Gurû Nanak

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Nanak – mystique indien, maître fondateur du Sikhisme et premier des Dix Gurûs du sikhisme.

Sommaire

[modifier] L'enfance de Nanak

Nanak naît en avril 1469, dans un village alors appelé Talwandî au Pendjab (aujourd'hui Nankana Sahib au Pakistan), au sein d'une famille lettrée issue de la caste des Khatrî. Le père de Nanak, Kalu, est un fonctionnaire bien établi, comptable ou percepteur des impôts du seigneur local. Kalu et son épouse Triptâ sont déjà parents de Nanakî, de quelques années plus âgée que Nanak et qui jouera un rôle protecteur important dans la vie de petit frère.

Très tôt, Nanak reçoit une éducation lettrée et apprend le Sanskrit et le Persan notamment. Enfant précoce, il est d'un naturel rêveur, au grand désespoir de son père qui doute d'arriver jamais à faire de lui son successeur au service du pouvoir local. De nombreuses anecdotes sont rapportées à ce sujet par ses hagiographes, qui décrivent également la fascination du jeune homme pour les ascètes, sannyasins, yogis et fakirs de toutes sortes, issus des divers courants mystiques hindouistes et musulmans de l'époque et qui sillonnent la région, prêchant et mendiant à l'entrée des villages. Nanak aime à passer du temps en leur compagnie, méditant et s'entretenant des diverses doctrines spirituelles. Une des sakhis (ou anecdote biographique) raconte comment Nanak se voir remettre une somme d'argent par son père qui veut lui inculquer les vertus du commerce: il est chargé d'acheter des biens en ville pour les revendre au village et en faire un petit bénéfice pour son compte personnel. Nanak rentre les mains vides et explique à son père excédé qu'il a donné tous les biens acquis en ville à un groupe de mystiques mendiants qui prêchait le renoncement, "une bonne transaction" selon lui!

[modifier] Sa jeunesse

Encore adolescent, Nanak est promis et marié à Sulakhnî, avec qui il aura deux fils, Lakhmî Dâs et Sirî Chand, futur Baba Sri Chand, maître de la puissante communauté yoguique des Udâsis (ou "détachés" de ce monde). Mais Nanak, s'il s'acquitte de ses devoirs de père de famille, n'est pas particulièrement intéressé par la vie familiale.

Pour ménager leur père irrité par le peu d'ardeur professionnelle et la mélancolie mystique de leur fils (une autre sakhi raconte comment Kalu, persuadé que son fils est atteint d'un mal étrange, fait venir le médecin, et comment de dernier quitte la maison persuadé de sa propre maladie d'être loin de Dieu), Nanaki et son époux trouvent du travail à Nanak au service du seigneur Dhaulat Khân Lodî à Sultânpur: Nanak devient intendant des greniers, charge administrative et comptable source d'enrichissement de plus d'un fonctionnaire corrompu, la majeure part de l'impôts et de la rémunération se faisant en grain.

Une sakhis décrit comment Nanak est accusé par ses détracteurs de ruiner son seigneur en distribuant du grain à tout va, aux pauvres, aux mendiants et aux ascètes. Le seigneur vient auditer ses greniers et trouve Nanak en extase, distribuant lui-même le grain et disant "Tera" toutes les treize mesures (tera signifie treize, mais aussi "à Toi": Nanak voyant Dieu en toute personne, c'est à Dieu qu'il s'adresse en distribuant le grain). Nanak ayant rompu avec la corruption de ses prédécesseurs, le grenier est prospère et le seigneur en repart favorablement impressionné.

Après quelque temps, Nanak quitte ses fonctions.

[modifier] L'expérience mystique

Depuis son enfance, Nanak a pris l'habitude de méditer seul ou avec d'autres, au bord des rivières. Un jour, il disparaît au cours d'un de ces moments.. La communauté locale le croit mort, disparu à jamais dans les eaux, et ses parents pleurent sa disparition. Il reparaît trois jours plus tard, quasi-muet, fortement impressionné. L'histoire raconte que les seules paroles qu'il parvient à prononcer forment un poème mystique d'une rare profondeur, qui deviendra le Jap Ji (de japa, répétition), texte fondamental des Sikhs. Il dit aussi qu'il a compris qu'il n'y a "ni hindous, ni musulmans".

Nanak décide alors de consacrer sa vie au partage de l'enseignement spirituel. Il confie sa femme et un de ses fils à ses parents, et son autre fils à sa sœur et se prépare à partir découvrir le monde, accompagné d'un barde, Mardana. Ce dernier, de dix ans plus âgé que Nanak qu'il fréquente depuis l'enfance, est le fils du barde attaché à sa famille, un musulman de la caste des mirasis (porteurs de nouvelles, et sortes de griots). Mardana est musicien, joueur de Rabâb (sorte de luth).

Seul ou avec Mardana, Nanak fera en tout quatre grands voyages, appelés udâsîs (ou "détachements"), notamment à ce qui correspond maintenant à l'Inde du Nord, au Népal, au Tibet, à l'Inde du Sud et au Sri Lanka. Nanak visite aussi bien les villages isolés que les grands centres de pèlerinages comme à Puri (temple de Jaganath, en Orissa) ou sur les bords du Gange, où il n'hésite pas à fustiger les pèlerins pour leur ritualisme qui les éloigne du vrai sens de leurs actions. Il prêche également l'égalité de tous: entre castes, entre religions, entre hommes et femmes.

Un des ces voyages, le plus long, emmène Nanak sur les chemins de la Mecque où il accompagne Mardana dans son pèlerinage. Ils embarquent à Multan et reviennent par la Mésopotamie, la Perse et l'Afghanistan, au moment de l'invasion de l'Inde par Babur, semble-t-il.

[modifier] Fondation d'une communauté

Au cours de ses voyages, Nanak a touché le cœur de nombreuses personnes, des riches et des puissants, des lettrés, des mystiques, des pauvres et des anonymes. Certains renoncent à tout pour suivre son enseignement. De retour d'un de ses voyages, Nanak acquiert une terre au bord d'une rivière. Il y fonda un village nommé Kartarpur ou "Ville (pur) du Créateur (kartar)" où il demeure avec la communauté de ses disciples. Le mode de vie est proche de celui de nombreuses congrégations religieuses, fondé sur une vie simple, agraire et proche de la nature. La communauté se réunit les matins avant le lever du soleil (amrit vela ou "l'heure ambosiale") et le soir après la fin des activités, pour méditer, prier et écouter les enseignements du maître. Nanak, à qui ses disciples demandent qui ils sont s'ils ne sont ni hindous, ni musulmans, leur répond: "vous êtes des disciples, vous êtes des Sikhs". Le mot sikh dérive en effet d'un terme sanskrit signifiant disciple. Nanak leur indique aussi par-là qu'ils ont désormais un maître, une parole de référence, et qu'ils ne sont plus en recherche. Nanak est leur Gurû, leur maître spirituel. Gurû Nanak demeurera à Kartarpur jusqu'à la fin de sa vie en 1539. Peu avant sa mort, il désigne un de ses disciples nommé Lehna, comme successeur au service de la communauté, et il le renomme Angad - "de ma propre chair" – comme pour affirmer la continuité de son enseignement d'un gurû à l'autre.

[modifier] Un enseignement musical

Gurû Nanak est à l'origine de la tradition musicale de Sikhs, le Shabad Kirtan. Le Verbe, ou shabad, qui supporte l'enseignement (on parle alors de Shabad Gurû) est exprimé dans sa forme la plus subtile, en musique. Ainsi, Gurû Nanak répond aux questions en composant une ode mystique rimée, accompagnée du son du rabâb. Le Raag (ou raga) est utilisé pour souligner l'expression d'une émotion particulière. Gurû Nanak s'exprime principalement au Pendjabi ancien. Cette forme d'enseignement perdurera et se développera avec les successeurs de Gurû Nanak, tous musiciens talentueux, dont certains n'hésiterons pas à créer de nouveaux raags ou encore à inventer de nouveaux instruments pour mieux exprimer le Shabad.

[modifier] Origine de son nom

Nanak est probablement prénommé ainsi en référence au nom de sa sœur, Nanaki. Nanaki est un nom féminin signifiant "de (ki) ses grands-parents maternels (nana)", indiquant ainsi que la sœur du Gurû est sans doute née au domicile des parents de Triptâ. Mais Nanak signifie également "sans (na) nez (nek)", signifiant par-là qu'il n'est pas centré sur sa personne, qu'il n'a pas d'égo.

[modifier] Les sources

Plusieurs sources permettent de retracer avec plus ou moins de précision la vie de Gurû Nanak.

La première d'entre elles est le corpus de ses propres écrits. Ceux-ci, écrits, signés et datés de sa main, utilisent volontiers les circonstances comme support à l'enseignement spirituel. Ainsi, les lieux (Gurû Nanak observe la nature et chante la Conscience Créatrice qu'il perçoit à travers Son œuvre, la création) et les évènements (l'invasion de Babur, par exemple) permettent donnent des indications précises et précieuses de ce dont il a été témoin.

D'autres sources encore sont les Janamsakhis, recueils hagiographiques postérieurs à la mort du Gurû, souvent illustrés dans un style moghol. Ces recueils content les aventures du Gurû, avec parfois un parti-pris, voire carrément des inventions. C'est ainsi que l'on voir apparaître le Gurû en compagnie de Mardana, musulman, et d'un autre disciple, "Bala", décrit comme hindou. Il s'avère que Bala est une invention, ou du moins un personnage bien postérieur, destiné à "équilibrer" l'entourage de Gurû Nanak, certains s'étant émus qu'il ait effectué ses voyages en compagnie d'un musicien né et mort musulman!

Un autre source est celle des Vaar (ou poèmes épiques) composés à la fin du XVIe siècle par Bhai Gurdas après une campagne de recherches biographiques menées à la demande de Gurû Hargobind, 6e Gurû des Sikhs.

Enfin, la culture populaire orale du Pendjab a conservé dans ses chants, ses histoires et ses noms de lieux de nombreuses traces du passage du Gurû.