Histoire de la Suisse

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L'histoire de la Suisse commence officiellement avec Jules César et ses Commentaires sur la Guerre des Gaules bien que des traces d'occupations remontant à la préhistoire aient été mises à jour. Après les invasions barbares qui fixent les frontières linguistiques du pays, des alliances se tissent au Haut Moyen Âge entre petits États et forment la Confédération des III cantons puis des VIII cantons et des XIII cantons. Finalement, la confédération acquiert son indépendance en 1648. Découpée et réorganisée durant son occupation par la France, la Suisse passe à vingt-deux cantons avant de regagner son indépendance en 1815 puis se déchire dans une guerre civile et religieuse d'où émerge un nouvel État fédéral en 1848. Tenante d'une politique de neutralité, la Suisse traverse les épreuves du XXe siècle sans connaître la guerre.

Sommaire

[modifier] Suisse préhistorique et celtique

Carte de la répartition des peuplades celtes
Carte de la répartition des peuplades celtes

Alors que les premières traces d'occupation du sol de la Suisse remontent au Moustérien (-100 000) et que plusieurs pièces archéologiques du Magdalénien, de l'Azilien, du Sauveterrien et du Tardenoisien ont été mises à jour, les principaux vestiges datent du Néolithique et de l'introduction de l'agriculture au VIe millénaire av. J.-C. La période du Néolithique moyen à l'Âge du Bronze est caractérisée par les habitats lacustres et les villages littoraux dont en particulier la civilisation campaniforme qui s'implante notamment au bord du lac de Neuchâtel et dans la baie de Zurich où les plus anciennes roues d'Europe, datant de 2500 av. J.-C., ont été découvertes[1]. Ces villages, dont certains peuvent alors compter jusqu'à une centaine d'habitants, seront abandonnés à la fin du IXe siècle av. J.-C. avec la civilisation de Hallstatt. Cependant, certains noms de lieux actuels tels que Nyon ou Yverdon sont d'origine celte.

Car, dès le début de l'Âge du fer, les Celtes occupent le territoire, apportant avec eux le travail du fer ainsi que les arts de la poterie et des bijoux. La seconde partie de l'Âge du fer est d'ailleurs été appelée « période de La Tène » du nom du site éponyme situé dans l'actuel canton de Neuchâtel et découvert en 1857. À la veille de la guerre des Gaules, différentes populations celtiques habitent le territoire de la Suisse actuelle : si le Plateau suisse est principalement occupé par les Helvètes, une partie du Jura et la région de Bâle sont aux mains des Rauraques, les Rhètes occupent une partie de la Suisse orientale et des Grisons, le Tessin est peuplé de Lépontiens alors que le Valais actuel est partagé entre les Nantuates, les Véragres, les Sédunes et les Ubères et que Genève est un oppidum des Allobroges [2].

Dans ses Commentaires sur la Guerre des Gaules, Jules César décrit quatre tribus d'Helvètes et douze villes dont l'une est située dans l'une des boucles de l'Aar, tout comme l'est aujourd'hui la ville de Berne. Originellement nomades, les tribus se sont progressivement sédentarisées bien que deux d'entre-elles se joignent aux Cimbres dans leur expédition en 107 av. J.-C. dans le sud-ouest de la France actuelle. Quelques années plus tard, après une défaite cinglante contre les Romains, les tribus rejoignent leur villes de base.

[modifier] Suisse gallo-romaine

Icône de détail Article détaillé : Suisse gallo-romaine.

Vers la fin du Ier siècle av. J.-C., les Helvètes décident d'émigrer vers le pays des Saintonges, une tribu gauloise alliée qui se situe dans l'ouest de la France actuelle. Les raisons de cette décision ne sont pas connues avec certitude. Si certaines sources invoquent la crainte d'être isolés des autres Celtes à cause de l'avancement de peuplades germaniques venant du nord[réf. nécessaire], d'autres invoquent le manque de place et l'ambition d'un chef de guerre[3]. Quelle qu'en soit la raison, ces derniers brûlent leurs villes et leurs villages et plus de 300 000 Helvètes prennent la route[4]. Jules César, alors proconsul de la Gaule narbonnaise, les repousse lors de la bataille de Bibracte (58 av. J.-C.) et les contraint à retourner chez eux où ils doivent défendre la frontière du Rhin contre les invasions des Germains.

En 52 av. J.-C., les Helvètes font partie du soulèvement mené par Vercingétorix puis sont progressivement intégrés dans le jeune empire romain par la fondation d'une colonie de vétérans à Nyon puis, sous le règne d'Auguste, de celle d'Augusta Raurica près de Bâle, le territoire helvète appartenant dès lors à la Gaule belgique. Seules les tribus valaisannes et les Rhètes restent indépendants jusqu'à leur conquête par Tibère et Claude vers 7 av. J.-C. où ils sont réunis pour dans la province de Rhétie dont la capitale est Augsbourg.

Carte du territoire helvète sous domination romaine
Carte du territoire helvète sous domination romaine

Au Ier siècle, la bordure nord du Rhin est une zone frontalière stratégiquement importante de l'empire romain : elle est occupée militairement et garnie de camps militaires permanents comme à Augusta Raurica. Le réseau routier est consolidé, des villes nouvelles comme le Forum Claudii Vallensium (actuelle Martigny) sont créées alors que les anciennes élites celtes se romanisent. L'ancien oppidum principal des Helvètes, Aventicum (actuelle Avenches), élevée au rang de colonie en 73, devient progressivement la principale ville de la région[5]. Vers 47, le Valais est transformé en une province autonome, le Vallis poenina, et le territoire des Helvètes est rattaché en 89 à la province de Germanie supérieure dont la capitale est l'actuelle Mayence.

Entre le IIe siècle et le IIIe siècle, la Pax Romana règne sur l'empire, les frontières ayant reculé vers le nord et la Suisse n'étant donc plus une zone frontalière. Alors que le latin est parlé en Suisse, le territoire connaît une période de prospérité économique. Venant d'Italie est suivant les voies de communication, le christianisme se répand progressivement sur le territoire avec l'apparition des premières églises à Genève et Martigny et des évêchés de Bâle, Martigny, Genève et Coire entre 350 et 400. Des missionnaires fondent plusieurs communautés religieuses, en particulier à Saint-Ursanne et à Romainmôtier, alors que le moine Gall s'établit au sud du lac de Constance où se dressera un siècle plus tard l'abbaye qui porte son nom.

Cependant, vers la fin du IIIe siècle, des incursions barbares des Alamans ou Alémans en Germanie puis en territoire suisse, notamment en 260 où de nombreuses villes sont pillées, ramènent progressivement la frontière sur le Rhin, le long duquel les empereurs romains du IVe siècle font construire des lignes défensives (forteresses et tours de guet). Progressivement, dès 401, la population inquiète migre vers le sud en abandonnant les villes de Nyon puis d'Augsta Raurica, pour cette dernière en faveur de Bâle, en même temps que les troupes romaines quittent le Rhin pour gagner le sud des Alpes, abandonnant ainsi définitivement le territoire de la Suisse aux peuples germaniques dits « fédérés », respectivement les Burgondes puis les Alamans.

[modifier] Suisse au Haut Moyen Âge

Icône de détail Article détaillé : Suisse au Haut Moyen Âge.

Vers 443, les Burgondes s'établissent à l'ouest du pays dans une région appelée Sapaudie (« pays des sapins »), qui correspond à la Savoie actuelle, et font de Genève l'une de leurs capitales. Ils s'assimilent à la population gallo-romaine tout en préservant la langue latine puis transforment progressivement leur territoire en royaume — peu après qu'Odoacre ait déposé en 476 le dernier empereur romain Romulus Augustule — en l'agrandissent considérablement dans la vallée du Rhône (Lyon), le Valais et les cols alpins[6].

À partir de 260, les Alamans s'établissent progressivement dans le centre et l'est du futur pays à la recherche de terres cultivables et y imposent leurs dialectes alémaniques. La frontière entre les deux peuplades se fixe entre le VIIIe siècle et le IXe siècle. Les Alpes orientales sont quant à elles peu touchées par les invasions et on y parle encore aujourd'hui un dialecte latin, le romanche parfois appelé « rhéto-roman ». Le Tessin, partie sud de la Suisse, faisant partie de la Gaule cisalpine reste dans le giron de la péninsule italienne.

Royaume des Burgondes au IVe et Ve siècles.
Royaume des Burgondes au IVe et Ve siècles.

En 534, le roi burgonde Sigismond est vaincu par les Francs qui annexent son royaume en y favorisant l'installation des Alamans qu'ils avaient vaincus auparavant. Les mêmes Francs conquiert la Rhétie en 550, terminant ainsi leur prise de contrôle de l'ensemble du territoire helvète. La Suisse fait naturellement partie de l'empire de Charlemagne avant de revenir au Royaume de Bourgogne, à la dislocation de la Lotharingie, puis de se retrouver morcelée entre les duchés de Bourgogne à l'ouest et de Souabe ou d'Alémanie à l'est. La féodalité se met en place à la fin du IXe siècle lorsque plusieurs grandes familles essaient d'asseoir leur autorité sur différentes parties du territoire : les comtes de Savoie sur Vaud, Genève (dont ils évincent les comtes de Genève) et le Valais, les comtes de Gruyère sur l'arrière-pays fribourgeois, les Zähringen qui fondent de nombreuses villes dont Fribourg et Berne, les Kybourg qui s'installent sur le plateau, les Hohenstaufen et les Habsbourg dans la région zurichoise et jusqu'au col du Saint-Gothard.

L'omniprésence et la mainmise des Habsbourg doublée par leur volonté d'étendre leur domination et de s'emparer des richesses des petits duchés et comtés suisses inquiètent la petite noblesse locale qui n'est pas de taille à s'opposer à leur puissance et n'a d'autre choix que de servir ces « étrangers » pour vivre. De leur côté, les paysans pauvres supportent de plus en plus mal les lourdes redevances qu'ils doivent acquitter pour le seul profit d'une aristocratie étrangère qui leur impose des lois au mépris des anciennes coutumes. Les Waldstätten des hautes vallées du lac des Quatre-Cantons ont bien essayé, en 1240, de s'opposer par la révolte à cette menace mais ils échouent et sont durement réprimés de même que les villes de Berne et surtout Zurich qui se voit presque ruinée.

[modifier] Confédération des III cantons

Icône de détail Article détaillé : Confédération des III cantons.
Allégorie du serment du Grütli par Jean Renggli
Allégorie du serment du Grütli par Jean Renggli
Représentation de la bataille de Morgarten (15 novembre 1315)
Représentation de la bataille de Morgarten (15 novembre 1315)

Membres de la Confédération des III cantons

Charte fédérale de 1291
Charte fédérale de 1291

L'aménagement du col du Saint-Gothard avec l'aide des Walsers récemment immigrés et experts en construction de bisses, au début du XIIIe siècle a des conséquences importantes : le col du Grand-Saint-Bernard en Valais perd de son importance dans le trafic international, entraînant une crise économique de deux siècles dans la vallée du Haut-Rhône. En récompense pour ce travail, Uri obtient pour « services rendus à l'empereur » l'immédiateté impériale qui l'affranchit de la dépendance des Habsbourg tout en s'enrichissant par les péages et la vente des services (guides et auberges), ce qui attise évidemment les convoitises des Habsbourg.

En avril 1291, Rodolphe de Habsbourg, premier membre de la famille à devenir empereur, rachète les droits sur Lucerne, à l'extrémité du lac des Quatre-Cantons, dans le but de rétablir l'autorité de sa famille dans la région. Après sa mort survenue le 15 juillet 1291 et en prévision d'éventuels troubles de succession, les hommes libres des vallées d'Uri, de Schwytz et de Nidwald[8],[9] renouvellent au début du mois d'août (date précise inconnue) un pacte d'alliance juridique et défensive éternelle.

Longtemps oublié, ce pacte ne fut redécouvert qu'au XVIIIe siècle et publié dans sa version latine originale en 1760 par Johann Heinrich Gleser. Il ne sera choisi comme pacte fédéral qu'à la fin du XIXe siècle sur l'initiative du Conseil fédéral et fêté pour la première fois à l'occasion de son sixième centenaire en 1891. C'est également à cette époque que la date du 1er août est choisie comme fête nationale suisse. Auparavant, la fondation de la Confédération était placée au 8 novembre 1307, date du légendaire serment du Grütli selon Gilg Tschudi[10]. C'est également de la même époque que date la légende de Guillaume Tell.

La situation va se détériorer entre les Waldstätten et les Habsbourg durant l'interrègne qui suit le décès d'Henri VII de Luxembourg en 1313. En réponse à l'attaque de Schwytz contre le couvent d'Einsiedeln survenue le 6 janvier 1314, le marché de Lucerne est interdit aux Waldstätten qui prennent fait et cause pour Louis de Bavière contre le Habsbourg Frédéric le Bel après la double élection du Wittelsbach (25 novembre 1314).

En 1315, le duc d'Autriche Léopold, frère cadet de Frédéric, lance une double attaque contre 1 500 montagnards qui prennent d'assaut la première colonne composée de 3 000 à 5 000 soldats lors de la bataille de Morgarten[11], le 15 novembre, où les Autrichiens subissent une véritable déroute. La deuxième colonne, qui se dirigeait vers Unterwald, se retire alors sans combattre.

Suite à cette victoire, les confédérés renouvellent leur alliance lors du pacte de Brunnen du 9 décembre 1315. Rédigé en allemand, ce texte est le premier dans lequel le terme de « confédérés » (Eidgenossen en allemand soit littéralement « compagnons liés par un serment ») est utilisé. Il détaille également l'interdiction faite aux signataires de se lier avec des puissances étrangères. Cette dernière clause ne sera abrogée qu'à la fondation de la République helvétique en 1798[12].

[modifier] Confédération des VIII cantons

Icône de détail Article détaillé : Confédération des VIII cantons.

Nouveaux membres de la Confédération des VIII cantons

Dans l'imagerie populaire, le cercle originel des trois membres fondateurs s'étend progressivement pour accueillir de nouveaux membres. Dans la réalité, les trois entités vont conclure, soit globalement soit individuellement, un véritable réseau d'alliances défensives en l'espace de quarante ans[13] tout d'abord avec Lucerne en 1332 et Zurich en 1351[14].

Carte de la Suisse avant la bataille de Sempach
Carte de la Suisse avant la bataille de Sempach

La ville de Zoug puis la vallée de Glaris concluent à leur tour une alliance en 1352, bien que cette dernière n'ait pas un statut d'égalité avec les autres membres. Toutefois, quelques semaines après avoir signé ces accords, les confédérés doivent rendre ces deux territoires aux Habsbourg. Ils ne les récupèrent finalement qu'en 1365 pour Zoug et 1388 pour Glaris. En 1353, c'est au tour de Berne de signer une alliance qui a également pour but d'empêcher tout revendication obwaldienne sur l'Oberland bernois, arrière-pays rural et sujet de la ville.

Alors que les huit petits États, reliés par ce réseau d'alliances, sont groupés sous le nom générique de « Confédération des VIII cantons », c'est en 1359 qu'apparaissent pour la première fois les deux bandes croisées blanches sur fond rouge comme signe de reconnaissance sur les champs de bataille. Bien plus tard, en 1815, la croix blanche à branches égales sur fond rouge sera défini comme les armoiries officielles du pays. En 1370, un nouveau pacte, appelé Pfaffenbrief (« Charte des prêtres » en allemand), est signé entre tous les cantons contrôlant le passage du Gothard, à savoir tous les cantons à l'exception de Glaris et Berne. Ce document unifie le droit existant et rend chaque homme, noble ou roturier, laïc ou religieux, égal devant la justice qui est rendue par des juges locaux[15].

Convenant de Sempach d'après une illustration de 1550
Convenant de Sempach d'après une illustration de 1550

Les Habsbourg ne renoncent toutefois pas à leurs prétentions. Par deux fois, ils tentent de vaincre les cantons mais échouent : la première fois en 1386, lors de la bataille de Sempach, la seconde en 1388, lors de la bataille de Näfels. Dans les deux cas, des montagnards inférieurs en nombre battent des soldats expérimentés, gagnant ainsi une réputation de guerriers intrépides mais également peu respectueux des coutumes guerrières[16]. Cette double victoire consolide l'alliance des huit communautés qui signent en 1393 la première charte commune aux huit cantons, appelé le convenant de Sempach, qui définit des règles militaires de comportement pendant et après les combats ainsi que la manière d'engager un conflit, qui ne peut l'être qu'après une délibération commune.

Les cantons suisses ont alors plus ou moins assuré leur indépendance vis-à-vis des seigneurs locaux, tout en restant des sujets du Saint-Empire romain germanique. Le XVe siècle voit une phase d'expansion des confédérés qui conquirent les territoires avoisinants et conclurent des alliances avec de nombreuses régions des alentours (Appenzell, le Valais et Saint-Gall). En 1415, les confédérés planifient et exécutent en commun, aux dépens des Habsbourg et avec la bénédiction de l'empereur, la conquête de l'Argovie dont une partie est gérée sous la forme d'un baillage commun. L'envie d'expansion ne va pas sans heurts : à la mort du comte Frédéric VII de Toggenbourg ne laissant aucun successeur, les confédérés, particulièrement Schwytz et Zurich, vont s'entre-déchirer pour se répartir le Toggenbourg pendant l'ancienne guerre de Zurich qui dure de 1436 à 1450 et voit la victoire des Schwytzois. Enfin, la Thurgovie est conquise en 1460 et également transformée en baillage commun.

Inquiets de la puissance croissante de leurs voisins occidentaux, les États bourguignons, les confédérés, Berne en tête, s'allient au roi Louis XI de France et déclarent, en 1474, la guerre à Charles le Téméraire. Vaincus successivement lors des batailles de Grandson et de Morat, les Suisses prennent leur revanche lors de la bataille de Nancy en 1477 qui met fin à la guerre. À la grande déception de Berne, seuls la région d'Aigle lui est attribuée après la guerre et seulement en tant que bailliage commun avec Fribourg qui rejoint peu de temps après la Confédération en compagnie de Soleure dans ce qui va devenir la Confédération des XIII cantons.

[modifier] Confédération des XIII cantons

Icône de détail Article détaillé : Confédération des XIII cantons.

Nouveaux membres de la Confédération des XIII cantons

À la fin de la guerre de Bourgogne, deux nouveaux cantons frappent à la porte de la Confédération : Fribourg et Soleure. Cependant, les cantons sont divisés sur ces demandes d'adhésion et la guerre civile menace entre les cantons campagnards qui craignent de perdre leur majorité et les cantons urbains. C'est finalement Nicolas de Flue, un ermite, qui propose en 1481 un compromis acceptable : le convenant de Stans. Fribourg et Soleure sont donc admis dans la Confédération.

Carte de la guerre de Souabe
Carte de la guerre de Souabe

Suite à la défaite des Bourguignons, l'empereur Maximilien réorganise le Saint-Empire romain germanique en instaurant en particulier un tribunal impérial et un nouvel impôt, le centime impérial, en 1495. Les confédérés refusent de s'y soumettre et vont vaincre les troupes impériales ainsi qu'une coalition de villes du sud de l'actuelle Allemagne lors de la guerre de Souabe s'étendant de décembre 1498 à septembre 1499. Le traité de Bâle du 22 septembre 1499[19] marque l'indépendance de facto des cantons suisses vis-à-vis de l'empire qui renonce à ses droits. Il faudra toutefois attendre 1648 et les traités de Westphalie pour que cette indépendance soit reconnue de jure. Les villes de Bâle et Schaffhouse, déjà alliées, deviennent des cantons en 1501 et sont suivies par Appenzell en 1513. La Confédération des XIII cantons est née et va durer jusqu'en 1798.

Les confédérés sont alors entrainés dans la tourmente des guerres d'Italie : tour à tour alliés et ennemis des Français, ils assujettissent une partie du Tessin avant de connaître la défaite contre les Français lors de la bataille de Marignan en 1515. Ils doivent alors signer la « paix perpétuelle » avec la France qui obtient le droit de recruter à volonté des mercenaires suisses contre le Tessin et une partie de la Valteline. Ce traité marque également la fin de la politique d'expansion des confédérés qui ne participeront plus aux grandes batailles du continent qu'en tant que mercenaires.

Portait du réformateur Zwingli
Portait du réformateur Zwingli

Le XVIe siècle voit la Réforme protestante apparaître à Zurich suite à la prédication et à l'influence d'Ulrich Zwingli. Elle gagne bientôt une grande partie de la Confédération qui va se déchirer lors de quatre guerres de religions : les première (dont l'épisode de la soupe au lait deviendra célèbre) et deuxième guerres de Kappel qui voient, en 1531, la défaite des protestants et la mort de Zwingli, sont suivies par les deux guerres de Villmergen en 1656 et 1712. La Diète fédérale se retrouve alors divisée entre sept cantons catholiques, deux mixtes et quatre réformés, moins nombreux mais plus peuplés. Cette division va encore s'accentuer avec la Contre-Réforme menée en particulier par les jésuites qui provoque notamment, la division en 1597 du canton d'Appenzell en deux demi-cantons : Appenzell Rhodes-Extérieures protestant et Appenzell Rhodes-Intérieures catholique.

1597 : Division du canton d'Appenzell

Portait du réformateur Calvin
Portait du réformateur Calvin

Stoppée progressivement par la Contre-Réforme dans la partie alémanique du pays, la Réforme se propage en revanche à l'ouest, en particulier sous l'action du Français Guillaume Farel qui prêche et convertit la plus grande partie du pays de Vaud, de Neuchâtel et de Genève avant de l'emporter à Lausanne dans un débat public (connu par la suite sous le nom de « Dispute de Lausanne ») avec l'aide de Jean Calvin et Pierre Viret contre les catholiques. En 1533, l'évêque de Genève s'enfuit et la ville devient une république libre puis, en 1541, une théocratie sous l'influence radicale de Calvin qui transforme la cité en « Rome protestante »[20].

Entre-temps, le duché de Savoie qui échoue en 1536 à s'emparer de Genève, est chassé du pays de Vaud par les Bernois, les Fribourgeois et les Valaisans. Toutefois, certains des territoires conquis à cette occasion, tels que le Chablais français et la rive sud du lac Léman sont rendus par la suite, fixant ainsi les frontières du pays telles que nous les connaissons aujourd'hui.

Pendant la guerre de Trente Ans, la Suisse reste neutre mais doit se défendre en mobilisant 36 000 hommes à ses frontières[21], créant ainsi le concept de « neutralité armée » avant que l'indépendance et la neutralité de la Suisse ne soient finalement reconnus lors des traités de Westphalie qui mettent un terme au conflit européen en 1648.

Le XVIIIe siècle marque une période de prospérité scientifique et économique avec l'évolution de l'agriculture et l'apport des huguenots français. C'est de cette période que date le concept de nation suisse, développé avec la création de chaires d'histoire nationale dans les universités du pays, qui gomme les différences confessionnelles, politiques, économiques et sociales pour faire place à une Suisse « unie et paisible »[22] alors que l'arrivée de voyageurs étrangers marque les débuts du tourisme en Suisse. Cependant, durant cette période, plusieurs soulèvements se produisent qu'ils soient le fait de paysans comme à Berne en 1653 et Lucerne, de pays sujets comme la « conjuration Henzi » contre le patriciat bernois en 1749, le « soulèvement Livin » contre Uri en 1755 ou le « soulèvement Chenaux » en 1781 contre Fribourg, ou de « libérateurs » comme dans la Léventine ou dans le pays de Vaud avec le major Abraham Davel en 1755[23]. Ces soulèvements ne sont toutefois que ponctuels, afin d'obtenir ou de maintenir des droits particuliers, et n'ont pas, à l'exception de la tentative de Davel, de caractère révolutionnaire.

[modifier] Suisse sous occupation française

Icône de détail Article détaillé : République helvétique.
Représentation de la prise des Tuileries par Jean Duplessi-Bertaux
Représentation de la prise des Tuileries par Jean Duplessi-Bertaux

La première réaction en Suisse suite aux évènements de la Révolution française est vive après l'annonce du massacre de près de 5 000 gardes suisses aux Palais des Tuileries à partir du 10 août 1792. Cette même année, des troupes bernoises et zurichoises sont envoyées à Genève pour empêcher une invasion française sur ce territoire allié. Cependant, quelques semaines plus tard, la cité lémanique passe aux mains des révolutionnaires. Toujours en 1792, la France envahit l'évêché de Bâle qui devient brièvement indépendant sous le nom de République rauracienne avant d'être rattaché à la France sous le nom de département du Mont-Terrible, comprenant les districts actuels de Porrentruy et Delémont, le 23 mars 1793.

En 1795, un soulèvement vaudois contre Berne est lancé par Frédéric-César de La Harpe qui doit se réfugier à Paris faute d'avoir été suivi. De son exil, il pousse le gouvernement français à envoyer des troupes en Suisse romande. C'est finalement en 1798 que, prenant comme prétexte la mort de deux soldats en mission à Thierrens, les troupes françaises envahissent le pays. La résistance est faible excepté à Berne et en Suisse centrale où Nidwald livre seul un combat désespéré contre les Français[24], les envahisseurs étant relativement bien accueillis. Les deux victoires françaises du Grauholz et de Fraubrunnen entraînent la capitulation de Berne à l'automne 1798. Après la proclamation éphémère de quelques quarante républiques en quelques semaines, c'est finalement Paris qui met en place le nouveau régime de la République helvétique.

Carte de la République helvétique
Carte de la République helvétique

Cette « République helvétique une et indivisible » selon son nom officiel[25] est un État centralisé et unitaire gouverné par un directoire qui nomme les gouverneurs des cantons devenus de simples divisions administratives et dont les frontières sont largement redessinées[26]. Outre les conflits européens, illustrés par les batailles de Zurich en 1799, qui se déroulent en partie sur le sol suisse, les conflits entre centralisateurs et fédéralistes sont incessants jusqu'à l'été 1802 lorsque les troupes françaises se retirent du territoire et que se déclenche la Stecklikrieg (« Guerre des bâtons » en allemand), une révolte fédéraliste contre la République helvétique dont le gouvernement doit se réfugier à Lausanne.

Le 30 septembre 1802, Napoléon Bonaparte intervint et, après avoir convoqué à Paris une délégation helvétique formée de 63 représentants suisses et de quatre sénateurs français[27], impose l'Acte de médiation proclamé le 19 février 1803 qui définit une nouvelle constitution pour le pays[28]. Cet acte permet de calmer les tensions internes, en particulier grâce au rétablissement des frontières traditionnelles pour la majorité des cantons, à l'exception notable du canton de Berne qui se voit définitivement amputé des nouveaux cantons de Vaud et d'Argovie. Les cantons de Saint-Gall, Thurgovie, du Tessin et des Grisons sont également créés par la réunions de baillages communs. Afin de garantir le contrôle des cols alpins, le Valais quitte la Suisse et devient indépendant mais sera annexé par l'Empire français en 1810 tout comme Genève qui devient le chef-lieu du département du Léman et Neuchâtel transformé en principauté offerte au maréchal Berthier qui ne s'y rendra jamais.


Nouveaux cantons créés par l'Acte de médiation

Les 19 cantons restants redeviennent des entités indépendantes, chacun disposant de sa constitution et de ses péages. Le pouvoir central, exercé par la Diète fédérale, est dirigée par le Landammann de la Suisse, unique occurrence historique où le pays est dirigé par une seule personne[29]. La Diète a le contrôle de l'armée suisse ainsi que du franc qui devient la seule monnaie officielle du pays. Toutefois, entre 1803 et 1813, la Suisse est un protectorat français sans grand pouvoir décisionnel qui se trouve en réalité à Paris. Mais le pays connaît alors une période de stabilité et de paix bien que son industrie soit durement touchée par les effets du blocus continental et que le pays dusse fournir quatre régiments à la Grande Armée, soit un total théorique de 16 000 hommes[30].

[modifier] Confédération des XXII cantons

Icône de détail Article détaillé : Confédération des XXII cantons.
Répartition confessionnelle au début du XIXe siècle
Répartition confessionnelle au début du XIXe siècle

Trois nouveaux cantons de 1815

À partir de 1813, les armées étrangères, à la poursuite des armées françaises, traversent à plusieurs reprises le pays en se nourrissant sur place, ce qui entraîne des problèmes de famine parmi la population sans que ni la Diète ni l'armée ne puisse s'interposer, si ce n'est par l'incursion durant quelques mois de 24 000 hommes dans le pays de Gex, ce qui marque le dernier engagement des troupes suisses à l'étranger[31]. Les Français partis, plusieurs cantons, partiellement appuyés par les puissances européennes, s'empressent de restaurer l'Ancien Régime alors que l'existence des nouveaux cantons, en particulier l'Argovie que Berne veut récupérer, est menacée.

Signature du Congrès de Vienne de 1815
Signature du Congrès de Vienne de 1815

Dans ce contexte, un nouveau pacte fédéral est finalement signé entre tous les cantons le 7 août 1815, établissant la Confédération suisse constituée de cantons indépendants liés entre eux par un seul traité commun et non plus par un réseau d'alliances hétérogènes[32]. Au Congrès de Vienne, les puissances européennes reconnaissent la neutralité perpétuelle du pays le 20 mai 1815[33] et lui attribuent trois nouveaux cantons, le Valais, Genève — auquel la France et le royaume de Sardaigne attribuent quelques territoires afin de lui assurer une continuité territoriale — et Neuchâtel qui demeure néanmoins une principauté prussienne, fondant ainsi la Confédération des XXII cantons.

Le traité de Paris de 1815 attribue également la partie jurassienne de l'évêché de Bâle et la région de Bienne au canton de Berne, en compensation de la perte de l'Argovie et du pays de Vaud. Les bailliages de Valpelline et Bormio, perdus par les ligues grises en 1798, le sont définitivement en raison du refus de ces trois ligues d'accorder l'égalité à leurs anciens sujets. La frontière de la Suisse ne subira dès lors plus de changements majeurs.


1833 : Division du canton de Bâle

Suite à la révolution française de 1830 et aux idées égalitaires propagées par celle-ci, une moitié des cantons démocratisent progressivement leurs constitutions en généralisant le droit de vote. En 1832, une guerre civile éclate entre la ville de Bâle et sa campagne obligeant l'armée à intervenir et provoquant la séparation du canton en deux demi-cantons respectivement de Bâle-Ville et Bâle-Campagne. La même année, une révision du pacte fédéral, introduisant plus de libertés individuelles, est refusé.

Carte de la guerre du Sonderbund
Carte de la guerre du Sonderbund

Dans les années suivantes, le Parti radical-démocratique connait une forte croissance dans plusieurs cantons urbains et protestants. Ses membres, partisans d'un système plus centralisé, deviennent progressivement majoritaires au parlement où ils adoptent plusieurs mesures anti-catholiques et anticonstitutionnelles[34] telles que la fermeture des couvents argoviens en 1841. En 1845, le canton de Lucerne catholique rappelle les jésuites sur son territoire et leur confie l'enseignement supérieur, ce qui scandalise les radicaux qui ne manquent que de quelques voix à faire voter l'expulsion des jésuites. Se sentant menacés, les sept cantons catholiques de Lucerne, d'Uri, de Schwytz, d'Unterwald, du Valais, de Fribourg et de Glaris concluent une alliance secrète en 1845, appelée le Sonderbund (littéralement « Alliance particulière » en allemand) qui apparaît au grand jour lorsqu'elle cherche à s'allier avec l'Autriche, acte contraire à la constitution. En 1847, le parlement ordonne la dissolution du Sonderbund et, devant le refus des sept cantons, la guerre civile éclate. Le conflit mené par le général Guillaume-Henri Dufour du côté confédéré, est bref et peu sanglant et voit la défaite des cantons catholiques suivie par la mise en place et de l'adoption d'une nouvelle constitution en 1848, qui ne sera plus remaniée de façon radicale qu'en 1874 puis en 1999.

[modifier] État fédéral

Icône de détail Article détaillé : État fédéral de 1848.
Vue du Palais fédéral en 1857
Vue du Palais fédéral en 1857

La nouvelle constitution fédérale votée le 12 septembre 1848 à la majorité de quinze cantons et demi contre six et demi[35] définit un nouvel État fédéral et centralisé qui continue toutefois de porter le nom de « confédération » où les cantons ne sont plus indépendants mais « souverains » et cèdent certains de leurs privilèges à l'État fédéral. La constitution définit également les nouvelles institutions politiques, le Conseil fédéral et l'Assemblée fédérale bicamérale qui siège à Berne, nouvelle capitale où est construit le Palais fédéral. Une union douanière et monétaire est instaurée, abolissant les douanes, les frontières et les monnaies cantonales et régionales. La loi fédérale sur la monnaie du 7 mai 1850 instaure le franc suisse qui circule dès 1852 et un système monétaire similaire à celui de la France, ce qui permet à la Suisse de faire partie de l'Union monétaire latine de sa création en 1865 à sa dissolution en 1926. En 1854, le Polytechnikum de Zurich est fondé alors que les chemins de fer privés commencent à voir le jour sur tout le Plateau suisse.

Cependant, les divisions entre les cantons centraux et catholiques et ceux protestants du plateau sont toujours vivaces. La dette de guerre que doivent payer les perdants de la guerre du Sonderbund jusqu'en 1852, le système majoritaire mis en place pour les élections fédérales qui élimine pratiquement l'opposition conservatrice et la séparation constitutionnelle de l'Église et de l'État sont autant de motifs de tension qui sont progressivement aplanis, en particulier lorsque les conservateurs catholiques obtiennent un siège au Conseil fédéral en 1891.

Portraits des fondateurs de la Croix-Rouge
Portraits des fondateurs de la Croix-Rouge

Sur le plan de la politique extérieure, la période est marquée par l'affaire de Neuchâtel entre 1856 et 1857 suivie de l'affaire de Savoie en 1860 où le Conseil fédéral envisage l'occupation du Chablais français et du Faucigny. En 1868, lors de la signature de la convention de Mannheim, la Suisse obtient son seul débouché maritime : la zone du Rhin comprise entre le dernier pont de la ville de Bâle et donc le port et son embouchure deviennent des eaux internationales. Pendant la guerre franco-allemande de 1870, la Suisse mobilise son armée commandée par le général Hans Herzog mais se cantonne dans sa neutralité, accueillant de nombreux réfugiés tels les 85 000 hommes de l'armée française de l'Est menée par le général Charles Denis Bourbaki[36] qui seront les premiers bénéficiaires de l'aide de la Croix-Rouge récemment créée par Henri Dunant.

Sur le plan intérieur, le droit de référendum facultatif et celui d'initiative populaire sont progressivement accordés aux citoyens. En 1868, le système majoritaire est abandonné au profit du système proportionnel jugé plus représentatif. Dans la même lignée, la révision de la constitution de 1874 accorde encore de nouvelles prérogatives à l'État fédéral et le Tribunal fédéral, désormais permanent, est établi à Lausanne. L'école primaire devient obligatoire de même que la tenue d'un registre d'état civil[37]. Cette révision constitutionnelle a lieu pendant le Kulturkampf allemand dont les effets se font sentir également en Suisse par quelques articles constitutionnels, appelés articles d'exception, qui restreignent les libertés de culte et d'expression, en particulier vis-à-vis du catholicisme, et amènent à la rupture des relations diplomatiques entre la Suisse et le Saint-Siège en 1874[38].

La centralisation du pouvoir se poursuit avec, en 1891, le monopole de l'émission des billets de banque confié à la Confédération qui entraîne, en 1907, la création de la Banque nationale suisse chargée de cette tâche ainsi que de toute la politique monétaire[39]. En 1898, le droit pénal et le droit civil dans leur entier deviennent la prérogative de l'État fédéral, amenant à la création d'un code civil et d'un code pénal fédéraux suivis par le code des obligations. C'est également à cette période que les premiers progrès sociaux voient le jour : la durée quotidienne du travail est limitée en 1877 à onze heures et six jours hebdomadaires puis, en 1890, la Confédération doit créer une assurance en cas d'accident ou de maladie qu'elle peut rendre obligatoire soit pour l'ensemble des habitants, soit pour une ou des catégories particulières[40].

[modifier] Suisse du XXe siècle

Icône de détail Article détaillé : La Suisse au XXe siècle.
Portrait du général Wille par Ferdinand Hodler
Portrait du général Wille par Ferdinand Hodler

Lorsqu'éclate la Première Guerre mondiale, la population est divisée entre la Suisse alémanique qui penche du côté des empires centraux et la Suisse romande qui a plus de sympathie pour les Alliés. Le Conseil fédéral reçoit les pleins-pouvoirs et l'Assemblée fédérale nomme comme général de l'armée suisse Ulrich Wille qui est loin de faire l'unanimité, étant jugé trop proche de l'Allemagne[41]. Si les troupes suisses, relativement bien préparées et ravitaillées, ne souffrent pas trop de la guerre, la population suisse doit se serrer la ceinture à tel point qu'en 1915, le Conseil fédéral octroie le monopole de la distribution des céréales à la Confédération afin d'essayer de lutter contre les prix exorbitants du marché noir. Le traité de Versailles qui marque la fin de la guerre reconnaît la neutralité perpétuelle de la Suisse en échange de l'abandon du droit, plus que théorique, obtenu en 1815 d'occuper la Savoie du nord en cas de conflit. Un plébiscite est organisé au Vorarlberg quant à son rattachement à la Confédération : les habitants l'acceptent mais finalement les Alliés rattachent finalement la région à la nouvelle République d'Autriche[42].

Les difficultés sociales engendrées par la guerre aboutissent à la grève générale de 1918 déclenchée au lendemain de l'armistice par le comité d'Olten et qui dure trois jours[43]. La grève, bien que brisée par la menace de l'intervention de l'armée, permet toutefois au Parti socialiste suisse d'obtenir gain de cause sur certaines revendications telles que la limitation du temps de travail hebdomadaire à 48 heures au début des années 1920 ou encore l'élection, dès 1919, du Conseil national au scrutin proportionnel[44]. Cette dernière mesure marque la fin de la majorité radicale qui perd, en 1919, 45 des 105 sièges qu'elle détenait au parlement. Le Conseil fédéral est également remanié avec l'attribution d'un second siège au Parti démocrate-chrétien puis, en 1929, d'un siège au Parti des paysans, artisans et bourgeois (future Union démocratique du centre). Le Parti socialiste suisse reste toutefois encore écarté de l'exécutif par la coalition au pouvoir.

Monument commémoratif de la fusillade du 9 novembre 1932
Monument commémoratif de la fusillade du 9 novembre 1932

La politique extérieure est basée sur la neutralité armée : la Suisse adhère en 1920 à la Société des Nations (SDN) dont le siège est à Genève suite à la votation du 16 mai 1920 qui présente une forte majorité dans les cantons francophones (93,2 % dans le canton de Vaud). Le retrait de l'organisation de l'Allemagne et de l'Italie dans la deuxième moitié des années 1930 compliquent la politique de neutralité de la Suisse qui choisit, au nom de la neutralité, de ne plus appliquer les sanctions économiques décidée par la SDN contre l'Italie.

La politique intérieure de l'entre-deux-guerres se polarise en deux fronts opposés, la gauche et la droite, chaque camp usant de l'arme du référendum pour bloquer les décisions qui ne lui plaisent pas, obligeant de ce fait le gouvernement fédéral à utiliser les arrêtés fédéraux urgents qui ne peuvent être contestés en votation populaire. Économiquement, la Suisse est secouée par une première crise en 1921 et en 1922 puis subit de plein fouet, avec quelques années de retard du fait de l'existence de grands chantiers, la crise mondiale de 1929. Elle doit même dévaluer le franc suisse de 30 % en 1936[45].

Le début des années 1930 est marqué par la montée des « fronts », des mouvements fascisants dont les partis bourgeois s'éloignent toutefois rapidement. Les affrontements entre l'extrême gauche et l'extrême droite culminent en 1932 où le 9 novembre, lors de la fusillade de Genève, l'armée tire sur la foule en faisant 13 tués et 65 blessés. La deuxième moitié des années 1930 connait toutefois un changement du climat politique avec l'adhésion des différents partis nationaux à l'idée commune de « défense nationale spirituelle » qui culmine avec l'exposition nationale de 1939 à Zurich, la landi. En 1937, les patrons et ouvriers signent la paix du travail qui privilégie la concertation et la négociation dans les conflits sociaux[46]. Durant cette période, le gouvernement prépare également le pays a un conflit militaire : l'Europe s'arme rapidement et le Conseil fédéral désire éviter les problèmes d'approvisionnement de la Première Guerre mondiale. De fait, lors du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale en 1939, la Suisse n'est pas prise au dépourvu : l'approvisionnement est assuré, l'armée dirigée par le général Henri Guisan occupe les frontières et le rationnement garantit la subsistance de la population[47].

Bunker de défense de la Seconde Guerre mondiale sur l'Aar
Bunker de défense de la Seconde Guerre mondiale sur l'Aar

Suite à la déroute française de mai 1940, le pays est entièrement entouré par les forces de l'Axe. Un discours ambigu du conseiller fédéral Marcel Pilet-Golaz qui semble indiquer la nécessité de traiter avec les dictatures[48] provoque des protestations. Le 25 juillet 1940, dans son rapport du Grütli, Guisan présente la stratégie du réduit national qui consiste à dégarnir les frontières et renforcer l'arrière-pays montagneux afin de permettre une guerre d'usure contre un éventuel envahisseur. Subissant des pressions des deux groupes de belligérants, la Suisse tient une position ambiguë en ouvrant par exemple ses frontières aux Juifs fuyant le régime nazi, mais de manière sporadique et non systématique[49], tout en continuant à commercer aussi bien avec les alliés qu'avec l'Axe. En politique intérieure, un socialiste est élu au Conseil fédéral pour la première fois en 1943 et suivi par un second en 1959, établissant ainsi la formule magique qui reste inchangée jusqu'en 2003.

Affiche contre le suffrage féminin
Affiche contre le suffrage féminin

Après la guerre, la Suisse continue à développer l'État social par l'introduction de l'assurance-vieillesse et survivants en 1946 puis par la mise en place du « système des trois piliers » en 1972[50]. Le suffrage féminin, existant déjà dans certains cantons, est accepté au plan fédéral en 1971 puis introduit au niveau cantonal dans les autres cantons essentiellement en 1971 et 1972. Le canton d'Appenzell Rhodes-Intérieures est obligé en 1990 par décision de justice de respecter le principe de l'égalité entre femmes et hommes tel que garanti par la Constitution fédérale. Les problèmes confessionnels du XIXe siècle sont oubliés et les articles d'exception sont pour l'essentiel abolis en 1973[51].

La fin des années 1960 est marquée par la question jurassienne réclamant la séparation des districts bernois francophones et la constitution d'un 23e canton. Finalement, une votation est organisée en 1974 : les districts francophones catholiques acceptent la création de la nouvelle entité alors que les districts protestants votent pour leur maintien dans le canton de Berne. À la suite de la votation fédérale de 1978[52], le nouveau canton du Jura, majoritairement catholique, voit le jour le 1er janvier 1979[53].


Création du canton du Jura

Sculpture du jardin du Palais des Nations à Genève
Sculpture du jardin du Palais des Nations à Genève

Sur le plan extérieur, la Suisse reste en dehors de l'ONU et de l'OTAN et prône une neutralité armée stricte. Même si elle ne s'intéresse pas à la CECA et à la CEE en formation, elle devient membre du Conseil de l'Europe en 1963 et de l'AELE en 1960, tous deux conçus comme un contrepoids à la CEE naissante[54]. Durant cette période, la Suisse est le pays le plus prospère du monde : malgré le choc pétrolier de 1973 qui voit l'instauration de quelques dimanches sans voiture, l'industrie chimique et textile ainsi que les banques se développent. Le taux de chômage reste inférieur à 3 % et la Suisse poursuit sur le plan extérieur une politique de neutralité stricte tout en proposant ses « bons offices » pour régler les différends. Ainsi la première rencontre entre Mikhaïl Gorbatchev et Ronald Reagan a lieu à Genève en 1985. Le siège européen de l'ONU dans cette même ville permet également à l'institution d'auditionner des personnes, telles Yasser Arafat, qui ne peuvent se rendre aux États-Unis.

Toutefois, la crise économique des années 1990 touche le pays : le chômage grimpe à plus de 6 %, de nombreux fleurons se restructurent, certains passent en mains étrangères. Malgré ces restructurations, l'économie helvétique présente une industrie puissante ainsi que des secteurs financiers et bancaires très développés. Dans le même temps, les relations extérieures sont marquées par la montée en puissance de l'Union démocratique du centre qui prône l'indépendance et la neutralité du pays vis-à-vis des grands groupes supranationaux. Si la Suisse entre finalement au sein de l'ONU le 10 septembre  2002, l'échec de la votation sur l'EEE en décembre 1992 marque un arrêt dans le processus d'intégration à l'Union européenne jugée par certains comme dangereuse pour la démocratie directe suisse ainsi que pour l'économie comme le secret bancaire. La voie d'accords bilatéraux est privilégiée en établissant la libre circulation des personnes avec les 25 pays européens (ainsi que les trois de l'AELE), une plus grande intégration économique et l'intégration dans le ciel unique européen.

[modifier] Résumé de l'histoire suisse

[modifier] Notes et références

  1. Grégoire Nappey et Mix & Remix, Histoire suisse, pp. 8-9
  2. Ad Genevam extremum oppidum Allobrogum quam maximis itineribus pervenit (Il [Jules César] parvint à marches forcées à Genève, le plus éloigné des bourgs allobroges) : extrait des Commentaires de Jules César
  3. Jean-Jacques Bouquet, Histoire de la Suisse, coll. « Que sais-je ? », p. 3
  4. Helvètes 2 - Du début de la guerre des Gaules à la défaite de Bibracte (58 av. J.-C.) en français, allemand et italien dans le Dictionnaire historique de la Suisse en ligne.
  5. Aventicum : 2 - Histoire d'une capitale en français, allemand et italien dans le Dictionnaire historique de la Suisse en ligne.
  6. Burgondes : 2 - De l'établissement en Sapaudia (443) à la chute de l'ancien royaume burgonde (532/534) en français, allemand et italien dans le Dictionnaire historique de la Suisse en ligne.
  7. ab Le canton d'Unterwald est formé des communautés de Nidwald, d'Obwald et de l'abbaye d'Engelberg.
  8. Pacte fédéral du 1er août 1291 sur Admin.ch "vallée inférieure d'Unterwald" signifie Nidwald
  9. Pacte fédéral du 1er août 1291 sur Cliotexte
  10. Fête nationale en français, allemand et italien dans le Dictionnaire historique de la Suisse en ligne.
  11. Grégoire Nappey, op. cit., p. 22
  12. Le pacte de Brunnen (1315) sur cliotexte (traduit en français)
  13. Jean-Jacques Bouquet, op. cit., p. 21
  14. Extension de la Confédération de 1332 à 1353 sur cliotexte (textes des traités traduits en français)
  15. Charte des prêtres Pfaffenbrief (7 octobre 1370) sur cliotexte (textes de la charte traduit en français)
  16. Grégoire Nappey, op. cit., p. 23
  17. Le canton de Bâle n'est pas encore divisés en deux sous-cantons. Le drapeau et l'abréviation utilisés ici n'ont jamais été reconnus officiellement.
  18. Le canton d'Appenzell n'est pas encore divisé en deux demi-cantons.
  19. William Martin, Histoire de la Suisse, p. 82
  20. Grégoire Nappey, op. cit., p. 32
  21. Grégoire Nappey, op. cit., p. 36
  22. François de Capitani, Nouvelle Histoire de la Suisse et des Suisses, pp. 479-480
  23. Jean-Jacques Bouquet, op. cit., p. 57
  24. Jean-Jacques Bouquet, op. cit., p. 61
  25. Grégoire Nappey, op. cit., p. 44
  26. La constitution de la République helvétique (12 avril 1798) sur cliotexte (extraits de la première constitution helvétique)
  27. Jean-Jacques Bouquet, op. cit., p. 65
  28. L'Acte de médiation (19 février 1803) sur cliotexte (plusieurs documents, dont des extraits de l'Acte de Médiation)
  29. Grégoire Nappey, op. cit., p. 45
  30. Jean-Jacques Bouquet, op. cit., p. 67
  31. Grégoire Nappey, op. cit., p. 48
  32. Le Pacte fédéral du 7 août 1815 sur cliotexte (extraits du pacte)
  33. Jean-Jacques Bouquet, op. cit., p. 71
  34. Grégoire Nappey, op. cit., p. 50
  35. Grégoire Nappey, op. cit., p. 54
  36. Franco-allemande, guerre en français, allemand et italien dans le Dictionnaire historique de la Suisse en ligne.
  37. Roland Ruffieux, op. cit., pp. 626-633
  38. Jean-Jacques Bouquet, op. cit., p. 84
  39. Roland Ruffieux, op. cit., p. 646
  40. Grégoire Nappey, op. cit., p. 63
  41. Grégoire Nappey, op. cit., p. 66
  42. Jean-Jacques Bouquet, op. cit., p. 103
  43. La Grève Générale de 1918 sur site d’histoire du Gymnase de la rue des Alpes de Bienne. Mis en ligne le 6 juillet 2006
  44. Jean-Jacques Bouquet, op. cit., p. 103
  45. Jean-Jacques Bouquet, op. cit., p. 106
  46. Grégoire Nappey, op. cit., p. 69
  47. Comment la Suisse se prépare-t-elle à affronter la Seconde Guerre mondiale ? sur site d’histoire du Gymnase de la rue des Alpes de Bienne. Mis en ligne le 4 juillet 2006
  48. « Il faut être prêt », Les bruits de l'histoire, RSR, 10 mai 1940
  49. L'honneur perdu de la Suisse Temps Présent sur tsr.ch
  50. « La théorie des trois piliers », Actualités, TSR, 29 novembre 1972
  51. Jean-Jacques Bouquet, op. cit., p. 116
  52. « Le Jura est libre ! », Un jour, une heure, TSR, 25 septembre 1978
  53. Grégoire Nappey, op. cit., p. 79
  54. Grégoire Nappey, op. cit., p. 80

[modifier] Bibliographie

  • Collectif, Nouvelle Histoire de la Suisse et des Suisses, Payot, Lausanne, 1982 (ISBN 2601030178)
  • François Schröter, Les Frontières de la Suisse : questions choisies, Bruylant, Zurich, Schulthess / Paris, LGDJ / Bruxelles, 2007
  • Grégoire Nappey et Mix & Remix, Histoire suisse, LEP, 2007 (ISBN 9782606012007)
  • Jean-Jacques Bouquet, Histoire de la Suisse, PUF, coll. « Que sais-je ? », Paris, 2005 (ISBN 2130545009)
  • (de) Edgar Bonjour, Geschichte der schweizerischen Neutralität, tome V, Helbing & Lichtenhahn, Bâle, 1970 (ASIN B0000BQ6LW)
  • Willi Gautschi, Le Général Guisan, Le commandement de l’armée suisse pendant la Seconde Guerre mondiale, Payot, Lausanne, 1991 (ISBN 978-3858235169)

[modifier] Voir aussi

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[modifier] Liens externes


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