Félix Fénéon

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Félix FénéonPortrait par Paul Signac (1890).
Félix Fénéon
Portrait par Paul Signac (1890).

Félix Fénéon est un critique d'art, journaliste et directeur de revues français, né à Turin (Italie) le 22 juin 1861 et mort à Châtenay-Malabry (Hauts-de-Seine) le 29 février 1944.

Jean Paulhan a écrit un essai intitulé Félix Fénéon ou le critique : Félix Fénéon incarne en effet avant tout le critique qui ne se trompait jamais, qui savait que Rimbaud et Apollinaire seraient les grands écrivains de son temps et non Sully Prudhomme ou François Coppée, et qui rendait justice aux impressionnistes quand ses confrères encensaient les Pompiers.

Le Prix Fénéon, littéraire et artistique, est créé en 1949 à l'initiative de la veuve de Félix Fénéon, Fanny.

Sommaire

[modifier] Biographie

De 1881 à 1894, Félix Fénéon fut employé au ministère de la guerre. « Personne ne savait comme lui rédiger un rapport sur n'importe quoi, affirme un de ses collègues cité par Octave Mirbeau, et il se faisait une joie de rédiger les rapports des autres, pour qui ce travail intellectuel était une angoisse, une torture, et souvent une insurmontable difficulté. Les rapports de Fénéon étaient, paraît-il, des façons de chefs-d'œuvre, nets, précis, d'une langue administrative parfaite. Ce subtil et délicieux artiste, qui se plaisait parfois aux curieux déhanchements de la phrase, aux concordances de rythmes bizarres, avait la faculté d'écrire comme un rédacteur de codes. Il aimait à plaisanter ce talent particulier, mais qui prouve, contrairement aux récits de quelques nouvellistes, lesquels me paraissent ne guère connaître celui qu'ils biographient et jugent avec tant d'assurance, combien son esprit était clair[1]. »

Portrait de Félix Fénéonpar Félix Vallotonparu dans Le Livre des masquesde Remy de Gourmont (vol. II, 1898).
Portrait de Félix Fénéon
par Félix Valloton
paru dans Le Livre des masques
de Remy de Gourmont (vol. II, 1898).

Il s'engage dans le mouvement anarchiste dès 1886 et collabore à de nombreux journaux ou revues libertaires comme L'Endehors (dont il assumera la direction pendant l'exil de Zo d'Axa) à Londres, La Renaissance, La Revue Anarchiste, etc. On l'accuse d'avoir été l'auteur de l'attentat contre le restaurant Foyot, le 4 avril 1894 (attentat qui coûta un œil à Laurent Tailhade, qui était un ami personnel de Fénéon.[2]) Une perquisition à son domicile et, à son bureau au Ministère de la Guerre, permet de découvrir du matériel, mercure, qui, selon l'accusation, aurait pu permettre de fabriquer une bombe. Il fait partie des accusés lors du « Procès des trente » en août 1894. De nombreux artistes et écrivains, notamment Stéphane Mallarmé et Octave Mirbeau, prennent sa défense et viennent témoigner en sa faveur, tandis que Fénéon se paie le luxe de ridiculiser les magistrats par ses réparties piquantes et spirituelles[3]. Il est finalement acquitté. Embauché par les frères Natanson, directeurs de la Revue blanche, il en devient le rédacteur en chef en 1896. Il est partie prenante dans le soutien apporté par à Alfred Dreyfus par les intellectuels regroupés autour d'Émile Zola. Il est un des signataires du Manifeste des intellectuels publié par L'Aurore le 14 janvier 1898. Il continue sa carrière journalistique au Figaro puis au Matin, où il rédige ses célèbres Nouvelles en trois lignes.Il abandonne le journalisme à la fin de 1906 et devient le directeur artistique de la galerie Bernheim-jeune, rue Richepanse. Après la Première Guerre mondiale, et devant la Révolution russe de 1917, il s'éloigne de l'anarchisme pour se rapprocher du parti communiste.

Félix Fénéon est de son vivant surtout connu comme critique d'art et découvreur de talents. On lui doit un texte de première importance, le manifeste du néo-impressionisme : Les Impressionistes en 1886. Cette mince plaquette éditée à 227 exemplaires est la seule de ses œuvres qui fut publiée du vivant de son auteur[4]. Il fut co-fondateur de La Libre Revue et de La Revue indépendante (1884), fut l'un des principaux rédacteurs de la revue La Vogue, puis il fut rédacteur, traducteur puis secrétaire de rédaction de la Revue Blanche (janvier 1894-1903), et collabora également à La Revue moderniste, au Symboliste, à La Cravache, à La Plume, au Chat noir, aux Entretiens politiques et littéraires de Francis Vielé-Griffin, au Père peinard. Il fit découvrir et, ou, publier, des auteurs tels que Jarry, Mallarmé, Apollinaire, Jules Laforgue, Rimbaud, etc. En peinture, il contribua à faire connaître Pissarro, Seurat, Signac, Van Dongen, Matisse, etc.

« Malgré son aspect volontairement froid, sa politique un peu roide, le dandysme spécial de ses manières, réservées et hautaines, écrit Octave Mirbeau, il a un cœur chaud et fidèle. Mais il ne le donne pas à tout le monde, car personne n'est moins banal que lui. Sa confiance une fois gagnée, on peut se reposer en lui comme sous un toit hospitalier. On sait qu'on y sera choyé et défendu, au besoin. » « Tout était étrange en lui, note Jean Ajalbert, de sa longue tête anguleuse, de sa face à barbiche, de yankee de café-concert, – à son flegme jamais démonté. À travers les conversations échauffées, il n'intervenait que par apophtegmes doux, d'une voix caressante, imprévue de ce grand corps comme en bois, sous le mac-farlane rigide, le crâne surmonté du haut de forme à bords plats.[5]»

Fénéon, selon la formule d'Apollinaire, « n'a jamais été très prodigue de sa prose ». Si ses articles sont innombrables, ils tiennent parfois en une demie-ligne, comme cette critique d'un roman : « Dédié à Madame Edmond Adam et certainement approuvé d'elle », ou ce commentaire dédaigneux d'un pastel médiocre : « G. Dubufe. – De M. Guillaume Dubufe. »

[modifier] Œuvres

  • Les Impressionnistes en 1886
  • Œuvres, préface de Jean Paulhan, Paris, Gallimard, 1948.
  • Œuvres plus que complètes, édition Joan U. Halperin, Librairie Droz, 1970.
  • Nouvelles en trois lignes, éditions Macula, Paris, 1990 et Le Mercure de France (2 volumes), Paris, 1997-1998.
  • Correspondance de Fanny & Félix Fénéon avec Maximilien Luce, ill. par Luce de portraits originaux ; éd. établie par Maurice Imbert, Tusson, du Lérot, 2001
  • Petit supplément aux œuvres plus que complètes volume 1. Édition établie par Maurice Imbert. du Lérot, éditeur, 2003.
  • Le Procès des Trente, Histoires littéraires & du Lérot, éditeur, 2004. Édition établie par Maurice Imbert d'après les articles de journaux, 150 pages, concernant le procès rassemblés par la mère de Félix Fénéon et annotés par lui-même, illustré.
  • Petit supplément aux œuvres plus que complètes volume 2. Édition établie par Maurice Imbert. du Lérot, éditeur, 2006.
  • Correspondance de Stéphane Mallarmé et Félix Fénéon. Édition établie par Maurice Imbert. du Lérot, éditeur, 2007.

[modifier] Annexes

[modifier] Bibliographie

  • Guillaume Apollinaire, « M. Félix Fénéon », Mercure de France, CVIII, avril-mai 1914.
  • Daniel Grojnowski, Aux commencements du rire moderne. L'esprit fumiste, Paris, José Corti, 1997.
  • Jean-Yves Jouannais, Artistes sans œuvres, Paris, Hazan, 1997.
  • Joan Ungersma Halperin, Félix Fénéon, trad. française D. Aury, Paris, Gallimard, 1991.

[modifier] Lien externe

commons:Accueil

Wikimedia Commons propose des documents multimédia libres sur Félix Fénéon.

[modifier] Notes et références

  1. Octave Mirbeau, Témoignage sur Félix Fénéon, Journal, 29 avril 1894.
  2. Cf. Jean-François Jouannet, Artistes sans œuvres, p.27.
  3. Cf. par exemple, Daniel Grojnowski, Aux commencements du rire moderne, p.150.
  4. cf. Jean-François Jouannet, Artistes sans oeuvres, p.25.
  5. Octave Mirbeau, Témoignage sur Félix Fénéon, Journal, 29 avril 1894.
Autres langues