Celtes

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Les Celtes constituent une civilisation protohistorique de peuples émigrant à travers toute l'Europe. Les Celtes possédaient une culture riche qui sut s'épanouir pendant l'Âge du fer et développer un art tendant à l'abstraction dont la valeur est aujourd'hui reconnue. La culture celte survécut jusqu'au Moyen Âge en Irlande, avant de disparaître avec l'évangélisation de l'île par saint Patrick au Ve siècle. Les Celtes appartiennent à la famille des peuples Indo-Européens.

Ne connaissant pas d'unité politique, les Celtes étaient une myriade de peuples possédant des lois, des coutumes et des rites différents. Ils sont surtout connus dans les textes antiques grecs et romains (en particulier grâce à César[1]) pour leur valeur guerrière, leur caractère emporté, leurs sempiternelles luttes intestines et pour les mystères de la mythologie celtique. Les Celtes ne constituèrent pas une civilisation sanguinaire et destructrice comme les auteurs anciens l'ont souvent écrit, bien qu'ils soient connus pour avoir pratiqué les sacrifices humains et pour avoir voué un culte aux têtes coupées, notamment chez Diodore de Sicile.

C'est probablement leur incapacité à s'unir et à fonder des entités politiques plus vastes que la cité ou la confédération de peuples qui les a perdus : il semble qu'à l'instar des Grecs archaïques, les Celtes aient eu horreur du centralisme et n'aient connu que des alliances temporaires, fondées sur le clientélisme (voir l'article « Gaulois »).

L'histoire des Celtes est marquée par une succession de conquêtes et de migrations (jusqu'au IIe siècle av. J.-C.) qui les menèrent jusqu'en Asie mineure.

Après une suite de revers militaires lors de la guerre des Gaules de -58 à -51, tous les peuples celtes se sont soumis aux Romains, hormis dans les îles britanniques et en Irlande.

Sommaire

[modifier] Sources et définition

[modifier] Étymologie

Commentaires sur la Guerre des Gaules (édition de 1783)
Commentaires sur la Guerre des Gaules (édition de 1783)

On ne connaît pas le ou les noms par lequel les Celtes se désignaient eux-mêmes en tant que peuple, si tant est qu'ils le faisaient. Le mot « celte » nous est parvenu par les civilisations externes qui les ont côtoyés. Parmi les principaux témoignages (Strabon et autres), notons celui de Jules César :

« Gallia est omnis divisa in partes tres, quarum unam incolunt Belgae, aliam Aquitani, tertiam qui ipsorum lingua Celtae, nostra Galli appellantur. »
    — Jules César dans son ouvrage
De Bello Gallico

[…] qui se nomment dans leur propre langue Celtes et dans la nôtre Gaulois. […]

Le mot « celte » peut être un dérivé de différents mots :

  • des mots indo-européens "« kel-kol »" qui signifie « colonisateur » ou « keleto » qui veut dire « rapide » en référence à leurs fréquents déplacements rapides à cheval ;
  • plus tard, ces mots seraient devenus les mots grecs keltoï ou Galates (grec galatai) qui signifie « envahisseur » ;
  • encore plus tard, galate est devenu galli en latin puis « Gaulois » en français.
  • Une autre théorie, controversée, émise par Yann Brekilien, voudrait que les princes-guerriers de Hallstatt et les peuples de la Tène se donnaient à eux-mêmes le nom de "Kelti" (ou "kaleti"), qui veut dire "les durs".[réf. nécessaire]

[modifier] Sources historiques

Bronce de Botorrita
Bronce de Botorrita

Les Celtes sont apparus dans l'Histoire au travers de textes postérieurs, rédigés par leurs ennemis (comme la Guerre des Gaules, de Jules César) et/ou d'après le souvenir de leurs victimes (ils assiègent le Capitole et pillent le sanctuaire panhellénique de Delphes au IVe siècle av. J.-C.), ce qui leur valut la description de barbares sanguinaires qui a été mentionnée plus haut.

Il faut attendre près de deux siècles pour que - la plupart de ces peuples en mouvement s'étant déjà fixés depuis longtemps - les sources nous livrent une profusion de détails géographiques et culturels qui ne sont plus directement en relation avec le bellicisme celtique. Ainsi, les limites géographiques des peuples celtiques sont mieux connues à l'époque de la république romaine tardive (Ier siècle av. J.-C.), au moment même où les Celtes sont pris en tenaille sous les assauts conjugués des Romains et des Germains.

Voici une liste, non exhaustive, des principaux auteurs anciens qui nous renseignent sur les Celtes :

[modifier] Sources littéraires

Les sources historiques ne constituent qu'une approche du domaine celtique, et l'on reste au niveau de l'approximation. C’est par l'étude de la littérature irlandaise médiévale que l’on comprend la spécificité celtique, dans l'Antiquité. L'Irlande n’a pas connu la romanisation, et de par son insularité, la civilisation celtique a perduré jusqu’à l’arrivée de saint Patrick au Ve  siècle et bien au-delà (par la langue, le mode de vie etc.)

Henri d'Arbois de Jubainville a recensé, en 1883, 953 manuscrits irlandais dans les bibliothèques, sans prendre en compte ceux qui sont conservés dans des collections particulières. Ces textes datent de différentes époques, le plus récent est du XVIIIe siècle ; cependant l'archaïsme de la matière est indépendante de la date du document[2]. Il arrive aussi qu'un texte du XVIIIe siècle soit la retranscription d’un texte du VIIe siècle, ou que tel Livre soit la compilation de récits connus par ailleurs. Cette littérature comporte quatre catégories : le cycle mythologique, le cycle héroïque d’Ulster, le cycle de Finn et le cycle historique.

Outre la difficulté linguistique (irlandais ancien), il convient au philologue de retrouver le substrat archaïque des Celtes de l'Antiquité, dans un contexte fortement christianisé. Certains faits, certains mythes ont été remaniés de façon à correspondre aux dogmes de l'Église. D'autres éléments, du fait de leur ancienneté, étant simplement incompréhensibles pour les copistes, la retranscription devient parfois aléatoire.

Les travaux de ces dernières décennies ont considérablement modifié l'approche que l'on doit avoir du sujet, notamment avec l'étude comparative dans le cadre des Indo-Européens. Cela se ressent dans les domaines de la mythologie, du druidisme, de la structure de la société. Ces sources littéraires précisent et confirment ce que nous avons appris des sources historiques, et sont aussi utiles aux études archéologiques.

Pour les textes les plus importants, on peut citer par exemple :

  • Táin Bó Cúailnge (La razzia des vaches de Cooley)
  • Lebor Gabála Érenn (Le Livre des Conquêtes d'Irlande)
  • Immacallam in da thuarad (Le dialogue des deux sages)
  • Auraicept na nEces (Le rudiment du poètes)
  • Cath Maighe Tuireadh (La bataille de Mag Tured)
  • Dindshenchas (Antiquités ou histoires des forteresses)
  • Mesca Ulad (L'ivresse des Ulates)
  • Sanas Cormaic (Glossaire de Cormac)
  • Suidigud Tellach Temra (La fondation du domaine de Tara)
  • Tochmarc Emire (La courtise d'Emer)
  • Tochmarc Etain (La courtise d'Etain)
  • Aided Con Culaind (La mort de Cúchulainn)
  • Airne Fingen (La veillée de Fingen)
  • Aislinge Oengusso (Le rêve d'Oengus)
  • Compert Conchobair (La conception de Conchobar Mac Nessa)
  • Forbuis Droma Damhghaire (Le siège de Druim Damhghaire)

auxquels on peut ajouter les textes gallois :

[modifier] Sources archéologiques

Guerrier de Vachères
Guerrier de Vachères

L'archéologie nous renseigne quant à elle sur un autre aspect important du monde celte : l'importance de l'artisanat, qui explique aussi une domination des arts mineurs, tels que l'orfèvrerie, dans les arts celtiques. De plus, nombre des innovations du monde celte qui ne sont pas des œuvres d'art, telles que l'enclume ou le tonneau connurent un succès mérité dans le monde romain.

Une statuaire celte est connue, qui a longtemps été cantonnée au sud-est de la Gaule (Roquepertuse, Entremont, guerrier gaulois de Vachères) et dont on supposait qu'elle était due à l'influence proche de Marseille grecque. L'invention d'une statue originale à Glauberg (Allemagne) démontre que cette vision des choses est partielle.

Les sources archéologiques ont également permis d'acquérir une connaissance importante de l'armement celtique ou encore, récemment, d'entrevoir un univers spirituel sanguinaire qui s'approche davantage de celui que les textes romains présentaient pour les peuples belges.

Enfin, les objets et les structures livrés par les nombreux oppida (véritables villes-fortifiées comme à Entremont, près d'Aix-en-Provence ou à Bibracte, la capitale des Éduens) ont mené à la conclusion que les Celtes avaient progressivement développé, jusqu'à la veille de la conquête romaine, une civilisation complexe, qui n'ignorait plus l'urbanisme.

[modifier] Étendue et peuplement du « monde celtique »

Compte tenu de la durée de la civilisation des Celtes, qui s'étend de la protohistoire jusqu'au Moyen Âge, et compte tenu des dimensions de l'espace géographique que les Celtes occupèrent en Europe, il convient avant d'aborder la question du peuplement celtique de rappeler quelles sont les limites connues et communément admises pour le monde « celtique » (la koinè celtique).

Carte de l'Europe selon la Géographie de Strabon
Carte de l'Europe selon
la Géographie de Strabon

(gravure moderne)

Les sources les plus anciennes mentionnent les Celtes, habitant les régions qui vont des Colonnes d'Hercule jusqu'au Danube[3] au milieu du Ve siècle av. J.-C. , c'est-à-dire à peu de choses près les territoires actuels de l'Espagne, le Portugal, la France, la Suisse, le nord de l'Italie, l'Allemagne et l'Autriche (où la présence de populations à caractère celtique est attestée).

C'est à la fin du IVe siècle av. J.-C. qu'apparaît, encore dans les sources grecques, le terme « Galates » pour désigner précisément les Celtes réunis sous l'autorité d'un Brenn (chef) qui se heurtent aux Grecs à partir de -310 (invasions menées entre autre par le chef Molistomos) traversent non sans laisser de traces les Balkans et gagnent l'Asie près de Byzance. Le contexte dans lequel ce nom est utilisé laisse penser que les intéressés se nommaient ainsi.

Près de deux siècles et demi après, Jules César mentionne les Gaulois, qui se nomment Celtes dans leur langue et qui habitent une partie de la Gaule (les deux autres parties étant peuplées par les Aquitains et par les Belges).

Point commun de ces trois témoignages qui reflètent par ailleurs des réalités et des objectifs différents, l'existence des Celtes est attestée durant ces siècles qui, d'Hérodote à César, constituent ce que les archéologues ont nommé « civilisation de la Tène » (du site de La Tène, sur la Thielle, en Suisse).

À ce « domaine celtique » attesté par les sources historiques, il faut ajouter l'île de Bretagne, également conquise peu après par les Romains et dont César mentionnait la spécificité par rapport à la Gaule. Il faut, enfin, ajouter l'Irlande, de l'âge du fer jusqu'au haut Moyen Âge, telle que la révèlent l'archéologie et la tradition, les textes chrétiens insulaires de cette dernière période.

[modifier] Celtes ou Gaulois ?

Considérant que le terme Gaulois provient des récits de conquête de Jules César, une définition restrictive des Gaulois se rapporte, pour les archéologues, à ce qui relève des régions continentales relativement proches de Rome (sur les territoires de la France, de la Belgique, de l'extrême ouest de l'Allemagne et de l'Italie du nord), et peuplées par des Celtes entre la fin du IVe siècle av. J.-C. et la fin de la conquête de la « Gaule chevelue » par Jules César (en -51).

Cette définition exclut notamment les Celtes de Bretagne et d'Irlande, les Celtes de Bohême ou Scordisques, mais inclut les Belges, les « Gaulois du midi » (soumis par Rome un siècle avant leurs voisins du nord), et les Gaulois cisalpins. Toutefois, de part les relations politiques et religieuses particulières qui unissaient les tributs de la Gaule (système de type fédératif), ainsi que les différences linguistiques constatées, cette distinction reste d'actualité[4].

A contrario, on regroupe sous le terme Celtes les Gaulois (y compris les Belges), les Scordisques (Celtes danubiens), les Celtibères (Celtes de la péninsule ibérique - Espagne et Portugal) les Bretons (Celtes de Grande-Bretagne), les Gallois du haut Moyen Âge, les Celtes d'Irlande ou encore, les Galates d'Asie mineure.

[modifier] Repères historiques

[modifier] Ethnogenèse des Celtes

Concernant l'origine des Celtes, deux explications extrêmes sont possibles sans qu'aucune donnée archéologique ou historique ne permette de trancher.

Soit une vague de peuplement pré-celtique ou celtique de l'Europe aurait eu lieu, se superposant à un ou plusieurs peuplements antérieurs: le problème de savoir quand et à partir de quel foyer ce peuplement se serait produit se pose alors. Soit une civilisation à proprement parler « celtique » se serait lentement développée par diffusion culturelle sur un fond de peuplement préhistorique antérieur : dans ce cas, aucun bouleversement ethnique d'importance n'aurait accompagné la « naissance » des Celtes. Évidemment, la combinaison ou la juxtaposition partielle de ces deux explications est également possible.

En tous cas, les ancêtres des Celtes, peut-être à rechercher parmi les peuples pré-celtiques, furent probablement parmi les premiers Indo-Européens à avoir remonté le Danube et peuplé la région alpine. Ces peuplades préhistoriques occupèrent durablement toute la partie occidentale de l'Europe, de l'Écosse au Nord jusqu'à l'Espagne au sud, et des Balkans à l'Est jusqu'à l'Irlande à l'ouest.

[modifier] La culture des champs d'urnes

Pour de nombreux chercheurs, les origines d'un peuplement qu'on peut réellement associer au nom des Celtes seraient identifiables à partir du IXe siècle avant J.C., au premier âge du Fer (Civilisation de Hallstatt), dès la fin de la culture des champs d'urnes.

Un changement culturel majeur, en effet, a lieu dans l'Europe préhistorique, vers -1300 : l'exploitation du bronze, et sa production gagnent brutalement en qualité et, dans le même temps, les tumuli (latin – sing. tumulus : tertres funéraires) sont remplacés par des champs d'urnes : les sépultures ne se font plus par inhumation mais par crémation. Les cendres des défunts sont alors placées dans une urne qui est rassemblée avec d'autres. L'expansion de ce mode de sépulture est constatée dans toute l'Europe centrale et occidentale, jusqu'à l'Irlande.

[modifier] La culture de Hallstatt : premier âge du Fer

Vers -900 à -800, une innovation technologique considérable vient bouleverser une civilisation relativement stable : la métallurgie du fer. Les débuts de cette métallurgie sont connus dans le sud de l'Allemagne, l'Autriche et de l'est à l'ouest de la France : ils semblent associés à l'émergence d'une aristocratie guerrière dont le prestige repose sur l'usage de l'épée et sur la possession d'attelages d'apparat (les premiers chars celtiques). C'est la Civilisation de Hallstatt (repère H sur la carte ci-dessous). Il faut moins de cent ans pour que ces technologies soient connues dans l'ensemble du monde celtique, preuve d'une grande cohésion de l'ensemble dès cette époque. Parmi les sites de cette époque, l'un des plus connus est le tombeau de la princesse de Vix, en Côte-d'Or. Les autres sites funéraires très connus, sont situés en Allemagne, notamment la Sépulture de Hochdorf (les autres tombes citées sont de la période de La Tène), réalisés de la même façon (un char, des bijoux en or(torques et bracelets), des pendentifs en ambre provenant des contrées baltiques, des récipients en bronze originaires des Etrusques et des Grecs, et des cratères très importants (seulement à Vix ! ).

Si la prospérité économique initiale du premier âge du Fer, période qui semble avoir été relativement stable sur le plan politique, repose sur un axe commercial nord-sud, situé à l'est des Alpes et reliant la Méditerranée à la Baltique (route du commerce de l'ambre), des changements surviennent dès les VIIIe-VIIe siècles avant notre ère.

Vers -700/-600, en effet, les inhumations sous tumulus se multiplient (elles n'ont jamais disparu depuis l'âge du Bronze ancien), sans doute liées à des changements religieux qui traduisent une dégradation économique. Les centres économiques originels du premier âge du Fer connaissent à la même période un déclin au profit de nouveaux centres secondaires. Le site de Hallstatt est brûlé (faux) et ne sera plus réoccupé (non : dure encore à La Tène ancienne !); simultanément, la multiplication de petits oppida (erreur : à partir du IIe siècle av. J.-C.)(latin sing. oppidum : un lieu élevé (colline ou montagne) dont les défenses naturelles ont été renforcées par la main de l'homme) traduisent un état d'insécurité corrélatif à un émiettement de l'autorité politique. Des mouvements de peuples sont alors attestés par les sources grecques : c'est à cette époque qu'est utilisé pour la première fois le terme keltoi pour désigner les peuplades résidant au nord des Alpes.

[modifier] La culture de la Tène : deuxième âge du Fer

Vers -400 au plus tard, débute en Europe continentale le deuxième âge du Fer (latènien). Elle est caractérisée par une nouvelle civilisation qui doit son nom à un site remarquable : celui de La Tène (repère L sur la carte jointe plus loin), découvert sous les eaux du lac de Neuchâtel, en Suisse. Au même moment, des peuples celtiques se mettent en route à travers toute l'Europe et bouleversent le monde antique.

[modifier] L'expansion celtique des IVe-IIIe siècles

Peut-être dans le prolongement des bouleversements des VIe-Ve siècles, les Celtes entament au début du IVe siècle une phase d'expansion vers l'Est et vers la Méditerranée.

Carte de l'expansion celtique

Carte de l'expansion celtique
Foyers : H : site de Hallstatt, L : site de La Tène,
Régions : B : Îles britanniques, I : Ibérie, G : Galatie
Aires d'expansion : 1 : berceau nord-alpin,
2 : expansion maximale (fin du IIIe siècle av. J.-C.)

Tour à tour envahisseurs et pillards redoutés, les Celtes sont à Rome en -390. Vers -350 ils envahissent la future Bulgarie, la Thessalie, Athènes. Ils pillent Delphes et fondent Belgrade. Une ambassade celte rencontre Alexandre le Grand sur les rives du Danube. En -278, la présence de mercenaires celtiques en Galatie (Asie mineure, repère G sur la carte) est attestée : ils vont jusqu'en Syrie.

Ainsi, c'est durant la deuxième période de l'âge du Fer, celle de la Tène (repère L sur la carte) que l'existence des Celtes est réellement attestée par des sources historiques et c'est à la fin du IIIe et au début du IIe siècle qu'ils connaissent leur plus grande expansion géographique (zone 2 sur la carte).

Ils la doivent sans doute en premier lieu à leur armement en fer. La métallurgie du fer, en effet, maîtrisée à l'époque de Hallstatt, confère une indéniable supériorité militaire et matérielle. Elle constitue dès l'origine, avec la langue, le plus sûr indice d'appartenance au monde celtique. L'expansion de cette technologie est très importante, de l'Europe centrale jusqu'à la mer Noire, en passant par l'Ukraine.

Un autre facteur important semble être leur mobilité. Les Celtes ont d'abord et durant très longtemps une réputation de mercenaires : l'on connaît des troupes de guerriers isolés, mais également celles accompagnées d'une population entière, accomplissant ce que les Romains nomment ver sacrum, c'est-à-dire une migration sacrée. Cette réputation va perdurer. Très réputés même après la défaite d'Alésia, les Celtes serviront dans les armées romaines comme auxiliaires : les cavaliers gaulois.

Parmi l'armement celtique, l'épée longue celtique sera copiée par les Germains qui en feront plus tard l'instrument de leurs victoires sur les Romains. La cotte de mailles, enfin, est une invention celtique qui sera reprise dans tout le monde antique avant de connaître le succès que l'on sait au Moyen Âge. À côté de cela, les Celtes utilisent la fronde et la lance. L'arc ne se répand qu'au moment de la résistance contre Rome.

[modifier] Les défaites des IIe-Ier siècles

Habillement d'un guerrier celte - Museum Kelten-Keller, Rodheim-Bieber, Allemagne.
Habillement d'un guerrier celte - Museum Kelten-Keller, Rodheim-Bieber, Allemagne.

Aux IIe-Ier siècles avant notre ère, les Celtes sont soumis sur le continent à la pression conjuguée des Germains à l'est et des Romains au sud.

À la suite d'un appel à l'aide de Marseille, menacée par les peuplades celtiques voisines, Rome occupe une partie méridionnale de la Gaule, créant ainsi la province Narbonnaise, durant le dernier tiers du IIe siècle.

Les invasions de bandes armées et la pression démographique des Germains entraînent des migrations de peuples celtiques vers l'ouest, comme celle des Helvètes conduits par leur roi Orgétorix, et suscitent des tensions avec les peuples gaulois. C'est ce dernier facteur qui provoque la guerre des Gaules et marque la fin de l'indépendance celtique sur le continent à partir de -58. L'intervention de César aurait alors été motivée, écrit-il, par le désir de renvoyer les Helvètes chez eux afin de ne pas laisser des peuples germaniques d'outre-Rhin occuper le plateau suisse. Alors qu'en réalité la principale motivation de César était d'empêcher, comme il l'écrit lui-même, l'installation des Helvètes en Gaule de l'Ouest, d'où ils pouvaient menacer la Provincia (Gaule du Sud, conquise par Rome vers 120 av. J.-C.).

Occupée par le conquérant romain qui s'est immiscé dans la politique gauloise, une partie de la Gaule se soulève en janvier -52. Après la défaite à Alésia du chef de la coalition gauloise, Vercingétorix, la Gaule est entièrement occupée. Les derniers opposants sont vaincus en -51 à Uxellodunum où ils s'étaient réfugiés.

Au Ier siècle de notre ère, l'île de Bretagne est conquise à son tour : dès lors, la civilisation celtique ne survit plus qu'en Irlande, et dans le nord de l'Écosse. L'Helvétie est germanisée entre le Ve et le VIe siècle. Les populations bretonnes, dont une partie au moins avait conservé l'usage de la langue celtique, et irlandaises se christianisent après le IIIe (le Ve pour l'Irlande) et évoluent pour donner naissance aux irlandais, écossais, bretons, gallois et cornouaillais modernes.

[modifier] Civilisation

[modifier] Mobilité et organisation du monde celtique

La mobilité des Celtes au second âge du fer (laténien) est attestée par l'archéologie et par de nombreux témoignages grecs et romains écrits entre le Ve siècle et le IIe siècle.

En revanche, il est plus difficile d'aborder la question de l'organisation du monde celtique dès le premier âge du fer (hallstattien) car l'on dispose sur cette époque que de sources archéologiques.

[modifier] Hallstatt

Durant cette période, le commerce avec la Méditerranée conduit à la constitution d'un véritable réseau de « principautés » s'étalant en arc de cercle depuis l'est de la Gaule jusqu'en Bohême. Ces principautés dominent chacune un territoire de 30 à 40 kilomètres de rayon (Patrice Brun) : les sites de Vix, de la Heuneburg, et de Hohenasperg nous permettent de situer le cœur de ce phénomène de concentration du pouvoir entre la Bourgogne et le Wurtemberg, du IXe siècle au Ve siècle siècle.

Les échanges commerciaux avec la Méditerranée ont constitué des centres économiques servant de relais vers les régions plus lointaines de l'Europe barbare. Ces centres subissent les effets d'un glissement des routes commerciales de l'est des Alpes vers la plaine rhodanienne à la fin de la période.

Les intermédiaires barbares dans le commerce avec la Méditerranée se multiplient alors et les principautés de la Celtique déclinent rapidement au Ve siècle. Vers la même période, la métallurgie du fer se répand en Grande-Bretagne : l'île était restée jusque là en périphérie de ce système d'échanges européens dont le contrôle était assuré par quelques « princes ».

[modifier] Second âge du fer (laténien)

[modifier] Période d'expansion des Celtes
La zone verte suggère une extension probable de l'influence celtique autour de -1000. La zone orange montre la région de la naissance de La Tène. La zone rouge indique une région celtique possible autour de -400
La zone verte suggère une extension probable de l'influence celtique autour de -1000. La zone orange montre la région de la naissance de La Tène. La zone rouge indique une région celtique possible autour de -400

La période d'expansion a eu lieu du Ve siècle jusqu'à la fin du IIIe siècle, pendant laquelle s'est formé le domaine celtique proprement dit dans ses frontières les plus larges.

Cette période est caractérisée par une série de migrations et d'invasions par des populations originaires du nord-est de la France et du nord des Alpes : ces migrations, indice d'une très grande mobilité, conduisent les Celtes dans le nord de l'Italie, en Europe de l'est jusqu'en Ukraine et même, à travers l'épopée des Galates, jusqu'en Asie mineure.

On ne peut toutefois que deviner, à cette période, l'existence de plusieurs « ensembles » dans le monde celtique pour se faire une idée, très incomplète, de son organisation. Les connaissances qui viennent de l'archéologie, en effet, portent surtout sur les caractéristiques unitaires des Celtes : un art originaire de l'Europe centrale a quand même pu être distingué, qui est l'indice de la formation d'une culture celtique originale et prospère : celle des Scordisques de Pannonie. C'est aussi avec le reflux en Macédoine des Celtes qui avaient envahi la Grèce, au IIIe siècle, que se constitue la culture celto-thrace des Taurisques.

Les sources historiques concernent quant à elles essentiellement l'art de la guerre des Celtes : les celtes proposant leur services en tant que mercenaire aux Grecs anciens. Cette pratique est connue à travers plusieurs récits du monde hellenistique, comme celui d'une ambassade auprès d'Alexandre le Grand sur le Danube.

On peut aussi tirer des sources, généralement postérieures, certains traits (légendaires ou non) de la mobilité géographique des Celtes. À l'origine de cette mobilité, on peut citer la pratique des migrations sacrées, sous la conduite d'un chef de guerre (brenn), avec éventuellement l'incendie de la « ville » d'origine (attesté durant la période suivante chez les Helvètes). Les raisons exactes de cet essaimage, toutefois, demeurent inconnues, mais elles sont probablement démographiques.

L'étymologie, enfin, nous livre un aperçu de la mobilité des peuples. Certains noms de peuples, en effet, sont connus en des régions d'Europe fort différentes aux IIIe–Ier siècles : cela éclaire leurs mouvements aux Ve-IIe siècles, sans que le détail en soit toujours connu :

  • des Vénètes (qui ont donné leur nom à la ville de Vannes) sont connus en plusieurs régions d'Europe : ceux d'Armorique sont finalement battus en -56 par les galères de César dans le golfe du Morbihan.
  • Des Volques servent peut-être de mercenaires sur le Danube à l'époque d'Alexandre le Grand, soit avant de s'établir dans la région de Toulouse, soit étant originaires de celle-ci. Il en va également des Rèmes, qui ont donné leur nom à Reims.
  • Des Sénons (originaires de Sens ?) et des Boïens (qui ont ensuite donné leur nom à la Bohême) entrent en Italie, où leur chef, connu sous le nom de Brennus, assiège et rançonne Rome en -390. Ceux-là sont établis au IIIe  siècle dans la plaine de et vivent au sud de Vertamocoriens (originaires du Vercors ?).
  • Des Celtae (« Celtes ») sont connus dans la péninsule ibérique, leur nom étant probablement du à leur origine étrangère à cette région.
  • Des Galates, dont le nom est évidemment à rapprocher de celui, postérieur, des « Gaulois » de la Cisalpine, s'établissent quant à eux dans l'actuelle Turquie, profitant des guerres qui agitent l'Asie mineure.
  • Des Belgae (« Belges ») sont présents au Ier siècle avant notre ère sur les rives de la Tamise, en Angleterre et même, plus au nord encore, précisément à Vindolanda, une contrée au nord de l'Angleterre sur la ligne de démarcation représentée par le Mur d'Hadrien.

On trouve aussi dans le sud de l'île des Parisii, peut-être à rapprocher des parisii, qui ont donné leur nom à la ville de Paris.

[modifier] Période de repli des Celtes
Statue du guerrier celte de Mondragon (Ie siècle)
Statue du guerrier celte de Mondragon (Ie siècle)

Le repli des Celtes est provoqué par les conquêtes romaines qui ont eu lieu pendant les IIe siècle et Ie siècle. L'essentiel du monde celtique d'alors est connu principalement à travers l'œuvre à caractère politique de Jules César.

Ce dernier distingue dans l'aire géographique désignée sous le nom de « Gaule », la « Celtique » proprement dite, la « Belgique » occupée par les « peuples belges » (des peuples celtes ou germano-celtiques) et l'« Aquitaine ».

Selon Jules César, les peuples belges présentent alors des traits de caractère plus archaïques que leurs voisins occidentaux : l'archéologie a effectivement mis en évidence leur bellicisme, qu'on peut expliquer par la permanence des traits culturels de la période d'expansion précédente.

Au début de la guerre des Gaules, les Gaulois ont, quant à eux, développé des systèmes fédératifs qui résultent, par le jeu des « clientèles », dans une concentration du pouvoir aux mains de quelques « cités ». Celles, rivales, des Arvernes, des Éduens et des Séquanes dominent clairement la Gaule chevelue à la veille de la conquête romaine.

Pour expliquer cette évolution, il est possible d'invoquer un système plus ancien d'alliances à vocation militaire : celui qui donne naissance aux « fédérations de peuples ». Ce système, qui se serait mis en place durant la période d'expansion des Celtes, aurait perduré avant de se transformer aux IIe et Ier siècles suite à la disparition progressive des conflits internes au monde celtique.

Des exemples de telles alliances sont connus chez des peuples établis à plusieurs centaines de kilomètres les uns des autres, au moment même où Rome conquiert le midi de la Gaule (dernier tiers du IIe siècle). Ainsi, le roi des Salyens a pu se réfugier chez les Arvernes, ou encore, les Voconces et les Allobroges ont pu former une coalition.

Durant les temps qui précèdent la conquête romaine de la Gaule chevelue, probablement dès la fin du IIe siècle, ces alliances trouvent leur prolongement dans la paix pour des raisons économiques. Elles aboutissent alors à un système plus centralisé que les simples fédérations de peuples : une telle évolution explique la disparition de certaines royautés (chez les Arvernes) ou la distinction d'une oligarchie chez les Éduens.

La naissance de cadres du pouvoir nouveaux en Gaule peut aussi expliquer l'utilisation du mot « cité » (civitas) par Jules César pour désigner une certaine réalité sociopolitique gauloise en -58.

La Gaule peut alors connaître une évolution comparable à celle menant à la naissance de la cité « classique », dans la Grèce archaïque : à la fois un ensemble de citoyens, un ensemble de lois et le territoire sur lequel s'exercent ces lois.

La définition exacte à donner au mot « cité », s'agissant des Gaulois, et l'existence de frontières clairement établies entre les différents peuples de la Gaule, font cependant encore débat.

Une évolution à peu près similaire a pu être proposée chez les Celtes de Bohême (du Boiohaemum). Ces derniers possèdent alors de somptueuses résidences dans des oppida dominant la voie danubienne : le rôle économique et religieux de ces places fortes est évident [5]. Mais leur déclin est rapide, lié essentiellement aux luttes contre les Daces et à la pression des Germains. Certains de ces Boïens viennent d'ailleurs en Gaule où ils participent à la guerre contre les Romains.

Pour compléter ce tableau, il faut noter l'existence de liens anciens et durables qui rapprochent les peuples occidentaux de la façade atlantique, de la Vendée jusqu'au sud-ouest des îles britanniques.

Dans ces îles britanniques, aussi, la culture matérielle révèle ce qu'on peut assimiler soit à des particularismes, soit à des archaïsmes. L'habitat, notamment, demeure très éloigné des « villes » celtiques (Stéphane Fichtl) qu'on peut observer sur le continent : il montre plutôt la permanence de traits hérités de l'âge du bronze. L'usage du char de guerre, abandonné sur le continent lors du développement du mercenariat celtique, au plus tard au IIIe siècle, perdure en Grande-Bretagne jusqu'à la conquête romaine. S'ils n'ont laissé aucune trace archéologique dans cette île, les mythes irlandais du haut Moyen Âge en font en état.

En résumé, que l'on compare entre elles les données archéologiques inhérentes à l'« espace » gaulois, au sens large, (en particulier les aires de diffusion des monnaies), ou encore qu'on prenne pour exemple les relations entre la Gaule Belgique et l'île de Bretagne[6], il apparaît qu'à large échelle un réseau complexe de relations économiques et culturelles lie les Celtes entre eux au Ier siècle avant notre ère. Ces relations sont sous-tendues, à moindre échelle, par des clientèles et des fédérations de peuples élaborées probablement dans un but guerrier lors de la période de l'expansion celtique.

Dans ce monde qui ne connaît pas d'unité politique dépassant le cadre – incertain – de la « cité » mentionnée par César, la tribu, le peuple, ou la (con)fédération de peuples, constitue à la fois le lieu originel et privilégié de l'identité des anciens Celtes et cette identité doit beaucoup à la guerre.

Toutefois, avec la fin (relative) de la mobilité des Celtes, dès la fin du IIIe siècle, et avec l'isolement puis le rétrécissement de certaines « régions » du domaine celtique, des évolutions séparées impriment leur marque sur les différentes composantes de cet espace : aussi, Belges, Gaulois (au sens strict), Celtes de Bohême, Bretons et Galates d'Asie mineure présentent, au Ier siècle, des différences importantes selon leur éloignement par rapport au modèle d'organisation celte précédent.

[modifier] Art et culture

[modifier] Mœurs

Reconstitution d'un village celte typique
Reconstitution d'un village celte typique

Sur les mœurs, bien que ce fait soit surtout mis en valeur par les historiens anglo-saxons, les récits mythologiques et épiques du Moyen Âge irlandais, postérieurs de plusieurs siècles, nous renseignent sur des traits de civilisation qui présentent une relative similitude avec ceux que décrivaient les Grecs anciens : les Celtes sont festifs, prompts à s'emporter, bagarreurs et superstitieux.

Ainsi, selon Appien (VII.), les Celtes sont intempérants et se gorgent de bière ; cela rend leurs chairs flasques. Pour Strabon (IV. IV, 2.), les Gaulois sont irascibles, prompts à la bataille et querelleurs (IV, 6.)., etc. Ces traits de caractère, bien évidemment, relèvent en majorité de la vision qu'avaient les Latins des Celtes.

Néanmoins, ce sont de tels passages qui nous renseignent sur d'autres aspects plus intéressants, quoique sujets à controverse, de la culture des anciens Celtes : ainsi, Diodore de Sicile nous apprend que les guerriers celtes conservaient la tête de leurs ennemis et lui vouaient un culte, les textes irlandais quant à eux, s'ils rapportent le fait, ne lui donne pas un caractère religieux. Cette information a été mise en rapport avec les inventions archéologiques de linteaux de portiques représentant des têtes coupées, ou encore avec les décors proprement celtiques des portails des églises de l'Irlande chrétienne : ces derniers privilégient la représentation des têtes de saints. Lucain, quant à lui, renseigne ses lecteurs sur l'aspect sinistre et sanguinaire des lieux de culte des Celtes : ses affirmations, à rapprocher de celles de Strabon sur les sacrifices humains, ont depuis lors été mises en rapport avec les dépôts d'offrandes des sanctuaires celtiques de la Gaule septentrionale et Belgique.

[modifier] Société

La gens des peuples indo-Européens constitue la base de la société celte. En d'autres termes, tout comme à Rome et en Grèce, ce sont des familles au sens large du terme qui forment ensemble un tuath (mot gaélique), un clan. Cette famille, ou fine pour les Gaëls, a le même sens que familias en latin et inclut tous les parents jusqu'au neuvième degré. Au-delà du neuvième degré, une autre famille est constituée et les biens auparavant communs doivent être partagés.

Le clan ou la tribu, dont l'archétype qui nous est resté est le clan écossais, est la cellule politique de base qui regroupe toute la hiérarchie sociale, du chef, ou roi, jusqu'aux esclaves et biens communs. Le clan était un tout et pouvait tout régler de lui-même. Donc, si en apparence les Celtes n'avaient pas d'unité politique, c'est qu'ils n'avaient jamais eu de besoin d'unification au-delà du clan. Leur conception de l'État est à l'opposé de celle des Romains de l'époque républicaine ou impériale, pour qui un État presque totalitaire était ce à quoi toute pensée et toute activité étaient dédiés.

[modifier] Écriture

Dédicace gallo-grecque de Segomaros. Nîmes, Gard
Dédicace gallo-grecque de Segomaros. Nîmes, Gard
Le calendrier de Coligny d'époque gallo-romaine
Le calendrier de Coligny d'époque gallo-romaine

Les Celtes découvrirent probablement l'écriture sous l'influence des Étrusques, en Italie du nord-ouest, où des inscriptions en langue celtique utilisent l'alphabet de Lugano : ces « inscriptions lépontiques » proviennent notamment de la culture de Golasecca, celticisée peut-être à la fin du VIIe siècle av. J.-C. ou vers 600 av. J.-C. au plus tard[7].

En Gaule méridionale, les « Gaulois du Midi » nous ont quant à eux livré plusieurs inscriptions utilisant l'alphabet grec. Ils ont pu acquérir la connaissance de cette écriture au contact de la cité phocéenne de Marseille, dans le sud-est de la France, dès le VIIe siècle av. J.-C.

Les inscriptions gallo-grecques (écriture avec l'alphabet grec de textes en langue gauloise) sont les plus importantes sources écrites par des Celtes qui nous sont parvenues pour la période antérieure à la conquête romaine de la Narbonnaise : elles couvrent des tessons (marques de propriété), des autels (dédicaces) et l'une d'entre elles est même datée de -500 / -450 (Italie du nord).

Dans l'aire gauloise historique laténienne, l'usage de l'écriture aurait été limité par les druides pour des raisons culturelles et de tabou religieux (Jules César).

Pour ce qui est du domaine insulaire, il convient de citer les Ogam, ou écriture oghamique, dont l’origine est irlandaise. Son invention mythique est attribuée à Ogme (équivalent gaulois : Ogmios), le dieu des Tuatha Dé Danann, dont la fonction est la magie guerrière, l’éloquence et de la poésie. C’est une écriture sacrée réservée aux druides, qui a été élaborée à partir de l’alphabet latin et dont la lecture est difficile. Ce système de notation est composé de 25 lettres dont la graphie est une arête verticale sur laquelle sont encochées des traits à droite ou à gauche, obliques ou perpendiculaires ; ces lettres sont associées au symbolisme des arbres.

Les textes font état d’usages magiques ou divinatoires, dont les supports privilégiés étaient les bois d’if et de coudrier. 300 inscriptions sur pierre nous sont connues, elles ont un caractère funéraire. Selon l’archéologue Venceslas Kruta, l’écriture oghamique a aussi servi pour des transactions commerciales et le bornage de terrains. Les pierres retrouvées étaient dispersées en Irlande et en Écosse, mais aussi au Pays de Galles, sur l’île de Man et aux Cornouailles, dans des zones d’influence gaélique.

Enfin, un dernier ensemble important de sources écrites en langue gauloise est daté de la période romaine. Le calendrier de Coligny en est une des pièces majeures : daté quant à lui de la fin du IIe  siècle ap. J.-C., il emploie l'alphabet latin que nous connaissons.

[modifier] Art

Guerrier debout de Glauberg, Allemagne
Statue de guerrier debout de Glauberg
Tête (Allemagne)
Icône de détail Article détaillé : Art celte.

Les Celtes n'ayant laissé que très peu de traces écrites de leur civilisation, celle-ci nous est avant tout connue grâce à leur art, largement redécouvert durant la deuxième moitié du XXe siècle.

L'art des Celtes présente une grande diversité selon les époques et les régions considérées. Il n'est pas, non plus, exempt d'influences extérieures : étrusque, grecque, scythique, puis latine, et enfin germanique et chrétienne. Toutefois, quelques caractéristiques majeures le distinguent définitivement de l'art des autres civilisations qui étaient en contact avec l'aire culturelle celtique :

  • les représentations des divinités semblent avoir existé, à une date tardive seulement, mais les témoignages en sont rares, d'époque gallo-romaine ou difficiles à identifier (L'une des sources les plus connues est le chaudron de Gundestrup, du IIe/Ier s. av. J.-C.).
  • si l'on excepte le cas de la Hesse et celui du midi et de l'ouest de la Gaule (voir plus loin), il semble également que la statuaire de pierre n'ait pas été le domaine de prédilection des Celtes.
  • Une caractéristique majeure de l'art celte est la domination de motifs anthropomorphes ou issus de la nature, tels que les entrelacs, et une tendance à l'abstraction. Issue du schématisme hallstattien, cette tendance atteint son apogée à travers les enluminures des manuscrits celtiques d'Irlande et d'Écosse de la période chrétienne insulaire, tels que le célèbre livre de Kells (voir aussi le monastère de Iona).
  • les statues du tumulus de Glauberg en Hesse et la stèle sans doute funéraire de Pfalzfeld en Rhénanie représentent des hommes debout dotés de curieuses excroissances de part et d'autre de la tête, en forme de feuilles de gui. Il s'agit d'une coiffure aristocratique, dont des vestiges sont conservés dans une des tombes du Glauberg. De très nombreux objets de bronze montrent des personnages portant le même couvre-chef.

[modifier] Religion

Si les Celtes connaissaient l’écriture et l’ont parfois utilisée, ils ont privilégié l’oralité pour la transmission du Savoir, quel qu’en soit le domaine, de sorte qu’il faut étudier le domaine celtique à partir de sources externes ou tardives. La construction de sanctuaires à usage religieux est un fait très tardif dans le domaine celtique puisqu’ils n’apparaissent qu’au IIIe siècle av. J.-C.. Aux époques précédentes, le culte régi par la classe sacerdotale des druides, se faisait dans des espaces sacrés en pleine nature (nemeton en langue gauloise signifie « sacré », nemed en gaélique), comme les clairières, la proximité des sources. Lucain, dans la Pharsale (III, 399-426), nous donne la description d’un de ces lieux avec un endroit strictement interdit, réservé aux dieux. Le site de Burkovák (Bohême) recèle de très nombreux objets à caractère votif, mais est exempt de toute construction. Il est possible aussi que des ensembles mégalithiques, tels Carnac ou Stonehenge aient pu être réutilisés par les druides dans un but cultuel. La construction de palissades autour d'enclos et de bâtiments intervient à une époque ou la civilisation celtique entame son déclin. Le plus célèbre de ces sites est celui Gournay-sur-Aronde.

[modifier] Sources

Les principales sources sur la religion des anciens Celtes sont tout d'abord les textes de leurs contemporains grecs et latins, notamment Diodore de Sicile (Histoires), Strabon (Géographie), Pomponius Mela (De Chorographia), Lucain (La Pharsale), Pline l'Ancien (Histoire naturelle), et surtout Jules César avec La Guerre des Gaules. Ensuite, il existe tout un ensemble de textes irlandais, écrits du VIIIe au XVe siècle, qui retranscrivent les mythes et épopées de l'Irlande transmis oralement de générations en générations, et qui constituent la Mythologie celtique.

Ces textes, rédigés dans un contexte chrétien, complètent ceux des Anciens ; on retiendra : le Cath Maighe Tuireadh (Bataille de Mag Tured), le Tochmarc Etaine (Courtise d’Etain), le Táin Bó Cúailnge (Razzia des Vaches de Cooley), le Lebor Gabala (Livre des Conquêtes) et les Mabinogion gallois.

D'une manière générale, l'absence relative de témoignages de première main dont nous disposons sur la religion des anciens Celtes a donné lieu à un ensemble d'interprétations plus ou moins fantasques. En réalité, la connaissance que nous en avons s'appuie sur cet ensemble de sources extérieures, dont le propos peut être limité à des considérations politiques (César), ou encore de présenter des « barbares », au sens moderne du terme (Lucain). Enfin, il faut mettre en relation ce que nous savons des anciens Celtes et les sources irlandaises tardives avec la plus grande circonspection : ces dernières, en effet, présentent comme toute mythologie des influences non-celtes : indigènes, qui seraient plus anciennes et propre au contexte géographique, chrétiennes, … Et encore, ces sources témoignent d'une réalité éloignée de cinq à dix siècles par rapport à celle des Celtes contemporains de la conquête romaine.

Obéissant fondamentalement au schéma général de la tripartition des sociétés indo-européennes, la société celtique paraît avoir été structurée en trois classes : la classe sacerdotale qui possède le Savoir, gère le Religieux et fait la Loi, la classe guerrière qui gère les affaires militaires sous le commandement du roi et la classe des producteurs (artisans, agriculteurs, éleveurs, etc.) qui doit subvenir aux besoins de l’ensemble de la société et en priorité à ceux des deux autres classes (César parle des druides, des equites (chevaliers) et de la plèbe).

[modifier] Druidisme

Deux druides sur le bas-relief d'Autun.
Deux druides sur le bas-relief d'Autun.
Icône de détail Article détaillé : Druidisme.

À l'époque précédant la conquête romaine de la Gaule, et, semble-t-il, par la suite dans les îles, la caractéristique majeure de la pratique religieuse des anciens Celtes est le druidisme. Le mot druide qui est spécifiquement celtique provient de « dru-wid-es » qui signifie « très savants ».

L'existence du clergé druidique est attestée chez plusieurs auteurs antiques, pour différentes époques et en différents lieux du monde celtique. Ainsi, dans la tradition irlandaise, le druidisme apparaît comme une création des Partholoniens, arrivés en Irlande 312 ans après le déluge[8]. Ou encore, en Gaule, les druides paraissent avoir joué un rôle clef dans l'insurrection de -52 et, par la suite, dans les révoltes gauloises du premier siècle : celle des equites, menée par l'Éduen Julius Sacrovir en 21 après J.-C. et rapportée par Tacite dans ses Histoires, aurait conduit au déclenchement des hostilités de Rome à l'égard des druides gaulois.

Le « clergé » druidique avait en charge la célébration des cérémonies sacrées et des rites cultuels : lui seul avait le droit de pratiquer les sacrifices, parfois humains, mais plus généralement d'animaux ou symboliques (comme l'attestent les ex-voto en bois inventés aux sources de la Seine). C'est d'ailleurs la pratique des sacrifices humains qui servit de prétexte à l'interdiction des druides sous l'Empereur Tibère (ou Claude pour certains historiens).

Les autres prérogatives des druides comprenaient logiquement l’enseignement, la diplomatie, l’histoire, la généalogie, la toponymie, la magie, la médecine et la divination. Le druide, grâce à son savoir (dont l'acquisition pouvait nécessiter vingt ans d’études, selon César) et grâce à sa maîtrise des pratiques magiques, était un intermédiaire entre les dieux et les hommes.

Le druide avait aussi un rôle de conseiller politique auprès du roi avec lequel il a pu former un binôme dans lequel le roi exerçait la souveraineté sous l’inspiration du druide. Le druide Diviciacos, contemporain de Cicéron et directement à l'origine de la conquête romaine de la Gaule, apparaît notamment comme le chef politique des Éduens.

À tous égards, le druide était le personnage prédominant de la société celtique, à la fois ministre du culte, philosophe, gardien du Savoir et de la Sagesse, historien, juriste et aussi conseiller militaire du roi et de la classe guerrière. Il est également possible que toute la vie des Celtes ait été sous le contrôle des druides à certaines périodes.

Aussi, on peut penser que les druides ont joué un rôle fondateur pour l'ensemble de la civilisation celtique et pour le règlement de l’ensemble de la société celte.

Sans entrer dans les spécifications de la classe sacerdotale, trois types de « professions » à caractère religieux sont connus dans le monde celte :

  • le druide qui désigne tout membre de la classe sacerdotale, dont les domaines d’attribution sont la religion, le sacrifice, la justice, l’enseignement, la poésie, la divination, etc. ;
  • le barde est spécialisé dans la poésie orale et chantée, son rôle est de faire la louange, la satire ou le blâme ;
  • le vate est un devin, il s’occupe plus particulièrement du culte, de la divination et de la médecine. Les femmes participent à cette fonction de prophétie.

En Gaule, l'existence d'une hiérarchie druidique est également presque certaine si l'on se réfère aux témoignages latins qui portent sur l'existence d'une assemblée annuelle des druides (sur le territoire des Carnutes, près de Chartres) et sur l'existence d'un Gutuater, sorte de chef des druides, qui aurait participé activement à la politique des Gaules. Le druidisme aurait ainsi pu servir de trait d'union entre les peuples celtes.

[modifier] Calendrier religieux

L’année celtique était rythmée par quatre grandes fêtes religieuses au caractère obligatoire, dont deux majeures : Samain au 31 octobre ou 1er novembre et Beltaine au 30 avril ou 1er mai, et deux de moindre importance : Imbolc le 1er ou le 2 février et Lugnasad le 1er août.

La source majeure qui nous renseigne sur le calendrier celtique est le calendrier de Coligny, de l'époque gallo-romaine.

[modifier] Divinités et croyances

Icône de détail Article détaillé : Mythologie celtique.

Un des points les plus délicats à aborder, en l'absence de sources de première main, est la spiritualité des anciens Celtes.

Ceux-ci devaient disposer d'un panthéon au moins aussi développé que celui des Grecs et des Romains (près de quatre cents figures de divinités celtiques sont recensées), mais rien n'indique que ce panthéon ait été homogène sur l'ensemble du domaine celtique, ni qu'il ait possédé une structure unique. Cependant, les principaux dieux gaulois décrits par César se retrouvent, sous leurs noms propres, dans les textes mythologiques irlandais du Moyen Âge, avec les mêmes fonctions.

Les auteurs latins et grecs citent quelques divinités gauloises, sans énoncer les motifs qui dictent leur sélection : Épona, Taranis, Esus et Lug sont ainsi connus.

La toponymie nous livre encore quelques indices sur les croyances des anciens Celtes. Ainsi, on pense que Lug était révéré dans des lieux d'altitude. Le toponyme Lugdunum (forteresse ou montagne de Lug) est directement à l'origine du nom de la ville de Lyon. Une autre étymologie possible, est que "lug" signifie "corbeau".

Détail d'un panneau intérieur du chaudron de Gundestrup, Musée national du Danemark, Copenhague
Détail d'un panneau intérieur du chaudron de Gundestrup, Musée national du Danemark, Copenhague

La place des divinités celtes dans l'art pose problème. On a longtemps considéré comme témoignage archéologique majeur sur les dieux des Celtes le chaudron de Gundestrup, inventé dans une tourbière au Danemark. Mais celui-ci, qui représente un certain nombre de divinités et évoque plusieurs mythes communs à la plupart des peuples anciens en Europe, n'est pas exempt d'influences extérieures. En tous cas, il représente un dieu cornu qui peut être associé au dieu celte à tête de cerf, Cernunnos et une divinité à la roue solaire en laquelle on peut voir une représentation de Taranis.

En statuaire, on a plusieurs fois vu représentées des figures de divinités bicéphales ou tricéphales, qui ont été associées à un Hermès. Il est en tout cas probable que le rythme ternaire ait possédé une dimension religieuse pour les anciens Celtes. Des statues de « guerriers assis », inventées dans le midi de la Gaule (Entremont, Roquepertuse), font objet de débat : il est difficile de savoir si celles-ci représentaient des dieux, des guerriers divinisés ou des héros tutélaires.

Le même problème d'interprétation se pose pour certains bustes de la « Gaule chevelue » dont la forme fait penser au haut d'un mât totémique, telle celle en laiton inventée à Bouray-sur-Juine, dans l'Essonne, qui représente un personnage avec torque et pattes de cervidé stylisées, ou encore celle conservée au musée de Saint Germain-en-Laye, en calcaire représentant un personnage avec torque et sanglier.

De même, le sens exact de certains noms associés à des divinités est plus difficile à cerner : Teutatès (qui a inspiré le célèbre Toutatis d'Astérix) pourrait ne pas désigner un dieu particulier, mais le dieu tutélaire, protecteur d'un peuple, chaque peuple celte ayant possédé ses propres divinités, certaines remontant à la préhistoire préceltique.

L’immortalité de l’âme était une des croyances des anciens Celtes, ce qui explique peut-être les témoignages sur leur vaillance et leur intrépidité au combat, puisque la peur de la mort était absente. En revanche, la notion de la réincarnation doit être écartée de leur religion, cette suggestion étant due à des lectures erronées[9].

Les Celtes croyaient également en un au-delà. Dans la tradition irlandaise transmise à l'époque chrétienne, le Sidh désigne l'Autre Monde celtique, il se situe à l’ouest, au-delà de l’horizon de la mer, dans des îles magnifiques ; sous la mer, dans les lacs et les rivières où se situent de somptueux palais de cristal aux entrées mystérieuses ; sous les collines et les tertres. C’est le séjour des Tuatha Dé Danann.

Dans le domaine des rites, les sacrifices humains, le culte des têtes coupées, ou encore l'utilisation abondante du sang dans les lieux de culte sont les traits qui ont frappé l'imaginaire des auteurs antiques. L'un d'entre eux, Pausanias, accuse même les Celtes d'anthropophagie. Jules César, très sensible au sujet, écrit quant à lui :

« Ils [les Celtes] se servent pour ces sacrifices humains du ministère des druides ; ils pensent, en effet, que c'est seulement en rachetant la vie d'un homme par la vie d'un autre homme que la puissance des dieux immortels peut être apaisée. Ils possèdent des sacrifices de ce genre qui sont une institution publique. Certains ont des mannequins de très grande taille, dont ils remplissent d'hommes vivants la carapace tressée d'osiers, on y met le feu, et les hommes périssent enveloppés par la flamme. »

Dans les faits, divers témoignages archéologiques corroborent l'existence de pratiques violentes, sans que l'étendue exacte de celles-ci soit connue : culte des têtes à Entremont (Bouches-du-Rhône), réminiscent dans le décor des tympans d'églises de l'Irlande médiévale, rites sanguinaires à Ribemont-sur-Ancre, etc.

[modifier] Notes et références

  1. De Bello Gallico, I, i
  2. Christian-Joseph Guyonvarc'h et Françoise Le Roux dans La civilisation celtique (Objections et problèmes de méthode)
  3. Hérodote
  4. Jean-Louis Brunaux Les Gaulois, édition Belles Lettres, 2005.
  5. Petr Drda et Alena Rybova, Les Celtes de Bohême
  6. I. M. Stead, « Les peuples belges de la Tamise » dans Les Celtes, ouvrage collectif
  7. R. C. De Marinis, « Les Celtes de Golasecca » in Les Celtes, catalogue de l'exposition du Palazzo Grassi de Venise, cité en bibliographie
  8. Lebor Gabala
  9. Dans Les Druides (section glossaire, page 414), Christian-J. Guyonvarc'h et Françoise Le Roux sont catégoriques : « La tradition celtique ne contient aucune trace d'une croyance à la réincarnation »

[modifier] Voir aussi

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Voir « Celtes » sur le Wiktionnaire.

[modifier] Bibliographie

Icône de détail Article détaillé : Bibliographie sur les Celtes.

[modifier] Liens internes

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