Jardin anglais

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Le jardin anglais, ou mieux jardin à l’anglaise, avec ses formes irrégulières est souvent opposé au « jardin à la française », dont il prend le contre-pied esthétiquement et symboliquement.

un gazon dont la rectitude évoque le prestige passé de l’Empire britannique
un gazon dont la rectitude évoque le prestige passé de l’Empire britannique

Sommaire

[modifier] Le point de vue du peintre

Apparus dès le début du XVIe siècle, les jardins à l’anglaise s’organisent selon des cheminements sinueux ouvrant sur des points de vue « pittoresque » (qui appartient, qui est relatif à la peinture) : ces points de vue sont des lieux où un peintre aimerait à poser son chevalet.

Il est donc naturel que leurs concepteurs soient fréquemment des peintres[1]. Loin du système géométrique des jardins classiques, conçus par des architectes, ils mettent en valeur à travers les points de vue un élément naturel remarquable : arbre rare au feuillage coloré, tronc torturé, pelouse, ruisseau, étang, prairie ou même éboulis et précipice. Le peintre William Kent (1685-1748) crée les premiers jardins paysages.

La composition du point de vue répond aux règles du tableau. On recherche l’équilibre des volumes, la variété et l’accord des coloris et des matières végétales.

À la perspective optique, exploitée dans le modèle classique, on substitue la perspective atmosphérique, inspirée de la peinture anglaise, dans laquelle les effets de profondeur sont créés par la brume qui noie les lointains ou bien par la variation des feuillages des différents bosquets du jardin.

L’organisation du jardin à l’anglaise en une succession de points de vue pousse les concepteurs à exploiter plutôt qu’à corriger les accidents du site. Les reliefs deviennent ainsi des belvédères, les effondrements des grottes. Le jardin est l’écrin de la demeure (ou du kiosque).

[modifier] Historique du jardin à l’anglaise

Jusqu’au XVIIIe siècle, l’influence française s’est répandue en Angleterre à l’architecture et à l’art des jardins. Les compositions « à la française », issues du jardin à l’italienne, sont extrêmement structurées, comportent des parterres géométriques, des jeux de symétrie et de perspective. L’objectif est alors de domestiquer la nature.

Le maître jardinier Georges London porta ce style à l’extrême du « classique hollandais » avec des buis strictement taillés, formes vertes immobiles .

La vogue de ce type de jardin prit fin en Angleterre sous l’influence d’une esthétique privilégiant la redécouverte de la nature sous son aspect sauvage et poétique. L’objectif n’étant plus de contrôler la nature mais d’en jouir.

Dès le milieu du XVIIIe siècle, dans une angleterre en pleine pré-industrialisation, le jardin irrégulier devient une réaction assumée à la rigidité des usines.

Cette conception allait submerger l’Europe. À Versailles, un jardin à l’anglaise est réalisé au Petit Trianon pour la reine Marie-Antoinette. Vallonné de collines artificielles, il comprend un petit lac, une grotte et un belvédère. Un réseau de chemins de promenades offre une multitude de points de vue soigneusement calculés sur tous les éléments remarquables du paysage[2].

[modifier] Caractéristiques du jardin à l’anglaise

Le portrait aristocratique sur un fond de jardin anglais dans la peinture de Thomas Gainsborough
Le portrait aristocratique sur un fond de jardin anglais dans la peinture de Thomas Gainsborough
  • Sa conception est irrégulière : chemins tortueux, végétation en apparence non domestiquée donnant une impression naturelle. Les accidents du terrain (vallons, pentes) sont conservés et exploités.
  • Présence d’arbustes, de fourrés et d’éléments architecturaux participant à sa décoration : Folie (fabrique de jardin), rochers, statues, bancs.
  • Association de diverses espèces ornementales. Les formes et les couleurs des végétaux sont variées. Les pelouses et les chemins agrémentant le jardin incitent à flâner.
  • L’itinéraire n’est pas balisé : la promenade dans un jardin à l’anglaise laisse une grande part à la surprise et à la découverte. Pas d’allées rectilignes guidant les pas du promeneur mais plutôt une sorte « d’errance poétique ».

Ce type de jardin n’est pas seulement un lieu clos. Il se veut paysage. Il se veut œuvre d’art.

[modifier] L’esthétique du jardin à l’anglaise

[modifier] Objectifs esthétiques

  • imiter la nature.
  • s’inspirer de son côté sauvage.
  • recréer l’effet produit par la nature sur l’âme humaine.
  • exhaler la poésie d’un lieu.
  • recréer un décor naturel dans une démarche aussi bien artistique qu’architecturale. Le choix des couleurs et des formes ayant pour objectif de composer une « peinture vivante » en opposition au style classique hollandais alors à son apogée. Le poète Joseph Addison "préfère contempler un arbre dans toute la luxuriance de ses branches et de ses rameaux plutôt que lorsqu’il est ainsi coupé et taillé en figure géométrique " et l’écrivain Alexander Pope met ces idées en pratique dans son jardin de Twickenham.
  • Le refus de la régularité topologique crée une esthétique du renouvellement.

Selon les saisons et les moments de la journée, le jardin « à l’anglaise » offre des sensations et des vues différentes. La métamorphose des éléments crée un lieu constamment renouvelé. Le rapport à la nature et par conséquent au monde, est ainsi réinventé en permanence.

[modifier] Evolution de l’esthétique

Les jardins « à l’anglaise » connaissent une évolution esthétique tout au long du XVIIIe siècle. puis du XIXe siècle..

  • Au début du XVIIIe siècle, ils composent des paysages évoquant l’Antiquité. Ouverts sur la campagne, ils apparaissent comme un prolongement du jardin. C’est le jardin anglais idyllique.
Jardin enclos de Barrington Court par Gertrude Jekyll
Jardin enclos de Barrington Court par Gertrude Jekyll
  • Au milieu du XVIIIe siècle, la composition paysagère se doit d’être sobre et sensuelle. C’est le jardin anglais sublime.
  • À la fin du XVIIIe siècle, le jardin « à l’anglaise » doit comporter des accidents de terrain (vallons, collines, pentes…) et jouer sur un contraste entre éléments peignés (c’est-à-dire réguliers) et sauvages. C’est le jardin anglais pittoresque.
  • Le jardin pittoresque « à l’anglaise » est devenu un genre européen au XIXe siècle. Sous le Second Empire, ce fut même l’art officiel des jardins en France.
  • Au XIXe siècle, en Angleterre, le jardin « à l’anglaise » connait des mutations esthétiques sous l’influence de personnalités au tempérament artistique affirmé comme Gertrude Jekyll (1843-1932). À cette période, le jardin « à l’anglaise » se définit plutôt comme un lieu d’expérimentation artistique. Gertrude Jekyll introduit les massifs colorés de vivaces en plates-bandes de fleurs, encore employés et admirés de nos jours sous le nom de «mixed-borders». De nombreux ouvrages lui sont consacrés.
    Ce type de jardin est qualifié de « jardin bourgeois, car il accorde une place importante à la fragmentation maniériste des espaces et à l’exaltation de la virtuosité dans le maniement des espèces naturalistes pour produire des effets de couleurs »[3].

[modifier] La symbolique du jardin à l’anglaise

Ce type de jardin se veut paysage et peinture.

Son agencement irrégulier, opposé à l’ordonnancement du « jardin à la française » le pare d’une symbolique de liberté qui trouva nécessairement un écho sous la Révolution française : au carcan du « jardin à la française » s’opposait la libre conception anglaise de tradition whig.

Le refus de la symétrie s’apparentait alors à un refus des codes.

Il devint le symbole d’une émancipation vis-à-vis de la monarchie absolue et de ses représentants.

Il s’agit pourtant d’un « décor » reconstitué : ainsi pour le confort des promeneurs un banc peut être placé afin de contempler une pièce d’eau ou de profiter de l’ombre des arbres. La sauvagerie de la nature est recréée, adoucie. L’évolution que ce type de jardin connut au XIXe siècle illustre bien cette re-création idéalisée de la nature.

[modifier] Notes

  1. Le peintre Hubert Robert est nommé en 1778 dessinateur des jardins du Roi et travaille aux jardins à l’anglaise de Versailles, Compiègne ou Rambouillet.
  2. Le jardin à l’anglaise du Petit Trianon est en cours de restauration depuis la tempête de 1999 à partir des multiples vues d’époque.
  3. Michel Conan, L’art des jardins, éditions Hazan, p. 22.

[modifier] Jardins à l’anglaise en France

[modifier] Liens internes

[modifier] Galerie

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