Distillation

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Une colonne à distiller au musée Stella Matutina de Saint-Leu, à la Réunion.
Une colonne à distiller au musée Stella Matutina de Saint-Leu, à la Réunion.

La distillation est un procédé de séparation de substances, mélangées sous forme liquide. Elle consiste à porter le mélange à ébullition et à recueillir une fraction légère appelée distillat, et une fraction lourde appelée résidu.

Sommaire

[modifier] Histoire

Les alchimistes chaldéens et les autres peuples de la Mésopotamie connaissaient déjà au IIe millénaire av. J.-C. une forme primitive de distillation, qu'ils utilisaient pour préparer les parfums[1]. Puis au Ier siècle de notre ère, les alchimistes grecs l'utilisent couramment[2],[3],[4] mais c'est surtout la demande croissante en liqueurs au Bas-Empire qui entraîne le développement des distilleries[2]. On attribue à Hypathie d'Alexandrie l'invention d'une méthode de distillation[5], tandis que la première description précise d'une distillerie est due à Zosime de Panopolis au IVe siècle[4],[6].

Distillation à la cornue dans un alambic.
Distillation à la cornue dans un alambic.

Au VIIIe siècle, les alchimistes du Moyen-Orient usèrent de la distillation afin de purifier certains produit chimique utilisés dans l'artisanat : des huiles ou esters (pour les parfums) et de l'alcool[7]. Le premier d'entre eux est assurément le perse Geber qui, vers l'an 800, mit au point de nombreux instruments et des méthodes chimiques toujours en usage aujourd'hui. En particulier, son alambic, précurseur des raffineries modernes, est le premier appareil utilisant une cornue pour purifier les substances, et son principe inspirera les micro-distilleries modernes comme la colonne Hickman[8]. C'est également un autre alchimiste perse, Rhazès, qui au IXe siècle, distilla le premier le pétrole ou « bitume de Judée », d'où il tira du kérosène[9], tandis que l'entraînement à la vapeur est une invention due à Avicenne au XIe siècle, pour l'extraction d'huile essentielle[10].

En 1500, l'alchimiste allemand Hieronymus Braunschweig publie le premier livre consacré à cette technique, le Liber de arte destillandi (Livre sur l'Art de Distillation), dont la seconde édition de 1512 sera fortement augmentée.

En 1651, le médecin John French (1616-1657) publie The Art of Distillation, le premier traité anglais sur la pratique de la distillation, bien qu'on ait pu remarquer[11] qu'il empruntait beaucoup à l'ouvrage de Braunschweig. Les diagrammes illustrant le livre insistent davantage sur le travail des ouvriers que sur le fonctionnement de l'installation.

À mesure que l'alchimie se constituait en science avec la chimie, les récipients appelés cornues équipèrent de plus en plus les appareils à distiller. Alambics et cornues sont des récipients munis d'un bec latéral allongé pointant vers le bas faisant condenseur à air : ils servent à condenser le distillat que l'on récupère goutte à goutte à la sortie du tube.

Plus tard, les alambics en cuivre firent leur apparition ; leurs joints rivetés étaient maintenus étanches par différents expédients, comme de la mie de pain obtenue à partir de farine de seigle[12] Ces alambics comportaient souvent un serpentin traversé d'eau froide ajusté à l'extrémité du bec de la cornue qui, accélérant la condensation, augmentait le rendement de la distillation : c'est cet appareil que les Anglais appellent pot stills.

De nos jours, les cornues et les alambics ont été largement supplantés dans l'industrie par des méthodes de distillation beaucoup plus efficaces. Toutefois, l'alambic est toujours apprécié pour l'élaboration de fines et de liqueurs comme le cognac, le Scotch whisky et certaines vodkas. Les alambics, faits de différentes matières (bois, poterie, acier inox) sont également utilisés de par le monde par les petits producteurs. On vend encore de petits alambics pour la production familiale[13] d'eau de fleur d'oranger ou d'huile essentielle.

Au début du XIXe siècle, les chimistes français jetèrent les bases de l'analyse chimique moderne, notamment en montrant l'importance du pré-chauffage et la rétroaction[14], puis en 1830 un brevet anglais fut délivré à Aeneas Coffey pour une colonne de distillation de whiskey[15], qui tournait en continu et que l'on peut considérer comme l'archétype des raffineries de pétrole modernes. En 1877, Ernest Solvay obtint un brevet américain (U.S. Patent) pour une tour de distillation d'ammoniaque[16], dont il appliqua le principe les années suivantes aux huiles et aux spiritueux.

La promotion du génie chimique en tant que discipline académique à la fin du XIXe siècle amena une étude proprement scientifique des procédés de distillation : ainsi, la distillation la plus simple, à l'application la plus connue (alambic), a été étudiée par le physicien John Rayleigh. Puis au début du XXe siècle, l'industrie pétrolière donna l'élan nécessaire pour développer des procédés détaillés comme la méthode McCabe-Thiele et l'équation de Fenske.

[modifier] Détails techniques

Distillation simple sans la colonne à fractionner, souvent utilisée par les chimistes.  1. source de chaleur (ici, un brûleur Bunsen) 2. ballon à distiller 3. tête de distillation 4. thermomètre 5. réfrigérant à eau 6. entrée d'eau de refroidissement 7. sortie d'eau de refroidissement 8. ballon de réception des gouttes de distillat 9. vers une pompe à vide éventuelle 10. adaptateur pour la pompe à vide
Distillation simple sans la colonne à fractionner, souvent utilisée par les chimistes.
1. source de chaleur (ici, un brûleur Bunsen)
2. ballon à distiller
3. tête de distillation
4. thermomètre
5. réfrigérant à eau
6. entrée d'eau de refroidissement
7. sortie d'eau de refroidissement
8. ballon de réception des gouttes de distillat
9. vers une pompe à vide éventuelle
10. adaptateur pour la pompe à vide

Le procédé utilise la différence de volatilité (capacité à s'évaporer dépendant de la température) entre les constituants afin de les séparer : le plus volatil a une température d'ébullition plus basse que le moins volatil, etc. Ainsi, en chauffant le liquide, chaque constituant va être séparé successivement (on parle de coupe de distillation). La vapeur ainsi produite peut être condensée (distillat), et la substance restante est appelée résidu. Attention cependant, le distillat n'est pas toujours un produit pur. Il peut être un mélange défini de deux constituants (même non miscibles) : on parle d'azéotrope, ou de mélange azéotropique.

[modifier] Procédé industriel

Colonnes de distillation industrielles
Colonnes de distillation industrielles

En procédé industriel et dans le cas d'une distillation discontinue, les premières vapeurs qui passent en tête de colonne sont appelées « têtes de distillation », ensuite vient le cœur (souvent le cœur est la substance qui est recherchée dans le mélange introduit dans le distillateur), puis en fin de distillation apparaissent « les queues de distillation ».

Il existe aussi des techniques de distillation sous vide qui visent à abaisser les températures d'ébullition des différents constituants du mélange à distiller, et donc permettent ainsi d'éviter (ou de réduire) les risques de dégradation thermique. De même des distillations peuvent être effectuées sous pression afin de permettre la séparation de composés très volatils (i.e. gaz)

Lorsque les températures d'ébullition sont très voisines, on peut avoir intérêt à utiliser un processus de distillation fractionnée, qui consiste en plusieurs étapes de raffinements successifs. Il est également possible d'introduire une partie du distillat en tête de colonne (dans le cas d'une distillation continue) afin d'améliorer la pureté de la phase vapeur.

[modifier] Notes et références

  1. (en) Martin Levey, « Babylonian Chemistry: : A Study of Arabic and Second Millennium B.C. Perfumery », dans Osiris, 1956, 12, p. 376-389.
  2. ab Colin Archibald Russell, Chemistry, Society and Environment: A New History of the British Chemical Industry, Royal Society of Chemistry, 2000 (ISBN 0854045996), p. 69
  3. Edgar Ashworth Underwood, Science, Medicine, and History: Essays on the Evolution of Scientific Thought and Medical, Oxford University Press, p. 251
  4. ab Charles Simmonds, Alcohol: With Chapters on Methyl Alcohol, Fusel Oil, and Spirituous Beverages, Macmillan and Co. Ltd, 1919, 6 p.
  5. Biology, Joan Solomon, Pat O'Brien, Peter Horsfall, Nelson Thornes, p.41
  6. Cf. Marcellin Berthelot, Collection des anciens alchimistes grecs, G.Steinheil, Paris, 1889, 3 vol.
  7. Robert Briffault, The Making of Humanity, 1938, p. 195.
  8. Microscale Laboratory Techniques : Distillation, McMaster University
  9. Kasem Ajram, Miracle of Islamic Science, Knowledge House Publishers, 1992 (ISBN 0911119434), p. Appendix B
  10. (en) A. Wolf, G. A. Bray, B. M. Popkin Martin Levey, « A short history of beverages and how our body treats them », dans Obesity Reviews, 2007 [texte intégral].
  11. Industrial Engineering Chemistry (1936) page 677
  12. Sealing Technique. Consulté le 16 novembre 2006.
  13. Alambic traditionnel]. Consulté le 16 novembre 2006.
  14. Cf. D. F. Othmer, A Century of Chemical Engineering, sous la dir. de W. F. Furter (éd.), 1982 (ISBN 0-306-40895-3)
  15. A. Coffey British Patent n°5974, 5 août 1830
  16. US Patent n°198699 Improvement in the Ammonia-Soda Manufacture

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens externes

wikt:

Voir « distillation » sur le Wiktionnaire.