Jürgen Habermas

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Jürgen Habermas
Philosophe et Sociologue
XXe siècle

Naissance : 18 juin 1929
Principaux intérêts : Morale, Politique, Communication
Idées remarquables : Éthique de la discussion
Influencé par : Kant, Wittgenstein

Jürgen Habermas (18 juin 1929, Düsseldorf) est un philosophe et sociologue allemand, qui s’est fait connaître surtout par ses travaux en philosophie sociale. Notamment grâce à une activité régulière comme professeur dans des universités étrangères, surtout aux États-Unis, ainsi qu’aux traductions de ses travaux les plus importants, ses théories sont discutées dans le monde entier. Jürgen Habermas est le membre le plus éminent de la deuxième génération de la théorie critique; il a fait partie de l’École de Francfort, s’éloignant toutefois des origines de cette dernière.

En raison de la diversité de ses activités en philosophie et en sciences sociales, Habermas est considéré comme un penseur difficilement classable. Il combina le matérialisme historique de Marx avec le pragmatisme américain, la théorie du développement de Piaget et Kohlberg, et la psychanalyse de Freud. De plus, il influença de façon décisive l’évolution des sciences sociales allemandes et de la philosophie morale et sociale en développant une théorie très respectée de la discussion en morale et en droit.

Habermas prit part à tous les grands débats théoriques de la République fédérale, mais prit également position sur des évènements socio-politiques et historiques. Il considère « la réconciliation de la modernité qui se divise d’elle-même »[1] comme le motif supérieur de son œuvre monumentale. Pour ce faire, il poursuit la stratégie d’« attaquer le problème universaliste de la philosophie transcendantale en détranscendantalisant simultanément la façon de progresser et les objectifs de la preuve », et ainsi de renoncer en particulier aux justifications ultimes.[2]

Sommaire

[modifier] Biographie

[modifier] Jeunesse et études

Habermas vit le jour à Düsseldorf, mais il grandit à Gummersbach, une petite ville située tout près, où son père, Ernst Habermas, était secrétaire général du bureau urbain de la chambre de commerce et d’industrie de Cologne. Il décrit le climat politique dans son milieu familial comme étant « caractérisé par une adaptation bourgeoise à un environnement politique auquel on ne s’identifie pas totalement, mais que l’on ne critique pas sérieusement non plus. »[3]

Habermas était membre des Jeunesses hitlériennes, et à l’automne 1944, on l’envoya à la Ligne Siegfried comme auxiliaire de front. Son appartenance aux Jeunesses hitlériennes constitua en 2006 le point de départ d’une violente polémique. Dans son autobiographie publiée à titre posthume, Joachim Fest avait qualifié Habermas de « dirigeant des JH lié au régime jusqu’à la moelle. »[4] Cette diatribe, rendue publique par le magazine Cicero et récusée par Habermas comme une « dénonciation », finit par apparaître inconsistante après un témoignage de Hans-Ulrich Wehler.[5]

Entre 1949 et 1954, Habermas fit des études aux universités de Göttingen (1949-50), de Zürich (1950-51) et de Bonn (1951-54). Il s’intéressa à la philosophie, l’histoire, la psychologie, la littérature allemande et l’économie. Nicolai Hartmann, Wilhelm Keller, Theodor Litt, Johannes Thyssen, Hermann Wein, Erich Rothacker et Oskar Becker comptèrent parmi ses professeurs.

C’est durant le semestre d’hiver 1950-51 que Habermas rencontra pour la première fois Karl-Otto Apel, dont la « pensée engagée » et l’intérêt pour le pragmatisme américain seront d’une importance majeure pour son cheminement philosophique.[6]

En 1953, Habermas fit son premier coup d’éclat en rédigeant, dans le Journal universel de Francfort, une critique de l’« Introduction à la métaphysique » de Heidegger, paru la même année. Heidegger y avait souligné la « vérité et la grandeur profonde » du mouvement national-socialiste, ce que Habermas condamna vigoureusement comme une « réhabilitation » du national-socialisme.

En 1954, Habermas soutint sa thèse de doctorat auprès d’Erich Rothacker et Oskar Becker : L’Absolu et l’Histoire : de l’écartèlement dans la pensée de Schelling. Après l’obtention du doctorat, il collabora comme journaliste indépendant au Journal universel de Francfort, au Merkur, aux Cahiers de Francfort ainsi qu’au Handelsblatt de Düsseldorf. En 1955, il épousa Ute Wesselhoeft, avec laquelle il aura trois enfants. Une bourse amènera Habermas à Francfort en 1956, à l’Institut de Recherche Sociale.

[modifier] Carrière

Habermas est souvent assimilé à l'École de Francfort, ce sont les étudiants qui à la fin des années 1960 l'ont associé à la « sociologie critique ». Il se voit lui même comme un sociologue bien qu'ayant initialement étudié la philosophie. Dans le contexte conservateur, anticommuniste et antimarxiste de l'Allemagne de l'époque, il se dit aussi « sociologue marxiste » et tente de prouver qu'il est possible d'intégrer l'étude des théories marxistes dans le cursus académique.

Tout en n'ayant pas encore rompu avec le marxisme, le sociologue et philosophe allemand a sans doute été plus influencé par Max Weber que par Karl Marx. Tout comme Marx, il s'intéresse à la tendance du capitalisme à s'orienter vers la crise, mais dans un contexte différent, celui du « capitalisme avancé ».

Il s'intéresse également à la communication dans ses rapports avec le pouvoir et la technique. Il a tenté de refonder la théorie de la raison, en la divisant en deux: raison communicationnelle, raison technique.

Il est un des penseurs de l’éthique de la discussion (Diskursethik) avec Karl-Otto Apel, éthique qui s’inscrit dans la même veine que l’éthique kantienne, tout en y apportant un certain remodelage, décentrage peut-on dire, en rapport avec l’impératif catégorique. Habermas développe en effet l'idée d'un principe de discussion capable de remplacer l'Impératif catégorique. Chez Kant, c'est au sein de l'individu qu'est déterminée la validité morale. En clair, Kant pense qu'il est possible de se mettre d'accord rationnellement sur ce qui est juste et injuste, mais que l'évaluation des normes se fait dans le for intérieur de chacun. Habermas considère que ce "monologisme" doit être dépassé par une compréhension "dialogique" de la morale, qui s'appuie sur les acquis de la pragmatique formelle et la théorie des "énoncés performatifs" (Austin). Nous déterminons si une règle de conduite et d'action ou un comportement sont moraux par une discussion qui doit ressembler autant que possible à une situation de liberté de parole absolue et de renoncement aux comportements "stratégiques".

Enfin, Habermas est le théoricien du Patriotisme constitutionnel, patriotisme déconnecté de l'État-Nation. À l'occasion de la querelle des historiens allemands, il développe l'idée que les Allemands ne doivent pas se sentir attachés à leur pays, coupable d'atrocités durant la Seconde Guerre Mondiale, mais aux institutions démocratiques qui garantissent le respect des citoyens. Par la suite, dans sa réflexion sur le dépassement de l'État-nation et sur la construction européenne, il réactive cette idée. Sa thèse : l'apparition de minorités culturelles de plus en plus importantes dans les pays européens implique qu'on repense la citoyenneté. L'État de droit doit pouvoir garantir aux minorités le respect le plus complet de leur identité, de leur langue et de leur religion... et ceux-ci, en retour, doivent s'attacher à la défense et au respect de ces mêmes institutions.

[modifier] Points importants dans la théorie d'Habermas

[modifier] La distinction morale / éthique

La distinction entre la morale et l'éthique est une caractéristique du courant déontologiste contemporain. Cette distinction est fondée sur la morale de Kant, qui sépare les principes de détermination du vouloir entre le matériel, qui est particulier parce qu'il se rattache à la sensibilité, et les principes formels qui sont universels et rationnels[7]. Jurgen Habermas se fonde sur cette distinction kantienne entre les principes matériels et les principes formels pour distinguer la morale (qui se rattache aux principes formels) de l'éthique (qui se rattache aux principes matériels).

Ainsi, la morale est ce qui touche au juste et à la justice, c'est à dire aux principes universels qui sous-tendent toute inter-subjectivité, qui les norment et permettent une certaine impartialité, et l'éthique est ce qui se rattache au Bien, c'est à dire aux particularités des individus.

[modifier] L'universalité

« Au lieu d’imposer à tous les autres une maxime dont je veux qu’elle soit une loi universelle, je dois soumettre ma maxime à tous les autres afin d’examiner par la discussion sa prétention à l’universalité. Ainsi s’opère un glissement : le centre de gravité ne réside plus dans ce que chacun souhaite faire valoir, sans être contredit, comme étant une loi universelle, mais dans ce que tous peuvent unanimement reconnaître comme une norme universelle ». (Jürgen HABERMAS, Morale et communication. Conscience morale et activité communicationnelle, Cerf, Paris, 1996, p. 88.)

[modifier] Le principe de publicité

Le principe de publicité, pour Habermas, est l'exigence revendiquée d'un usage critique et public de la raison.

[modifier] La communication de masse

[modifier] Son implication internationale

Jürgen Habermas compte également parmi les membres fondateurs du Collegium international éthique, politique et scientifique, association qui souhaite apporter des réponses intelligentes et appropriés qu'attendent les peuples du monde face aux nouveaux défis de notre temps.

[modifier] Œuvre

  • L'espace public : archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise, titre original : Strukturwandel der Offentlichkeit (1963)
  • Théorie et pratique, titre original : Theorie und Praxis (1963)
  • Connaissance et intérêt, titre original : Erkenntnis und Interesse (1968)
  • La technique et la science comme « idéologie », titre original : Technik und Wissenschaft als « Ideologie » (1968)
  • Protestbewegung und Hochschulreform (1969)
  • La logique des sciences sociales, titre original: Zur Logik der Sozialwissenschaften (1970)
  • Theorie der Gesellschaft oder Sozialtechnologie. Was leistet die Systemforschung (débat avec Niklas Luhmann) (1971)
  • Raison et légitimité : problèmes de légitimation dans le capitalisme avancé, titre original : Legitimationsprobleme im Spätkapitalismus (1973)
  • Après Marx, titre original : Zur Rekonstruktion des Historischen Materialismus (1976)
  • Profils philosophiques et politiques, titre original : Philosophisch-politische Profile (1971-1981)
  • Théorie de l'agir communicationnel, titre original : Theorie des kommunikativen Handelns, 2 t. (1981)
  • Morale et communication : conscience morale et activité communicationnelle, titre original : Moralbewusstsein und Kommunikatives Handeln (1983)
  • Le discours philosophique de la modernité, titre original: Der philosophische Diskurs der Moderne (1988)
  • La pensée postmétaphysique : essais philosophiques, titre original: Nachmetaphysisches Denken. Philosophische Aufsätze (1988)
  • Sociologie et théorie du langage
  • De l'éthique de la discussion (1992), titre original: Erläuterungen zur Diskursethik (1991)
  • Droits et démocratie : entre faits et normes, titre original: Faktizität und Geltung. Beiträge zur Diskurstheorie des Rechts und des demokratischen Rechtsstaates (1992)
  • Textes et contextes : essai de reconnaissance théorique (1994), titre original: Text und Kontexte (1991)
  • La paix perpétuelle : le bicentenaire d'une idée kantienne (1996)
  • Débat sur la justice politique (avec John Rawls, 1997)
  • Die postnationale Konstellation. Politische Essays (1998)
  • Vérité et Justification, titre original: Warheit und Rechtfertigung. Philosophische Aufsätze (1999)
  • L'avenir de la nature humaine. Vers un eugénisme libéral?, titre original : Die Zukunft der menschlichen Natur. Auf dem Weg zu einer liberalen Eugenik? (2001)

[modifier] Distinctions

[modifier] Voir aussi

commons:Accueil

Wikimedia Commons propose des documents multimédia libres sur Jürgen Habermas.


[modifier] Notes et références

  1. Habermas, Jürgen. 1985. Die neue Unübersichtlichkeit. Kleine Politische Schriften V, p. 202 : « die Versöhnung der mit sich selber zerfallenden Moderne ».
  2. Habermas, Jürgen. 1984. Vorstudien und Ergänzungen zur Theorie des kommunikativen Handelns, p. 505 f : « die universalistischen Fragestellungen der Transzendentalphilosophie, bei gleichzeitiger Detranszendentalisierung des Vorgehens und der Beweisziele, aufzunehmen ».
  3. Habermas, Jürgen. 2005. Zwischen Naturalismus und Religion. Philosophische Aufsätze, p 17 ff : « geprägt durch eine bürgerliche Anpassung an eine politische Umgebung, mit der man sich nicht voll identifizierte, die man aber auch nicht ernsthaft kritisierte ».
  4. Fest, Joachim. 2006. Ich nicht : « dem Regime in allen Fasern seiner Existenz verbundenen HJ-Führer ».
  5. Süddeutsche Zeitung: NS-Vorwürfe gegen Habermas – Verleumdung wider besseres Wissen, 27 octobre 2006.
  6. Habermas, Jürgen. 1954. Das Absolute und die Geschichte. Von der Zwiespältigkeit in Schellings Denken (Diss.), p. 86.
  7. Emmanuel Kant, Critique de la raison pratique, théorème III, GF Flammarion, 2003, p.120