Utilisateur:Aurevilly/Ethnie

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La définition de l'ethnie est liée à l'histoire des grandes explorations occidentales, puis de la colonisation. La nécessité de nommer des entités appartenant à des sociétés humaines inconnues, qu'on considérait souvent comme primitives, fut à l'origine de la création de ce mot.

On appelle ethnie un groupe d'êtres humains qui possède un héritage socio-culturel commun, en particulier la langue. Certains affirment que le mot est dérivé du grec έθνος qui signifie « toute classe d'êtres d'origine ou de condition commune ». D'autres pensent qu'"Ethnie", au sens anthropologique, vient d'ethnicos/ethnè et non d'"ethnos". Ethnos est une population frangmentaire sans organisation sociale/politique, sens inadapté pour les peuples africains. Ethnicos est une population restée à l'âge primitif, objet de fantasmes par les anthropologues, notion fondamentale en anthropologie et en historiographie européenne.

Depuis la deuxième moitié du XXe siècle, le mot tend aussi à être utilisé dans des analyses de la société occidentale, perdant ainsi son attache exclusive avec sa connotation « exotique ». Selon le dictionnaire le petit Robert : « l'ethnie française englobe notamment la Belgique walonne, la Suisse romande, le Canada français ».

Sommaire

[modifier] Histoire

La notion d'ethnie est très difficile à définir précisément pour l'anthropologie : à partir du grec ethnos on a inventé le mot ethnie, ses diverses significations, sa réification, les enjeux qui l’entourent, pour finalement aboutir à un « signifiant flottant ».

Le grec ethnos renvoie, par opposition aux chrétiens, aux peuples païens qu’on appelle d’abord peuple ou nation. En 1896 apparaît le français « ethnie » et les termes allemands ethnicum et ethnikos. Au début du siècle, « nation » correspond aux Etats de l’Occident ; « peuple » est « trop noble » (en français) pour les Sauvages (Taylor). « Race » est trop général car est basé sur des critères physiques.

« Ethnie », sorte de nation au rabais, se définit alors par des caractères négatifs et dans un contexte colonial. En France, le critère dominant est l’appartenance linguistique. La vision substantiviste (critiquée notamment par Frederik Barth, 1969) – selon laquelle une ethnie est une entité dotée d’une langue propre, d’une culture.. a un contenu spécifique particulier – est d’autant plus remise en cause que l’on peut observer des processus d’ethnification, c’est-à-dire de construction ou création d’ethnie.

Ainsi, pour l’Afrique, Jean-Loup Amselle et Elikia M'Bokolo ont montré que des ethnies supposées « traditionnelles » sont des créations coloniales semblables aux stéréotypes circulant dans les sociétés voisines. Dans cette continuité, on s’aperçoit que la cristallisation d’ethnies renvoie à des processus de domination politique, économique ou idéologique d’un groupe sur l’autre.

Ces ethnies, « patiemment déconstruites par les anthropologues sont devenues cependant des sujets, reprenant dans bien des cas à leur compte – soit par l’effet dialectique, soit parce qu’elles ne pouvaient exprimer autrement leurs revendications économiques et politiques – le discours ethnocide (…) employé à leur endroit par les dominants » (Taylor). Il y a donc un renversement : après avoir appelé « ethnies » des sociétés afin de les confiner dans un domaine distinct des sociétés dominantes, et donc que l’on a construites en tant qu’ethnies ( à travers un processus d’ethnification imposé de l’extérieur), l’ethnie se construit désormais de l’intérieur : l’ethnicité est devenue une valeur positive d’identité revendiquée et est même un enjeu important.

En Afrique, l'ethnie fait partie des nombreux non-dits de la vie sociale et politique. Aucun parti politique ne se réclame ouvertement d'une ethnie. Même les mouvements séparatistes préfèrent invoquer d'anciens découpages coloniaux (Erythrée, Somaliland, Cabinda, etc). En fait, on constate souvent que le recrutement et l'électorat d'un parti coïncident miraculeusement avec la répartition d'une ethnie. L'ethnie n'apparaît au grand jour que lorsqu'une faction dénonce le caractère "ethnique" et "antinational" de la faction adverse, le Rwanda étant un cas extrême. L'ethnie, c'est les autres...

Au contraire, l'ethnicité peut être revendiquée hautement par des groupes minoritaires qui n'ont pas les moyens matériels d'une revendication indépendantiste (par exemple, les Amérindiens) et qui cherchent à améliorer leur position dans un état existant, de préférence riche et démocratique. Par l’usage qui a été fait du terme ethnie et par son détournement se posent des questions nouvelles, car l’ethnie et l’ethnicité sont désormais repris et même revendiqués par les indigènes eux-mêmes (alors que ethnos / ethnie étaient des termes que les Occidentaux appliquaient sur d’autres groupes). Quelle est la valeur d’une ethnicité imposée ? Quelle est celle d’une ethnicité revendiquée ?


Pour Max Weber, l'ethnicité est le sentiment de partager une ascendance commune, que ce soit à cause de la langue, des coutumes, de ressemblances physiques ou de l'histoire vécue (objective ou mythologique). Cette notion est très importante sur le plan social et politique car elle est le fondement de la notion d'identité. Celle-ci peut entraîner des engagements extrêmes comme par exemple celui - principalement en Espagne - de l'ETA pour la reconnaissance politique d'un peuple basque.

[modifier] Vocabulaire associé

Certains mots ou néologismes sont directement hérités ou inspirés de la signification que revêt « ethnie » dans le vocabulaire des sciences sociales. Par conséquent, leur sens exact peut être difficile à cerner et peut varier d'un auteur à l'autre. En voici quelques-uns fréquemment rencontrés en Sciences humaines et sociales :

  • ethnogénèse : ensemble des faits et des idées qui concourent à la formation d'un peuple, en tant qu'ensemble d'individus partageant le sentiment d'une identité commune.
  • ethnohistoire : (au singulier et avec une épithète) histoire d'une ethnie, en tant qu'identité : ce qui ce qui fait le caractère d'un peuple. Dans la longue durée : Histoire de la formation des peuples, des identités. Peut aussi signifier l'emploi de concepts et de techniques issues de l'Ethnologie en Histoire.
  • ethnique est en marketing considéré comme un mot porteur, évocateur de voyages lointains et par conséquent connoté à une image de revenu, de loisirs et éventuellement de culture. Les campagnes y font donc volontiers référence de façon soit directe, soit indirecte (Benetton).

Autres mots associés :

  • ethnos : synonyme didactique d'ethnie.
  • ethnisme :
  1. ensemble de liens qui réunissent des groupes d'individus ayant un patrimoine socio-culturel commun, particulièrement la langue.
  2. qualifie la catégorisation arbitraire, sur la base de particularités sociales et au prétexte non scientifiquement fondé de différences d'origines raciales et/ou géographiques. Ce terme a été utilisé dans cette acception à propos de la Côte d'ivoire, l'ethnisme de "l'ivoirité", et à propos du Rwanda et du Burundi (cf. Le défi de l'ethnisme de l'historien Jean-Pierre Chrétien, qui rassemble des conférences qu'il a faites à partir de 1990).

[modifier] Catégorisation d'une population d'après l'appartenance ethnique

Certains pays recensent leur population suivant des critères ethniques, pour la détermination d'un régime fiscal ou l'application de mesures d'affirmative action, c.-a-d. « discrimination positive » ou à la suite de l'administration coloniale qu'ils ont subit; par exemple :

Par contre, alors que cette catégorisation a suivi la même genèse qu'au Burundi, le Rwanda dans sa nouvelle constitution de 2003, a abandonné toutes références ethniques aux Hutu, Tutsi et Twa et a pris des dispositions pour que cet usage soit illégal.

Le régime soviétique, imité par les régimes communistes chinois, yougoslave, etc, a pratiqué un classement de la population par "nationalités" correspondant en fait au concept d'ethnie. La "nationalité" figure sur le passeport et a un certain nombre d'implications légales. Ce système existe toujours en Chine, où la langue distingue entre "renmin" (peuple au sens social de classe populaire), "guomin" (nation au sens d'état-nation)et "minzu" (nationalité/ethnie).

[modifier] Utilisation idéologique du concept d'ethnie

Voir article détaillé Utilisation idéologique du concept d'ethnie

[modifier] Bibliographie

Taylor, Anne-Christine, 1991, Ethnie, Dictionnaire de l’ethnologie et de l’anthropologie, sous la direction de P. Bonte et M. Izard, Paris : PUF.

[modifier] Voir aussi