Doris Lessing

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Doris Lessing
Doris Lessing au Festival littéraire de Cologne en 2006
Pseudonyme Jane Somers
Naissance 22 octobre 1919
Activité romancière, poète, dramaturge
Nationalité britannique Royaume-Uni
Genre autobiographique, dramatique, historique, politique, psychologique, mystique, science-fiction
Sujet les expériences de jeunesse, l'engagement politique, les inégalités sociales et ethniques, les injustices du temps
Mouvement modernisme, soufisme, occultisme, science-fiction
Influences Idries Shah, Olive Schreiner, Simone de Beauvoir, Jean-Paul Sartre, Fedor Dostoïevski, les sœurs Brontë, Christina Stead, D.H Lawrence, Stendhal, Virginia Woolf, Mikhail Bulgakov
A influencé Alexandra Fuller, Elaine Showalter, Octavia Butler, Rachel Blau DuPlessis, Erica Jong, Toni Morrison, Joanna Russ, Marge Piercy, Joyce Carol Oates, Margaret Atwood
Site officiel http://www.dorislessing.org/
Œuvres principales Vaincue par la brousse, Le Carnet d'or, Shikasta, La Descente aux enfers
Séries Les Enfants de la violence, Canopus dans Argos: Archives
Éditeurs McGibbon and Kee, Print (Hardback and Paperback), Albin Michel, Livre de Poche, 10/18
Récompenses prix Médicis du roman étranger pour Le Carnet d'or, prix Prince des Asturies, prix Nobel de littérature

Doris Lessing (née Doris May Tayler, le 22 octobre 1919 à Kermanshah, Perse) est un écrivain britannique, lauréate du prix Nobel de littérature 2007. Ce dernier a couronné « la conteuse épique de l'expérience féminine qui, avec scepticisme, ardeur et une force visionnaire, scrute une civilisation divisée »[1].

Célèbre dès son premier livre, Vaincue par la brousse (1950), auteur d'une vingtaine de romans dont le best-seller international Le Carnet d'or (1962), elle est très vite apparue comme une femme de lettres engagée et militante, notamment pour les causes marxiste, anticolonialiste, anti-apartheid et féministe.

L'œuvre de Doris Lessing est profondément autobiographique, s'inspirant notamment de son expérience africaine, de ses années de jeunesse et de ses engagements sociaux et politiques. Son style romanesque, épique, réaliste et lyrique lui a permis d'aborder différents thèmes tels que les conflits de cultures, les injustices raciales et ethniques, la contradiction entre la conscience individuelle et le bien commun, la violence entre les êtres et les classes, le déracinement, l'enfance. Très appréciée pour sa diversité et son éclectisme, l'auteure a su faire une immersion dans le domaine de la science-fiction (Shikasta en 1981) ou du roman psychologique (L'Été avant la nuit) et a même un temps évolué vers l'ésotérisme et la parapsychologie avec La Descente aux enfers (1971).

Sommaire

[modifier] Biographie

Doris May Tayler est née en Perse (l'Iran actuel) en 1919. Son père, employé de banque, est grièvement blessé lors de la Première Guerre mondiale et se voit amputé d'un membre. Sa mère, infirmière, y a perdu l’homme qu’elle aimait[réf. nécessaire].

Elle n’a que six ans quand sa famille s’installe, en 1925, en Rhodésie du Sud (alors colonie britannique) dans l'espoir de faire fortune grâce à la culture du maïs, du tabac et de céréales.

Pensionnaire d'un institut catholique tenu par des religieuses qu'elle supporte mal, elle est également en opposition constante avec sa mère. Elle quitte définitivement l'école à quinze ans, travaille en tant que jeune fille au pair puis, à dix-huit ans, comme standardiste à Salisbury (l'ancienne capitale de la Rhodésie du Sud).

En 1938, elle commence à écrire des de romans[2] tout en exerçant plusieurs emplois pour gagner sa vie. Elle rédige également en parallèle des nouvelles très courtes et des petites histoires. Elle en vend d'ailleurs deux à quelques magazines sud-africains.

À dix-neuf ans, l'année suivante, elle se marie avec un fonctionnaire: Frank Wisdom, dont elle aura deux enfants: John et Jean qu'elle quitte en 1943 après avoir rencontré un citoyen allemand, communiste et juif exilé: Gottfried Lessing qu'elle épouse en secondes noces en 1945. En 1947, le couple donne naissance à un fils: Peter.

De nouveau divorcée, elle part pour Londres en 1949 avec son jeune fils et le manuscrit de Vaincue par la brousse (The Grass is singing) dans ses bagages, accepté par le premier éditeur auquel elle s'adresse. Le succès du livre, publié en 1950, lui permet de renoncer à un emploi de secrétaire trouvé pour subvenir à ses besoins[2]. En 1951, elle fait paraître un recueil de nouvelles tirées de son expérience africaine: Nouvelles africaines (This was the Old Chief's Country) suivie par cinq ouvrages d'inspiration autobiographique, publiés entre 1952 et 1969 et regroupés sous le titre: Les Enfants de la violence.

Comme beaucoup d'intellectuels, d'artistes et d'écrivains britanniques de sa génération, Lessing a été politiquement engagée et très active. En 1952 elle adhère au Parti communiste qu'elle quitte en 1956 suite à l'intervention des chars soviétiques à Budapest et après le XXe congrès[2]. Ses désillusions politiques se lisent dans Retreat to innocence (1956) et surtout dans Le Carnet d'or (1962), reconnu aujourd'hui comme son chef d'œuvre. Elle y revient sur les différentes phases de son espoir révolutionnaire déçu. L'ouvrage fait par ailleurs de l'écrivain une icône du féminisme mondial, sans qu'« elle l’ait jamais voulu »[3].

En 1956, après un séjour dans la Fédération de Rhodésie et du Nyassaland où elle interroge comme journaliste le premier ministre sud-rhodésien Garfield Todd et le premier ministre fédéral Godfrey Huggins, elle est finalement interdite de séjour dans toute la fédération et en Afrique du Sud[4].

La Descente aux enfers (Briefing for a descent into Hell, 1971) annonce une nouvelle orientation dans la carrière de Lessing qui abandonne le genre du témoignage autobiographique pour approcher les rives d'une littérature visionnaire, appréhendant la notion de "foi" et les arcanes de la psyché humaine. Dans un imaginaire sombre, teinté d'occultisme et de mysticisme, l'ouvrage se penche sur le soufisme, religion que l'auteure avait commencé à étudier dans les années 60. Dans ce roman, celle-ci s'éloigne du monde réel pour explorer l'univers mental et psychique d'un homme atteint d'amnésie, Charles Watkins, qui lui permet de s'interroger sur le devenir de l'Humanité et l'avenir de la planète. Ce questionnement l'amène logiquement vers la science-fiction et la thématique de la survie de l'Homme et de l'évolution de la Terre, poussée à son paroxysme dans Shikasta et dans les quatre volumes qui lui font suite, regroupés sous le titre général: Canopus dans Argos: Archives (Canopus in Argos: Archives, 1979-80).

En 1983 et en 1984, elle se livre à une supercherie littéraire, publiant sous le pseudonyme de Jane Somers deux romans refusés par son éditeur habituel: Journal d'une voisine (Diary of a Good Neighbour) et Si la vieillesse pouvait (If the Old Could), centrés sur les problèmes de la vieillesse, de la solitude, de la mélancolie, de la nostalgie, de la maladie et de la mort. Tous deux marquent son grand retour au réalisme, confirmé un an plus tard par La Terroriste (1985) [5].

Le Cinquième Enfant (The Fifth Child, 1986) se veut une critique voilée de la société contemporaine : au sein d'une famille dite « normale » constituée d'un couple qui s'aime relativement peu, naît un enfant terriblement violent. Les parents et les autres bambins sont tiraillés entre attachement et répulsion pour ce rejeton. La fin du livre - incertaine - est comme une interrogation ouverte sur le devenir de la violence dans nos sociétés.

En 1982, 1988 et 1991, Lessing était revenue en Rhodésie du Sud, devenue l'actuel Zimbabwe. Lors de son premier voyage, elle y a retrouvé son frère, avant que celui-ci n'émigre définitivement en Afrique du Sud [6]. En 1995, elle constate la dégradation de la situation sociale du pays, mais fait encore confiance au président Robert Mugabe. En 1995, âgée de 76 ans, elle visite l'Afrique du Sud afin de voir sa fille, ses petits-enfants et promouvoir son autobiographie. Au début des années 2000, elle s'en prend pour la première fois brutalement au régime de Mugabe. Elle est alors de nouveau déclarée « indésirable » au Zimbabwe.

En 2001, lors d'une conférence au Festival du Livre d'Édimbourg, elle se livre à une violente charge contre les féministes qui l'avaient pourtant célébrée des années plus tôt. Elle les qualifie en effet de « femmes devenues horribles avec les hommes »[7]. Ainsi, selon elle « après avoir fait une révolution, beaucoup de femmes se sont fourvoyées, n'ont en fait rien compris. Par dogmatisme. Par absence d'analyse historique. Par renoncement à la pensée. Par manque dramatique d'humour » [8].

Auteure d'une œuvre considérable de près d'une soixantaine de titres concentrant romans, nouvelles, pièces de théâtre, poèmes, récits autobiographiques et témoignages, Doris Lessing fascine autant par la variété des sujets qu'elle explore que par la diversité des genres dans lesquels elle s'est illustrée. Prolixe et éclectique, l'écrivaine a toujours refusé de se laisser enfermer dans quelque carcan que ce soit et occupe une place de premier ordre dans la littérature britannique contemporaine où elle apparaît comme le témoin privilégié de son temps et comme une véritable instance morale, pointant du doigt la société actuelle dont elle scrute sans relâche les excès, les dysfonctionnements et les dérives aussi bien politiques, idéologiques qu'éthiques.

Le 11 octobre 2007, elle se voit attribuer, à quatre-vingt huit ans, le prix Nobel de Littérature. Elle devient en conséquence la onzième femme et l'écrivain le plus âgé à recevoir cet honneur. Souvent citée sur les listes de l'Académie suédoise où elle faisait, avant d'en disparaître, figure de favorite, Doris Lessing faisait ses courses au moment de l'annonce de son couronnement et fut prévenue par la masse de journalistes qui s'était ameutée devant son domicile.

[modifier] Distinctions

  • Somerset Maugham Award (1954)
  • Prix Médicis étranger pour son roman Le Carnet d'Or (1976)
  • Österreichischer Staatspreis für Europäische Literatur (1981)
  • Shakespeare-Preis der Alfred Toepfer Stiftung F. V. S., Hamburg (1982)
  • W. H. Smith Literary Award (1986)
  • Palermo Prize (1987)
  • Premio Internazionale Mondello (1987)
  • Premio Grinzane Cavour (1989)
  • James Tait Black Memorial Book Prize (1995)
  • Los Angeles Times Book Prize (1995)
  • Premio Internacional Catalunya (1999)
  • David Cohen British Literary Prize (2001)
  • Companion of Honour from the Royal Society of Literature (2001)
  • Prix Prince des Asturies (2001)
  • S.T. Dupont Golden PEN Award (2002)
  • Prix Nobel de littérature (2007)

[modifier] Œuvres parues en français

  • Le Carnet d'or, 1962, trad. originale Albin Michel, 1976. / Livre de poche, 1999. Prix Médicis étranger en 1976.
  • Les Enfants de la violence, éd. originale Albin Michel, 1978/2000.
  • L'Écho lointain de l'orage, Albin Michel, 1979.
  • Nouvelles africaines, éd. originale Albin Michel, 1980/2000/ Livre de Poche, 1990.
  • L'Été avant la nuit, éd. originale Albin Michel, 1981. / Livre de poche, 1992.
  • Mémoires d'une survivante, éd. originale Albin Michel, 1982. / Livre de Poche, 1996.
  • Les Chats en particulier, éd. originale Albin Michel, 1984. / Livre de poche, 2000.
  • Journal d'une voisine, Albin Michel, 1985.
  • Les Carnets de Jane Sommers, éd. originale Albin Michel 1985. / Livre de poche, 1996.
  • La Terroriste, éd. originale Albin Michel, 1986. / Livre de Poche, 1997.
  • Le Vent emporte nos paroles, éd. originale Albin Michel, 1987/2000.
  • La Descente aux enfers, Albin Michel, 1988.
  • La Madone noire, Albin Michel, 1988.
  • Le Cinquième Enfant, éd. originale Albin Michel, 1990/2000/ Livre de Poche, 1993.
  • L'Habitude d'aimer, éd. originale Albin Michel, 1992. / Livre de Poche, 1994.
  • Notre amie Judith, éd. originale Albin Michel, 1993/2000/ Livre de poche, 1995.
  • Rire d'Afrique, éd. originale Albin Michel, 1993/2000.
  • Dans ma peau, Livre de Poche, 1997.
  • L'Amour encore, Livre de Poche, 1998. / Albin Michel, 2000.
  • Vaincue par la brousse, 10/18, 1999.
  • L'Ecclésiaste, Mille et une nuits, 2000.
  • Nouvelles de Londres, éd. originale Albin Michel, 2000. / Livre de poche, 2002.
  • La Marche dans l'ombre, éd. originale Albin Michel, 2000. / Livre de poche, 2001.
  • Mara et Dan, Flammarion, 2001.
  • Le Monde de Ben, Flammarion, 2001.
  • Shikasta, Le Seuil.
  • Un homme et deux femmes, 10/18.
  • Le rêve le plus doux, Flammarion, 2004.
  • Mariages entre les zones 3, 4 et 5, Le Seuil.
  • Les Grand-mères, Flammarion, 2005
  • Un enfant de l'amour, Flammarion, 2007

[modifier] Études

  • A. Pratt et L. S. Dembo (dir.), Doris Lessing : Critical Studies, Univ. of Wisconsin Press, 1974
  • P. Schlueter, The Novels of Doris Lessing, Southern Illinois Univ. Press, 1973
  • C. Sprague et V. Tiger (dir.), Critical Essays on Doris Lessing, Boston, 1986

[modifier] Notes et références

Inspiré de l'article de Marie-Françoise Cachin dans Le Nouveau Dictionnaire des auteurs aux éditions Larousse, Paris, 1994

  1. Le Nobel de littérature décerné à la Britannique Doris Lessing, Le Monde
  2. abc Christine Jordis, « Doris Lessing » dans Encyclopaedia universalis
  3. Doris Lessing : Le temps qu'il faut pour apprendre, Le Monde, 27 septembre 2007
  4. Rires d'Afrique, 1993, Albin Michel
  5. Le Nobel de littérature décerné à la Britannique Doris Lessing, Le Monde.
  6. Rires d'Afrique, 1993, Albin Michel
  7. Le Monde, 11 septembre 2001
  8. Article, Le Monde, 27 septembre 2007.

[modifier] Liens externes


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Orhan Pamuk
Prix Nobel de littérature
2007
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Amos Oz


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