Créole haïtien

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  Créole haïtien
(kreyòl ayisyen)
 
Parlé en Haïti, République dominicaine, États-Unis, Canada, France, Guadeloupe, Martinique, Guyane, Cuba, et Bahamas
Région Antilles et dans les communautés immigrées haïtiennes
Nombre de locuteurs ~ 8,5 millions en Haïti, 1,5 millions en dehors du pays
Classification par famille

 -  Pidgins et créoles
    -  Langues créoles
       -  Langues créoles à base lexicale française
          -  Créole haïtien

(Dérivée de la classification SIL)
Statut officiel et codes de langue
Officielle
en
Haïti
ISO 639-1 ht
ISO 639-2 hat
ISO/DIS
639-3
(en) hat
SIL HAT
Voir aussi : langue, liste de langues, code couleur

L'haïtien (ou le kréole) est une langue créole parlée par 8,5 millions de personnes en Haïti. Le créole est fondé sur le français avec des influences de wolof, fon, éwé, kikongo, yoruba et igbo. Pourtant, l’influence de ces langues africaines n’a pas été très grande sur le développement du Kreyòl.

Depuis 1961, le créole haïtien est reconnu comme langue officielle. Son utilisation littéraire est anecdotique mais croissante. Beaucoup de locuteurs sont bilingues et parlent haïtien et français, mais le créole haïtien a un statut social inférieur au français. La langue est utilisée dans les médias tels que les journaux et la radio.

Sommaire

[modifier] Les pronoms personels du créole haïtien

[modifier] Singulier

  • 1re personne : mwen / m'= je
  • 2e personne : ou /w = tu
  • 3e personne : li /l = il

[modifier] Pluriel

  • 1re personne : nou / n' = nous
  • 2e personne : ou / n' = vous
  • 3e personne : yo / y' = ils / elles

[modifier] Les temps verbaux du créole haïtien

Le créole haïtien possède 10 temps verbaux qui proviennent tous des divers dialectes français. La section suivante donne le sens de chaque temps en français ; elle examine également leurs origines étymologiques. Le verbe pale (parler) sera utilisé comme exemple.

[modifier] Étymologie de pale

Pale vient de parler qui vient du mot latin fabulari qui veut dire « conter des fables ».

La mutation de parler à pale ne doit surprendre personne ; les consonnes [l] et [r] sont toutes deux des liquides ; certaines langues comme le coréen ne distinguent pas entre ces deux lettres. La juxtaposition de deux consonnes liquides (comme c'est le cas dans parler) rend assez probable une élision, l'élimination de l'une d'entre elles. Le créole haïtien a également perdu le -r terminal de parler, peut-être parce que, d’un point de vue étymologique, le son é (-er) n’est pas très loin du son e, .

[modifier] Le présent

Pale présent
Mwen / M — pale Nou — pale
Ou — pale ou — pale
Li — pale Yo — pale

Le présent en kreyòl est employé un peu comme on utilise le présent simple en anglais : pour décrire une action habituelle. Donc, dire mwen pale, c’est exprimer qu’en général, je parle et non pas je parle maintenant. NB : La première et la deuxième personne du pluriel du français s'exprime en haïtien de la même façon : Nou

[modifier] Le progressif du présent

Pale progressif du présent
Mwen / M — ap pale Nou / N — ap pale
Ou / W — ap pale ou / N — ap pale
Li / L — ap pale Yo / Y — ap pale

Le progressif du présent en créole haïtien (m ap pale) se traduit en français comme « je suis en train de parler ». On utilise ce temps à peu près comme on utilise son équivalent anglais « I’m talking ». C’est aussi plutôt similaire à la phrase « estoy hablando » en espagnol.

L’étymologie de ce temps est assez claire ; dans plusieurs patois français, on disait « Je suis après parler » pour dire « je suis en train de parler ». Puisqu’on s’est arrêté d’utiliser « je » en kreyòl – en le remplaçant d’abord par « moi » et plus tard par « m » – il est clair que l’on n’ait fait que supprimer « suis ». Il est bien naturel qu'« après » ait été changé en « ap » – l’élision du -re terminal étant assez fréquente.

[modifier] Préterit

Pale Préterit
Mwen / M' — pale Nou — pale
Ou — pale Nou — pale
Li — pale Yo— pale

'Ou'

Pale Préterit
Mwen / M — fèk pale Nou — fèk pale
Ou — fèk pale Nou— fèk pale
Li — fèk pale Yo — fèk pale

On remarquera très vite que le préterit possède exactement la même structure ; comment, dès lors, distingue-t-on l’un de l’autre ? Pour se faire comprendre, on rajoute d’autres mots pour signifier que l’action décrite a eu lieu dans le passé. Pour exemple pour dire (présent) « ils parlent » on dit « llo parle » mais pour dire (passé composé) « ils ont parlé » on dit « llo fèk pale. » Cette construction vient de la phrase « ils n’ont fait que parler » (qui est devenue « ils ont fait que parler », puis « ils fait que parler » avant la création du mot fèk.

[modifier] Parfait

Pale Parfait
Mwen / M — te pale Nou — te pale
Ou — te pale nou — te pale
Li — te pale yo — te pale

Le sens de ce temps est semblable à celui du passé composé ou du parfait en français. Quant à son étymologie, le vient d’esté, une ancienne forme du participle passé d’êtreété. Dans plusieurs patois (normand, angevin) on disait par exemple « j’ai té », au lieu de dire « j’ai esté ». Le mot « été » a l'idée d'être fini, accompli, etc, et grâce à cela, on a commencé à utiliser pour former un temps parfait. En dépit de ce que l’on penserait quand on songe à la construction du passif en français qui utilise être, le sens de ce temps est actif.

[modifier] Progressif de passé

Pale Progressif de passé
Mwen / M — tap pale Nou — tap pale
Ou — tap pale Nou — tap pale
Li — tap pale Yo — tap pale

Si le sens de ce temps n’est pas très difficile à comprendre pour un anglophone ou un francophone, son étymologie est un peu plus compliquée.

[modifier] Étymologie

Tap vient d’un mélange entre le qu’on voit pour former le parfait, et l’ap qui s’utilise pour former le progressif du présent. (Il faudrait se rappeler que et ap viennent respectivement, d’été et d’après).

Donc, d’un point de vue lexique et etymologique, le progressif du passé n’est qu’une combinaison du progressif du présent et du parfait. Au début de la langue créole haïtienne, on disait

« J’ai té après parler » -- ce qui est devenu l’actuel « M ap pale » par les forces de compression. Ces deux phrases se traduiraient, en français, comme « J’étais en train de parler ».

[modifier] Imparfait

Pale Imparfait
Mwen / M — konn pale Nou — konn pale
Ou — konn pale Nou — konn pale
Li — konn pale Yo — konn pale

Il existe une petite différence de sens entre l’imparfait en français et de son équivalent créole, car ce dernier ne veut seulement pas dire « je parlais », mais plutôt « Je parlais, mais je me suis arrêté de parler »

Il est plus facile d’expliquer le sens de ce temps en faisant référence à l’anglais. Le progressif du passé en créole se traduit en anglais comme « I was speaking » pendant que l’imparfait se traduit comme « I used to speak. »

[modifier] Étymologie

Le konn dont se forme ce temps vient de connaître. Donc, on disait d’autrefois en proto-créole m konn pale avec le sens de « Je sais parler ». Cette idée s’est changée en le nouveau sens (je parlais, mais je m’en suis arrêté) par un processus que l’auteur de cet article ne connaît pas très bien.

[modifier] Plus-que-parfait

Pale Plus-que-parfait
Mwen / M — te fin pale Nou — te fin pale
Ou — te fin pale Nou — te fin pale
Li — te fin pale Yo — te fin pale

Le plus-que-parfait s’emploie, comme en français, pour décrire une action qui eut lieu avant que l’action principale dans le récit n’eût lieu. Donc, la phrase « J’avais déjà parlé quand il a dansé » se traduit en créole haïtien en « M te fin déjà pale lò li te danse » (le plus-que-parfait est en italique).

[modifier] Étymologie

Ce temps se compose avec fin, qui vient de finir. On peut également utiliser d’autres mots similaires. L’addition de fin veut dire que l’action eut lieu dans un passé plus lointain que l’usage du préterit ne voudrait dire.

On utilise aussi Mtap-fin pale pour exprimer la progression de l’action -- en anglais, par exemple, « I had been speaking ».

[modifier] Futur

Pale Futur
Mwen / M — a pale Nou / N — a pale
Ou / W — a pale Nou / N — a pale
Li / L — a pale Yo / Y — a pale

[modifier] Étymologie

Mwen pral pale vient de la phrase « J’ai à parler »

Si vous avez à parler, vous devez le faire, et donc, si vous devez le faire, vous le ferez. Telle est la logique de ce temps qui est semblable au futur en anglais. I have to speak signifie l’obligation de parler, mais cette phrase anglaise est au présent. Autrefois, I shall speak voulait dire « Je dois parler », la logique étant que si vous devez parler, vous parlerez.

[modifier] Futur avec aller

Pale Futur
Mwen / M — pral pale Nou — pral pale
Ou — pral pale Nou — pral pale
Li — pral pale Yo — pral pale

M pral pale veut dire « Je vais parler »

Le « al » vient d’ale (aller), mais l’auteur de cet article ne sait pas d’où vient le pr. Probablement de la palabre 'per' - « je per aller parler »

[modifier] Conditionnel du présent

Pale Futur
Mwen / M — ta pale Nou — ta pale
Ou / W — ta pale Nou — ta pale
Li — ta pale Yo — ta pale

M ta pale veut dire « Je parlerais ».

[modifier] Étymologie

Ta vient de la contraction de te, marque du passé et a, marque du futur (comme dans m'a fè sa "je le ferai". Le processus est similaire en anglais et en allemand (et dans beaucoup d'autres langues) où la marque du conditionnel est la forme passée de l'auxiliaire du futur.

Ich würde sprechen (Je parlerais) -- Ici, würde est l’imparfait de werden

I would speak (Je parlerais) Ici, would est l’imparfait de will

Il va de même en français où le conditionnel ait formallement des terminations de passé sur l'infinitif (le futur se forme sur l'infinitif avec des terminations propres). Comparez:

je parler-ai (futur) je parler-ais (conditionnel, comme dans je parl-ais)

[modifier] Passé de conditionnel

M ta fin pale ou M ta fèk pale

Ce temps se forme de la même façon que le plus-que-parfait – avec des mots comme fèk et fin.

[modifier] Imperatif

Pale, annou-pale

On sait d’où provient l'usage de pale comme imperitif; annou-pale vient de la phrase « c'est à nous de parler ».

[modifier] Subjonctif

Le kreyòl n’a pas de subjonctif.

[modifier] Prononciation du créole haïtien

Pour plus d'information, voir l'article détaillé.

[modifier] Une petite histoire en kreyòl

Traduite en français

Lè manman m al lavil, li kite pitit la nan men papa m, mwen menm avèk lòt timoun yo.

Lorsque maman s'en va à la ville, elle laisse le petit enfant avec mon père, moi et les autres enfants.
[elle a laissé le petit enfant au soin de mon père]

Lè papa m vire l ap okipe travay li, li kite m veye pitit la.

Lorsque mon père tourne le dos, occupé par son travail, il me laisse prendre soin du bébé. [Il m’a quitté, de sorte qu’il était à moi de voir le bébé] lit.

Lè pitit la kriye, m pran li, m kenbe l nan de ti men, mwen di :

Quand le bébé pleure, je le prends dans mes bras, je prends les deux mains de l'enfant, et je dis :
« Do, do, do, do, do, tade ti se.

Ta-ta-ta-ta-ta attend ici.

Manman ou, manman ou ale lavil, ale lavil, l a pote pen pou ou, pinga ou kriye pou chat mawon pa pran ou.

Ta mère, ta mère est allée à la ville, allée à la ville, elle t'apportera du pain, ne pleure pas, pour que le chat sauvage ne te prenne pas.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens internes

[modifier] Liens externes

[modifier] Bibliographie

  • Philologie créole: études historiques et étymologiques sur la langue créole d'Haïti de Jules Faine. Imprimerie de l'état, Port-au-Prince, Haïti (1937)
  • 1911- Haitian Creole: grammar, texts, vocabulary de Robert A. Hall, Jr., with the collaboration of Suzanne Comhaire-Sylvain, H. Ormonde McConnell [et] Alfred Métraux. American Anthropological Association (1953) (Menasha, Wisconsin.)
  • Diksyonnè Kréòl-Fransé, L. Peleman, C.I.C.M. Imprimerie Bon Nouvel, Port-au-Prince (1976)
  • Recherche sur les notions de temps et d'aspect en créole haïtien et en français: Application à l'enseignement du français de Robert Damoiseau, Centre de Linguistique Appliquée Université d'Haïti. Imprimerie Le Natal, Port-au-Prince, Haïti (Avril 1989).