Géodésie

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

La géodésie tire son nom des mots grecs γη (Terre) et δαιω (je divise). Selon la définition classique du grand géodésien allemand Friedrich Robert Helmert (18431917), elle est « la science qui mesure et représente la surface terrestre ». Bien que formulée en 1880, cette définition reste valable à ce jour, à condition d'y inclure la détermination du champ de pesanteur extérieur de la Terre et celle du fond océanique. Ainsi, il devient apparent que la géodésie compte à la fois parmi les sciences de la Terre et parmi les sciences de l'ingénieur.

Les buts de la géodésie et son importance parmi les sciences de la Terre se sont notablement élargis par l'avènement de la recherche spatiale. Ainsi, la géodésie participe actuellement à une vaste entreprise pluridisciplinaire consistant à déterminer et cartographier les surfaces d'autres corps planétaires : celle de la Lune bien sûr, mais aussi celles des autres planètes et satellites du système solaire. Lorsqu'il s'agit de la Lune, on parle parfois de sélénodésie ou encore de géodésie lunaire, dans les autres cas de géodésie planétaire. D'autre part, il est difficile actuellement d'imaginer de faire des études géodynamiques sans mettre grandement la géodésie spatiale à contribution, et les contraintes astrogéodésiques jouent un rôle majeur dans la modélisation mathématique de la structure interne de la Terre.

Dans l'acception française du terme, la géodésie comprend la géodésie globale, qui s'occupe de la détermination de la forme et des dimensions de la Terre dans son ensemble (autrement dit, de la figure de la Terre), et la géodésie régionale, dont l'un des buts principaux est l'établissement de cartes géographiques à l'échelle d'un pays ou d'une région. Les techniques mises en œuvre peuvent être purement géométriques — on parle alors de géodésie géométrique — ou elles peuvent être physiques dans le cas de la géodésie physique encore appelée géodésie dynamique. La gravimétrie, une discipline géophysique à part entière, est souvent comprise comme synonyme de la géodésie dynamique. Lorsque la géodésie est formalisée à l'extrême, elle devient géodésie mathématique. Depuis quelque temps, on parle aussi de géodésie géophysique lorsqu'on a en vue les applications, très nombreuses, de la géodésie à la géophysique et à la géodynamique. En fait, dans certains projets à l'échelle globale, les travaux des géodésiens sont devenus tellement proches de ceux des géophysiciens que l'on ne fait plus guère la différence entre un géodésien et un géophysicien.

La topométrie et la topographie, qui procèdent à des mesures géodésiques locales en vue d'applications pratiques (cadastre, travaux de chantier, notamment travaux routiers, cartes d'état-major, ... ), ne sont généralement pas comptées parmi les branches de la géodésie proprement dite, bien qu'elles enfoncent de toute évidence ses racines dans la géodésie. Helmert a tenu compte de ce fait en désignant la géodésie proprement dite par géodésie supérieure (en allemand : « höhere Geodäsie ») et la topométrie par géodésie inférieure (en allemand : « niedere Geodäsie »). Il faut évidemment se garder d'attribuer le moindre sens péjoratif au qualificatif « inférieur ». Le nom anglais de la topométrie est « surveying », en allemand on parle — en-dehors de « Topometrie » — de « Vermessungskunde », de « Vermessungswesen » ou de « Einzelvermessungswesen ».

Cet article ne fournit qu'un survol de la géodésie supérieure et la gravimétrie, et n'expose que quelques concepts de base de la géodésie géophysique et de la géodynamique globale. La topométrie et la topographie ne seront guère considérées ici. Il en va de même de la théorie mathématique et des applications pratiques de la cartographie. La géodésie est par essence une science quantitative, et se fonde donc sur les mathématiques, la physique et, plus récemment, sur l'informatique. Une bonne connaissance de ces branches du savoir humain est une condition sine qua non lorsqu'on veut acquérir une connaissance profonde de la géodésie.

Sommaire

[modifier] Le problème fondamental de la géodésie

En nous basant sur la définition de Helmert et en la complétant, nous pouvons énoncer le problème essentiel qui se pose à la géodésie de la manière suivante : déterminer la « figure », c'est-à-dire les dimensions, la forme et le champ gravifique extérieur de la Terre (et éventuellement d'autres corps planétaires) en fonction du temps ; en outre, déterminer l'« ellipsoïde moyen » terrestre ou planétaire à partir de paramètres observés sur la surface terrestre ou planétaire, ou à l'extérieur de cette surface.

Il s'agit-là d'un problème de valeurs fixées aux frontières appelé problème géodésique de valeurs aux limites (« geodetic boundary-value problem » ou, sous forme de sigle : « GBVP »). Celui-ci incorpore à la fois une formulation géométrique (pour la forme) et une formulation physique (pour le champ de gravité). En fait, ces deux aspects, géométrique et physique, sont liés de manière inextricable. Pour s'en convaincre, il suffit de se souvenir que la détermination de la forme de la Terre va nécessairement faire appel à la mesure d'angles aux moyens d'instruments (par exemple des théodolites) qu'il convient d'abord de « mettre en station », autrement dit d'utiliser la verticale comme direction de référence. Or, la verticale en un lieu est définie au moyen du champ de pesanteur, et donc du champ de gravité.

Sous le vocable « forme » ou « figure » de la Terre se cachent plusieurs acceptions possibles. Au sens le plus élémentaire, on peut comprendre par ce mot la surface topographique, qui représente la frontière matérielle entre la lithosphère (l'ensemble des masses rocheuses) et l'hydrosphère (l'ensemble des masses liquides) ou l'atmosphère (l'ensemble des masses gazeuses). Ce n'est qu'au cours de la deuxième moitié du {{|XX|e}} siècle qu'on a inclus le fond océanique dans la formulation du problème géodésique. Ce dernier constitue la frontière entre la lithosphère et les masses d'eau océaniques. L'extension du problème géodésique aux océans est traitée dans le cadre de la géodésie marine.

[modifier] Surface topographique

La surface topographique de la Terre solide est une surface très irrégulière à toutes les échelles à cause des forces de cohésion atomiques et moléculaires qui en assurent la solidité, et se prête donc mal à une description mathématique ou paramétrique, sauf si l'on s'intéresse à la représentation très lissée de grandes structures telles que les contours des continents ou les principales chaînes de montagnes. Pour cette raison on la décrit au moyen d'un ensemble de points de contrôle repérés au moyen de coordonnées dans un système bien défini.

[modifier] Géoïde

Une telle représentation discrète n'est pas ce que l'on aimerait appeler la « forme de la Terre », pour laquelle on souhaiterait plutôt posséder une représentation mathématique précise. Or, la surface des océans — qui constitue à elle seule environ 70% de la surface terrestre totale — peut se concevoir comme une surface de niveau, c'est-à-dire comme une surface équipotentielle du champ de pesanteur. En effet, le principe de formation de la surface des océans et des mers est bien plus simple que celui de la surface topographique, puisqu'il est contrôlé essentiellement par la force de pesanteur, abstraction faite de phénomènes perturbateurs tels les courants marins, les marées, la houle causée par les vents, les variations de la pression atmosphérique, etc. Ces phénomènes perturbateurs sont en première approximation de nature périodique dans le temps, les périodes pouvant être plus ou moins longues. En enregistrant le niveau de la mer en de nombreux endroits à l'aide de marégraphes pendant de longs intervalles de temps, puis en calculant aux différents endroits la moyenne des valeurs ainsi mesurées, on a pu définir le niveau moyen de la mer. Ce dernier correspond, pour l'essentiel, à une surface de niveau qui peut servir de référence à l'établissement de cartes de lignes de niveau se trouvant à autant de mètres au-dessus ou en-dessous du niveau de la mer. À l'heure actuelle, les marégraphes ont avantageusement été remplacés par des satellites géodésiques particulièrement dédiés à l'observation globale des hauteurs des eaux océaniques au cours du temps.

Par conséquent, moyennant certaines hypothèses simplificatrices, la surface océanique représente à l'équilibre une partie de surface sur laquelle le potentiel de pesanteur[1] est constant, autrement dit une (surface) équipotentielle. Par la pensée, nous pouvons prolonger celle-ci sous les continents et l'identifier alors avec la figure mathématique de la Terre, par opposition avec la figure topographique. C'est cette figure mathématique que l'ingénieur-géodésien allemand J.B. Listing a appelé en 1873 le géoïde. Bien sûr, le géoïde avait déjà servi de surface de référence avant d'être nommé. Ainsi, en 1828, C.F. Gauss se rapporte explicitement dans les termes suivants au géoïde, sans lui attribuer de nom particulier : « Ce que nous appelons surface terrestre au sens géométrique n'est rien de plus que la surface qui intersecte partout la direction de la pesanteur à angle droit, et une partie de cette surface coïncide avec la surface des océans ».

La plupart des paramètres globaux mesurés en géodésie se rapportent au champ de gravité externe. De la sorte, l'étude détaillée des propriétés de ce champ est primordiale pour une bonne compréhension de la géodésie physique. La limite spatiale concernée est celle fournie par l'emploi géodésique de satellites artificiels ou de sondes spatiales, ainsi que par la Lune, notre satellite naturel. Ce champ de gravité externe peut se concevoir comme une infinité de surfaces de niveau emboîtées les unes dans les autres, situées en totalité ou seulement partiellement à l'extérieur de la Terre limitée par sa surface topographique. L'aspect physique du problème géodésique est ainsi conditionné par la considération de la surface topographique d'une part, du géoïde d'autre part, comme surfaces-frontières du champ de gravité.

[modifier] Systèmes de référence céleste et terrestre

On introduit des systèmes de référence pour décrire le mouvement de la Terre dans l'espace (« système céleste »), ainsi que la géométrie de surface et le champ de pesanteur de la Terre (« système terrestre »). Le choix des meilleurs systèmes de référence, compte tenu des progrès spectaculaires de la métrologie actuelle, est devenu l'un des grands thèmes de discussion du moment. En fait, pour certaines applications, on est maintenant obligé de situer le problème dans le cadre de la théorie de la relativité, tant restreinte que générale, et on peut parler de géodésie relativiste, qui par essence est quadri-dimensionnelle. Toutefois, dans le cadre de cet article, nous nous bornons à exposer la géodésie classique, qui se traite dans un espace physique à trois dimensions, l'espace euclidien dénoté E3. Pour traiter des problèmes de la géodésie globale, l'emploi de coordonnées cartésiennes dans cet espace euclidien tridimensionnel convient le plus souvent. Par contre, sur une surface de référence non plane quelconque, qui constitue intrinsèquement un objet mathématique bidimensionnel, l'emploi de coordonnées curvilignes s'impose. Le choix naturel de ces dernières découle de la géométrie particulière de la surface. Ainsi, les coordonnées adaptées à une sphère sont les coordonnées sphériques, celles adaptées à un ellipsoïde sont des coordonnées ellipsoïdales, celles adaptées à un cylindre sont les coordonnées cylindriques, etc.

Système de référence fondamental figé dans la Terre {CTS)
Système de référence fondamental figé dans la Terre {CTS)

Comme système fondamental de coordonnées terrestres on introduit un système de coordonnées spatiales cartésiennes X, Y, Z ancré dans la Terre (« Earth-fixed » en anglais), et tournant avec celle-ci. Il est nommé Conventional Terrestrial System, CTS (« système terrestre conventionnel »). Il s'agit d'un système de référence relatif, pour lequel il convient de considérer les accélérations de Coriolis, d'entraînement et axifuge. L'origine O en est le centre de masse de la Terre, ou géocentre. La masse M de la Terre contient par définition la masse de l'atmosphère. L'axe OZ coïncide avec l' axe de rotation moyen de la Terre. Le plan de l'équateur moyen est perpendiculaire à cet axe OZ, et donc contenu dans le plan OXY. Par convention, le plan OXZ contient le plan méridien moyen de greenwich. Ce dernier est défini par l'axe de rotation moyen et le méridien fondamental adopté par le Bureau International de l'Heure (BIH) comme origine des longitudes. Il correspond à la longitude « moyenne » de l'Observatoire de Greenwich, dans la banlieue de Londres.[2]

L'axe OX se trouve ainsi à la fois dans le plan de l'équateur moyen et dans le plan du méridien fondamental. Il pointe du géocentre vers le point d'intersection G' de l'équateur moyen avec le méridien fondamental. Le point G' définit l'origine des coordonnées géographiques (latitude φ, longitude λ), et se trouve dans le Golfe de Guinée, à un millier de kilomètres au large de Libreville (Gabon). L'axe OY est perpendiculaire à OX de manière à ce que (OX, OY, OZ) forme un trièdre dextrorsum. OY est aussi contenu dans le plan de l'équateur moyen et pointe vers un point Y situé à 90° à l'est de G'. Celui-ci se trouve dans l'Océan Indien, à un bon millier de kilomètres à l'ouest de Sumatra (Indonésie). L'axe OZ est normal au plan de l'équateur moyen et pointe vers le pôle nord géographique N.

[modifier] Mouvement du pôle

Image:IERS-Mvt Pôle.png
Mouvement du pôle de 1994 à 1997. On a porté en graphique des valeurs brutes fournies par le Service International de la Rotation Terrestre (International Earth Rotation Service, IERS). La ligne zigzaguante en trait continu représente le mouvement du pôle moyen entre 1900 et 1996.

L'introduction de l'axe de rotation moyen s'avère nécessaire, car la rotation terrestre est variable dans le temps. Ceci est vrai tant pour l'orientation de l'axe de rotation terrestre par rapport à la figure de la Terre (mouvement du pôle) que pour la vitesse angulaire de rotation de la Terre sur elle-même (variation de la longueur du jour). Le mouvement du pôle contient plusieurs composantes, en particulier une composante annuelle ou quasi-annuelle, une composante possédant une période d'environ 430 jours (environ 14 mois), et une composante séculaire. La composante de quatorze mois est le mouvement de Chandler. Il s'agit d'un mouvement du pôle quasi-circulaire d'une amplitude comprise entre 0,’’1 et 0,’’2, qui se fait dans le sens inverse des aiguilles d'une montre lorsqu'on l'observe à partir du nord.

Ce mouvement est causé par le fait que la Terre tourne et que l'axe de plus grande inertie ne coïncide pas exactement avec l'axe instantané de rotation propre. Si la Terre était parfaitement indéformable (= rigide), on observerait une précession de l'axe de rotation par rapport à l'axe de figure avec une période de 305 jours, appelée « période d'Euler ». L'allongement de la période de Chandler par rapport à la période d'Euler est dû au fait que la Terre est en réalité déformable. Ainsi, d'après le principe de Le Châtelier, la déformation produite par une force de rappel essentiellement élastique se fait de manière à s'opposer à cette force de rappel qui perturbe l'équilibre initial, et il en résulte un allongement de la période.

Outre la composante de Chandler, il existe dans le mouvement du pôle une autre composante périodique ou quasi-périodique avec une période annuelle, possédant en général une amplitude comprise entre 0,’’05 et 0,’’1, donc nettement plus faible que celle de Chandler. Elle se fait dans le même sens que le mouvement de quatorze mois et a pour cause le déplacement saisonnier de masses d'air dans l'atmosphère ou de masses d'eau dans l'hydrosphère. Des processus météorologiques, océanologiques et hydrologiques complexes sont à la base de ces déplacements de grands volumes de matière qui se répercutent par des variations saisonnières du tenseur d'inertie I. En l'absence d'un moment de force extérieur, le moment cinétique total doit se conserver. Cela se traduit par le fait que la quantité I · Ω est constante. Ainsi, si I varie, le vecteur Ω décrivant la rotation instantanée doit varier en sens inverse.

Enfin, il existe à l'intérieur de la Terre des mouvements de matière à des échelles spatiales très grandes (mouvements de convection dans le manteau et dans le noyau, subduction des plaques tectoniques, etc.). Ces mouvements sont très lents, mais donnent lieu sur des intervalles de temps géologiques à des déplacements considérables, impliquant des variations non négligeables du tenseur d'inertie. Ces variations séculaires induisent une dérive, ou migration, du pôle (« polar wander » en anglais, « Polwanderung » en allemand). Ainsi, de 1900 à 1996, on constate une dérive d'environ 0,’’003 par an, approximativement le long du 80e méridien Ouest. En superposant ces trois composantes, le pôle instantané décrit une courbe spirale dont le point central avance lentement au cours du temps. Les déviations de la position instantanée du pôle par rapport au point central restent inférieures à 0,’’3 sur une année.

[modifier] Matérialisation du CTS, système terrestre conventionnel

Le CTS est matérialisé par un certain nombre d'observatoires distribués le mieux possible sur la surface du globe, compte tenu de diverses contraintes géographiques, politiques et financières. Ces observatoires contrôlent en permanence la rotation terrestre, de manière à pourvoir les réductions nécessaires par rapport à l'axe de rotation moyen. L'axe de rotation moyen du CTS est défini par convention internationale à l'aide d'un pôle moyen fictif, l' origine internationale conventionnelle (« Conventional International Origin », ou CIO). Ce dernier représente la moyenne des positions du pôle moyen déterminées entre 1900,0 et 1906,0 (c'est-à-dire entre le 1er janvier 1900 à zéro heure et le 31 décembre 1905 à minuit).

La position du pôle (Nord) instantané est déterminée par un service international. Jusqu'en 1988 ce service fut assuré par des observatoires astronomiques effectuant des déterminations précises de la latitude et du temps. Le mouvement du pôle était déterminé depuis 1899 par cinq observatoires dédiés, tous situés sur le 35e parallèle Nord. Ces cinq observatoires, dont celui situé en Europe se trouve à Carloforte, près de Cagliari en Sardaigne, constituaient le Service International des Latitudes (« International Latitude Service », ou ILS). En adjoignant à l'ILS le Service International du Mouvement du Pôle (« International Polar Motion Service », ou IPMS), et en considérant aussi la participation du Bureau International de l'Heure (BIH), quelque cinquante observatoires astronomiques ont finalement contribué à la détermination du mouvement du pôle et de la rotation de la Terre, autrement dit du temps astronomique. Les résultats furent publiés comme moyennes sur cinq jours avec une précision d'environ ±0,’’02 sur les coordonnées du pôle, de ±1 ms sur la longueur du jour. En particulier, le méridien moyen de Greenwich est défini au travers des longitudes géographiques des observatoires qui ont fourni leurs données au Service du Temps du BIH. Pour cette raison, on appelle souvent ce méridien conventionnel le méridien zéro du BIH (« BIH zero meridian »). Remarquons que la position du pôle Nord instantanée est fournie par des coordonnées rectangulaires (xP, yP), appelées « coordonnées du pôle ». L'origine du système de coordonnées du pôle est le CIO, et le plan xPyP est tangent à la surface de la figure conventionnelle de la Terre au CIO. L'axe des xP est dirigé le long du méridien moyen de Greenwich, et l'axe des yP est le long du méridien de 90°W.

A partir de 1967, la détermination précise de la rotation de la Terre ne fut plus l'apanage exclusif des astronomes. En effet, suite au développement rapide des techniques de la géodésie spatiale, la détermination très précise des orbites des satellites artificiels devenait possible, et ces orbites pouvaient donc servir de référence à laquelle rapporter le mouvement du pôle. C'est initialement grâce aux satellites faisant partie de l'« US Navy Navigation Satellite System » (NNSS), dont les orbites furent établies au moyen d'une méthode basée sur l'effet Doppler-Fizeau, que la mesure du mouvement du pôle devint vite routinière pour les géodésiens. La précision obtenue par la géodésie spatiale commençait d'abord par concurrencer, puis en très peu de temps par dépasser largement les meilleures mesures qu'on pouvait obtenir par voie astronomique. Dès lors, il n'y avait plus lieu de maintenir en service les observatoires astronomiques au fonctionnement très coûteux et lourd, incapables de fournir les positions du pôle en temps réel. Ainsi, depuis 1988, le Service International de la Rotation de la Terre (« International Earth Rotation Service », IERS) remplace l'IPMS et la section du BIH consacrée à la rotation terrestre. L'IERS est un service international établi conjointement par l'Union Astronomique Internationale, UAI (« International Astronomical Union », IAU) et l'Union Géodésique et Géophysique Internationale, UGGI (« International Union of Geodesy and Geophysics », IUGG).

Les stations géodésiques fondamentales fournissant leurs données à l'IERS mettent en œuvre des techniques spatiales très avancées, en particulier l'interférométrie à très longue base (« Very Long Baseline Interferometry », VLBI), le système de positionnement global (« Global Positioning System », GPS), le tir laser sur la Lune (« Lunar Laser Ranging », LLR), et le tir laser sur des satellites artificiels (« Satellite Laser Ranging », SLR). La précision atteinte actuellement peut s'estimer à ±0,’’002 (ou ±2 mas)[3] sur le mouvement du pôle et à ±0,2 ms[4] sur la durée du jour (« length of day », LOD ou l.o.d.), pour des valeurs moyennes prises sur un jour. Depuis la fin du XXe siècle, les positions géocentriques des stations fondamentales sont fournies avec une précision de ±0,01 m. En fait, on tend actuellement vers une précision de ±0,01 m, et le but à atteindre est de disposer d'un géoïde connu au centimètre près.

En conclusion, le Système Terrestre Conventionnel (CTS) est actuellement matérialisé par les coordonnées spatiales instantanées d'un ensemble global de stations distribuées dans l'espace. Celles-ci constituent le Référentiel Terrestre International (« International Terrestrial Reference Frame », ITRF).[5] Le passage du ITRF au CTS à une époque quelconque nécessite l'emploi de modèles dépendant du temps, que les géodésiens et les géophysiciens essaient continuellement d'améliorer. Ces modèles comprennent, entre autres, les variations de la rotation terrestre (vitesse et orientation de l'axe), les déplacements du géocentre, les mouvements relatifs des stations géodésiques servant de points de contrôle, conséquence des déformations produites par les marées terrestres et l'activité sismique et tectonique en général. Un travail important du géodésien moderne est donc aussi de modéliser au mieux les marées terrestres et la tectonique des plaques.

Comme système inertiel, fixé par rapport à des étoiles lointaines ou des quasars (« space-fixed system »), les astronomes emploient un système d'inertie conventionnel (« Conventional Inertial System », CIS), basé sur des mesures astrométriques très précises. Sa réalisation pratique est fournie par des catalogues d'étoiles et de quasars.

[modifier] Surfaces de repère à la surface de la Terre

Différentes surfaces de repérage sur la Terre
Différentes surfaces de repérage sur la Terre

Pour les levés géodésiques, on introduit une surface de référence. Pour connaître la position d'un point à la surface de la Terre, on doit alors déterminer les coordonnées curvilignes définies sur la surface de référence et l'altitude du point au-dessus (altitude positive) ou en-dessous (altitude négative) de la surface de référence. À cause de son équation particulièrement simple, un ellipsoïde de révolution aplati aux pôles convient mieux comme surface de référence que le géoïde, lequel possède « des creux et des bosses » causés par la distribution inégale des masses à l'intérieur de la Terre, et donc nécessairement une représentation mathématique plus compliquée qu'un ellipsoïde.

On attache une signification particulière à un ellipsoïde terrestre moyen, appelé « ellipsoïde normal » ou « sphéroïde normal » qui est censé représenter au mieux le géoïde. Le qualificatif « normal » provient du fait qu'on stipule que cet ellipsoïde soit une surface de niveau (normale à la ligne du fil à plomb) et qu'on lui attribue de la sorte non seulement une signification géométrique, mais aussi et surtout une signification physique. Le mot « sphéroïde » possède deux sens : au sens large, il désigne toute surface approximativement semblable à une sphère, et dans ce sens même le géoïde serait en quelque sorte un sphéroîde ; au sens restreint, utilisé ici, il désigne un ellipsoïde de révolution pas trop aplati ni trop allongé.

[modifier] Problèmes de la géodésie actuelle

La Terre et son champ gravifique subissent des variations au cours du temps qui peuvent être de nature séculaire (par exemple, les variations liées au freinage de la rotation terrestre suite à la friction des marées ou celles associées au soulèvement des boucliers laurentide et fenno-scandien suite à la déglaciation il y a environ dix mille ans), périodique (par exemple, les diverses composantes de marée) ou brusque (par exemple, les variations de la pesanteur minimes associées au soulèvement ou à l'abaissement d'une région avant et pendant un séisme). Dans l'espace, ces variations peuvent se produire à des échelles globale, régionale ou locale, selon les cas.

Les techniques de mesure et d'évaluation géodésiques sont maintenant suffisamment avancées pour détecter au moins une partie de ces changements souvent infimes. Les progrès des techniques pendant les dernières décennies ont conduit à un gain en résolution et en précision qui en fait repositionne complètement la géodésie globale parmi les sciences de la Terre en ce sens qu'elle contribue maintenant de façon essentielle à l'étude de la dynamique de la Terre, au lieu de se limiter simplement à fournir un système de repérage et des contraintes pour la modélisation statique de la Terre. On conçoit dès lors la figure de la Terre et le champ de pesanteur comme des variables géodynamiques dépendant du temps. C'est dans ce sens restreint, qui n'a rien à voir avec la théorie de la relativité, que l'on parle aussi parfois de « géodésie quadri-dimensionnelle », le temps étant perçu comme une quatrième dimension.

Les techniques d'observation se perfectionnant et le gain en précision allant de pair, on est passé d'un géoïde connu globalement à une dizaine de mètres près à un géoïde atteignant un seuil de précision d'environ un centimètre. Il est évident qu'à cette précision, la réduction des données d'observation se complique, et des concepts définis en accord avec un seuil de précision de mesure donné peuvent ne plus convenir lorsque la précision augmente de plusieurs ordres de grandeur. Ainsi en va-t-il de la notion de géoïde : avec la précision des mesures atteinte à présent, il n'est guère plus possible de considérer le niveau moyen des mers comme une surface équipotentielle, et elle ne peut dès lors plus strictement représenter le géoïde défini comme surface de niveau. Il est bon de comprendre que ces complications existent et font l'objet de recherches actives, mais cela ne signifie pas que les approximations classiques de la géodésie sont devenues sans valeur.

[modifier] Notes

  1. Nous admettrons ici que les notions de potentiel de pesanteur, de surface de niveau, de pesanteur, de gravité, etc. sont connues, du moins superficiellement. Elles font l'objet d'autres articles de cette encyclopédie, où elles sont traitées en détail.
  2. On peut remarquer que l'Observatoire de Greenwich n'est plus en fonction depuis de nombreuses années. C'est devenu un musée, mais l'emplacement d'origine de ce célèbre observatoire fondé en 1675 est toujours utilisé pour définir le méridien fondamental.
  3. On rencontre de plus en plus souvent l'unité « mas » dans la littérature géodésique et astronomique. Il s'agit d'un millième de seconde de degré (« milliarcsecond » en anglais) : 1 mas = 0,’’001.
  4. 1 ms = 1 milliseconde (de temps) = 0,001 s.
  5. Notez la distinction subtile qu'on fait entre un système de référence (« reference system ») et sa réalisation pratique, un référentiel (« reference frame »).

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens externes