Evo Morales

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Pour les articles homonymes, voir Morales.
Evo Morales
84e Président de la République de Bolivie
{{{légende}}}

Actuellement en fonction
Mandat

22 janvier 2006 - {{{fin mandat1}}}

Depuis le 22 janvier 2006

Élu(e) le
Réélu(e) le {{{réélection1}}}
Prédécesseur Eduardo Rodríguez
Successeur {{{successeur1}}}

{{{début mandat2}}} - {{{fin mandat2}}}

Élu(e) le {{{élection2}}}
Réélu(e) le {{{réélection2}}}
Prédécesseur {{{prédécesseur2}}}
Successeur {{{successeur2}}}
Titre complet {{{titres}}}
Parti politique MAS
Premier(s) ministre(s) {{{premier ministre}}}
Président(s) du
Conseil
{{{président du conseil}}}
Président(s) du gouvernement {{{président du gouvernement}}}
Chef(s) de Cabinet {{{chef de cabinet}}}
Ministre(s) d’État {{{ministre d'état}}}
Ministre(s)-président(s) {{{ministre-président}}}
Chancelier(s) {{{chancelier}}}

Autres fonctions
{{{fonction1}}}
Mandat
{{{début fonction1}}} - {{{fin fonction1}}}
Président {{{président1}}}
Chef de l’État {{{chef de l'etat1}}}
Monarque {{{monarque1}}}
Gouverneur général {{{gouverneur1}}}
Premier ministre {{{premier ministre1}}}
Prédécesseur {{{prédécesseur 1}}}
Successeur {{{successeur 1}}}

{{{fonction2}}}
Mandat
{{{début fonction2}}} - {{{fin fonction2}}}
Président {{{président2}}}
Chef de l’État {{{chef de l'etat2}}}
Monarque {{{monarque2}}}
Gouverneur général {{{gouverneur2}}}
Premier ministre {{{premier ministre2}}}
Prédécesseur {{{prédécesseur 2}}}
Successeur {{{successeur 2}}}

{{{fonction3}}}
Mandat
{{{début fonction3}}} - {{{fin fonction3}}}
Président {{{président3}}}
Chef de l’État {{{chef de l'etat3}}}
Monarque {{{monarque3}}}
Gouverneur général {{{gouverneur3}}}
Premier ministre {{{premier ministre3}}}
Prédécesseur {{{prédécesseur 3}}}
Successeur {{{successeur 3}}}

{{{fonction4}}}
Mandat
{{{début fonction4}}} - {{{fin fonction4}}}
Président {{{président4}}}
Chef de l’État {{{chef de l'etat4}}}
Monarque {{{monarque4}}}
Gouverneur général {{{gouverneur4}}}
Premier ministre {{{premier ministre4}}}
Prédécesseur {{{prédécesseur 4}}}
Successeur {{{successeur 4}}}

Biographie
Nom de naissance Juan Evo Morales Ayma
Naissance 26 octobre 1959
Orinoca, Oruro (Bolivie)
Décès {{{décès}}}
{{{lieu décès}}}
Nationalité bolivienne
Conjoint
Enfants {{{enfants}}}
Diplômé de
Profession
Occupations {{{occupation}}}
Résidence(s)
Religion Catholique romaine
Signature {{{signature}}}

Président de la République de Bolivie

Juan Evo Morales Ayma est un leader syndical et homme politique de Bolivie né le 26 octobre 1959 dans l'altiplano bolivien. Il est né dans une famille Aymara à Orinoca, une ville de mineurs du département d'Oruro en Bolivie. Il est le leader du Mouvement vers le socialisme et a remporté les élections du 18 décembre 2005. Il entre en fonction le 22 janvier 2006 et a déclaré être le premier président de la République de Bolivie d'origine amérindienne (Aymara).

Sommaire

[modifier] Période pré-présidentielle

Issu d’une modeste famille de paysans indiens, il doit rapidement (au lycée) mettre un terme à sa scolarité pour gagner sa vie. Il exerce alors des emplois aussi divers que maçon, boulanger ou bien encore trompettiste, avant d’effectuer son service militaire obligatoire. Il prend finalement le chemin du Chapare, la zone de colonisation des migrants andins dans les basses-terres du département de Cochabamba. Face aux injustices dont lui semblent être victimes les habitants locaux, dont les revenus principaux sont générés par la la production de coca, il décide de s'engager dans le combat politique et la lutte syndicale. En 1988, le gouvernement décide de détruire les récoltes et de les remplacer par d'autres cultures, et ce sans indemnisation. La politique d'éradication de la coca provoquera sa rancœur vis-à-vis des États-Unis qui, selon lui, nuiraient aux petits exploitants sous couvert de lutte contre les narcotraficants.

Il ne parle ni l'aymara de sa région d'origine, ni le quechua de sa région d'adoption. Ainsi à chaque fois que Felipe Quispe (un rival politique et leader indigéniste) l'a mis au défi de débattre avec lui en public et en aymara, il a refusé. Le cas d'Evo Morales n'est pas un cas particulier, nombre d'indigènes ne parlent pas, ou mal, leur langue traditionnelle à cause en partie de leur urbanisation et de leur déconnexion avec leur communauté. En 2006 lors du dernier recensement, un peu plus de 50% des boliviens s'identifient comme indigènes aymara ou quechua et seul 40% d'entres eux maîtrisent leur langue traditionnelle
Voir à ce sujet l'article : Langue/Disparition des langues.

Contrairement à nombre de dirigeants syndicaux dont la rhétorique est la principale arme, Evo Morales est d'un tempérament plus discret et s'est parfois révélé être un piètre orateur.

[modifier] L'émergence politique des cocaleros

Apparue pour la première fois lors d'un congrès extraordinaire de la Confédération syndicale unique des travailleurs paysans de Bolivie (CSTUCB) en 1988, la thèse dite de « l'instrument politique » défend la création d'un parti politique qui permettrait la participation des syndicats paysans au jeu électoral[1]. À partir de 1991, elle devient l'une des revendications portée par les représentants des cocaleros[2], et, en 1994, elle est majoritaire au sein de la CSTUCB.

Pendant l'ensemble de la décennie 1990, les nombreuses divisions persistant au sein des syndicats de planteurs de coca poussent cependant certains cocaleros à opter pour des stratégies d'alliance avec des partis politiques existants tandis que les fractions les plus radicales du mouvement paysan, comme certains kataristes, refusent tout bonnement le jeu électoral classique. Partagés entre la Gauche Unie (Izquierda Unita) et le MIR (Mouvement de la gauche révolutionnaire) de Jaime Paz Zamora, les syndicats paysans rejoignent aussi progressivement les groupes indigènes émergents tandis que se consolide un nationalisme cimenté par l'opposition à une politique anti-coca vécue comme une ingérence américaine.

L'axe Pachakuti (« nouvelle ère » en aymara) constitue en 1993 une première tentative de candidature autonome[3]. En 1995, une grande partie du mouvement social se fédère autour de l'Assemblée pour la souveraineté des peuples (ASP). Elle fait campagne lors des élections législatives de 1997 avec la Gauche Unie qui obtient quatre sièges. Evo Morales fait parti des élus.

Il est devenu, au cours de la décennie, une des figures reconnues du mouvement des planteurs de coca. Élu en 1996 à la tête des six fédérations de syndicats paysans de la région du Chapare, son implantation locale se concrétise en 1997 par une confortable élection au Parlement bolivien[4].

Sa notoriété grandissante lui permet de doter le mouvement social paysan de son « instrument politique » avec la création en 1998 de l'Instrument politique pour la souveraineté des peuples (IPSP)[5]. La difficulté administrative de créer un parti le pousse, à l'occasion des élections municipales de 1999, à rejoindre le MAS qui bénéficie déjà d'une personnalité juridique. Autour de ce petit parti ouvrier à la faible audience va progressivement se fédérer une grande partie du mouvement social bolivien.

[modifier] L'expulsion du Parlement

Morales siège au parlement sous les présidences de Hugo Banzer et Jorge Quiroga, alors que la campagne d'éradication de la culture de la coca s'intensifie avec le Plan Dignidad, lancé en 1998. La région d'origine de Morales, le Chapare, est particulièrement visée. Morales dénonce au Parlement ce qu'il estime être une « militarisation » du conflit. Il affirme en retour le droit des paysans à résister militairement aux troupes boliviennes qui tireraient sur les manifestants.

En janvier 2002, des affrontements opposent durant quatre jours des cultivateurs de coca à des policiers et des militaires dans la région de Cochabamba. Au total, le conflit fera neuf victimes (cinq paysans, trois militaires et un policier)[6]. Au regard des propos tenus par Morales, la commission d'éthique du parlement le destitue peu après de son mandat législatif. En mai de la même année, il dépose un recours devant le tribunal constitutionnel pour violation de ses droits : selon lui, la présomption d'innocence, son droit à la défense et son immunité parlementaire aurait été injustement ignorées[7].

[modifier] Le leader de l'opposition

En 2002 il se présente aux élections présidentielles et a obtient plus de 20% des voix, ne comptabilisant que 2 points de retard sur le candidat élu (le libéral Sánchez de Lozada). Il s'impose alors comme une personnalité capable de fédérer l'opposition sociale et politique bolivienne au gouvernement de Gonzalo Sánchez de Lozada.

Dans le contexte de la guerre du gaz, on le voit à l'origine de diverses révoltes sociales ; on lui attribue avec d'autres groupes syndicaux la chute du gouvernement de Gonzalo Sánchez de Lozada en 2003 et de Carlos Mesa en 2005, notamment sur la question des réserves de gaz naturel (les secondes plus grandes du continent après celles du Venezuela). C'est aussi l'époque où le MAS devient première force politique du pays : en 2004, les municipales attribuent au parti quelques 18% des suffrages.

Evo Morales est proche de Hugo Chávez dans sa vision socialiste de l'Amérique latine, toutefois avec une conception indigéniste plutôt que bolivarienne, et aussi de Fidel Castro. Ses adversaires lui reprochent sa proximité avec Felipe Quispe, un leader indigéniste particulièrement virulent envers les « Blancs », qui ont détenu le pouvoir depuis la colonisation bien que ne représentant que 15% de la population du pays.

[modifier] Élection présidentielle de 2005

Evo Morales (à droite) avec José Bové à Pau en 2002, pendant culturAmérica
Evo Morales (à droite) avec José Bové à Pau en 2002, pendant culturAmérica

Il était candidat à l'élection présidentielle bolivienne de 2005 du 18 décembre 2005 et plusieurs sondages le donnaient vainqueur dès le premier tour (Finalement, il y obtient plus de 53% des voix). Le 19 décembre, celui que personne n'attendait quelques mois auparavant a réussi l'exploit d'être le premier Aymara à accéder à la plus haute fonction de l’État. Il a pu compter sur le soutien d'Álvaro García Linera, sociologue qui a théorisé le mouvement social bolivien, et qui occupe maintenant le poste de vice-président. Symboliquement intronisé par les représentants indigènes sur le site archéologique de Tiwanaku, il prête serment devant le Congrès et ce en présence d’une dizaine de chefs d’états d’Amérique Latine comme d’Europe.

Ses premières annonces concernent :

  • la production de coca : il a affirmé sa volonté de lutter contre le trafic de drogue et que l'une des lignes de son futur gouvernement sera : « zéro cocaïne, zéro trafic de drogue ». Mais il a précisé : « il ne peut y avoir, sous prétexte de lutte contre la drogue, zéro coca ou zéro cocaleros (le nom des cultivateurs de coca), il faut changer ces politiques ». Et désire dans cette optique voir dépénalisée au niveau international la culture de la coca. La mastication de la feuille de coca est une tradition millénaire [8] en Bolivie, et l'effet, bien que procurant une stimulation, n'a que fort peu à voir avec celui de la cocaïne [9].
  • la présence militaire étrangère : concernant les États-Unis, il estime que sous couvert de lutte contre la culture de la coca, les États-Unis installent des bases militaires. Il a rappelé qu'actuellement : « dans le cadre de politiques de lutte contre le trafic de drogue, les forces armées et la police sont subordonnées à des forces étrangères armées et en uniforme ». Et il n'accepte pas cela et a ajouté : « nous mènerons la lutte contre le trafic de drogue, mais sans aucune intervention policière ni militaire d'un pays étranger ».
  • la gestion des ressources naturelles : il ne compte pas chasser les multinationales du pétrole de son pays, mais nationaliser les sociétés boliviennes exploitant les ressources naturelles, notamment l'industrie gazière et éventuellement pétrolière. La Bolivie possède en effet les deuxièmes réserves sud-américaines de gaz naturel.

[modifier] Présidence

Evo Morales et Lula da Silva le 13 janvier 2006
Evo Morales et Lula da Silva le 13 janvier 2006

Le 21 janvier 2006, lors d'une cérémonie traditionnelle sur les ruines pré-incas de Tiwanaku, Evo Morales est intronisé par des représentants indigènes, principalement aymaras, qui font symboliquement de lui la plus haute autorité indienne du pays. Le 22 janvier 2006, en présence notamment de onze chefs d'États de la région et d'Europe, il prête serment devant le Congrès.

Le lendemain, il nomme son gouvernement composé de seize ministres. Les différentes nominations montrent bien un virage à gauche de la politique du pays (tous sont membres du MAS, le parti d'Evo Morales), ce qu'il a confirmé en déclarant qu'il fallait « changer le modèle néolibéral ». Une femme, Alicia Munoz Ale, est nommée ministre de l'intérieur, c'est la première à ce poste en Bolivie. Lors du discours accompagnant les différentes nominations, le nouveau Président a réaffirmé sa volonté de combattre la corruption et a exigé des membres de son gouvernement un « niveau zéro de corruption et de bureaucratie ».

[modifier] Premières difficultés gouvernementales

Après un état de grâce de trois mois suivant son élection, le président Morales est face à divers remous et se trouve pris entre plusieurs feux :

  • dans le cadre d'une politique censée mieux répartir les richesses, Morales a réduit les budgets attribués au département de Santa Cruz, frontalier du Brésil, qui recèle les principaux gisements d'hydrocarbures. L'Assemblée de la région, de tendance autonomiste, a fait part de sa forte hostilité et a adressé un ultimatum de sept jours en vue d'une grève générale dans le département.
  • cela s'accompagne d'un différend avec le Brésil dans la même région. Il concerne l'attribution du permis d'exploitation de l'important gisement de fer et manganèse d'El Mutún. Les habitants de Puerto Suárez, favorables à l'attribution du permis au Brésil, dans la perspective d'une meilleure mise en valeur économique, ont pris en otage le 18 avril 2006 pendant quelques heures trois ministres de Morales.
  • le président fait face aussi à des revendications sociales des plus défavorisés, qui avaient contribué à son élection.

[modifier] Politique économique

[modifier] Nationalisation des ressources naturelles

Le 1er mai 2006, Evo Morales a annoncé par décret la nationalisation des hydrocarbures et la renégociation de tous les contrats des entreprises étrangères dans un délai de 180 jours. L'objectif est que 82% des revenus des hydrocarbures soient réservés à l'État. La compagnie nationale Yacimientos Petroliferos Fiscales Bolivianos (YPFB) devient ainsi la seule instance autorisée à commercialiser les hydrocarbures [10]. A son retour de la visite d'un gisement d'hydrocarbures dans le sud du pays, il a également annoncé de futures nationalisations d'autres ressources naturelles : « Nous avons commencé à nationaliser les hydrocarbures, demain ce seront les mines, les forêts et toutes les ressources naturelles ». La principale ressource du pays reste le gaz naturel, la Bolivie étant la deuxième réserve du continent sud américain après le Venezuela. La Bolivie compte également plus que doubler le prix du gaz, le passant de 2,20 dollars le million de British thermal unit (BTU) début mai 2006 à 5 dollars, ce qui devrait ainsi remplir les caisses de l'État.

Cette initiative affecte au premier chef la société brésilienne Petrobras et a encore fait monter d'un cran la tension avec le gouvernement du Brésil.

[modifier] La gestion de l'eau

Les différentes mobilisations sociales liées à la question de la gestion de l'eau (guerres de l'eau à Cochabamba en 2000 ou à El Alto en 2005) l'ont constituée en enjeu important de la vie politique bolivienne. La mise en place d'un système de gestion public de l'eau dans la capitale La Paz et sa banlieue El Alto figuraient ainsi parmi les propositions défendues par Morales lors de la campagne présidentielle. Un Ministère de l'eau est institué en janvier 2006. En janvier 2007, l'entreprise publique sociale d'eau et d'assainissement (Epsas) se substitue à la compagnie Aguas de Illimani, une filiale du groupe Suez dont le contrat de concession est rompu, moyennant une compensation financière[11].

[modifier] Assemblée constituante et référendum d'autonomie pour les régions orientales

[modifier] Enjeux

Le programme présidentiel de Morales comprenait une réforme constitutionnelle passant par l'élection d'une Assemblée Constituante. Morales s'était aussi engagé à mener une consultation sur le thème de l'autonomie départementale. Bien que cette revendication de décentralisation vis à vis du pouvoir central soit liée historiquement à des mouvements de gauche, elle est aujourd'hui reprise par l'élite économique des départements de l'est, et en particulier de Santa Cruz, qui profitent d'un enrichissement lié en partie à la découverte des hydrocarbures dans la région et s'oppose aux mesures de nationalisation et de réforme agraire promises par Evo Morales. C'est pourquoi celui-ci, ainsi que son parti le MAS, s'engage début juin 2006 en faveur du « Non » au référendum d'autonomie [12].

Mais la question constitutionnelle est étroitement liée à la question de l'autonomie. Pour faire face aux refus des élites économiques de l'est du pays d'une nouvelle constitution, Morales a fait de cette étape un point de passage obligé pour la satisfaction de leurs revendications autonomistes. En plus de définir un nouveau texte constitutionnel, l'assemblée se voit aussi confier la tâche de fixer le contenu de l'autonomie départementale. Enfin, la constitution devra se pencher sur la question de la redistribution des terres qui cristallise elle aussi de forts antagonismes sociaux.

[modifier] Le révélateur d'une forte polarité sociale

Lors de la double consultation électorale tenue en juillet 2006, le MAS a obtenu la majorité des sièges de l'Assemblée constituante et le « non » à l'autonomie l'a emporté largement au niveau national. Si ces deux scrutins ont globalement renforcé la légitimité électorale du parti au pouvoir et du projet présidentiel, ils ont toutefois inauguré une longue période de turbulence sociale. Le refus de l'autonomie au plan national masquait en effet de fortes disparités régionales qui ont pesé lourdement dans l'équilibre du pays. Les basses terres de l'est bolivien se sont en effet prononcées, assez nettement, en faveur de l'autonomie[13], venant ainsi confirmer que l'opposition, incapable de se fédérer au niveau national, conservait dans l'est du pays une forte capacité de mobilisation autour de la question autonomiste et du rejet de la politique de l'État central, perçue comme « ando-centrée ».

La majorité acquise par le MAS au sein de la constituante n'était de son côté pas suffisante pour lui assurer la majorité des deux tiers, indispensable pour l'adoption globale du texte qui devait être ultérieurement soumis à référendum[14]. Cette clause sera le premier terrain de discorde avec l'opposition. En août 2006, les élus du MAS tentent d'imposer un nouveau règlement qui permettrait d'adopter le texte à la majorité absolue[15]. L'opposition réagit, au sein de l'assemblée, mais surtout par l'intermédiaire de ses leviers de mobilisation au niveau local, les préfets ou le très influent Comité civique Pro Santa Cruz.

Les mobilisations sociales des deux camps se sont ainsi répondus tout au long des travaux de la constituante. En décembre 2006, le préfet du département de Cochabamba, Manfred Reyes Villa, annonce que son département tiendra un nouveau référendum sur l'autonomie pour appuyer l'opposition. En réponse, les organisations paysannes encerclent la ville en demandant la démission du préfet. Les affrontements entre les deux parties provoqueront le 11 janvier 2007 plusieurs centaines de blessés et un mort dans chaque camp[16].

En mars 2007, un nouveau conflit éclate dans la ville de Sucre, qui abrite la constituante. Les élus locaux, soutenus par les autonomistes du Comité civique Pro Santa Cru, demandent que la ville soit rétablie en tant que capitale à part entière, au détriment de La Paz[17]. En juillet 2007, une manifestation opposée à ce transfert de compétence réunit un million de personnes à El Alto, ville de la banlieue populaire de La Paz. Face aux blocages sporadiques de l'entrée de l'enceinte de la Constituante par ses opposants, les organisations syndicales paysannes et ouvrières organisent une marche jusqu'à Sucre. Les élus de l'opposition dénoncent cette mobilisation comme une tentative d'intimidation et refusent de siéger.

[modifier] Une adoption avortée

La constitution est finalement adoptée alors que l'opposition a choisi de boycotter son vote, déclarant considérer le texte illégal. Alors que Morales avait annoncé que le texte constitutionnel serait soumis à référendum le 4 mai 2008, la Cour électorale a refusé de valider sa convocation, arguant de l'illégalité de la procédure : le référendum aurait été voté alors que les députés de l'opposition étaient maintenus à l'extérieur de l'enceinte du parlement par des manifestants[18]. Le préfet de la région de Santa Cruz, Ruben Costas, a maintenu à la même date un référendum portant sur un statut d'autonomie régionale qui a obtenu 85% de vote positif. Déclaré illégal par les autorités nationales et non reconnu par les instances internationales comme l'Organisation des États américains ou l'Union européenne, il a connu un taux d'abstention estimé entre 25% et 35%[19].

[modifier] Vers un référendum révocatoire

En réponse, Evo Morales a convoqué, avec l'accord du Parlement et de l'opposition, pour un référendum révocatoire où son poste et ceux des neuf préfets élus seront mis en jeu. Ce dernier se tiendra le 10 août 2008[20].

[modifier] Politique internationale

Le 29 avril 2006, Evo Morales signe avec Hugo Chavez et Fidel Castro un « Traité commercial des peuples » et déclare qu'« il faut refonder la CAN. Nous avons même pensé au nom de Communauté anti-impérialiste des nations ». Se faisant, Evo Morales marque sa volonté de se rallier aux deux pays les plus opposés à la ligne politique des États-Unis de la région. L'objectif des trois pays est de promouvoir une alternative à la Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA ou en espagnol ALCA), au sein d'une Alternative Bolivarienne pour les Amériques (ALBA).

[modifier] Références

  1. Sur la thèse de l'instrument politique, voir Hervé Do Alto et Pablo Stefanoni, Nous serons des millions. Evo Morales et la gauche au pouvoir en Bolivie, Raisons d'agir, 2008, pp. 54-68.
  2. Kevin Healy, « Political ascent of bolivia's peasant coca leaf producer », Journal of interamerican studies and world affairs, vol. 33 (1), 1991.
  3. Elle obtiendra un élu au parlement bolivien.
  4. 70% des voix se portent sur son nom dans sa circonscription. Do Alto et Stefanoni, op. cit., p. 60.
  5. Do Alto et Stefanoni, op. cit., p. 61.
  6. Do Alto et Stefanoni, op. cit., p. 71.
  7. « From coca to congress. An Interview With Evo Morales », The ecologist, 11 novembre 2002.
  8. Voir le mythe inca de Mama Coca
  9. (fr) Les fédérations et les syndicats de cocaleros en Bolivie
  10. (fr) Evo Morales nationalise les hydrocarbures boliviens, article du quotidien Le Monde paru dans l'édition du 2 mai 2006
  11. L'État bolivien devra verser 5,5 millions de dollars à la filiale de Suez et prendre en charge les 13 millions de dollars de dette de l'entreprise. Marjolaine Normier, « Gestion de l'eau : Suez quitte la Bolivie », Alternatives économiques, n°255, février 2007.
  12. (fr) Bolivie : Evo Morales appelle à voter Non aux autonomies régionales
  13. Le « non » remporte nationalement 56,7% des suffrages mais quatre départements votent, parfois très largement, pour le « oui » : le département de Santa Cruz à 71%, le Beni à 74%, le Tajira à 61% et le Pando à 58%. Daniel Dory, « Polarisation politique et fractures territoriales en Bolivie », Hérodote, n°123, 4e trimestre 2006, p. 86.
  14. Le MAS obtient 50,7% des voix et 52% des sièges soit 135 des 255 sièges. Ibid, p. 86.
  15. Au final les deux parties s'accordent sur la constitution d'une commission spéciale, chargée d'examiner chaque article n'obtenant pas la majorité des deux tiers. Di Alto et Stefanoni, op. cit., p. 107.
  16. Ibid, p. 108.
  17. Depuis la guerre de 1899, cette dernière abrite les pouvoirs législatif et exécutifs.
  18. AFP, « Mobilisation internationale pour sortir la Bolivie de la crise politique », 5 avril 2008.
  19. « Santa Cruz met la pression sur Morales », Le Soir, 6 mai 2008, p. 13.
  20. « La Bolivie risque d'éclater », La Presse, 15 mai 2008, p. A20.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens externes

commons:Accueil

Wikimedia Commons propose des documents multimédia libres sur Evo Morales.