institutionnel que celle de la Chambre des Députés (Dufaure a dit de la Troisième République qu'elle était avant tout un « Sénat »). C'est en effet la pièce maîtresse du compromis entre les différents courants de l'Assemblée nationale et il n'est pas innocent que la première des trois lois votées soit celle qui le concerne.

[modifier] Mode de recrutement

Afin de faire du Sénat ce rempart conservateur, il fallait adapter le mode de recrutement. Aussi a-t-il été longuement débattu.

Les Sénateurs sont élus par département, au scrutin de liste. Le collège électoral (l'ensemble des collèges électoraux représente environ soixante-quinze mille personnes dans toute la France) est composé des députés du département, des conseillers généraux, des conseillers d'arrondissements, et d'un délégué élu par chaque conseil municipal parmi les électeurs de la commune (article 4, loi du 24 février 1875). Le collège électoral se réunit au chef-lieu du département. C'est donc une élection au suffrage universel indirect.

C'est dans la répartition géographique que se manifeste plus encore la volonté de maintenir un Sénat conservateur. En effet la répartition des deux cent vingt-cinq sénateurs élus privilégie le monde rural — celui-là même qui constituait le terreau électoral conservateur du Second Empire (article 2, loi du 24 février) :

« Les départements de la Seine et du Nord éliront chacun cinq sénateurs ;
  • Les départements de la Seine-Inférieure, Pas-de-Calais, Gironde, Rhône, Finistère, Côtes-du-Nord, chacun quatre sénateurs ;
  • La Loire-Inférieure, Saône-et-Loire, Ille-et-Vilaine, Seine-et-Oise, Isère, Puy-de-Dôme, Somme, Bouches-du-Rhône, Aisne, Loire, Manche, Maine-et-Loire, Morbihan, Dordogne, Haute-Garonne, Charente-Inférieure, Calvados, Sarthe, Hérault, Basses-Pyrénées, Gard, Aveyron, Vendée, Orne, Oise, Vosges, Allier, chacun trois sénateurs ;
  • Tous les autres départements, chacun deux sénateurs.
  • Le territoire de Belfort, les trois départements de l'Algérie, les quatre colonies de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Réunion et des Indes françaises éliront chacun un sénateur. »

N'importe quel département élit au moins deux sénateurs, et les deux plus peuplés seulement cinq. On voit évidemment que cela ne tient pas compte des inégalités entre les départements, favorisant les campagnes — à cet égard le principe du délégué municipal au collège électoral en fait autant puisqu'il met sur un pied d'égalité grande ville peuplée et commune de quelques centaines d'âmes. Le Sénat apparaît comme un « Grand Conseil des communes françaises » comme l'a dit Gambetta. Ces deux cent vingt-cinq sénateurs sont renouvelés par tiers tous les trois ans, le mandat d'un seul sénateur est donc de neuf ans (article 6).

L'autre innovation qui est vue par les monarchistes comme une autre garantie de conservatisme, ce sont les sénateurs inamovibles, supprimés ensuite lors de la réforme constitutionnelle de 1884 (voir plus bas). Les soixante-quinze sénateurs inamovibles sont élus à vie par l'Assemblée nationale avant sa dissolution — cette dernière étant à majorité monarchiste, les sénateurs à vie seront une véritable « garnison » monarchiste dans la chambre haute. D'autant plus que l'article 7 stipule :

« En cas de vacance par décès, démission ou autre cause [d'un de ces sénateurs], il sera, dans les deux mois, pourvu au remplacement par le Sénat lui-même. »

C'est ainsi au Sénat, que l'on prévoyait à majorité conservatrice, de remplacer lui-même ses sénateurs à vie.

[modifier] Pouvoirs spécifiques
Le palais du Luxembourg, résidence de la chambre haute depuis 1879.
Le palais du Luxembourg, résidence de la chambre haute depuis 1879.

Le plus important des pouvoirs qui ont été constitutionnellement dévolus au Sénat est sans aucun doute son rôle dans la procédure de dissolution de la Chambre des Députés (article 5 de la loi du 25 février) :

« Le Président de la République peut, sur l'avis conforme du Sénat, dissoudre la Chambre des députés avant l'expiration légale de son mandat. »

Cet « avis conforme » est une autorisation que le Sénat donne au président de dissoudre la chambre basse. Si, selon Mac-Mahon, cet avis servait à appuyer le président dans sa décision, il risque en réalité de faire du Sénat l'arbitre des conflits entre le Président de la République et la Chambre des Députés. Comme le Sénat ne peut lui être dissout, cette disposition constitutionnelle consacre la prééminence de la chambre haute sur la chambre basse. Tempérons cela en disant que le Sénat, s'il se solidarise avec la Chambre des Députés et rend un avis contraire, rend impossible la dissolution.

Le Sénat dispose également de compétences juridiques spécifiques, de par les articles 9 de la loi du 24 février 1875 :

« Le Sénat peut être constitué en cour de justice pour juger, soit le Président de la République, soit les ministres, et pour connaître des attentats commis contre la sûreté de l'État. »

dont la portée fut précisée par l'article 12 de la loi du 16 juillet 1875 :

« Le Président de la République ne peut être mis en accusation que par la Chambre des députés, et ne peut être jugé que par le Sénat.
Les ministres peuvent être mis en accusation par la Chambre des députés pour crimes commis dans l'exercice de leurs fonctions. En ce cas, ils sont jugés par le Sénat.
Le Sénat peut être constitué en cour de justice par un décret du Président de la République, rendu en conseil des ministres, pour juger toute personne prévenue d'attentat contre la sûreté de l'État.
Si l'instruction est commencée par la justice ordinaire, le décret de convocation du Sénat peut être rendu jusqu'à l'arrêt de renvoi.
Une loi déterminera le mode de procéder pour l'accusation, l'instruction et le jugement. »

C'est ainsi au Sénat de juger le Président de la République dans le cas où il est accusé d'une haute trahison (seule responsabilité politique que la constitution lui concède) en se constituant en cour de justice. De même, si des ministres sont accusés de crimes commis durant l'exercice de leurs fonctions par la Chambre des Députés, c'est alors au Sénat de les juger. Enfin le Sénat peut être constitué en cour de justice par décret du président, afin de juger une personne accusée de d'attentat contre la sûreté de l'État. On le voit, ses pouvoirs juridiques sont très étendus. La constitution laisse un flou quant aux procédures à suivre pour mettre cet article en œuvre, préférant renvoyer à une loi ultérieure.

Dernier pouvoir spécifique du Sénat : lorsque les deux chambres s'assemblent en Assemblée nationale, c'est le bureau du Sénat qui sert de bureau à l'Assemblée.

[modifier] Prérogatives communes aux deux chambres

Commençons par spécifier les conditions de la réunion de chaque chambre. L'article premier de la loi du 16 juillet explique ainsi :

« Le Sénat et la Chambre des députés se réunissent chaque année le second mardi de janvier, à moins d'une convocation antérieure faite par le Président de la République.
Les deux chambres doivent être réunies en session cinq mois au moins chaque année. La session de l'une commence et finit en même temps que celle de l'autre.
Le dimanche qui suivra la rentrée, des prières publiques seront adressées à Dieu dans les églises et dans les temples pour appeler son secours sur les travaux des assemblées. »

Concernant le dernier paragraphe, il faut se souvenir que la Séparation de l'Église et de l'État n'était pas encore intervenue. La session parlementaire dure ainsi cinq mois de plein droit — ce qui est peu puisque durant la moitié de l'année il n'y a ni contrôle du gouvernement ni vote des lois. Cet article pose également que les deux chambres doivent siéger en même temps, car (article 4 de la même loi) :

« Toute assemblée de l'une des deux chambres qui serait tenue hors du temps de la session commune est illicite et nulle de plein droit, sauf le cas prévu par l'article précédent et celui où le Sénat est réuni comme cour de justice ; et, dans ce dernier cas, il ne peut exercer que des fonctions judiciaires. ».

L'article 5 enfin indique que les chambres se réunissent en session publique sauf si une demande de réunion en comité secret est faite par un nombre fixé par le règlement de la chambre.

[modifier] Le vote des lois

Le premier article de la première loi promulguée, celle du 25 février, précise :

« Le pouvoir législatif s'exerce par deux assemblées : la Chambre des députés et le Sénat. »

L'article 8 de la loi du 24 février affirme lui :

« Le Sénat a, concurremment avec la Chambre des députés, l'initiative et la confection des lois. »

Est ainsi posé le principe de la stricte égalité (sauf en matière de lois de finances) des deux chambres du Parlement. Chaque chambre a l'initiative de la loi, qu'elle discute dans les modalités prévues par son règlement intérieur. Les projets de loi du Gouvernement peuvent être déposés au bureau de n'importe laquelle des deux chambres, il sera débattu, envoyé à l'autre chambre qui pourra également le renvoyer à la première, etc. La navette parlementaire n'a aucune limitation de durée dans la IIIe République. Ainsi, les deux chambres ne parviennent pas à s'accorder sur un même texte, la loi n'est pas votée. Le Sénat peut donc parfaitement faire obstruction à une loi qui ne lui convient pas. Les monarchistes espèrent ainsi que le Sénat, qu'ils pensent rester conservateur, pourra bloquer les lois trop progressistes. C'est par exemple à cause de l'opposition du Sénat que le droit de vote des femmes n'a pas été mis en œuvre sous la IIIe République, alors que la Chambre des Députés en avait accepté le principe.

[modifier] Le contrôle du Gouvernement

Le deuxième rôle fondamental dévolu aux deux chambres dans les mêmes modalités par la constitution est le contrôle du gouvernement. Au fil des années, le régime d'assemblée se substituant au régime parlementaire, le rôle de contrôle deviendra le plus important au point que le Parlement ne réussira même plus à voter les lois nécessaires (aboutissant à la pratique des décrets-lois).

L'article 6 de la loi du 25 février 1875 pose le principe de la responsabilité ministérielle :

« Les ministres sont solidairement responsables devant les chambres de la politique générale du gouvernement, et individuellement de leurs actes personnels. »

Comme il n'y a aucune explication des règles définissant cette responsabilité, le Parlement ne voit aucune limite à son emprise, interprétant au plus large la responsabilité.

La première méthode est celle de l'interpellation[3]. Elle consiste en une demande d'explication d'un député ou d'un sénateur, qui peut être provoquée à tout instant, engendrant un débat qui se clôt par le vote de l'ordre du jour, c'est-à-dire une vote de confiance ou de défiance vis-à-vis du Gouvernement. Cette procédure est déclenchée par un individu et non par la chambre toute entière. Il est ainsi arrivé qu'un seul homme fasse tomber un ministère entier.

La deuxième méthode est celle de la question de confiance[4], très fréquente. Clemenceau disait « La question de confiance est toujours posée », c'est-à-dire que contrairement à d'autres régimes parlementaires, le gouvernement est sans cesse responsable de sa politique, et la remet en jeu à chaque vote, même mineur. Ainsi, un vote ambigu du Parlement peut être interprété comme un refus de la confiance, entraînant donc la chute du ministère.

[modifier] Autres prérogatives

Dans le domaine de la politique étrangère, il appartient constitutionnellement au Parlement de voter certains traités, et d'autoriser une modification du territoire nationale (article 8 de la loi du 16 juillet) :

« Les traités de paix, de commerce, les traités qui engagent les finances de l'État, ceux qui sont relatifs à l'état des personnes et au droit de propriété des Français à l'étranger, ne sont définitifs qu'après avoir été votés par les deux chambres. Nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire ne peut avoir lieu qu'en vertu d'une loi. »

La déclaration de guerre est également du ressort des deux chambres qui autorisent le Président de la République à la déclarer (article 9 de la même loi).

En politique intérieure, les chambres sont chacune responsables de l'élection de leurs membres ainsi que de leur démission (article 10).

L'immunité parlementaire est également précisé dans les deux derniers articles — 13 et 14 — de la loi du 16 juillet. Les opinions et les votes exprimés dans l'exercice des fonctions de député ou de sénateur ne peuvent ainsi donner lieu à des poursuites judiciaires. Il faut également l'accord de la chambre auquel un homme appartient pour le poursuivre ou l'arrêter en matière criminelle, sauf en cas de flagrant délit. La chambre peut même faire suspendre les poursuites ou la détention à l'encontre d'un de ses membres.

[modifier] Conclusion sur l'organisation du régime

Icône de détail Article détaillé : Troisième République.

Il existe véritablement deux IIIe République : celle des textes et celle des faits. Si la première ne pouvait pas durer c'est parce que chacun des partis politiques de l'Assemblée nationale espérait, une fois le pouvoir pris, changer le texte selon ses vœux. Quand les Républicains eurent entièrement conquis le régime, ils ne firent qu'une petite modification, la révision constitutionnelle de 1884, car les textes, adaptés par la constitution Grévy, s'accordaient totalement à leurs vues.

L'absence de juridiction de contrôle constitutionnelle, comme le Conseil constitutionnel dans la France de la Ve République permettait de plus à la pratique institutionnelle de déroger entièrement si elle le souhaitait à la lettre de la loi, ce qu'elle fit.

Dans cette souplesse du fonctionnement, qu'on laisse en 1875 en grande partie à déterminer par la coutume, et dans l'absence de proclamations idéologiques qui auraient pu repousser une partie de l'opinion, il faut voir probablement l'une des causes de la longévité exceptionnelle en France de ces trois textes votés après des débats, des tractations, acharnés, votés pour ne pas durer et être remplacés par autre chose.

On se bornera dans cet article à rappeler que la IIIe République malgré tous ses défauts, est à l'origine de bon nombre de réussites, telles que l'école obligatoire, laïque, dont les « hussards noirs » contribuèrent à faire pénétrer le régime républicain jusque dans les campagnes les plus reculées.

Il convient de conclure que la IIIe République mourut parce que son point fort se révéla lui aussi faible : en s'arrogeant les pouvoirs au détriment de l'exécutif, le Parlement, incapable de gouverner comme la Convention nationale avant lui, affaiblit le régime au moment même où les difficultés s'aggravaient, après 1918, et dût ainsi recourir aux fameux décrets-lois qui, s'ils ne sont pas condamnables en eux-mêmes, restaient inconstitutionnels, dangereux — car à force de se dessaisir on finit par ne plus avoir de pouvoirs — et surtout symboliques d'une république où il fallut renforcer l'exécutif pour pallier l'incurie du législatif quand c'était ce dernier qui avait tout fait pour prendre puis garder le pouvoir.

Par son incapacité à rationaliser son travail, à le rendre plus efficient, et à gérer correctement le pays en lui donnant de la stabilité, le Parlement de la IIIe République porte le lourd fardeau d'avoir rendu à certains Français le parlementarisme insupportable, haïssable, renversable, d'où par exemple le 6 février 1934 ou encore, au final, le Régime de Vichy, qui est la revanche de ceux que désespéraient ce régime représentatif :

« Anarchique de nature, le suffrage inorganique appelle, presque nécessairement, la corruption et la fraude, bientôt suivies du dégoût et de l'indifférence, eux-mêmes engendrant l'abandon de l'intérêt public au profit des syndicats d'intérêts privés, l'exploitation du pays par des coteries, l'abaissement graduel de la politique, l'abaissement final de la nation parmi les nations. »
Charles Benoist, L'organisation de la démocratie, 1900.

[modifier] La révision des lois constitutionnelles

[modifier] La procédure de révision

C'est l'article 8 de la loi du 25 février 1875 qui décrit la procédure de révision des lois constitutionnelles :

« Les chambres auront le droit, par délibérations séparées prises dans chacune à la majorité absolue des voix, soit spontanément, soit sur la demande du Président de la République, de déclarer qu'il y a lieu de réviser les lois constitutionnelles.
Après que chacune des deux chambres aura pris cette résolution, elles se réuniront en Assemblée nationale pour procéder à la révision.
Les délibérations portant révision des lois constitutionnelles, en tout ou en partie, devront être prises à la majorité absolue des membres composant l'Assemblée nationale.
Toutefois, pendant la durée des pouvoirs conférés par la loi du 20 novembre 1873 à M. le maréchal de Mac-Mahon, cette révision ne peut avoir lieu que sur proposition du Président de la République. »

Il faut noter la simplicité et le caractère assez peu démocratique de cet article : en effet, à aucun moment le peuple ne doit être consulté. La simplicité de la révision, ainsi que sa portée (« révision […] en tout ou en partie ») provient évidemment du fait que les lois constitutionnelles de 1875 étaient un compromis entre Monarchistes et Républicains. L'idée de réviser la totalité de la constitution laissait la porte ouverte à un changement de la forme de gouvernement vers la monarchie. Mais par la loi du 14 août 1884, la porte est définitivement fermée.

En ce qui concerne la procédure, la norme est que le Président de la République ou les chambres elles-mêmes aient l'initiative de la révision de la constitution — une dérogation fut faite pour le septennat de Mac-Mahon puisque jusqu'à la fin de son mandat, c'est-à-dire jusqu'en 1880, la révision ne pouvait se faire que sur l'initiative du président, cela afin de donner le temps à la restauration de se faire tout en la garantissant contre tout renforcement du caractère républicain du régime. Les chambres sont, dans la procédure normale, égales comme en matière législative : elles doivent toutes deux voter séparément une résolution déclarant qu'il y a lieu de réviser les lois ; si l'initiative appartient donc au chef de l'État et au Parlement c'est à ce dernier d'ouvrir effectivement la révision.

Le vote de la révision se passe à Versailles, les deux chambres réunies en Assemblée nationale — avec le bureau du Sénat, selon l'article 11 de la loi du 16 juillet — devant voter la révision à la majorité absolue des membres, c'est-à-dire à la majorité absolue des effectifs complets du Parlement, sans prendre en compte les absents, vacants, les abstentions et bulletins blancs. Voter blanc est ainsi le seul moyen de faire réellement obstacle à une révision constitutionnelle qui aurait des chances de passer.

[modifier] Les révisions constitutionnelles

L'on peut compter au total trois révisions des lois de 1875 : deux relativement mineures, et une troisième de nature plus importante. La loi constitutionnelle du 10 juillet 1940 est également une loi constitutionnelle votée par le l'Assemblée nationale, mais elle ne révise pas le régime, elle autorise que soit mis en place par Philippe Pétain un nouveau régime politique. Cette dernière loi ne sera pas traitée ici.

[modifier] 21 juin 1879 : révision mineure

Après le retour du Parlement à Paris (il avait siégé jusque-là à Versailles), une révision constitutionnelle entérine le changement de localisation des chambres. La loi constitutionnelle du 21 juin 1879 porte ainsi :

« L'article 9 de la loi constitutionnelle du 25 février 1875 est abrogé. »

Rappelons l'article en question :

« Le siège du pouvoir exécutif et des deux chambres est à Versailles. »

Les conditions de réunion, ainsi que la dotation définitive des bâtiments, sont précisées ultérieurement par une loi ordinaire du 22 juillet 1879. Cela a son importance, car certaines personnes, Edgar Faure en tête, soutiendront que la loi constitutionnelle du 10 juillet 1940 — celle qui donne les pleins pouvoirs à Pétain — était inconstitutionnelle car votée en dehors de Paris.

Icône de détail Article détaillé : Loi du 22 juillet 1879.

[modifier] 14 août 1884 : révision majeure

Léon Gambetta, l'orateur de la IIIe République naissante.
Léon Gambetta, l'orateur de la IIIe République naissante.

L'idée de réformer la deuxième chambre appartient à Gambetta. Mais il n'eut pas le temps de la concrétiser, et c'est ainsi à Jules Ferry de l'entreprendre sous son deuxième ministère. Évitant l'idée de la constitutionnalisation de l'élection des députés que souhaitait faire Gambetta, il évite l'affrontement avec la chambre basse en concentrant la réforme uniquement sur le Sénat ; l'Assemblée nationale vote ainsi par 519 voix contre 172 la révision.

La révision du 14 août 1884 marque la victoire définitive des Républicains qui font ajouter à l'article 8 de la loi du 25 février 1875 (article traitant des modalités de la révision constitutionnelle) :

« La forme républicaine du gouvernement ne peut faire l'objet d'une proposition de révision.
Les membres des familles ayant régné sur la France sont inéligibles à la présidence de la République. »

La République est donc pérennisée aux yeux de ses défenseurs, et le spectre de voir la présidence de la République investie par un prétendant au trône, ce pourquoi ce poste avait été conçu par les Monarchistes, s'éloigne définitivement.

La loi sur le Sénat (celle du 24 février) est également modifiée, dans le sens des Républicains qui permettent une modification simple de son recrutement :

« Les articles 1 à 7 de la loi constitutionnelle du 24 février 1875, relatifs à l'organisation du Sénat, n'auront plus le caractère constitutionnel. »

Sont ainsi déconstitutionnalisés les articles qui organisent les modalités d'élection de la chambre haute, et ceux qui créent les sénateurs inamovibles. Une loi ultérieure — la loi du 9 décembre 1884 — finalise cette révision. Elle fut le sujet de nombreux débats dans les deux chambres du Parlement, où l'on vit revenir notamment l'idée de l'élection des sénateurs au suffrage universel. Au final la loi du 9 décembre 1884 fait deux modifications majeures qui visent à démocratiser la chambre haute, voulue comme un bastion conservateur.

Ainsi sont supprimés les soixante-quinze sénateurs inamovibles, dont les sièges sont redistribués aux départements les plus peuplés. Les sénateurs à vie restent en place, mais quand ils meurent et que leur siège devient vacant, un tirage au sort détermine quel département recevra le nouveau siège. Le remplacement est donc progressif. Il faudra attendre 1918 pour que meure le dernier inamovible, Marcère. D'autre part, la composition du collège sénatorial est modifiée, afin de supprimer l'égalité absolue entre villages et grandes villes, qui profitait au monde rural, en majorité conservateur. Le nombre de délégués municipaux par commune allant élire les sénateurs devient plus ou moins proportionnel avec le nombre d'habitants de la ville (en fait avec le nombre de conseillers municipaux mais cela revient au même). Voici le tableau du rapport délégués sénatoriaux/nombre d'habitants :

Paris est l'exception, puisqu'elle obtient trente délégués sénatoriaux. Si le système est plus juste, il favorise maintenant les villes moyennes (deux villes d'un peu plus de dix mille habitants pesant autant qu'une ville de soixante mille) au détriment des grandes villes. La démocratisation reste prudente. C'est en 1891 qu'eurent lieu les premières élections selon ce nouveau système.

Enfin la révision constitutionnelle opère une modification qui illustre bien l'orientation laïque du régime :

« Le paragraphe 3 de l'article premier de la loi constitutionnelle du 16 juillet 1875, sur les rapports des pouvoirs publics, est abrogé. »

Lequel paragraphe spécifiait :

« Le dimanche qui suivra la rentrée, des prières publiques seront adressées à Dieu dans les églises et dans les temples pour appeler son secours sur les travaux des assemblées. »

C'est un premier pas vers une séparation de l'Église et de l'État.

[modifier] 10 août 1926 : révision mineure

En août 1926 est votée une révision constitutionnelle qui énonce :

« La loi constitutionnelle du 25 février 1875, relative à l'organisation des pouvoirs publics est complétée par un article ainsi conçu :
"L'autonomie de la caisse de gestion des bons de la défense nationale et d'amortissement de la dette publique a le caractère constitutionnel.
Seront affectés à cette caisse, jusqu'à l'amortissement complet des bons de la défense nationale et des titres créés par la caisse :
  1. Les recettes nettes de la vente des tabacs ;
  2. Le produit de la taxe complémentaire et exceptionnelle sur la première mutation des droits de succession et les contributions volontaires ; le produit des ressources ci-dessus énumérées au cours du premier exercice qui suivra la promulgation de la présente loi, constitue la dotation annuelle minimum de la caisse d'amortissement.
  3. En cas d'insuffisance des ressources ci-dessus pour assurer le service des bons gérés par la caisse et des titres créés par elle, une annuité au moins égale, inscrite au budget." »

Après la Première Guerre mondiale, la situation financière catastrophique amena le gouvernement Poincaré à des mesures de rigueur budgétaire et d'augmentation des impôts, fort impopulaires évidemment. De nombreux rentiers en furent ruinés. Cela amena la victoire du Cartel des gauches, qui gouverna de 1924 à 1926. Il ne put réussir à redresser les finances : l'inflation continuait, les prix augmentaient. Il fallut rappeler Raymond Poincaré, qui, pour restaurer la confiance, proposa et obtint la création d'une caisse autonome de gestion des bons du trésor et d'amortissement de la dette publique constitutionnelle, en même temps qu'une dévaluation du franc germinal qui devint le franc Poincaré.

[modifier] Synthèse des institutions de la IIIe République

Voici, résumé, le fonctionnement réel de la IIIe République, c'est-à-dire le fonctionnement d'un régime parlementaire moniste[5] devenu après 1918 un régime d'assemblée.


[modifier] L'exécutif

Troisième République

Armoiries officieuses qui furent créées pour la Troisième République
Cet article fait partie de la série sur la
politique de la France,
sous-série sur la Troisième République

 voir • disc. • mod. 

  • Le Président de la République (élu pour sept ans par la réunion des deux chambres en Assemblée nationale) :
    • préside aux « solennités nationales », c'est-à-dire aux commémorations, fêtes, évènements, célébrations, de la République ;
    • appelle un parlementaire à la présidence du Conseil quand ce poste devient vacant ;
    • promulgue les lois ;
    • a le droit de grâce ;
    • négocie les traités et les ratifie, avec l'accord du Parlement pour les plus importants ;
    • est politiquement irresponsable, chacun de ses actes doit être contresigné par un ministre.
  • Le président du Conseil (nommé par le Président de la République mais investi par le Parlement) :
    • nomme aux emplois civils et militaires ;
    • a le pouvoir règlementaire ;
    • peut proposer des lois au Parlement ;
    • peut recevoir le pouvoir législatif dans certains domaines et temporairement (décret-loi) ;
    • est investi par le Parlement, contrôlé par lui et renversable par lui ;
    • conduit la politique du pays avec son Gouvernement.

[modifier] Le législatif

  • La Chambre des Députés (élue pour quatre ans au suffrage universel direct masculin, par arrondissement) :
    • peut proposer des lois ;
    • vote les lois ;
    • examine en première les lois de finances ;
    • contrôle le gouvernement, peut le renverser ;
    • vote la déclaration de guerre ;
    • autorise la ratification de certains traités (traités de paix, de commerce, ceux engageant les finances de l'État, ceux qui sont relatifs à l'état des personnes et au droit de propriété des Français à l'étranger, ceux qui modifient les frontières du pays) ;
    • peut mettre en accusation le Président de la République ainsi que les ministres
  • Le Sénat (élu pour neuf ans, renouvelé par tiers tous les trois ans, au suffrage universel indirect masculin, par département) :
    • peut proposer des lois ;
    • vote les lois ;
    • contrôle le gouvernement, peut le renverser ;
    • vote la déclaration de guerre ;
    • autorise la ratification de certains traités (les mêmes qu'au-dessus)
    • se constitue en Haute-Cour de Justice pour juger le Président de la République en cas de haute trahison ou les ministres quand ils ont commis des crimes durant l'exercice de leurs fonctions ou en cas de procès pour atteinte à la sûreté de l'État.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Bibliographie

[modifier] Sources bibliographiques

  • Philippe Ardant, Institutions politiques & Droit constitutionnel, L.G.D.J., Paris, 2003, 616 p. (ISBN 227502372-0) ;
  • Marcel Morabito, Histoire constitutionnelle de la France (1789-1958), Montchrestien, Paris, 2004, 431 p. (ISBN 270761389-4).

[modifier] Bibliographie

  • Jean-Pierre Azema et Michel Winock, Naissance et mort. La Troisième République, Pluriel, Paris, 1978 ;
  • Paul Isoart, « Le gouvernement provisoire (1870-1873) ou comment acclimater la République » dans Des Républiques françaises, Économica, Paris, 1988 (ISBN 2717814183) ;
  • Jacques Gouault, Comment la France est devenue républicaine. Les élections générales et partielles à l'Assemblée nationale (1870-1875), A. Colin, Paris, 1954 ;
  • R. Cristini et J.-M. Rainaud, « La notion de République dans les lois constitutionnelles de 1875 », dans Des Républiques françaises, Économica, Paris, 1988 (ISBN 2717814183) ;
  • J. Feydy, « Les commissions des Trente et la loi constitutionnelle du 24 février 1875 », dans Politique, 1966 ;
  • P. Albertini, Le droit de dissolution et les systèmes constitutionnels français, PUF, Paris, 1978 (ISBN 2877750787).

[modifier] Liens internes

[modifier] Liens sur l'Histoire

[modifier] Liens sur le droit constitutionnel

[modifier] Liens externes

[modifier] Notes

  1. Voir note 5.
  2. On peut dire également « régime conventionnel » car le premier régime politique moderne où le pouvoir exécutif est entièrement soumis au pouvoir législatif est celui de la Convention nationale.
  3. Interpellation : Demande d'explication adressée au Gouvernement par un membre du Sénat ou de la Chambre des Députés en séance publique, et engageant un débat auquel d'autres parlementaires peuvent en principe prendre part et qui se termine normalement par le vote d'un ordre du jour nous dit le Dictionnaire de l'Académie française.
  4. Question de confiance : Demande du gouvernement à l'assemblée d'apprécier sa politique, mettant en jeu la responsabilité du gouvernement s'il est mis en minorité, dictionnaire de l'Académie française.
  5. Monisme parlementaire : Système politique dans lequel le gouvernement n'est responsable que devant le Parlement, ce qui donne à ce dernier un grand pouvoir pouvant devenir dangereux. Opposé au dualisme où le Gouvernement est responsable devant le chef de l'État et le Parlement — exemple en France sous la Ve République — et au monisme présidentiel où le Gouvernement n'est responsable que devant le chef de l'État — exemple avec les États-Unis d'Amérique.

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