Allocation universelle

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L'Allocation universelle désigne le versement d’un revenu unique à tous les citoyens d'un pays, quels que soient leurs revenus, leur patrimoine, et leur statut professionnel : ce revenu permettrait à chaque individu de satisfaire ses besoins « vitaux » (se nourrir, se loger, se vêtir, voire acquérir certains biens culturels de base), et laisserait l'individu libre de mener ensuite sa vie comme il l'entend. Existant depuis 1976 en Alaska, où il est financé par les revenus du pétrole, considéré comme une ressource naturelle et donc un bien commun, il est parfois aussi appelé « revenu social garanti », « revenu universel », « revenu d'existence », ou revenu citoyen lorsqu'il est financé par la redistribution des revenus issus des ressources naturelles. Le concept d'une allocation universelle est défendue par des économistes et des philosophes appartenant à tous les bords politiques, des libertariens aux écologistes et aux socialistes.

Ce revenu serait :

  • inaliénable et inconditionné (contrairement au workfare conditionnant l'allocation à la recherche d'un emploi)
  • cumulable avec des revenus issus du travail ;
  • versé aux individus et non au ménage, ce qui favoriserait l'autonomie de l'élément le plus faible dans le ménage, contrairement aux minima sociaux ;

Le concept d'allocation universelle est né d'une réflexion philosophique face au défi posé par la pensée libertarienne à la Théorie de la justice (1971) soutenue par John Rawls[1]. L'un de ses défenseurs, Philippe Van Parijs, affirme ainsi qu'elle est un moyen de soutenir, d'un point de vue de gauche, une position « réal-libertarienne » qui défendrait une liberté réelle (et non pas simplement formelle comme elle le reste pour les auteurs libertariens classiques) maximale pour tous, c'est-à-dire, en accord avec le principe rawlsien de différence, avec la liberté réelle maximale pour les plus faibles[1]. Selon Van Parijs, elle permettrait à chacun de disposer des libertés possibles les plus étendues qu'il soit, en permettant à la fois à chacun de se vendre sur le marché du travail s'il le désire ou d'agir autrement s'il le préfère[1].

Le principal atout du concept d'allocation universelle est en effet de supprimer d'une part les effets de trappe à inactivité, et d'autre part, en étant inconditionné, de ne pas restreindre la liberté individuelle de ne pas travailler et, en accord avec le principe du respect de soi de Rawls, de ne pas stigmatiser les bénéficiaires de l'allocation. En effet, les aides sociales actuelles sont diminuées voire supprimées lorsque les revenus du travail augmentent, pouvant conduire dans certains pays (en France par ex.) à des situations absurdes où l’individu a parfois financièrement intérêt à ne pas accepter un travail (cas principalement des emplois à temps partiel). D'un autre côté, des allocations telles que le Revenu de solidarité active (RSA) permettent, en principe, d'éviter les effets de seuil conduisant à des situations de working poor, mais n'évitent pas le second écueil, puisqu'elles portent atteinte, selon Parijs, au respect de soi et à la liberté individuelle en obligeant son bénéficiaire à chercher un travail, et donc à se dédier à des activités rénumérées par le marché du travail plutôt qu'à d'autres activités bénévoles ou jugées non rentables.

Sommaire

[modifier] Présentation complémentaire du concept

L'allocation universelle est un revenu de base versé à tous, sans aucune obligation d'activité, et d'un montant permettant d'exister et de participer à la vie de la société. Tous les autres revenus individuels (en grande majorité les revenus du travail) se rajoutent à ce revenu minimal.

Plusieurs modèles d'allocations de base sont envisageables, permettant de satisfaire une quantité de besoins plus ou moins grande. On pense généralement à des montants compris entre 100 et 1000 euros par mois. On avance en Allemagne des montants allant jusqu’à 2 000 € par mois[2].

La situation des personnes bénéficiant actuellement d’aides sociales serait peu modifiée : ces personnes payeraient désormais des impôts, d’un faible montant, et toucheraient une allocation un peu supérieure à leurs revenus d'assistance actuels. La désincitation au travail étant supprimée, une partie de ces personnes reprendraient un travail (diminution du chômage volontaire).

L’imposition pesant sur le reste des individus augmenterait, mais le revenu total de ces individus augmenteraient également avec la perception de l’allocation universelle, pour un effet globalement assez neutre.

[modifier] Financement

Certains[réf. souhaitée] considèrent que l’allocation universelle devrait être alimentée par un prélèvement économiquement le plus neutre possible, en particulier pour ne pas peser de façon trop ciblée sur le coût du travail, afin de préserver la compétitivité de la zone concernée. Le financement d’une allocation universelle telle qu’elle est présentée ci-dessous ne serait pas problématique.

Le financement de cette allocation universelle se ferait notamment par une imposition sur les revenus et sur la consommation (TVA). Ainsi, tous les ménages, y compris les plus pauvres, payeraient un impôt. D'une manière générale, il n'y a pas de raison de créer un impôt spécifique pour financer l'allocation universelle : il suffit de la faire financer par l’État selon le principe de non affectation des ressources aux dépenses.

En Allemagne, selon le modèle du président du conseil des ministres de Thuringe, Dieter Althaus (CDU), l'allocation universelle coûterait annuellement à l’État 583 milliards d'euros alors que le système actuel d'aide sociale coûte en 735 milliards. Donc l'allocation universelle selon le modèle "althausien" serait moins coûteuse pour les finances publiques que le système actuel[3].

Le montant de l'allocation universelle ne peut atteindre la valeur du PIB par habitant, ni même s’en rapprocher (en France, de l'ordre de 2300 euros par mois en 2006[4]). En effet, on ne peut redistribuer qu'une somme inférieure, et même très inférieure, à celle de la richesse produite dans le pays, ainsi que le montre la courbe de Laffer.

Les partisans de l'allocation universelle qui souhaitent lui attribuer un montant faible veulent qu'elle soit identique pour tous les êtres humains résidents, alors que ceux qui souhaitent lui attribuer un montant très élevé ne visent qu'une partie de la population (généralement les seuls adultes), ou prévoient plusieurs montants différents, par exemple en fonction de l'âge, le montant indiqué étant le plus élevé de la liste.

[modifier] Origine historique du concept

Le sénateur brésilien Eduardo Matarazzo Suplicy (PT) cite comme ancêtres de ce concept Thomas More, l'auteur d'Utopia (1516), son contemporain Juan Luis Vives dont la réflexion inspira les Poor Laws, Thomas Paine à l'époque de la Révolution américaine, et l'anglais Thomas Spence, qui mêla les réflexions de Paine à celles du socialiste utopique Charles Fourier [5]. Dans son livre Agrarian Justice (1796), Paine évoqua l’idée d’une dotation inconditionnelle pour toute personne (homme ou femme) accédant à l’âge adulte et d’une pension de retraite inconditionnelle à partir de 50 ans. Une autre description connue de l'allocation universelle date de 1848 avec la publication de la Solution du problème social ou constitution humanitaire du philosophe belge Joseph Charlier, inspiré par Fourier [5]. L'utilitariste John Stuart Mill a aussi défendu le concept d'une allocation universelle, dans sa seconde édition des Principes d'économie politique, de même que Condorcet, Bertrand Russell ou le Prix Nobel James Edward Meade [5].

On a souvent justifié l'allocation universelle comme contrepartie à la propriété privée de la terre. Le philosophe anglais John Locke justifiait en effet l'appropriation de biens communs (comme la terre) et donc le droit de propriété en déclarant, entre autre, que seul un propriétaire privé aurait intérêt à la mettre en valeur, puisque selon Locke, le droit de propriété s'applique uniquement au produit de son travail. Cependant, privatiser une terre implique d'exclure les autres êtres humains de l'accès aux ressources naturelles, si bien que, selon la « clause lockéenne », la justice commande d'indemniser les gens pour la perte de leur droit à se livrer à des activités telles que la chasse, la pêche, la cueillette ou encore l'extraction des ressources naturelles minérales.

En effet, la « clause lockéenne » exige que, lorsque quelqu'un s'approprie un objet, il doit en rester, selon la formule de Locke, « suffisamment et en qualité aussi bonne en commun pour les autres » [6]. En d'autres termes, quelqu'un n'a pas le droit de s'approprier l'unique source d'eau dans un désert. Pour contourner ce problème, Robert Nozick affirmer ainsi que, dans un tel cas, l'appropriation originelle d'un bien commun ne peut se faire qu'à condition de compenser les autres utilisateurs « de telle sorte que leur situation ne se détériore pas par elle-même » [7].

[modifier] Partisans du concept

L’allocation universelle est « défendue sous des appellations et pour des motifs divers par des universitaires et des militants, des hommes d’affaires et des syndicalistes, des formations politiques de droite et de gauche, des mouvements sociaux et des organisations non gouvernementales, l’allocation universelle a bénéficié de l’appui d’étranges coalitions et suscité de féroces oppositions. »[8] Elle est défendue aussi bien par des altermondialistes que par des libertariens.

Le Prix Nobel d'économie Milton Friedman, fondateur du monétarisme et critique du keynésianisme, défendait l'idée dans Capitalisme et liberté (1962). Il s'agissait pour lui d'éviter l'effet pervers de la solution – dirigiste, bureaucratique et peu transparente dans ses utilisations – d'un empilement d'allocations sociales créant, selon lui, un esprit d'« assistanat », voire de mendicité, plutôt que de matérialiser un droit inhérent de la personne. Il proposait de mettre en place cette proposition par l'introduction de l'impôt négatif sur le revenu, couplé à un impôt à taux unique[9].

En 1968 Robert Lampman, Harold Watts, James Tobin, John Kenneth Galbraith, Paul Samuelson et plus de 1 200 économistes de bords politiques différents ont envoyé au Congrès américain une pétition en faveur d'un programme de revenu garanti [5]. Une loi failli passer sous Nixon [5], et la mesure était aussi défendue par Martin Luther King [5]. Le rival de Nixon à la présidentielle de 1972, George McGovern, conseillé par James Tobin et Robert Solow, proposait aussi d'instaurer un revenu inconditionnel [5]. Un impôt négatif, attribué aux seules familles qui travaillaient, a été mis en place en 1974 [5]. Le Royaume-Uni a fait de même en 2000 avec le Family Tax Credit [5].

[modifier] Partisans en France

Le revenu universel garanti est soutenu aussi bien à droite qu'à gauche, les modalités de sa mise en oeuvre distinguant les diverses propositions. La droite propose notamment un revenu nettement inférieur à celui proposé à gauche.

  • Alternative libérale, défend ce concept[10] en y voyant un moyen de faciliter « la prise de risque, l’initiative », et de supprimer le système actuel d’aide social « absurde et inefficace » qui favorise le clientélisme électoral. Il s'agit d'une des propositions majeures du parti, qui reprend dans ses grandes lignes la conception hayekienne. Le programme d'Alternative libérale précise que le montant du «revenu d'existence» sera mensuellement de 100 euros pour un mineur et de 500 pour un majeur. Alternative Libérale défend ainsi l'idée d'un montant différencié pour les majeurs et les mineurs.
  • Le « Dividende Universel » est une proposition prioritaire du programme politique de Christine Boutin. La formule était « du berceau à la tombe »[11] et le montant de 300 euros par mois.
  • Le Parti fédéraliste français indique à l'article 1er de sa charte [12] « Considérant que toute personne a droit à un revenu minimum vital, nous sommes partisans de la mise en place d'un revenu universel de citoyenneté ».
  • Le journaliste Ignacio Ramonet a parlé, en 2000, de la nécessité d'« établir un revenu de base inconditionnel pour tous », couplé à l'instauration de la taxe Tobin et du démantèlement des paradis fiscaux [13].
  • L'écologiste André Gorz, après y avoir été opposé, s'est rallié à cette idée dans ses tous derniers ouvrages [15]. L’allocation universelle serait basée en partie sur le concept de revenu citoyen.
  • L'écologiste Yves Cochet a inscrit l'établissement d'un revenu d'existence dans la profession de foi de sa candidature à l'investiture pour l'élection présidentielle française de 2007[16]. Il précise : «Le revenu d’existence est universel, reçu par tous sans plafond de ressources, mais imposable et donc entièrement récupérable sur les riches par la fiscalité».
  • Jacques Duboin a proposé un revenu universel mais dépendant de l'âge de la personne.

[modifier] Mise en place, expériences réalisées

[modifier] Alaska

L'Alaska a mis en place une forme, très particulière, d’allocation universelle, le revenu citoyen, basé sur les revenus miniers et pétroliers de la région.

[modifier] Royaume Uni

[modifier] Gouvernements étudiant cette possibilité

  • Au Brésil, la loi 10 835, approuvée sous le gouvernement Lula, prévoit d'étendre progressivement l'application du Bolsa Familía Program (créé en 2003) jusqu'à instauration complète d'une allocation universelle [5] [17] ; en février 2008, près d'un tiers de la population brésilienne bénéficiait de ce programme [17]
  • Le gouvernement catalan en étudie la faisabilité[réf. souhaitée] ;
  • Des membres du Congrès américain ont proposé la mise en place d’un tel revenu, en Irak, sur le modèle de l'Alaska Permanent Fund [17]. Soutenu par l'envoyé de l'ONU Sérgio Vieira de Mello et la Banque mondiale, la mesure a été suspendue depuis la mort de Mello [5].
  • Le dispositif est expérimenté en Namibie [18].
  • Il a aussi été expérimenté dans les années 1970 à Dauphin-ville (Manitoba) au Canada [19].

[modifier] Effets positifs de l'allocation universelle

Les répercussions positives d’une allocation universelle seraient :

  • vu l'absence de prise en compte des situations individuelles, l'aide étant universelle et inconditionnelle, il n'y a pas l'effet pervers de tout autre système, c'est-à-dire l’existence d'ayants droit ne touchant pas l'aide parce qu'ils ignorent l'existence de celle-ci, ou ne sachant pas qu'ils y ont droit, ou étant dans l'incapacité de prouver que leur situation leur donne droit à l'aide ; par ailleurs, la sphère privée en serait protégée. C'est ce caractère universel, inconditionné et individualisant de l'allocation universelle qui la distingue de l'impôt négatif proposé par Milton Friedman. Selon Ph. Van Parijs,

« Il est important, par conséquent, que le revenu minimal garanti puisse assurer la maximisation de la liberté réelle dans ses dimensions de revenu et de pouvoir sans porter atteinte à ce respect de soi, minutieusement décrit dans la Théorie de la justice (section 67) comme le contraire de la honte. Pour cela, il est essentiel qu'il soit attribué sous une forme qui n'en stigmatise pas, n'en humilie pas les bénéficiaires et qui se fasse donc, en particulier, sans contrôle des ressources (contrairement à ce qui se passe, par définition, en cas d'impôt négatif) et sans contrôle de la vie privée (requis pour vérifier, par exemple, le statut d'isolé ou de cohabitant.[20] »

  • suppression des postes de fonctionnaires chargés du contrôle de la situation des bénéficiaires : aucun critère n'étant requis pour en bénéficier, ces postes deviennent inutiles. D'où soit réduction du nombre de fonctionnaires, soit ré-assignation de ceux-ci à d’autres tâches ;
  • une forte diminution du chômage est escomptée ; par ailleurs, une proportion plus ou moins grande de la population déciderait que l'allocation universelle leur suffit et cesserait de chercher un emploi, favorisant ainsi le temps libre et les activités artistiques, philosophiques voire scientifiques, ainsi que le bénévolat ;
  • réduction de l’incertitude sur les revenus futurs ;
  • mise en valeur des horaires réduits : puisque travailler est une contrainte moins forte, réduction du temps de travail pour ceux qui le souhaitent ;
  • effet de cercle vertueux : réduction des cotisations sociales car diminution du nombre de chômeurs ;
  • pour la France, amélioration de la situation des moins de 25 ans, qui n’ont actuellement pas droit au RMI ;
  • plus grande égalité des chances entre étudiants, si certains doivent travailler pendant leurs études ;
  • évolution de la relation contractuelle entre les salariés et leur employeur, plus aucun salarié n'étant dans la situation de devoir accepter n'importe quel emploi pour gagner de quoi vivre : les salariés peuvent plus librement négocier leur contrat, ce qui conduirait à la suppression des « mauvais emplois » [21]

[modifier] Suppression des désincitations au travail

L’idée sous-jacente est de réduire l’assistanat, c’est-à-dire les effets désincitatifs des systèmes d’aides actuels qui découragent les individus à travailler, le jeu n’en valant pas la chandelle. En effet, les aides sociales actuelles sont diminuées voire supprimées lorsque les revenus du travail augmentent, pouvant conduire dans certains pays (en France par ex.) à des situations absurdes où l’individu a parfois financièrement intérêt à ne pas accepter un travail (cas principalement des emplois à temps partiel).

En France, c'est le cas par exemple des bénéficiaires du Revenu minimum d'insertion (RMI) qui encourent la perte de leur allocation s'ils se mettent à travailler comme salariés à temps partiel ou s'ils se lancent dans une activité professionnelle non salariée, même si celle-ci n'est pas immédiatement rémunératrice (ce que l' expérimentation récente du projet de Revenu de solidarité active initié par Martin Hirsch tend à compenser).

[modifier] Instauration d’un revenu pour tous

L’allocation universelle a, selon la majorité de ses défenseurs, vocation à remplacer toutes les aides sociales.

Les revenus issus du système d’aide sociale actuel varient en fonction de particularités individuelles ; en France, on ne peut pas toucher le RMI avant l’âge de 25 ans, l'accès aux habitations à loyer modéré (HLM) est très disparate et répond davantage à des logiques électoralistes des maires et députés qu’à une prise en compte des véritables besoins.

L'aide sociale actuelle est destinée surtout à venir en aide aux personnes qui sont pauvres car elles ne sont plus productives (les vieux et les infirmes). En revanche, il n'existe pas réellement de dispositif pour aider ceux qui sont pauvres parce qu'ils ne sont pas encore productifs (les jeunes et les immigrés peu qualifiés), alors que selon les économistes, il serait profitable pour le pays de permettre leur entrée sur le marché du travail.

L'allocation universelle a vocation à remplacer le système du quotient familial[réf. souhaitée]. En effet, ce système permet aux familles d’avoir, pour un nombre donné d'enfants, une réduction de leur impôt sur le revenu d’autant plus élevée en valeur que leurs revenus et donc leurs impôts sont élevés. Cette réduction d’impôts équivaut en fait à une allocation, laquelle profite en valeur absolue davantage aux familles riches (mais pas en proportion des impôts payés).

L’allocation universelle n’a en revanche guère ce défaut de favoriser les riches et est un bon moyen de concevoir une politique familiale nataliste.

D'autre part, l'allocation universelle est souvent justifiée par des arguments moraux. Ses partisans invoquent en effet la dignité humaine, qui serait mieux préservée grâce à cette allocation :

  • l'allocation universelle mettrait fin au problème des personnes en « fin de droits » d’allocations chômage. De plus, le versement d’allocation chômage joue un effet désincitatif évident puisqu’il est conditionnée à la non-reprise d’un travail : certains individus attendent l’épuisement des versements d’aide pour chercher un emploi.
  • la surveillance des personnes bénéficiant d'allocations chômage (pour vérifier que la personne cherche effectivement un emploi) peut être vécue comme une atteinte à la vie privée pouvant provoquer des humiliations et du stress[22].
  • l’allocation universelle permettrait de transformer profondément l’aide aux pauvres. Cette aide est organisée aujourd’hui de deux façons : soit on subventionne des services destinés aux pauvres, par application du principe selon lequel l’État saurait mieux que les pauvres ce dont ils ont besoin, soit on accorde des allocations aux pauvres à la condition qu’ils accomplissent certaines tâches, par application du principe selon lequel l’État saurait mieux que les pauvres ce qu’ils doivent faire. Dans les deux cas, il s’agit véritablement d’une forme d'infantilisation, c'est-à-dire un grand mépris des pouvoirs publics envers la sagesse des citoyens, comme si les citoyens n'étaient que des moutons destinés à être dirigés par un bon berger (à savoir l'administration publique).

[modifier] Stimulation de la prise de risque

L’allocation universelle jouerait selon certains de ses partisans comme un filet de sécurité favorisant la prise de risque individuelle, et le lancement dans des projets non-rentables à court terme[10].

[modifier] Progressivité de l'imposition

L’allocation universelle est totalement compatible avec une imposition progressive, c’est-à-dire une imposition où le taux d'imposition augmente avec les revenus (les revenus élevés paient davantage, non seulement en valeur absolue, mais aussi en proportion de leurs revenus).

De fait, l'allocation universelle serait perçue par tous et les impôts seraient payés également par tous, en fonction des revenus, ce qui rapprocherait l'imposition d’un principe d'égalité devant l'impôt entre les citoyens. Certains (les plus pauvres) recevraient plus qu'ils ne paieraient et les autres (les moins pauvres) paieraient plus qu'ils ne recevraient.

Lorsqu’elle est couplée à un impôt sur le revenu à taux unique, le taux d'imposition effectif des ménages est progressif, sans effet de seuil. Le taux d’impostion moyen sur les revenus est de plus en plus élevé, la limite maximale de ce taux moyen étant le taux nominal de l'impôt.

Pour expliquer cela de façon un peu mathématisée, disons que si la personne

a un Revenu Brut (avant impôt et allocation universelle),
paye sur son Revenu Brut un impôt sur le revenu au taux Taux nominal,
perçoit l'Allocation Universelle,

alors

elle paye à l'État le montant Revenu Brut * Taux nominal
et elle reçoit en même temps de l'État le montant Allocation Universelle

au final

on peut calculer un Taux d'Imposition équivalent appliqué aux revenus bruts.

[modifier] Taux d'imposition équivalent

Appelons Impôt Equivalent le solde total net des montants dus aux administrations publiques par le contribuable, moins le montant de l'allocation universelle versée au contribuables (ce solde peut être positif ou négatif).

Appelons Taux d'imposition Equivalent le rapport entre ce montant et les revenus bruts.

Par définition, on a
Impot Equivalent = Revenu Brut * Taux nominal − Allocation Universelle.

Donc
\text{Taux d Imposition Equivalent}=\frac {\text{Impot Equivalent}} {\text{Revenu Brut}} = \frac {\text{Revenu Brut * Taux nominal} - \text{Allocation Universelle}} {\text{Revenu Brut}}.

On a donc
\text{Taux d Imposition Equivalent} = \text{Taux nominal} - \frac {\text{Allocation Universelle}} {\text{Revenu Brut}}.


[modifier] Personne à faible revenu

Une personne pauvre a un Revenu brut peu élevé, c'est-à-dire que pour elle :

Revenu Brut * Taux nominal < Allocation Universelle.

Cette situation a lieu si son revenu vérifie \text{Revenu Brut } < \frac {\text{Allocation Universelle}} {\text{Taux nominal}}.

Son taux d'imposition équivalent est négatif (elle reçoit plus d'argent qu'elle n'en paye), et vaut :
\text{Taux d Imposition Equivalent} = \text{Taux nominal} - \frac {\text{Allocation Universelle}} {\text{Revenu Brut}} < 0.


[modifier] Personne à taux d'imposition équivalent nul

Dans ce cas, Revenu Brut * Taux nominal = Allocation Universelle.

Cette situation a lieu si son revenu vérifie
\text{Revenu Brut} = \frac {\text{Allocation Universelle}} {\text{Taux nominal}}.

La personne reçoit une allocation universelle, et paye un impôt du même montant. Son revenu net sont donc égal à son revenu brut.

Taux d Imposition Equivalent = 0.


[modifier] Personne aux revenus élevés

Une personne dont les revenus bruts sont élevés devra payer des impôts d'un montant plus élevé que le montant reçu grace à l'allocation universelle, c'est-à-dire que pour elle :

Revenu Brut * Taux nominal > Allocation Universelle.

Cette situation a lieu si son revenu vérifie
\text{Revenu Brut} > \frac {\text{Allocation Universelle}} {\text{Taux nominal}}.

En définitive, tout se passe pour une telle personne riche comme si elle payait un impôt de montant Revenu Brut * Taux nominal - Allocation Universelle.
Son taux d'imposition équivalent est une fonction croissante de ses revenus bruts :

\text{Taux d Imposition Equivalent} = \text{Taux nominal} - \frac {\text{Allocation Universelle}} {\text{Revenu Brut}} > 0.

Plus les revenus bruts augmentent, plus le taux d'imposition équivalent est élevé.

[modifier] Quelle perception vis-à-vis d'un versement d'argent aux personnes à revenus élevés ?

Remarquons également que du point de vue économique il fait regarder l'impôt équivalent versés par chaque individu ou ménage ; du point de vue de la perception psychologique des individus, il est possible que le versement de l'allocation unversiselle à des personnes déjà « riches » soit mal perçu.

Cependant, la mise en place de l'allocation universelle coïncidera (selon les schémas envisagés) avec une augmentation des impôts versés par les riches, qui au final ne seront pas gagnants.

[modifier] Répercussions négatives

  • si les mineurs ne percoivent pas d’allocation universelle (même plus faible), les familles biparentales seraient favorisées par rapport aux familles monoparentales ;
  • réduction possible de l'offre de travail (c'est-à-dire de la quantité de personnes, qui, au sein de la population en âge de travailler, souhaitent travailler), donc diminution du niveau de PIB ;
  • possibilité d'institutionnalisation d'une culture de paresse ;
  • diminution possible du nombre de bénévoles (qui sont souvent des bénéficiaires de minima sociaux, qui reprendraient un travail) ;
  • l'uniformité de ressources financières ne résolvant pas la prise en considération de cas d'espèces (handicapés,...), des systèmes compensatoires de prestations sociales ou subventions resteraient nécessaires.
  • Ne tiendrait pas compte des différences de pouvoir d'achat au sein d'un même État. Vivre avec 2000€ à Paris n'implique pas le même niveau de vie que vivre avec cette même somme en Auvergne.

[modifier] Travail non imposable

La particularité du revenu universel d'être cumulée avec les revenus implique qu'une tranche de la population bénéficiera de cette aide tout en travaillant, mais ne sera pourtant pas ou que peu imposable. Selon la situation antérieure, ce fait mène à un surcoût que détaille ce schéma :

image:cumul allocation revenus.svg

  • y+ représente, avant allocation universelle, le revenu brut maximal non imposable. Au-delà de ce seuil de revenus les travailleurs participent à la collecte nationale par le biais de l'impôt sur le revenu.
  • la droite rouge représente la situation des revenus après mise en place de l'allocation. Si des travailleurs bénéficient de revenus tout en jouissant de cette aide universelle, ils pourront bénéficier d'un revenu net qui dans la situation antérieure aurait été imposé. Tant que leur revenus ne dépassent pas y*, le revenu net (salaire + allocation - impots) sera supérieur au salaire.

[modifier] Nécessité de prendre en compte les cas des familles monoparentales et biparentales

Beaucoup de pays appliquent une aide économique aux personnes pauvres qui tient compte de la situation familiale de la personne en difficulté (cas du RMI pour la France, qui varie fortement). Ainsi, proportionellement, la personne en couple touche moins d'aides que la personne seule, en raison des économies d'échelles réalisées par la vie en ménage.

Dans le cas où le niveau d'aide économique reçu par un foyer monoparental est inchangé, la mise en place de l'allocation universelle augmenterait les revenus des foyers biparentaux pauvres (et le coût total serait plus élevé).

Cet effet peut être corrigé par une modification du taux d'imposition des ménages en fonction de leur caractéristique. Le surcoût ne perdurerait donc que pour les ménages non imposables.

[modifier] Critiques

Les opposants de l'allocation universelle, eux, arguent que chacun a le devoir moral de contribuer dans le cadre de ses possibilités et aptitudes personnelles au bien-être de la société, et voient dans l’allocation universelle, si elle est trop élevée, une exhortation à l’inactivité et à l’égoïsme. Certains libéraux jugent immoral le concept de revenu versé sans réciprocité[23].

[modifier] Notes et références

  1. abc Philippe Van Parijs, Qu'est-ce qu'une société juste? Introduction à la pratique de la philosophie politique, Le Seuil, 1991, pp. 211-239 (en particulier pp.211-216, « L'allocation universelle la plus élevée possible ».
  2. voir (de) Sozialhilfe (Deutschland) et assistance chômage type II
  3. « Allemagne : allocation citoyenne demandée par Dieter Althaus », article sur Wikinews
  4. 1792 milliards d'euros pour 65 millions d'habitants
  5. abcdefghijkl Eduardo Matarazzo Suplicy (sénateur du PT-SP), Citizen’s Basic Income: The Answer is Blowing in Wind, 2006
  6. Philippe Van Parijs, Qu'est-ce qu'une société juste? Introduction à la pratique de la philosophie politique, Le Seuil, 1991, p.142
  7. Robert Nozick, Anarchie, État et utopie, 1974, p.178 éd. originale, 223 trad. française, cité par Van Parijs, 1991, p.143
  8. présentation du livre L'allocation universelle.
  9. Milton Friedman, Capitalisme et liberté, chap. 12
  10. ab programme économique, Nouvelle donne sociale, section Pour un revenu de liberté.
  11. Le Figaro 2003-09-30
  12. Charte du Parti fédéraliste
  13. Ignacio Ramonet, L’aurore, Le Monde diplomatique, janvier 2000
  14. Séminaire de la revue Multitudes sur le revenu garanti avec Yves Cochet, juin 2006
  15. André Gorz, Revenu garanti et postfordisme, Ecorev, 1er décembre 2006
  16. profession de foi d'Yves Cochet et question débattue chez les Verts
  17. abc Lettre du Basic Income Network janvier 2008
  18. Basic Income Grant Coalition in Namibia
  19. Researchers examine 'town without poverty', CBC, 5 décembre 2005
  20. Philippe Van Parijs, Qu'est-ce qu'une société juste? Introduction à la pratique de la philosophie politique, Le Seuil, 1991, pp. 214 (section « L'allocation universelle la plus élevée possible »). Van Parijs indique, en note, que « les atteintes à la dignité impliquées par un système de revenu minimal garanti impliquant pareils contrôles sont bien mises en lumière par François Ost », in « La théorie de la justice et le droit à l'aide sociale », section II.2, in Individualisme et justice sociale. A propos de John Rawls (C. Audard, J.-P. Dupuy et R. Sève éd.), Paris, Editions du Seuil, 1988, pp.245-275
  21. [L'allocation universelle par Yannick Vanderborght et Philippe Van Parijs], Alternatives économiques, mai 2005
  22. interview de Yannick Vanderborght, rédacteur de L'allocation universelle
  23. L’Immoralité de l'allocation universelle, Alain Wolfesperger, professeur à Sciences Po.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

[modifier] Bibliographie

[modifier] Liens externes