Khmers rouges

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Les Khmers rouges (en khmer : Khmaey Krahom), dont le nom officiel fut successivement Parti communiste du Cambodge et Parti du Kampuchéa démocratique (autres noms : Parti communiste du Kampuchéa, PCK, Parti communiste khmer, Armée nationale du Kampuchéa démocratique, PDK), étaient les membres d'une organisation communiste qui fut au pouvoir au Cambodge de 1975 à 1979.

Le nom de « Khmers rouges » leur fut attribué par le roi Norodom Sihanouk dans les années 1950 et est utilisé couramment en français à travers le monde. Les révolutionnaires eux-mêmes n'utilisaient pas ce terme et préféraient « kampuchéen » à « khmer », qui rappelait trop l'« ordre ancien ».

L'organisation khmère rouge se caractérisa par des méthodes autoritaires d'une brutalité extrême, – au point qu'on a pu y voir une forme d'« autogénocide ». Les Khmers rouges sont devenus tristement célèbres pour leurs exactions qui sont à l'origine de la mort de deux à trois millions de personnes (plus d'un tiers de la population), mortes de faim, d'épuisement ou exécutées. Ce bilan fait du régime de Pol Pot l'un des plus meurtriers du XXe siècle.

Le 19 septembre 2007, Nuon Chea, un des principaux dirigeants du régime de Pol Pot a été arreté. Connu sous le titre de "Frère numéro deux", Nuon Chea (de son vrai nom Long Bunruot) a été le principal lieutenant de Pol Pot, leader du régime des Khmers rouges décédé en 1998. Considéré comme l'idéologue de l'ancien pouvoir, Nuon Chea serait derrière la plupart des purges qui ont ensanglanté le Parti communiste cambodgien.

Sommaire

[modifier] Naissance du mouvement

Les dirigeants révolutionnaires cambodgiens sont pour la plupart issus de familles de la bourgeoisie. Beaucoup effectuèrent leurs études dans des universités françaises dans les années 1950. Dans une atmosphère parisienne cosmopolite et propice aux échanges d'idées, ils se rallièrent à l'idéologie communiste.

Une fois revenus au Cambodge, ils tentèrent de développer un mouvement d'élévation des conditions de vie en entamant un travail d'éducation politique auprès de leurs élèves. Un Parti communiste cambodgien autonome par rapport au Parti communiste indochinois (fondé en 1931) fut formé en 1951. Sous le Sangkum, la participation gouvernementale de quelques intellectuels progressistes resta provisoire et symbolique.

Constatant qu'ils manquaient de moyens financiers et humains dans la capitale, et conscients de surcroît que le régime réprimerait leur mouvement à brève échéance, les chefs du Parti prirent le maquis en 1962 dans des bases tenues par le Front national pour la libération du Viêt Nam. Ils y apprirent les fondements de la gestion politique de la population et du contrôle policier qu'ils allaient appliquer une fois au pouvoir. À partir du milieu des années 1960, ils menèrent des actions de guérilla de faible intensité le long de la frontière vietnamienne, principalement afin de soutenir les communistes vietnamiens dans leur guerre contre les États-Unis. En 1968, un an après la révolte paysanne de Samlaut dans le Nord-Ouest, ils se lancèrent dans la lutte armée. En 1968-1969, de nombreux intellectuels en butte à des persécutions politiques les rejoignirent dans le maquis.

[modifier] Idéologie

L'idéologie des révolutionnaires se veut sans modèles mais combine en fait une forme révisée du maoïsme (qu'ils appliquaient « avec créativité » selon l'expression de Pol Pot devant les dirigeants chinois) avec des idées égalitaristes tirées des utopistes et des principes économiques anticolonialistes issus de la gauche anti-impérialiste européenne que les cadres du parti, notamment Pol Pot, Ieng Sary et Khieu Samphan ont découvertes durant leur séjour en France dans les années 1950.[citation nécessaire] À cela s'ajoute une volonté de servir de modèle à d'autres mouvements communistes, loin du « révisionnisme » du Viêt Nam et de la Chine (critiqués pour le maintien de la propriété, de la cellule familiale, du culte de la personnalité, du commerce privé, etc.).

[modifier] Dirigeants

Le comité exécutif du comité central des Khmers rouges (« Centre du Parti ») pendant qu'il était au pouvoir était composé de :

  • Pol Pot (Saloth Sar), dit « Frère numéro 1 », le chef effectif du mouvement c'est-à-dire premier ministre et maître du Kampuchéa démocratique, secrétaire général du PCK depuis février 1963 (est mort soudainement dans sa résidence surveillée en 1998,et ce, peu après sa condamnation par ses anciens compagnons d'armes lors d'un procès à Anlong Veng (=bastion des khmers rouges irréductibles) : officiellement mort d'infarctus du myocarde) ;
  • Nuon Chea, « Frère numéro 2 » président de l'assemblée nationale khmer rouge (toujours en vie) ;
  • Ieng Sary, « Frère numéro 3 » Vice-Premier ministre et ministre des affaires étrangères (beau-frère de Pol Pot) (toujours en vie) ;
  • Khieu Samphan, Président du Présidium d'État, "la bouche de Pol Pot" (toujours en vie) ;
  • Ta Mok (Chhit Chhoeun), général unijambiste cruel connu sous le nom de "boucher" « Frère numéro 7 » (mort) ;
  • Son Sen, Ministre de la défense (exécuté en 1997 avec 11 membres de sa famille et tous écrasés par des camions sur ordre de Pol Pot) ;
  • Yun Yat (=femme de Son Sen et morte exécutée avec toute sa famille) ;
  • Ke Pauk, « Frère numéro 13 », ancien secrétaire de la zone Nord (mort) ;
  • Ieng Thirith, femme de Ieng Sary et soeur de Khieu Ponnary(=la première femme de Pol Pot qui a fini sa vie avec une maladie psychiatrique)(toujours en vie).

Le leadership des Khmers rouges changea peu entre les années 1960 et le milieu des années 1990.

[modifier] Prise de pouvoir

Mouvement clandestin et moribond qui ne comprenait qu'à peu près 2 000 hommes avant 1970. Ce n'est qu'après 1970 que ce mouvement prend de l'ampleur grâce surtout à l'extension de la guerre du Viêt Nam au Cambodge qui leur apporta des soutiens prestigieux (1/ Norodom Sihanouk chassé du pouvoir par un coup d'état de Lon Nol/Sirik Matak, en exil à Pékin, lança un appel au peuple khmer à prendre le maquis pour combattre l'impérialisme américain. 2/ Nord-Viêt Nam, 3/ Chine). La barbarie des bombardements américains en tapis, la corruption et l'impéritie du gouvernement issu du coup d'État de Lon Nol permirent au parti d'implanter des bases et de recruter des combattants qui croyaient se battre pour Samdech Euv(= dieu-roi vivant qui est SAR N.Sihanouk). C'est essentiellement à cette période que furent expérimentés nombre de principes futurs de la révolution d'avril 1975 dans les zones libérées : autarcie, prise en main centralisée des échanges économiques, militarisation de la force du travail, etc. Les Khmers rouges arrivent aux portes de la capitale.

Finalement, le 17 avril 1975, les rebelles du FUNK (Front uni national du Kampuchéa présidé par SAR N. Sihanouk et regroupant toutes les forces de libération nationale dont les khmers rouges et les sihanoukistes=khmers romdoh) investissent Phnom Penh, chassent les habitants des villes sous prétexte de bombardements américains et continuent à éliminer petit à petit les opposants et les sihanoukistes. Ils organisent des élections formelles auxquelles ne participent que des membres du Parti et des paysans, et instaurent une nouvelle dictature particulièrement dure et extrême sous le nom de « Kampuchéa démocratique ». Le Parti, représenté par une organisation quasi-mystique – l'Angkar (un terme khmer signifiant « l'Organisation ») –, devient la seule référence toute puissante et est dirigée principalement par Pol Pot, Nuon Chea, Sao Pheum, Ta Mok, Ieng Sary, Son Sen et une poignée de lieutenants.

[modifier] Régime Khmer rouge

[modifier] Prise en main de la population

Dès le premier jour de la victoire du FUNK (dominé essentiellement par les khmers rouges) le 17 avril 1975, Phnom Penh fut vidée et sa population envoyée à la campagne dans les coopératives pour travailler et être surveillée. l'Angkar ordonne l'éxécution de tous les intellectuels (médecins, pharmaciens, ingénieurs, professeurs...), de tous les militaires... de l'ancien régime et de défroquer les moines. Tous les opposants, récalcitrants sont tués sommairement. Le peuple est divisé en deux catégories : le peuple ancien(= la population de base essentiellement paysanne qui est soumis à l'Angkar avant la victoire du 17 avril) et le peuple nouveau (= pour la plupart des citadins qu'il faut rééduquer et soumis à l'Angkar qu'après la victoire). En 1976-1977, avec la collectivisation forcée et brutale, l'alimentation en commun fut définitivement mise en place pour assurer l'égalité des rations - chose qui ne fut généralement pas respectée. Ce type d'organisation ne fut pas répudié lors des rectifications ultimes de l'année 1978. Le « Kampuchéa », nouveau à tous les égards, chercha à rééduquer l'ensemble de la population pour détruire l'idée de propriété privée. À cette fin, le Parti-État devait, selon Pol Pot, s'immiscer dans tous les recoins de la société. Même au niveau des ministères, les réunions de critique et d'autocritique fustigeant l'individualisme étaient fréquentes, et les cadres étaient appelés à se reconstruire et à se forger dans le sens d'une soumission à l'Organisation révolutionnaire(= Angkar).

Il en résulta un contrôle policier des comportements et des pensées particulièrement inquisitoriaux, ainsi que des appels constants à la vigilance révolutionnaire vis-à-vis des « mauvais éléments » et des ennemis, en même temps que des appels à ne pas être trop à gauche (même si le plus important était de ne pas être trop à droite).

[modifier] Descente aux enfers

La situation économique se dégradant d'année en année, la recherche de boucs émissaires et les tricheries multiples rendirent la situation particulièrement angoissante et invivable. Les exécutions étaient monnaie courante. La volonté de multiplier les rendements à l'hectare par trois et la conviction que le premier pas vers l'industrialisation était l'exportation de riz amenèrent Pol Pot à affamer la population cambodgienne pour atteindre ces objectifs.

Pol Pot n'était pas enclin à remettre en question la ligne idéologique (alimentation en commun, autarcie régionale, rendement de trois tonnes de paddy par hectare, absence de rangs dans l'armée, éducation des enfants en commun, rééducation prolongée des intellectuels patriotes, etc.), aussi n'est-ce qu'en 1977 qu'il s'inquiéta de certaines situations. Il reporta la responsabilité des échecs du système sur le Parti et déclencha des purges meurtrières au sein de celui-ci, largement alimentées par sa paranoïa. Ce sont ces purges qui remplirent également le sinistre centre d'interrogation et d'exécution S-21, construit dans l'ancien lycée de Tuol Sleng.

[modifier] Chute

En janvier 1979, le Viêt Nam envahit le Cambodge pour mettre un terme au régime. Les incidents de frontières s'étaient multipliés du fait de la paranoïa des dirigeants Khmers rouges, qui avait réveillé une rivalité pluriséculaire entre le Cambodge et le Viêt Nam. Sans doute la République socialiste du Viêt Nam avait-elle perçu l'opportunité, par le biais de défections de cadres et de ses propres incursions en territoire cambodgien, que constituait l'état de délitement avancé du pays, ravagé par la famine, la peur et les pénuries. L'invasion commence en décembre 1978 et Phnom Penh (ville fantôme, car vidée de sa population depuis 1975) tombe très vite le 7 janvier 1979. Malgré la peur de la domination vietnamienne qui est traditionnellement ancrée dans les esprit cambodgiens, l'armée vietnamienne est aidée par de nombreuses défections de Khmers rouges et est accueillie avec soulagement par la population. Le pouvoir central doit se replier le long de la frontière thaïlandaise (officieusement protégé par des éléments de l'armée thaïlandaise). En 1985, Khieu Samphân succède officiellement à Pol Pot en tant que leader Khmer rouge.

Les États-Unis et d'autres gouvernements occidentaux, ainsi que la Chine, continuent de reconnaître le Kampuchéa démocratique comme gouvernement du Cambodge pour marquer leur désapprobation de l'occupation vietnamienne, soutenue par l'URSS. La Chine lance alors, le 17 février 1979, une invasion punitive au nord du Viêt Nam qui échouera totalement [1]. Les États-Unis soutiennent la résistance Khmer rouge par l'intermédiaire d'alliés thaïlandais. Alors que dès 1980 les Vietnamiens contrôlent l'est et le centre du Cambodge, les combats se poursuivent à l'ouest pendant toutes les années 1980 et des millions de mines sont disséminées. Au terme d'une décennie de combats, toutes les factions politiques cambodgiennes signent un traité en 1991 instaurant des élections et le désarmement. Pourtant les Khmers rouges reprennent les armes en 1992 et rejettent le résultat des élections l'année suivante. Des défections en masse ont lieu en 1996 et la moitié des combattants restant (environ 4 000) quitte le mouvement. Des luttes internes mènent au procès et à l'incarcération de Pol Pot par les Khmers Rouges eux-mêmes en 1997. Pol Pot décède en avril 1998 et Khieu Samphan se rend en décembre de la même année.

Le 29 décembre 1998, les leaders Khmers rouges restants présentent leurs excuses pour les morts des années 1970. En 1999, la plupart des membres se sont rendus ou ont été capturés. La capture de Ta Mok en mars 1999 marque le point final de l'histoire des Khmers rouges. Il se tient en ce moment même des discussions quelques peu houleuses concernant le jugement des Khmers Rouges vivants et qui se sont rendus ou capturés. Désaccords sur leur condamnation, entre ceux qui veulent une réforme des chambres extraordinaires et la communauté internationale. Les Cambodgiens ont peur que ces désaccords, et que ce procès, devant être le moyen de tourner la page, ne les condamnent à être spectateurs de leur propre histoire, et de leur futur...

Si les désaccords persistent, il se pourrait même que ce soit la dernière chance des Cambodgiens de juger les dirigeants Khmers rouges. À noter que l'actuel dirigeant du Cambodge, Hun Sen, est lui-même un ancien cadre subalterne Khmer rouge ayant fui vers le Vietnam en 1977 pour échapper aux purges internes.

[modifier] Justice internationale

Plusieurs khmers rouges sont poursuivis par la justice internationale :

  • Kang Kek Ieu, alias « Douch », ancien directeur du centre de torture khmer rouge S-21[2]
  • Khieu Samphan, ancien Président du Présidium d'État.

[modifier] Bibliographie

[modifier] Témoignages de rescapés

  • Denise Affonço, Rescapée de l'enfer des Khmers rouges, Presse de la Renaissance, 2008
  • Denise Affonco, La digue des veuves, Presses de la Renaisance, 2005
  • François Bizot, Le Portail, 2000, 2006
  • Haing Ngor, Une odyssée cambodgienne. Autobiographie d'un rescapé (Haing Ngor jouera Dith Pran dans le film La Déchirure)
  • François Ponchaud, Cambodge, année zéro, Julliard, Paris, 1977.
  • Sor Sisavang, L'enfant de la rizière rouge, Fayard, 1990 (Prix St Exupéry). Récit d'un rescapé.
  • Mok Sun Ong, Cambodge, la destruction, Mok Sun Ong, 1985
  • Loung Ung, D'abord ils ont tué mon père, Plon, 2002, 280 p.
  • Pin Yathay, L'utopie meurtrière, Robert Laffont, 1980

[modifier] Ouvrages universitaires

  • Sacha Sher, Le Kampuchéa des « Khmers rouges ». Essai de compréhension d'une tentative de révolution, éd. l'Harmattan, mars 2004, 484 p.
  • Philip Short, Pol Pot. Anatomy of A Nightmare, John McRae Books, New York, 2005, 537 p.
  • Ben Kiernan, Le génocide du Cambodge 1975-79, Gallimard, 1998
  • David Chandler, Pol Pot, Frère numéro Un, Plon, Paris, 1993, 343 p.
  • M.-A. Martin, Le mal cambodgien. Histoire d'une société traditionnelle face à ses leaders politiques. 1946-1987, Hachette, 1989, 307 p.

[modifier] Filmographie

À l'heure où le conflit américano-vietnamien déborde sur le territoire du Cambodge, Sydney Schanberg, un journaliste américain au New York Times, est un des rares reporters à être encore dans le pays au moment de la prise de Phnom Penh par les Khmers rouges. Seule l'intervention de son assistant cambodgien Dith Pran lui sauve la vie. Shanberg regagne in extremis les États-Unis mais Pran est arrêté et envoyé dans un camp de travail. Le journaliste américain va faire tout son possible pour faire sortir Pran.

[modifier] Voir aussi

  • ADHOC, Association pour les Droits de l’Homme et le Développement au Cambodge impliquée dans la protection des victimes

[modifier] Articles connexes

[modifier] Liens externes

[modifier] Notes et références