Bastide (ville)

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Une bastide (de l'occitan bastida) est le nom désignant quelque deux cent cinquante à trois cents villes ou villages neufs fondés dans le sud-ouest de la France entre 1229 (Le Traité de Paris [1] parfois considéré comme l'acte fondateur de mouvement de création urbaine) et 1373, répondant à un certain nombre de caractéristiques d'ordre économique, politique et architectural.

La ville basse de Carcassonne est considérée comme une bastide.

Bastide de Monpazier, en Dordogne
Bastide de Monpazier, en Dordogne
Place au sommet d'une bastide, Lot
Place au sommet d'une bastide, Lot

Sommaire

[modifier] Définitions d’une bastide ?

Le mot bastide dans les textes médiévaux peut avoir différentes significations selon les périodes. C'est seulement à partir de 1229 environ que le terme prend le sens de ville neuve ("bastida sive populatio").

C'est au XIXe siècle que commence l'étude historique des bastides.

F. de Verneilh définit les bastides comme : « ... des villes neuves bâties tout d'un coup, en une seule fois, sous l'empire d'une seule volonté. »

Alcide Curie-Seimbres, reprendra cette définition en la précisant : « Les bastides furent toutes fondées a novo, d'un seul jet, à une date précise, sur un plan préconçu, généralement uniforme, et cela dans la période d'une centaine d'années (1250-1350). »

Enfin, pour Odon de Saint-Blanquat, « une ville est une bastide quand les textes relatifs à sa fondation la qualifient ainsi » (1941).

D'où les grandes caractéristiques des bastides :

  • une bastide est une ville ;
  • il existe un acte fondateur ;
  • et des textes originels.


De plus, il apparaît aujourd'hui que les bastides ne sont pas réellement des fondations a novo, comme le dit Curie-Seimbres. En effet, le terrain choisi pour leur implantation ne se situait généralement pas au milieu de nulle part. Il s'agissait souvent :

  • soit de villages absorbés ;
  • soit d'un lieu mythique ;
  • soit d'un grand carrefour où se déroulait déjà un commerce à un certain moment de l'année. En fait, une bastide sans corps.

Il s'agit de très courtes définitions pour une question aussi complexe, mais l'essentiel y est. On pourrait ajouter que la bastide est un lotissement dont la taille est fixée par son concepteur et dépend de la place qu'il doit occuper dans un réseau urbain général. Les bastides sont l'expression d'une volonté médiévale d'aménagement du territoire.

Les historiens ont depuis nuancé les certitudes. Toutefois cette image de la bastide définie il y a plusieurs siècles se voit encore fréquemment présentée, la bastide se voit réduite à une petite ville au plan en damier, avec place centrale, halle et couverts, créée par l'association de deux pouvoirs et dotée de coutumes et libertés. Cette image "mythologique" est bien trop réductrice pour définir le phénomène historique complexe et évolutif des bastides.

Ainsi pour fonder une bastide, deux conditions sont souvent indispensable : disposer d'une assise foncière suffisante et être détenteur de l'autorité nécessaire. D'où le recours fréquent aux contrats de paréage associant seigneur foncier et détenteur de l'autorité publique. Les coutumes et libertés fixent les conditions de la vie sociale. L'urbanisme de ces bourgs se carctérise par l'adoption de plans orthonormés (différent selon le moment, la situation topographique ... ) résultats d'une intervention volontaire. A l’origine confondue avec le castrum, la bastide s’en différencie rapidement par un faisceau original de caractères : l’origine (fondations princières, paréages), le moment (seconde moitié du XIIIe siècle), la forme (plans en grille centrés sur la place du marché), l’ampleur (vocation de lieu central). La bastide s'organise autour de la place du marché.

Aujourd'hui, on s'accorde à dire qu'il s'agit de nouveaux lieux d'établissement pour des groupes de population à but agricole, commercial ou politique.

[modifier] Lieux d'implantation de bastides

Le sud-ouest est inégalement touché par le phénomène des bastides. Deux espaces sont réellement privilégiés dans le choix des sites :

  • le piémont pyrénéen ;
  • l'axe garonnais élargi vers l'est le long du Tarn, du Lot et de la Dordogne,

pour des raisons naturelles : l'altitude et la qualité des sols. Les bastides étaient en effet des villes à vocation agricole ou historiques : le Languedoc était déjà plein de villes romaines.

Certaines bastides s'établissent toutefois dans des positions défensives fortes. Par exemple : Arouville, Hastingues, Montfort, Baigts, Pimbo, Miramont-de-Guyenne...

Certaines sont entre les deux, moyennement ouvertes et protégées, comme hésitantes. Par exemple : Saint-Justin, Cazères...

Mais la majorité s'implante dans des vallées sans accident. Quelques exemples seraient : Grenade, Villefranche-de-Rouergue, Toulouzette, Labastide-Chalosse et Duhort. La période 1250-1350 est en effet paisible dans le sud-ouest, entre la croisade des Albigeois et la guerre de Cent Ans.

[modifier] Phases de fondation des bastides

[modifier] Préhistoire du mouvement (1144-1229)

C'est entre 1144 et 1248, année de la mort de Raymond VII, comte de Toulouse, que sont construites les premières bastides. 1144 est l'année de fondation de Montauban, par le comte Alphonse Jourdain..

À la période de la Croisade des Albigeois, le pouvoir français montre tout son intérêt pour l'espace aquitain.

Il s'agit d'une époque de transition avec l'époque romane. On procède par tâtonnements dans la recherche d'un nouveau style.

De 1144 à 1208, le comté de Toulouse connaît son âge d'or. Montauban est fondée par le comte de Toulouse aux portes de l'abbaye Saint-Théodard, à une cinquantaine de kilomètres au nord de Toulouse. Mais la guerre des Albigeois éclate et l'élan des fondations est brisé.

Il reprend cependant dans les années 1220 avec l'installation du royaume de France dans le Languedoc (1224) et le traité de Meaux-Paris (1229) qui coupe l'Albigeois en deux le long du Tarn. L'Est est réuni au domaine royal et l'Ouest reste au comté de Toulouse. Alphonse de Poitiers épouse la fille aînée de Raymond VII qui n'a pas de fils. Le comté de Toulouse est donc voué à disparaître.

La paix est revenue et la région se stabilise. Les pôles principaux de la région au début du XIIIe siècle sont Toulouse, Albi et Montauban, qui est déjà une grande ville à cette époque. Les bastides sont un effort de reconstruction après tant de guerres.

Elles sont fondées de préférence sur les routes entre Toulouse et Albi. Cependant, quelques fondations françaises dans le Languedoc et fuxéennes dans l'Ariège constituent une minorité.

[modifier] Période alphonsine (1249-1271)

Alphonse de Poitiers, frère de Louis IX, devient en 1249 comte de Toulouse. Il multiplie les créations de bastides : pendant ses vingt ans de règne (1250-1270), il en fonde cinquante quatre[1].

Il est en conflit contre le roi duc à l'ouest (vers le Lot et la Dordogne) et le comte de Foix au sud (le long de la Garonne et de l'Ariège). C'est dans ces espaces frontières que se concentrent les fondations de bastides. Il s'agit d'une volonté de colonisation des larges vallées au sud de Toulouse.

À cette époque commence aussi à se dessiner un axe de communication important entre Toulouse et Paris vers Cordes et Villefranche-de-Rouergue.

Il s'agit également de création politique suite à l'arrivée des Capétiens dans la région : ainsi, la création de Villefranche-de-Rouergue répond à la nécessité d'Alphonse d'installer son pouvoir en Rouergue, face aux anciennes cités, telles Najac, restées fidèles à la dynastie raymondine.

On remarque donc à cette époque la fondation de deux types de bastides dans deux régions différentes :

  • la plupart d'entre elles sont destinées à tenir des régions convoitées ou disputées. Elles se partagent les terres à surveiller et choisissent des sites défensifs[réf. nécessaire] ;
  • à proximité du Quercy (repris par les Français aux Anglais en 1259), du Rouergue ou dans l'Albigeois :
    • n'ont pas de rôle militaire ;
    • ont une fonction étape entre Toulouse ;
    • sont alignées sur les axes de communication.

[modifier] De 1271 à 1290

Alphonse de Poitiers meurt en 1271, sans enfants. C'est le sénéchal français de Toulouse, Eustache de Beaumarchès qui lui succède.

En 1272, Edouard Ier est sacré roi d'Angleterre.

En 1272, le sud-ouest est partagé de manière presque égale entre les deux hommes. L'ouest et le nord-ouest sont aux mains des Anglais, l'est et le sud aux Français. Les Gascogne centrale et occidentale constituent la région frontalière entre la France et le roi-duc. Les seigneurs locaux cherchent à rester autonomes en passant d'un camp à l'autre.

Les terres anglaises, surtout du nord-ouest, sont couvertes de bastides. Les anciennes ont été fondées par la France, les nouvelles par l'Angleterre.

Ce sont des terres peu sûres. Les bastides y sont placées sur des sites défensifs à proximité de cours d'eau qui sont des voies de transport en temps de paix.

À la fin de cette troisième période, le Lot et la Dordogne seront assez uniformément recouverts de bastides, le long des cours d'eau.

Du côté toulousain, Eustache fonde des bastides suivant une auréole autour de la métropole qui s'interrompt au sud-est.

Dans l'Albigeois et la vallée de la Garonne, il intensifie l'implantation de bastides pour consolider le pouvoir français.

Enfin, en Gascogne orientale, il existe de nombreux comtés. En effet, il s'agit d'une région cloisonnée par le relief qui n'intéressait pas Alphonse de Poitiers. Les bastides qu'Eustache y fonde sont un moyen pour lui d'infiltrer la région.

[modifier] De 1290 à 1350-1375

Cette période est marquée politiquement par une tension croissante entre l'Angleterre et la France.

Eustache de Beaumarchès meurt et la guerre de Gascogne éclate. Il s'agit d'une offensive française. Ceux-ci prennent l'Agenais. La paix de Montreuil rend à l'Angleterre beaucoup de ses terres dévastées par la guerre.

La majorité des bastides construites à cette période le sont au sud-ouest de l'espace aquitain. Elles sont le fruit d'initiatives anglaises et seigneuriales. Le roi de France y participe peu.

Il y a aussi intensification des implantations de bastides dans les régions déjà couvertes, ainsi qu'apparition de fondations de bastides dans le Lauragais et entre l'Ariège et l'Agout. Ces dernières pour le assurer le contrôle des relations entre Toulouse et le Languedoc.

[modifier] Situation au XIIe siècle

[modifier] Situation géographique

La zone des bastides s'étend :

[modifier] Situation sociale

La société de l’époque est essentiellement rurale. Les paysages sont très individualisés.

Politiquement, la terre est divisée en de tout petits pays. Les plus grands sont à l'époque le Périgord, le Quercy et le Rouergue. On peut parler de balkanisation du Midi aquitain en 1200.

Cependant, malgré ce morcellement, sur tout le sud-ouest existe une grande unité de culture : la culture occitane.

Cela n'empêche pas une relation entre le Pays basque et le Toulousain. Dans ce premier, les paysans sont semi-nomades. Lorsque la terre est épuisée et les forêts dégradées là où ils sont implantés, le hameau migre. Mais ce ne sont jamais de grandes distances qui sont parcourues. Les églises, elles, restent en place. Dans le Toulousain au contraire, la terre est plus fertile. Des villes antiques avec de l'artisanat contribuent à y enrichir la bourgeoisie.

[modifier] Situation politique

Une foule de péagers vit de la taxation des paysans et des voyageurs. Ils assurent un climat d'insécurité et leur argent ne leur suffit souvent qu'à entretenir un petit castrum et quelques hommes d’armes.

Au-dessus de ceux-ci sont établis des seigneurs. Ils règnent chacun sur plusieurs dizaines de villages et bourgs. En 1150 ils sont vassaux du roi de France, soit directement, soit par l'intermédiaire des grands féodaux, comme Raymond V, comte de Toulouse, ou Aliénor d'Aquitaine (duchesse d'Aquitaine, comtesse de Poitiers et reine de France).

Par le mariage de cette dernière en 1152 avec le roi d'Angleterre, le sud-ouest devient une terre de conflits entre les royaumes de France et d'Angleterre.

Dans le sud-ouest un système de chartes se développe avant l'apparition des bastides. Il s'agit en fait de documents écrits où sont stipulés les redevances dont la population doit s'acquitter. Celle-ci préfère ce système moins arbitraire et de plus en plus de seigneurs l'adoptent. Dès le XIIe siècle, Auvillar et Montauban avaient déjà des chartes de coutumes et des amorces de paréage qui sont les outils juridiques allant permettre l'éclosion des bastides.

Pour J. Poumaride, historien du droit, « la pénétration du droit romain dans le bassin de la Garonne coïncide avec un grand mouvement d'affranchissement urbain et de création de bastides. Le principe de liberté individuelle que véhicule le droit romain est le ferment de cette éclosion urbaine acceptée par une féodalité méridionale peu cohérente ».

Les seigneurs de l'époque sont de deux types :

  • Seigneurs laïques : un seigneur laïque est un noble qui offre la protection à ses gens. Pour être réellement dissuasif face aux autres seigneurs voisins, il doit faire de grandes dépenses militaires. Cependant, à l'époque, les loups et voleurs sont bien plus menaçants. La construction d'un château fort suffit donc bien souvent à assurer la protection des gens. De nombreux châteaux sont construits dans la région. Autour de ceux-ci se développeront des castelnaux, villages agglutinés au castrum central. On peut souvent encore aujourd'hui déduire l'origine de ces villages de la présence dans leur nom de mots tels que : castéra, castel ou castelnaud, comme les villages : Castéra-Verduzan, Castelsarrasin, Castelnaudary, Belcastel ou Castelnaud-la-Chapelle. Le site d'implantation est toujours défensif, souvent perché. Au centre du castelnaud se trouve une tour carrée ou rectangulaire. C'était le logis seigneurial ainsi qu'un poste d'observation. Les maisons du castelnaux sont serrées autour. Il en résulte un urbanisme à rues tortueuses et placettes.
  • Seigneurs : les seigneurs ecclésiastiques sont eux des hommes d'Église. Leur rôle est aussi d'assurer la protection de leurs gens, mais ils le font d'une manière différente. La sécurité est garantie par la dissuasion : la menace d'excommunication. En effet, les terres de l'Église et surtout les villages ayant le statut de sauvetés sont protégés en droit par la paix de Dieu. À l'entrée et aux carrefours les plus fréquentés de ces terres appelées finages est implantée une croix qui marque l'entrée d'un espace sacré. Lorsqu'on dépasse ces bornes il faut déposer les armes. Les noms actuels de ces villages, aussi appelés sauvetés, reflètent aussi leur histoire. Par exemple : La Sauvetat, La Sauve ou des villages ayant pris le nom d'un saint. Cependant au niveau de l'urbanisme, les formes sont assez proches de celles des castelnauds. Les maisons se pressent autour du sanctuaire central car il s'agit du lieu véritablement inviolable. Dans ce sanctuaire, le clocher est généralement construit comme une tour de guet ou donjon et souvent l'église est fortifiée. Une lourde porte, de petites ouvertures romanes, des murs épais avec contreforts ne sont pas un luxe dans ces temps troubles.

[modifier] Situation religieuse

Le XIe siècle voit s'établir et s'épanouir dans le sud-ouest la doctrine cathare, qui trouve dans les conditions socio-culturelles de cette région un terreau favorable à son développement.

L'anticléricalisme intransigeant de ce mouvement et son opposition à la hiérarchie catholique, valent aux cathares de s'attirer les foudres de l'Église catholique romaine, qui les condamne comme hérétiques et cherche à les éliminer, d'abord par le prêche et le débat doctrinal, puis par la force.

La croisade contre les Albigeois, prêchée par Innocent III en 1209 et menée par Simon IV de Montfort, a comme conséquence, outre le fait d'éliminer le catharisme, d'affaiblir les pouvoirs locaux au profit des Capétiens, qui s'établissent durablement dans la région. Ainsi, le comté de Toulouse est rattaché à la couronne de France en 1271.

Dans les villes s'établissent des évêques et des monastères cisterciens s'implantent dans toute la région. Les gens, très religieux, lèguent souvent à leur mort une partie de leurs terres à l'Église ce qui fait que celle-ci est devient vite une grande propriétaire terrienne.

[modifier] Paysage urbain

En 1200 une grande partie des agglomérations de la région sont des castelnaux et des sauvetés. Les autres ont souvent des origines gallo-romaines (leurs noms finissent généralement en -ac et -ville).

Les bastides arrivent donc dans un paysage déjà très humanisé. C'est ce qui explique entre autres de nombreuses irrégularités dans le parcellaire de certaines bastides ou des orientations étonnantes d'églises : il s'agit d'héritages antérieurs à la fondation.

[modifier] Forme gothique d'aménagement du territoire

[modifier] La propriété du sol

La première nécessité pour fonder une bastide est de posséder le sol. Mais le droit médiéval était complexe. Souvent avant les fondations il a fallu établir un contrat de paréage entre le fondateur et les seigneurs voisins. Celui-ci fixe le statut juridique et fiscal de la bastide. Il prévoit aussi ce qu'il adviendra si la bastide est un échec ou si elle croît.

Il existe au Moyen Âge trois formes de propriété du sol pour un seigneur qui étaient sous la forme de droits qu'un seigneur pouvait détenir ou partager :

  • droit de prélever l'impôt seigneurial (le cens, la dîme)
  • droit de rendre la justice (haute et/ou basse)
  • droit de vendre la terre

Souvent la terre est détenue en copropriété, un seigneur possédant tous les droits à la fois sur une même terre étant très rare.

Au moment de la fondation des bastides il faut tenir compte de ces propriétés du sol. Dans des bastides comme Revel ou Montréal-du-Gers, le roi est le seul seigneur laïc. La fondation en est donc grandement facilitée. Mais ailleurs de longues tractations entre les co-seigneurs doivent avoir lieu. De plus, quelquefois des constructions existent déjà sur les terres choisies pour fonder une bastide, par exemple des granges.

Le contrat de paréage définit les droits des divers seigneurs et prévoit les limites de la bastide et ce qui y sera fait à l'intérieur :

  • nombre de maisons, de jardins, de terres cultivables
  • taille des parcelles
  • les bâtiments civiques et religieux et leur défiscalisation.

Cependant le contrat de paréage ne fixe pas le statut des forêts et pâturages autour de la ville (propriété collective ou répartition égale entre les nouveaux venus). C'est à la nouvelle communauté de le décider. De plus, il ne fait d'aucune manière allusion au plan de la nouvelle ville.

[modifier] Une nouvelle vision du monde

Alcide Curie-Seimbres écrivit en 1880 des bastides qu'"on croit voir de grands potagers distribués en carreaux et desservis par des allées droites". En effet, les bastides sont très ordonnées orthogonalement. Cela rompt fortement avec les formes romanes des villes que les contemporains pouvaient observer.

Une hypothèse est que les urbanistes médiévaux auraient trouvé dans les monastères les modèles romains et les auraient reproduit. Mais cette hypothèse se heurte au fait que les monastères n'ont jamais formé les architectes. Vitruve n'est redécouvert et diffusé qu'au XVIe siècle. Et surtout, la logique qui sous-tend le tracé quadrillé des bastides n'est pas du tout la même que celle des tracés des Romains.

Les urbanistes médiévaux ont bel et bien fait du neuf. Ils ont inventé un urbanisme gothique. Mais cela s'est fait de la même manière que les architectes gothiques. Ca ne vient pas des progrès techniques. L'originalité de l'architecture gothique tient en une réflexion très achevée sur le thème de la standardisation.

Villard de Honnecourt, grand architecte de cathédrales gothiques, a ainsi dans son cahier de croquis conçu une rosace de 216 éléments réalisables avec seulement 5 modèles de pierre. On comprend alors qu'un des éléments principaux de l'architecture gothique soit l'arc brisé. En effet, il facilite la standardisation des claveaux d'un même arc : il est tracé avec deux courbes circulaires de même rayon, et de plus on peut tracer à l'aide de la même courbe des arcs brisés de hauteur et de portée différentes. Cela est impossible avec le plein cintre. Dans un même bâtiment on peut donc employer toute une série d'arcs différents mais tracés à l'aide du même rayon. On pourrait dire que, de même, l'urbaniste, lui, joue avec les ayrals (les parcelles).

Le XIIIe siècle est celui de la naissance de la rationalité. Une autre vision du monde éclot. L'important n'est plus, comme à l'époque romane de définir et de délimiter les objets du savoir avec un centre et des bornes. Le monde roman était clos. Le monde gothique s'ouvre. On s'ouvre vers l'intérieur (on observe les objets à la loupe) et vers l'extérieur (on observe les objets avec du recul). Le discours est celui de l'individu et du tout, de l'élément et du système.

Cette révolution de la vision du monde a des échos dans le monde musical : le temps est compté, codifié. On le traduit sous la forme de notes carrées qui s'alignent sur des portées. On étudie les sons et la composition de ceux-ci pour former des œuvres musicales.

La théologie n'est pas en reste. Elle découvre la philosophie antique. Le plus bel exemple en est Thomas d'Aquin.

On voit alors que les bastides sont dans l'air du temps. On veut faire du complexe à partir de choses très simples.

[modifier] Éléments d'une bastide

Les premières questions que se pose l'urbaniste concerne les éléments préexistants sur le terrain devant servir à l'établissement de la bastide.

  • Y a-t-il un village préexistant avec des éléments collectifs à réutiliser ?
  • Y a-t-il une église préexistante ?
  • Rien du tout ?
  • Quelle est la nature du sol ? Peut-il supporter le poids des bâtiments ?
  • Quelle est la topographie du lieu ?

[modifier] La place

Au centre de chaque bastide on trouve invariablement une place. C'est totalement contraire aux exemples des villes des siècles précédents, les castelnaux et sauvetés.

Aucune cité gallo-romaine de la région n'a gardé à cette époque sa place antique. Les castelnaux et sauvetés n'ont pas non plus de place. En Italie toute proche non plus on n'en trouve pas.

Peut-être l'idée vient-elle du Proche-Orient. En effet y existaient des places magnifiques et les croisés n'ont pas dû manquer le mentionner dans leurs récits à leur retour.

Dans tous les cas, le prototype de la place des bastides est celle de Montauban. Dans cette ville, la place est un carré de 70 m de côté.

Elle commande la division de la ville en quartiers appelés gaches.

Il n'y en a qu'une seule par bastide à l'exception de Saint-Lys (une pour le marché et une pour l'église) et à Albias.

Il n'y a jamais eu de rapport direct entre la taille de la place et l'importance de la bastide.

On choisit pour l'implanter le terrain le plus plat possible.

Mais surtout, le plus important, c'est que le fondateur cherchait à la soustraire au maximum aux courants de circulation. Généralement l'accès se fait aux angles.

On peut dénombrer 3 types de formes de place. Cependant, sur les 300 bastides recensées à ce jour, seules une centaine ont une place entrant dans l'une des catégories :

  • Plan à enveloppement : la place est entièrement fermée vers l'extérieur. C'est-à-dire que la place ne touche aucune rue. L'existence de ce type de places montre bien que la place d'une bastide n'est pas un lieu de circulation. Ces places sont cependant très rares. Elles se retrouvent par exemple à Tournay où il s'agit d'un carré de 70 m sur 72.
  • Plan à axe unique : ce type de place résulte d'un plan de bastide organisé suivant un axe unique (une rue principale étoffée de plusieurs rues parallèles, coupées par des perpendiculaires). La place se trouve alors entre deux rues. L'entrée se fait par les angles. Ces places font en général 50 à 55 m de côté.
  • Plan à quadrillage : c'est le cas le plus fréquent, la place de bastide par excellence : une place quadrangulaire avec accès par les angles et dont les façades sont d'un seul tenant (sans andrones, voir Maisons). Cette place dérive directement de celle de Montauban. Souvent l'emplacement de la place est un îlot soustrait à la construction privée. Elle se situe en général au centre de la ville et en commande tout le plan. Ce sont les plus belles et les plus grandes places de bastides. Elles font 60 x 60 m en moyenne au XIIIe siècle, 90 x 90 m au XIVe. Les plus grandes vont jusqu'à 70 x 140 m (deux îlots).

[modifier] Rôle de la place

La place est d'emblée réservée au marché. Elle a en effet une fonction économique très forte (plusieurs chartes stipulent que tout ce qui est à vendre doit d'abord être amené sur la place). Mais rapidement elle acquiert aussi une fonction municipale par la construction de maisons communes sur la place. Cette fonction était d'abord assurée dans l'église mais se laïcise très vite.

La place devient un centre d'attraction, voire un symbole social. En effet, les maisons donnant sur la place sont souvent celles des plus anciennes familles (celles s'étant établies en premier).

[modifier] Couverts

Aujourd'hui lorsqu'on se promène sur la place d'une bastide on remarque qu'elle est souvent à portiques. C'est un aménagement qui n'a pas été fait que dans les bastides. On appelle ces places : places à couverts ou places des cornières.

En fait, il s'agit d'Embans rajoutés aux façades des maisons après leur construction. Dans un premier temps ils étaient en bois puis ils sont remplacés par des couverts en pierre plus tard. Les arcs les soutenant sont au départ des arcs brisés, puis au fil des reconstructions seront remplacés par des arcs en plein cintre.

[modifier] Halles

Au centre de la place on trouve aussi souvent une halle de marché. Comme les couverts, elle apparait plus tard.

Il s'agissait de protéger les marchands du soleil et de la pluie.

À l'étage loge souvent le pouvoir consulaire. C'est bien plus simple pour surveiller.

La halle a souvent un clocher. Elle a véritablement tous les attributs d'une cathédrale commerciale. C'est une basilique ayant retrouvé ses origines romaines.

[modifier] Murailles

Les fondateurs ne construisaient pas de fortifications autour des villes en général. Ils laissaient aux habitants le soin de le faire par un impôt ou un octroi. Cela fait que le jeu d'interférences entre la régularité du parcellaire et le tracé du mur d'enceinte est à l'origine d'une grande diversité dans le plan des bastides.

Il est rare qu'elles soient construites à la fondation de la bastide, même dans celles implantées près d'une frontière. Il s'agit en effet d'une époque calme entre la croisade des albigeois et la guerre de Cent Ans. Libourne est un bon exemple. Dix ans après la fondation, les habitants avaient demandé de l'argent à leur seigneur pour construire une muraille. Une fois reçu, ils l'ont dépensé pour l'embellissement de leur ville.

Au début de la guerre de Cent Ans, de nombreuses bastides furent détruites du fait de l'absence de défenses. Les autres s'entourèrent hâtivement de remparts de pierre.

[modifier] Maisons

Les habitants qui s'installaient dans la bastide avaient en général un an pour la construire, cela pour inciter les nouveaux venus à s'installer durablement. Les premières maisons sont donc assez rudimentaires en général.

Il existe des règles d'implantations très précises :

  • l'alignement de la façade avant est obligatoire ;
  • elles doivent être d'un étage en plus du rez-de-chaussée ;
  • elles sont non-mitoyennes (sauf sur la place) : entre deux maisons est intercalée un androne (ou entremis), un espace de 25 à 40 cm de large destiné à éviter la propagation des incendies et à faciliter l'écoulement de l'eau.

Avec le développement économique, l'espace urbain mute. Autour de la place, une petite halle s'établit devant chaque échoppe : ce sont des couverts, des arcades, des amabans ou des garlandes (voir ci-dessus couverts). Puis ce rajout apparaît dans les rues commerçantes. Sous les rues des caves se creusent et au-dessus, certaines maisons se faisant face se relient par des pontets.

[modifier] Rues

Les rues principales, appelées charretières (carreyra en occitan) (parce qu'elles permettent le passage de charrettes) font de 6 à 10 m de large. Elles longent les façades des maisons. Elles sont souvent les axes longitudinaux de la bastide.

Les rues secondaires, appelées transversales ou traversières, font de 5 à 6 m de large, mais pouvaient aussi faire de 2 à 2,50 m. Elles coupent fréquemment les rues charretières.

Enfin, les passages ou venelles font elles de 1 à 3 m de large. Elles sont à l'arrière des ayrals. On les appelle aussi parfois carreyrou.

La bastide se compose dans le sens de la longueur de 1 à 8 rues. Ce nombre varie avec l'importance de la bastide. Lorsqu'il n'y en a qu'une seule, on l'appelle bastide-rue ou village-ruban. Il s'agit des bastides s'étant le moins développées. Une cité classique en damier possède au moins 4 rues parallèles.

La chaussée est en terre mais quelquefois recouverte de pavés ou de galets. Elle est constituée de deux plans inclinés vers un caniveau central.

[modifier] Types de terrains

Chaque bastide contenait soit 3, soit 4 types de terrains disposés organisés par types selon des couronnes autour du centre ville. Ces terrains étaient tous divisés équitablement entre toutes les familles venant s'établir dans la ville.

[modifier] Ayrals

Au centre se trouvaient ces terrains découpés en parcelles régulières de 8 m sur 24 en moyenne, appelées ayrals, et destinées à être bâties. On a cependant des exemples de bastides avec des ayrals de 12 x 28 m, ou d'autres d'ayrals d'à peine 10 m de profondeur. Cependant, on note que les bastides de même taille avaient des lots de tailles semblables. De plus, une proportion simple était maintenue entre la largeur et la longueur de l'ayral, souvent de 2 ou 3.

On sait aussi que les 8 m de largeur de façade sur rue sont dus au fait qu'il s'agit de la portée économique maximale d'une poutre en bois.

Le fond de l'ayral était utilisé pour y implanter une cour, des latrines et parfois une remise.

Le nombre d'ayrals dans une bastide était limité. Il était défini dans le contrat de paréage et pouvait varier de plusieurs dizaines à plusieurs milliers (3000 à [[Grenade (Haute-Garonne)|]).

Il est intéressant de noter qu'il n'y avait aucune dérogation faite sur la régularité du parcellaire. Bâtiments publics et notables ne bénéficiaient pas d'une parcelle de taille supérieure. Cependant, on leur réservait couramment le droit de s'étaler sur plusieurs lots voisins.

[modifier] Jardins

Ceux-ci se trouvaient sur la deuxième couronne en partant du centre, contigus aux ayrals. Ils étaient du même nombre que les maisons. Leur superficie était réduite. Il y a souvent un rapport de proportion entre la superficie de l'ayral et celle du jardin, 2 ou 3. La moyenne de superficie est de 5 à 7 ares.

[modifier] Vignes

On trouve ce type de terrain dans de nombreuses bastides mais pas dans toutes. Parfois il n'y avait qu'une partie de la population qui avait droit à posséder un terrain pour cultiver la vigne.

[modifier] Arpents

Les terrains de culture, appelés arpents, ceinturent toute la ville. Ils sont extra-muros.

Leur taille moyenne est de 5 à 6 ha, ce qui était largement suffisant vu les instruments rudimentaires de l'époque.

Ici aussi chaque famille recevait à son établissement dans la bastide un arpent de même superficie.

Dans certaines bastides de défrichement, l'arpent était couplé à tout autre terrain que la famille pourrait défricher. Par exemple à Bouloc, chaque famille recevait 7 ha et pouvait l'agrandir de tout terrain de forêt qu'elle saurait défricher.

[modifier] Plan de bastide

Un grand nombre de bastides sont à plan inorganisé, mais une forte proportion de fondations détient un plan particulièrement net.

Il semble qu'il y ait eu un modèle adapté à chaque fondation. En effet, plus de la moitié des fondations ont été établies sur la croisée de deux directions perpendiculaires qui, complétées par de nombreuses parallèles, donnent un quadrillage.

Il existait au Moyen Âge une corporation de lotisseurs chargés de diviser les lots sur le terrain et de prévoir leur destination. Mais il est certain qu'on n'a pas fait appel à eux pour les bastides. En fait, d'après les textes du XIIIe siècle nous étant restés, il semble que ce ne soient pas des spécialistes qui aient mis en forme les bastides. Il s'agirait plutôt de notaires, juges, baillis, sénéchaux, voire des évêques. Ce sont eux aussi qui apparemment auraient réalisé les éléments indispensables de la ville que sont les puits, les fontaines.[réf. nécessaire]

À partir de l'ensemble des bastides, on peut catégoriser en 5 types les plans.

[modifier] Inorganiques ou embryonnaires

Elles sont soit totalement désordonnées, soit à l'état d'un embryon de plan, comme La Bastide-de-Bousignac par exemple.

Les raisons peuvent être diverses :

  • ce sont des bastides fondées à partir de hameaux existants,
  • elles n'ont été que très faiblement peuplées, c'est un échec relatif de la bastide
  • tout simplement les fondateurs étaient sans ou avaient moins de rigueur.

[modifier] Circulaires

La seule bastide circulaire existante est Fourcès dans le Gers.

Ce type de bastide est donc très rare.

[modifier] À enveloppement

Généralement il s'agit de villages n'ayant pas été créés de toutes pièces au départ. Elles ont été précédées soit par une église, soit par un noyau de maisons.

Les nouveaux quartiers s'implantent autour du noyau initial et le noient.

[modifier] À un seul axe

Ce sont les plus nombreuses. Lavedan estime qu'elles représenteraient entre 30 et 40 % du total des bastides.

Elles sont généralement situées en plaine.

Elles sont construites comme leur appellation le suggère sur la base d'une rue principale. Celle-ci était au Moyen Âge la voie de passage obligé et reliait généralement les deux portes principales de la ville.

Parfois la ville ne s'est pas élargie autour de cette rue principale. La place se trouve alors être un étalement, une excroissance de la rue.

Souvent, de nombreuses transversales coupent la rue principale. On parle alors de tracé en « arête de poisson ». C'est une forme de bastide s'adaptant bien au relief, particulièrement lorsqu'il est escarpé. On les retrouve d'ailleurs souvent sur des croupes allongées, comme Gimont dans le Gers. Cette bastide fait 1000 m de long pour 300 m de large. La rue charretière est la route d'Auch à Toulouse qui suit à cet endroit la crête. Elle est coupée dans la bastide par de nombreuses transversales très raides.

Quelquefois la rue principale est doublée et la place se situe alors entre les deux.

[modifier] À deux axes

On aborde ici le cas des bastides considérées comme l'aboutissement du modèle gothique de la bastide. Elles sont considérées comme les plus typiques du mouvement. Dans tous les cas, il s'agit du modèle le plus élaboré.

La base du plan, ce sont deux axes perpendiculaires commandant un échiquier. Les rues se coupent alors en angle droit.

La place est souvent centrale, ou proche du centre, carrée ou rectangulaire.

Les îlots sont réguliers, généralement rectangulaires.

Les contours de la bastide sont eux aussi géométriques : carré, rectangle, parallélogramme, hexagone ou ovale, les formes sont multiples.

Ce sont des bastides qu'on retrouve autant en hauteur qu'en plaine, mais c'est dans cette situation qu'elles donnent leurs plus belles formes géométriques.

Certains fondateurs sont connus pour les avoir préférées aux autres formes de bastides. Notamment trois des plus grands fondateurs : Alphonse de Poitiers, Eustache de Beaumarchès et Édouard Ier.

[modifier] Charte des coutumes

La fondation d'une bastide se fait par un certain nombre d'étapes :

  • choix de l'emplacement ;
  • choix du nom de la bastide. Les noms des bastides ont des noms forgés étymologiquement sur 5 racines :
    • du nom du sénéchal les ayant fondées : Libourne (du nom de Leyburn) ;
    • de l'autorité royale : Montréal ;
    • rappelant des villes extérieures : Grenade ;
    • ressemblant aux noms de villes plus anciennes (racines latines) ;
    • marquant leur origine ou leurs privilèges : Villefranche, La Bastide ;
  • suit le contrat de paréage entre les seigneurs co-propriétaires ;
  • enfin, la conception du plan de la ville.

Une fois ces étapes franchies la ville n'est toujours pas fondée. Il faut qu'une population vienne l'habiter. Il faut attirer des familles de paysans. Pour cela, il est établi une charte de coutumes, qui est en fait une liste de privilèges accordés aux habitants. Elle est d'ailleurs présentée ainsi, comme une suite de privilèges, accordés l'un après l'autre, comme si on en rajoutait de temps en temps pour attirer de nouveaux habitants, ce qui était sûrement d'ailleurs le cas.

Ces privilèges étaient de 3 sortes :

  • des allègements fiscaux,
  • des mesures judiciaires et
  • des mesures honorifiques.

Tous ces privilèges donnés aux habitants, l'égalité pour ce qui est de la distribution des terres et la quasi-égalité juridique dont bénéficient les nouveaux bourgeois peuvent faire apparaître les bastides comme des terres de liberté et d'égalité. Mais elles n'avaient pas du tout ce but-là. Elles ne cherchaient pas à remettre en cause le droit féodal, ni à créer un désordre. Il ne s'agit que d'ajustements locaux afin d'améliorer le rendement économique et fiscal de terres sous-exploitées.

Si les habitants paraissent libres, ils ne jouissent en fait que d'un régime économiquement libéral. S’ils paraissent égaux, ce n'est qu'une égalité des chances à leur installation. De toute façon, l'inégalité et l'absence de libertés individuelles proviennent surtout de l'état de la société médiévale.

D'ailleurs, pour permettre l'établissement de ces privilèges, les bastides ont dû refuser l'établissement en elles de classes ayant déjà des obligations ou privilèges, incompatibles avec ceux-ci. Ainsi, les serfs, les nobles et les religieux sont interdits d’installation dans la ville. Certains petits nobles vont préférer troquer leur titre de noblesse contre celui plus lucratif de bourgeois et faire don de leurs terres à la bastide.

Il n'existe pas non plus d'égalité entre les hommes et les femmes à l'intérieur de la bastide. Cependant, les femmes sont mentionnées dans les chartes de coutumes et ont certains droits reconnus même s’ils restent faibles. Par exemple :

  • dans la très grande majorité des bastides les hommes n'ont pas le droit de battre leur femme ;
  • la dot est réglementée et parfois obligatoire aussi pour les hommes.

Les lépreux ne sont pas bienvenus dans les bastides. Des léproseries les accueillent dans quelques bastides mais ils sont de toute façon exclus de la société. Ils sont obligés de porter un insigne montrant qu'ils sont malades et ils doivent vivre à part des personnes saines. La législation de la Gascogne entre 1290 et 1326 dit même : « Dans les bastides ou nouveaux villages où ne se trouve pas une léproserie, les lépreux ne peuvent recevoir l'aumône. »

Les juifs sont un autre groupe de personnes ayant souffert d'exclusion dans les bastides. Au début il n'y avait aucun problème. À Cologne, la rue des Juifs donnait même sur la place. Mais comme les lépreux, dans toute la France les juifs vont être pourchassés au XIVe siècle. Cela commence en 1306 lorsque le roi Philippe le Bel expulse tous les juifs du royaume, confisque et met en vente tous leurs biens.

[modifier] Évolution des bastides

Les bastides peuvent réussir et il en existe encore de nos jours. Mais elles peuvent aussi rater, se vider de leur population. Globalement les bastides ont connu trois périodes de sélection.

Dès l'origine, un bon nombre est éliminé. Les rescapées connaissent une croissance agricole et commerciale qui provoque des mutations profondes dans l'organisation du sud-ouest.

La guerre de Cent Ans et la persistance de l'insécurité oblige les bastides à s'équiper de murs. Les plus lentes dans cette course à l'équipement défensif sont rayées de la carte. Lorsque le calme revient, la région connait une prospérité inégale. La bourgeoisie s'affirme et c'est l'âge de l'ouverture des grands chemins. Ceux-ci favorisent bien évidemment les bastides implantées sur leur long.

Enfin, c'est aux XIXe et XXe siècles, lors de l'exode rural qu'a eu lieu la troisième et dernière période de sélection des bastides.

La taille de la bastide est fixée par le contrat de paréage mais en fait, elle se fait plus sur le terrain que dans les hautes sphères du pouvoir. Les bergers conduisent en effet les vaches et porcs dans les bois. Les rapports sont difficiles entre les éleveurs et les cultivateurs. Ces premiers mènent le troupeau du village et doivent pouvoir le défendre. On les choisit pour leur force, ils sont entourés de chiens et les villageois sont toujours prêts à leur prêter main forte contre les paysans des alentours.

[modifier] Bastides

Par départements (liste non exhaustive) :

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles de Wikipédia

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[modifier] Liens externes

[modifier] Bibliographie

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- BERNARD, Gilles, Les bastides du Sud-Ouest, Toulouse, Diagram, Impr. Bouquet, 1990, 40 p. : ill. coul., couv. ill. coul., 23 cm.

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- CALMETTES Claude (Agence),Le bâti ancien en bastide, coll. Connaissance de l’habitat existant, E.D.F., 1986, 134 p.

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- VERNEILH PUYRAZEA, Baron G. de, "Sur les bastides du Midi de la France", Congrès Scientifique de France, Bordeaux, 1861, t. II.

- Les Cahiers du Centre d'Etude des Bastides, Info bastide et La Gazette des Bastides, Publications du Centre d'Etude des Bastides, association loi 1901, 12200 Villefranche de Rouergue.

[modifier] Notes

  1. Robert Ducluzeau. Alphonse de Poitiers - Frère préféré de Saint Louis. La Crèche : Geste éditions, 2006. 239 p. ISBN 2-84561-281-8, p 150-153