Julius Evola

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Julius Evola (Rome, 19 mai 1898 - 11 mai 1974), de son vrai nom Giulio Cesare Evola[1], est un penseur italien du XXe siècle influencé en partie par l'école traditionaliste. Il exerce une grande influence au sein de la droite radicale contemporaine tant en Italie que dans les autres pays occidentaux.

Sommaire

[modifier] Biographie

[modifier] Premières années et adolescence

Giulio Cesare Evola est né à Rome le 19 mai 1898. Baron[2], il était descendant d'une famille de la petite noblesse sicilienne. Comme il le relate dans Le Chemin du cinabre, son enfance et son adolescence furent remplies par la lecture. Il fut particulièrement marqué par les œuvres de Oscar Wilde, Gabriele D'Annunzio et de Dimitri Merejkovski. Il s'intéressa aussi très tôt à la philosophie et tout particulièrement à Carlo Michelstädter, Otto Weininger, et surtout à Friedrich Nietzsche. Il fut également influencé par l'œuvre de Giovanni Papini, « champion de la primauté des forces spirituelles et de la mission civilisatrice de l'Italie[3] ».

Il fit des études techniques et mathématiques qui seront interrompues en 1917 par un engagement dans l'armée comme sous-lieutenant dans l'artillerie.

Entre temps, il avait commencé à s'intéresser aux formes les plus modernes de l'expression artistique, aux spiritualités orientales et à l'engagement politique, trois axes d'action qui structureront sa vie jusqu'à son décès.

[modifier] L'artiste

Ses premières tentatives en tant que créateur dans le monde artistique sont caractérisées par une adhésion aux tendances les plus modernes. Intéressé par le dadaïsme, il contacte Tristan Tzara, et entretient avec lui une correspondance soutenue. Il devient alors un des premiers dadaïstes italiens, se consacrant à la peinture et à la poésie. Il se lie également au futurisme et à son créateur Filippo Tommaso Marinetti, à qui il s'oppose néanmoins lors de la bataille pour l'entrée en guerre de l'Italie, en 1914-1915, déclarant que les motifs invoqués par celui-ci pour inciter l'Italie à faire la guerre aux Empires centraux ne sont que « la quintessence de la mentalité bourgeoise et démocrate qu'ils prétendent combattre ». Dès cette époque néanmoins se prononce chez lui une tendance vers la religion, ou plutôt le « religieux », dans un sens très général, la transcendance.

En 1917, alors âgé de 19 ans, il participe comme sous-lieutenant d'artillerie à la Première Guerre mondiale. S'il n'est pas alors nationaliste, il connaît une fascination pour les grands empires, y compris ceux qu'il doit combattre. Cette époque marque le début pour lui d'une crise existentielle, qui va bouleverser ses habitudes intellectuelles. Il ne supporte plus la « vie ordinaire » qu'il mène alors à Rome. À vingt-trois ans, il tente de mettre fin à ses jours.

[modifier] Le penseur

Avant d'exécuter la sentence qu'il s'était lui-même rendue, il lit un texte bouddhiste. Ce qu'il ressent alors, il l'assimile à une illumination. « Qui prend l'extinction comme extinction, et une fois ceci fait pense à l'extinction, réfléchit sur l'extinction, et se dit : "mienne est l'extinction" et se réjouit de l'extinction, celui-là ne connaît pas l'extinction » disait le texte. Ce suicide avorté sera une vraie mort pour Evola, mort à l'art et à la poésie qu'il a abandonnés en 1921 et 1922 ; et une naissance à la philosophie à laquelle il va désormais se consacrer. L'intérêt de cet auteur italien pour les traditions orientales se révèle alors pleinement. Dans L'uomo come potenza (L'homme comme puissance) apparaît une conception du « moi » inspirée du tantrisme : le « moi » s'identifie au monde perçu, et inversement, pour se fondre dans l'Unité. L'attachement au monde sensible constitue le « voile de Maya » déjà mentionné par Schopenhauer (Evola a assurément mieux compris les doctrines orientales que le philosophe allemand), qu'il faut enlever pour s'unir au Soi.

Evola se lie à cette époque à de nombreux cercles « ésotéristes » romains de tous bords. En 1924, il commence à se mêler de politique et participe à l'écriture de Lo Stato democratico (L'État démocratique), un texte à la fois antifasciste et anti-démocratique. Il fonde le « groupe d'Ur », en 1927, groupe de recherches ésotériques sur les traditions extra-européennes. Un an plus tard, il écrit un ouvrage qui va le rendre célèbre en Italie : Impérialisme païen (Imperialismo pagano). Il y attaque très violemment le christianisme et se tourne vers le fascisme, dans une volonté de retrouver la grandeur romaine antique. C'est d'ailleurs dans cet esprit qu'il a romanisé son nom en « Julius ». Cette époque est également marquée pour lui par la lecture intensive de l'œuvre de René Guénon. C'est sous cette influence qu'il quitte les thèses extrémistes d'Impérialisme païen pour revenir à la considération de la Tradition, et fonde la revue La Torre. On peut lire dans un éditorial de cette revue qu'elle est destinée à « défendre les principes qui pour nous seraient absolument les mêmes, que l'on se trouve dans un régime fasciste, communiste, anarchique ou démocratique. En eux-même, ces principes sont supérieurs au plan politique ». La revue n'est guère appréciée par le régime fasciste qui l'interdit après à peine dix numéros en raison de ses interprétations hétérodoxes du fascisme et ses attaques contre la « culture squadriste ».

C'est à cette période que paraissent plusieurs essais sur le symbolisme traditionnel : La Tradition hermétique (La Tradizione ermetica, 1931), Masque et visage du spiritualisme contemporain (Maschera e volto dello spiritualismo contemporaneo, 1932), Le Mystère du Graal (Il Mistero del Graal, 1937) et en 1936 Le Mythe du Sang (Il Mito del Sangue), où il expose les conceptions de la race dans l'Antiquité et les théories racialistes du XVIIIe siècle, et qui sera suivi de Synthèse de doctrine de la race (Sintesi di dottrina della razza) en 1941. Il prend contact et fait participer à sa revue de grands auteurs, comme René Guénon, Paul Valéry, Gottfried Benn, etc.

En 1934, Evola avait publié son œuvre la plus célèbre, Révolte contre le monde moderne (Rivolta contro il mondo moderno), où il décrit la déchéance du monde moderne, annoncée par les traditions antiques.

[modifier] Doctrine politique

Evola est un penseur anti-moderne qui présente une vision de l'histoire comme décadence, à partir de la conviction qu'il existe des castes selon un principe de hiérarchie entre l'inférieur et le supérieur. Sa doctrine est profondément un élitisme, ancré dans une métaphysique politique nourrie d'orientalisme et d' ésotérisme. Il est un penseur anti-chrétien, païen, qui s'oppose aux monothéismes juif et chrétien, et un penseur anti-démocratique et c'est sur cette base qu'il rallie le fascisme et le nazisme. Dans la veine d'Otto Weininger il prône une culture virile, contre le féminin, ce qui est prégnant aussi bien dans le fascisme que dans le national-socialisme.

La seule différence notable avec le fascisme et surtout avec le national-socialisme est qu’il ne partage pas le racisme biologique. Son racisme est métaphysique et historique. Il ne croit pas à la tentative de démonstration biologique d’une hiérarchie des races. Pour lui il s’agit d’une hiérarchie de cultures et de civilisations.

Mais il prône un fascisme plus radical :

« Nous ne sommes ni fascistes ni antifascistes. L'antifascisme ne correspond à rien pour des ennemis irréductibles de toute politique plébéienne et de toute idéologie nationaliste. [...] Quant au fascisme, il est trop peu. [...] Nous voudrions un fascisme plus radical, plus intrépide, un fascisme vraiment absolu, fait de force pure, inaccessible à tout compromis[4]. »

Lors de son procès en 1951, il soutiendra avoir défendu le fascisme en ce qu’il défend la tradition comme un principe supérieur. Ce qu’il apprécie dans le fascisme et le national-socialisme et qu’il salue en eux est leur anti-démocratisme.

Dans Le Mythe du sang s’expose sa haine anti-juive, qui est clairement une haine du judaïsme. Du reste Evola se proclame ouvertement et explicitement raciste . Mais pour des raisons métaphysiques, disent ses défenseurs et disciples. Le mot de métaphysique n’atténue en rien la haine anti-juive. Qu’elle soit une haine métaphysique, une haine du judaïsme, n’est du reste que très classique. Elle est cette vieille haine qui prévalut dans l’histoire. Pour Evola, penseur de la tradition, c’est-à-dire défenseur de la tradition, il n’y a là que logique. « Le front aryen et raciste considère le judaïsme comme une force destructrice pour toute race ou culture. » écrit-il dans Le Mythe du sang où il développe ce qu’il appelle « les caractères effectivement destructeurs du judaïsme » »

[modifier] Affinités avec l'Allemagne et le nazisme

Dans ses œuvres, Evola met souvent l'accent sur l'unité spirituelle entre les civilisations allemande et italienne. Il prend contact en 1938 avec le roumain Corneliu Zelea Codreanu. La figure aristocratique d'Evola est appréciée par le régime, même si sa non-adhésion au parti fasciste lui crée des problèmes. En 1942, cela l'empêche même de s'engager sur le front soviétique où il voulait combattre.

En 1942, il publie Le Mythe du sang où il développe son antisémitisme radical, qui n'est pas racial, si l'on ne s'en tient qu'au vocabulaire, mais qui en a tout l'esprit et la logique. Son racisme n'est pas biologique mais culturel et métaphysique. Son antisémitisme est « non-racial » en ce sens qu'il considère que les juifs ne forment pas une race pure, au sens biologique, moderne donc, et pas plus que les peuples européens, du reste, qui ont été mélangés au cours de l'histoire. Mais ils forment cependant selon lui une entité à part, qui mérite d'être distinguée néanmoins, c’est-à-dire une entité culturelle.

L'antisémitisme de Julius Evola n'est pas exactement racial, au sens classique, étant donné le sens qu'il donne au mot de race, pure, qui serait une affaire de sang. Bien qu'il oppose les juifs aux dits « aryens », qu'il soit un partisan de l'établissement par la guerre de la supériorité qu'il appelle aryenne et de la destruction des juifs, il s'agit plutôt d'un antijudaïsme total, guerrier, radical, tout aussi déterminé que celui des nazis, dont il partage et soutient le projet d'élimination des juifs. Mais moins pour des raisons de race, que pour des raisons de spécificité culturelle, religieuse, en un mot : pour le monothéisme en somme, qu'ils ont apporté à l'humanité et qu'il exècre. C'est ainsi qu'il peut prétendre soutenir l'existence d'un être juif éternel, constant et nocif depuis les origines, et dont les caractéristiques tiennent au judaïsme, qui a été inventé, affirme-t-il, pour dominer les autres peuples et les détruire. Evola est un antisémite moderne, en somme, puisqu'il est partisan de la destruction totale des juifs au profit des dits « aryens », adoptant une logique et un vocabulaire racistes, mais pour des raisons classiques, historiques, c’est-à-dire par antijudaïsme, mais avec le radicalisme moderne du racisme.

Hormis cette réserve sur le mot race par quoi il se distingue des théories racistes nazies, il partage toutes les accusations et tous les délires sur les juifs qui furent le lot des nazis et qui se trouvent dans le Protocole des Sages de Sion, célèbre faux, œuvre de la police secrète du tsar de Russie, au tout début du XXe siècle, et qui fut la référence de la propagande nazie. Celle-ci contribua à sa diffusion systématique, le plus largement possible, après lui avoir repris toute son inspiration. De ce faux [dont il n'ignore pas que c'en est un], Evola déclare que peu importe l'authenticité, parce qu'il dit la vérité, à savoir un complot mondial, un pouvoir secret, un projet de domination mondiale, de destruction des sociétés que les juifs pourrissent de l'intérieur, qu'ils détruisent comme un virus ronge un corps sain, qui apportent avec eux la dégénérescence, soit tous les thèmes qui fournirent l'inspiration de la propagande nazie et qui accompagnent le racisme biologique.

Evola fait paraître en 1943 La Doctrine de l'Éveil (La dottrina del risveglio), une étude sur l'ascèse bouddhique, à laquelle il continue à s'intéresser en parallèle à ses préoccupations politiques. En quelque sorte, l'éveil bouddhique et le réveil de la civilisation déclinante par la faute de la modernité, sont associés dans son esprit. Il est touché par un bombardement lors d'un passage à Vienne en 1945 qui le laissera paralysé des membres inférieurs. Il passera plusieurs années à l'hôpital.

Il faut dire que s'il se trouvait à Vienne à ce moment, ayant quitté l'Italie fasciste qui l'intéressait moins pour son projet et pour ce qu'il s'y passait, que l'Allemagne nazie , dont le projet était à ses yeux plus grandiose et plus prometteur, car plus ambitieux et plus radical. Evola se trouvait à Vienne, également pour remplir une mission pour les SS et pour Himmler, pour les quels il avait une grande admiration, et qu'il servit. Ses pensées sur les intérêts respectifs de l'Italie et de l'Allemagne, à l'égard de leurs traditions respectives, et aussi quant au présent, se trouvent exposés dans un texte de 1942 Pour un alignement politico-culturel de l'Italie et de l'Allemagne où se lit clairement l'admiration de Evola pour le national-socialisme, et la supériorité de ce dernier sur le fascisme.

Malgré ce qui est formulé dans le Mythe du sang l'adhésion de Evola à l'idéologie raciste du nazisme est explicite dans ce texte : on y trouve une apologie de l'aryanité et une admiration pour l'audace national-socialiste qui ose reprendre et réanimer l'esprit « aryen » et « germain » des origines. Il dit bien, même, que le caractère ascientifique et idéologique des thèses racialistes et racistes ne lui échappe pas, mais ne constitue pas pour autant une objection qui pourrait leur être faite. Ce qui est à comprendre dans la ligne de ce qu'il pense du faux que constitue « le Protocole des Sages de Sion » mais qui doit être tenu pour vrai, affirme-t-il, même si son authenticité est peu vraisemblable. Autrement dit son irrationalisme ne se cache pas, s'il s'agit d'une nécessité pratique qui doit l'emporter sur la raison, selon sa logique de pensée, qui consiste à soutenir qu'un texte, une idée, même contraires à la science, à la raison et à la connaissance factuelle, et bien qu'intenables de ces points de vue, sont malgré tout valides et doivent être tenus par conséquent pour vrais, à la mesure de leur intérêt (ou utilité) politique et pour l'action. Car « une quantité d'idées, qui seraient considérées comme des fantaisies sans valeur scientifique par les "chercheurs" (mot mis entre guillemets par Evola) de nos universités, jouent un rôle très important, politique et éthique, dans la nouvelle culture germanique et inspirent des directives précises pour la formation systématique de la jeunesse ».

Une idée doit être acceptée à la hauteur de son utilité pour l'action et pour la conviction des masses. En politique Evola professe un pragmatisme cynique et un triomphe de la force qui décide de la vérité.

Pour Evola l'efficacité en acte vaut pour critère de vérité : si une idée est utile elle est vraie, quel que soit l'avis des esprits savants et quels que soient les arguments rationnels qui pourraient l'invalider. On a affaire à une pensée de la force pure : la force prime sur l'esprit et c'est la force d'une idée qui fait sa vérité ; une idée est vraie parce qu'elle est opportune et utilisable au service d'un objectif qui requiert la force.

Aucune restriction à la violence qui triomphe sous le règne du nazisme, ne se trouve sous la plume de Evola. A vrai dire la seule critique que Evola ait à adresser au national-socialisme, c'est que celui-ci n'accomplit pas son programme, à savoir, dans le domaine juridique, la création d'un nouveau droit public allemand, anti-positiviste et inspiré par l'idée raciale qui remonte, affirme-t-il, aux origines « aryennes » et « germaniques » (mythiques, qu'il leur assigne). C'est pourquoi le problème juridique est finalement réduit à la simple hygiène raciale, affirme-t-il dans sa critique qui voudrait voir s'accomplir un véritable nazisme pur et radical, c’est-à-dire radicalement tourné vers la restauration de l'origine (mythique).

Pour l'État il en va de même selon l'idée critique d'Evola. Sa réalisation ne coïncide pas avec le principe proclamé, à savoir que la légitimation du Führertum (direction par le Führer) devrait résider uniquement dans le Volk (soit le peuple au sens ethnique). Evola déplore encore que ce que réalise le nazisme, – soit un nationalisme déterminé, par le moyen d'un Etat autoritaire et fort –, ne correspond cependant pas aux formes originaires aryennes et germaniques qu'il voudrait voir accomplir, en guise de renouveau allemand. Car Evola identifie le droit germain au droit romain ancien (ce dernier qu'il distingue lui-même de sa version libérale moderne) et qu'il caractérise par la présence d'un Rex d'origine divine, au-delà du chef exceptionnel (Dux, Imperator, ou Heretigo) élu par consentement et acclamation. Le chef politique comme dieu incarné ou figure divine des anciennes théocraties, est en somme son idéal.

Bref, en tant qu'intellectuel ayant rallié le nazisme (plus profondément encore que le fascisme), Evola adhère aux principes du national-socialisme et déplore ses réalisations qui, selon lui, se trouvent toujours très en-deçà des principes proclamés, pas assez cohérentes, pas assez radicales, rapportées aux principes.

On pourrait le définir comme le théoricien d'un national-socialisme « pur », ou comme un partisan d'un « national-socialisme » idéal et plus radical qui ait la force d'accomplir ses principes et de triompher pour établir la culture germanique, païenne, à laquelle il aspire.

En somme, nourri de bouddhisme, il partage, mais en partie seulement, avec Martin Heidegger et Carl Schmitt le dessein du réveil de l'Allemagne et de la renaissance de la germanité, contre la modernité c’est-à-dire contre l'américanisme et le communisme tout à la fois. Entre les Russes et les Américains, le national-socialisme est supposé inventer une troisième voie, celle d'un empire européen germanique et païen, ni capitaliste, ni socialiste, sous la conduite de l'Allemagne. Mais à la différence des deux auteurs précédents, Evola, voit le destin de l'Allemagne dans un retour à ses origines mythiques et à ses racines anciennes mythifiées, une Allemagne revenue à ses fondements germaniques et romains antiques, retrouvant sa fondation théologique ancienne, plus que théologico-politique (chrétienne). En cela, sur la question du théologico-politique, il se distingue complètement de Carl Schmitt à qui il s'oppose. Et en tant qu'il adhère à une mythologie des origines et un retour à celles-ci, il est aussi éloigné que possible d'Heidegger. Evola se nourrit, en effet, d'une mythologie des temps du paganisme apolitique (non grec), c’est-à-dire des temps des figures théologiques d'avant le judaïsme et le christianisme, d'avant la politique au sens grec, et à côté et en dehors de la tradition juive et chrétienne.

Il adhère à une mythologie païenne qu'il trouve chez les « anciens Germains » et dans le bouddhisme, tentant un syncrétisme audacieux. Syncrétisme où le mène à la fois son refus de la politique au sens grec, soit la démocratie et le règne de la loi, ainsi que son refus de la civilisation issue du judaïsme et du christianisme, qui enseigne à ne pas croire en la seule force humaine, parce que la justice est plus forte que la force, et qui apprend par conséquent à croire en la force de la faiblesse, si elle a pour elle la justice, et apprend donc la possibilité qu'il y a pour le faible de vaincre le fort. David contre Goliath, ou la figure du Christ, résument cette sagesse.

Evola, lecteur de Nietzsche, inspiré du bouddhisme, se trouve aux antipodes de cette sagesse et en vint à admirer le nazisme et croire en son avenir, mené par son paganisme exacerbé, son désir mythique de grandeur, de force, et de revanche sur le destin, ou renaissance, qu'accompagne et provenant de son rejet de la modernité en crise.

[modifier] Le sens de l'aryanité

C'est en 1934 qu'Evola se rend pour la première fois en Allemagne, pour y donner une série de conférences. La figure aristocratique d'Evola est appréciée en certains milieux, comme le Herrenklub de Berlin, au deuxième Congrès des Études nordiques et dans les universités. Par contre, il est tenu en suspicion par le régime nazi, car il critique vivement le théoricien du national-socialisme, Alfred Rosenberg, pour son manque de « compréhension pour la dimension sacrée et de la transcendance ». De plus, l'aristocrate qu'est Evola n'apprécie guère le caractère outrageusement plébéien et vulgaire du régime hitlérien. Dans son maître ouvrage Révolte contre le monde moderne, publié en 1934, il avait déjà souligné qu'un véritable chef impose le respect par sa seule présence et non par la violence, qui est toujours un indice de faiblesse spirituelle. Sa non-adhésion au parti fasciste lui crée également des problèmes. En 1941, cela le retiendra même de s'engager sur le front soviétique où il avait été tenté de combattre parce que le communisme constituait la plus grande menace pour le rétablissement d’une civilisation de type traditionnel en Europe. Mais c'est surtout sa vision élevée de l'aryanité telle que conçue en Inde traditionnelle et reprise par le Bouddha qui le rend suspect aux yeux des nazis. Evola affirme que le mot sanskrit « arya » désigne d'abord et avant tout une noblesse du cœur, une élévation spirituelle, avant d'être une question de sang. Il avance même qu'on peut être Juif et bon aryen à la fois. Après les conférences qu'Evola prononce en Allemagne en 1938, le Reichführer SS Heinrich Himmler approuve le rapport d'un officier proposant d'interdire à Evola toute activité publique en Allemagne et de ne lui apporter aucune aide, tout en le maintenant sous surveillance. Le baron Evola échappa de justesse à l’interdiction de séjour grâce à l’intervention d’un proche de Himmler, le SS Brigadeführer Karl Maria Willigut (alias Karl Maria Weisthor).

C’est aussi en 1938 qu’Evola visite la Roumanie, où il fait connaissance avec Corneliu Zelea Codreanu, qu’il décrit comme « une des figures les plus dignes et les mieux orientées spirituellement » qu’il lui ait été donné de rencontrer. Il se lie aussi d’amitié avec le grand historien des religions, Mircea Eliade.

[modifier] Après la guerre

Blessé à Vienne lors d'un bombardement aérien soviétique, une lésion de la moelle épinière lui provoque une paralysie permanente des membres inférieurs. Il n'en reste pas moins un penseur influent de l'extrême droite néofasciste italienne. Il sera arrêté dans le cadre de l'affaire du Front d'action révolutionnaire et accusé de reconstitution du Parti fasciste. Il sera blanchi de toute accusation dans cette affaire. Par la suite, il donnera des armes idéologique au groupe Ordre nouveau et à des fraction du Mouvement social italien.

À partir de 1953, son influence sera grandissante et on le présentera comme un « Marcuse de droite ».

Il écrit en 1958 Métaphysique du sexe (Metafisica del Sesso), où il reprend ses études sur le symbolisme, ici étendues à de nombreuses traditions avec pour point d'ancrage l'acte sexuel.

En 1961, il publie Chevaucher le tigre (Cavalcare la tigre) qui contient de nombreuses critiques du monde moderne, en continuation avec ses précédents ouvrages.

Il meurt le 11 mai 1974 et ses cendres sont dispersées dans une crevasse du Mont Rose[5]

Les principaux livres de Julius Evola ont été traduits en français et sont disponibles aux Éditions Ars magna et aux Éditions Pardès.

[modifier] La doctrine

La pensée de Julius Evola se présente comme éminemment magique et guerrière. Adhérant à la « Tradition primordiale hyperboréenne », c'est-à-dire à la métaphysique commune à toutes les traditions antiques. Ses écrits identifient l'aspect « héroïque et guerrier » comme facteur de révélation des forces magiques supérieures ou « solaires » dans le monde. Dans un monde qui a perdu la présence des êtres divins (« rois magiques ») des origines, Evola, y compris dans ses analyses symboliques, révèle la prééminence de l'élément guerrier au sommet de la hiérarchie sociale, au-delà des revendications d'une éventuelle caste sacerdotale qu'il qualifie d'usurpateur des rites magiques. Dans cette rivalité il voit une lutte éternelle entre forces « solaires » et « lunaires », ou principes « masculins » et « féminins », pour dominer l'Histoire.

Sa pensée peut se définir comme proche à la fois de Platon, de Guénon et de Nietzsche. Evola partage avec Platon notamment l'analyse de la décadence des sociétés tel que présenté dans La République. Les principes de la doctrine traditionnelle trouvent la même importance fondamentale dans ses écrits que chez Guénon. Et avec Nietzsche il y a l'intérêt commun pour les valeurs aristocratiques et guerrières, et aussi une certaine hostilité au christianisme, qu'il considère très limité sur le plan spirituel et métaphysique. Mais Evola va plus loin que Platon, Guénon et Nietzsche en offrant outre l'analyse théorique, aussi un enseignement pratique permettant d'intégrer la dimension spirituelle évoquée. Pour les rares individus « restés debout dans ce monde en ruines »", Julius Evola dévoile dans son ouvrage La Doctrine de l'Éveil des techniques concrètes de libération spirituelle redécouvertes et, provenant des enseignements de l'ascèse bouddhiste des origines.


[modifier] Œuvres

  • Ecrits sur la Franc-maçonnerie, Pardès, 1987.
  • Eléments pour une éducation raciale, Pardes, 1984.
  • Essais politiques, Pardès, 1988.
  • Explorations, Pardès, 1989.
  • Hiérarchie et démocratie (avec René Guénon), Homme libre, 1999.
  • Impérialisme païen, Pardès, 2004.
  • La Doctrine aryenne du combat et de la victoire, Pardès, 1987.
  • La Doctrine de l’éveil, Arché, 1976.
  • L’Arc et la massue, Trédaniel, 1983.
  • La Tradition hermétique, Editions Traditionnelles, 1983.
  • Le Chemin du cinabre, Arche, 1983.
  • Le Fascisme vu de droite, Pardès, 1981.
  • Le Mystère du Graal, Editions Traditionnelles, 1974.
  • Le Mythe du sang, L’Homme libre, 1999.
  • Le Petit livre noir, Rémi Perrin, 1999.
  • Les Hommes au milieu des ruines, Pardès, 2005.
  • Le Taoisme, Pardès, 1989.
  • L’Europe ou le déclin de l’Occident, Rémi Perrin, 2000.
  • Le Yoga tantrique, Fayard, 1971.
  • Masques et visages du spiritualisme contemporain, L’Homme, 1972.
  • Méditations du haut des cimes, Pardès, 1986/ seconde édition (nouvelle traduction et textes inédits): Editions du Lore, 2006.
  • Métaphysique de la guerre, Arché, 1980.
  • Métaphysique du sexe, Payot, 1976.
  • Orient et Occident, Archè, 1982.
  • Phénoménologie de la subversion, L’Homme libre, 2004.
  • Révolte contre le monde moderne, L’Âge d’Homme, 1991.
  • Symboles et mythes de la tradition occidentale, Arché, 1980.
  • Synthèse de doctrine de la race, L’Homme Libre, 2002.
  • Tous les articles de Ur et Krur (1927-1928-1929), Introduction à la magie (1955), Archè, 1986.
  • Ur et Krur, Introduction à la magie, Ur 1927, Archè, 1983.
  • Ur et Krur, Introduction à la magie, Ur 1928, Archè, 1984.
  • Ur et Krur, Introduction à la magie, Krur 1929, Archè, 1985.
  • Virilité spirituelle, Ars magna, 2006.

[modifier] Études sur Julius Evola

  • Philippe Baillet, Julius Evola ou la sexualité dans tous ses « états », Hérode, 1995.
  • Andrea Bedetti, Dadaïsme et tradition, Evola, le philosophe au pinceau, Ars magna, 2004.
  • David Bisson, La Pensée politique de Julius Evola (1898-1974), Mémoire de maîtrise, Rennes 1, 1996.
  • Christian Bouchet, Les Liaisons dangereuses de Julius Evola, Ars magna, 2003.
  • Christophe Boutin, Politique et tradition, Julius Evola dans le siècle, Kimé, 1992.
  • Jean-Luc Coronel, Julius Evola, penseur politique, doctrine et influence, Mémoire, IEP Aix, 1989.
  • Alexandre Douguine, Julius Evola et la Russie, Ars magna, 2005.
  • Arnaud Guyot-Jeannin, Enquête sur la tradition aujourd’hui, Guy Trédaniel, 1996.
  • Arnaud Guyot-Jeannin, Evola et la Tradition, Ars magna, 2000.
  • Arnaud Guyot-Jeannin, Julius Evola, L’Âge d’Homme, 1997.
  • H. T. Hansen, Julius Evola et la « révolution conservatrice » allemande, Deux Etendards, 2002.
  • Thierry Jolif, Evola, Evola envers et contre tous !, Dualpha, 2001.
  • Jean-Paul Lippi, Evola, Pardès, 1999.
  • Jean-Paul Lippi, Julius Evola, métaphysicien et penseur politique, Âge d’homme, 1998.
  • Claudio Mutti, Julius Evola et l’islam, Ars magna, 2004
  • Claudio Mutti, La Grande influence de René Guénon en Roumanie, suivi de Julius Evola en Europe de l’Est, Akribeia, 2002.
  • Mark Sedgwick, Against the modern world, traditionalism and the secret intellectual history of the twentieth century, Oxford, 2004.
  • Paolo Taufer, Les Jeunes et les ruines de Julius Evola, Éditions du Sel, 2005.
  • Julius Evola. Le visionnaire foudroyé, Copernic, 1977.

[modifier] Notes

  1. Selon Jean-Paul Lippi, Evola, Pardès, 1999, p. 7, il fit « le choix de latiniser son prénom pour témoigner de sa fidélité aux idéaux dont il distinguait l'influence formatrice dans la romanité impériale ».
  2. Mario Dolcetta a mis en doute le titre de baron de Julius Evola dans un article paru dans L'Italia settimanale, n° 25, 1994, repris in Andrea Bedetti, Dadaïsme et tradition, Ars magna, 2004, p. 9.
  3. Pierre Milza, L'Europe en chemise noire. Les extrêmes droites en Europe de 1945 à aujourd'hui, Flammarion, collection « Champs », 2002, chapitre IV, « Le néo-fascisme en Italie du début des années 1950 à la fin des années 1970 », p. 95.
  4. La Torre, n°5, avril 1930.
  5. Pour Jean Parvulesco, intime d'Evola au terme de sa vie, la fin qu'il s'est choisie revêt un sens bien précis : « Enfin, si Julius Evola a tenu à ce que ses cendres fussent confiées à une faille secrète du Mont Rosa, c'est parce qu'il comptait que celui-ci, avec son glissement en avant, les ramène – quand cela devra se faire – au jour, dans la vallée d'en-bas, et qu'à ce moment-là il l'emportera sur sa mort ; ou bien plus encore. » (« Un entretien politique inédit avec Jean Parvulesco », Rébellion, n° 28, janvier-février 2008).

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